Tu les a tués. 
Thésée grogna une nouvelle fois face à cette pensée obsessive. 

Ça faisait plus de vingt-quatre heures qu'il avait quitté le labyrinthe, vingt-quatre heures qu'il avait laissé Percy, Annabeth, Piper, Grover, Léo, Frank et Nico dans le dédale alors que tout s'effondrait. 
Il avait trouvé la sortie du labyrinthe et avait couru le plus loin possible de cet enfer, toujours plus vite, sans se retourner une seule fois. Il était ressorti exactement à l'endroit même où ils étaient entrés, et le soleil pointait à l'horizon. 
Foutu dédale. Il avait perdu une nuit entière dans les souterrains. 

Il avait hésité à entrer dans l'hôtel. Le déchirement qu'il ressentait dans son cœur le poussait à oublier sa vie et finir ses jours dans ce casino, sans problèmes, sans douleur.
Mais il repensa à ce qu'il avait découvert juste avant le drame : l'arme qu'il lui fallait était un arc. Une ceinture qui se trouvait à Seattle. 

Thésée ravala le sentiment qui grandissait en lui, celui qu'il s'était juré de ne plus jamais ressentir, pour qui que ce soit. 
Piper est morte. 
Thésée secoua vivement la tête et chassa ses pensées obsessives. Il le fallait, il n'avait pas eu le choix ! C'était lui ou la mort. Il n'allait tout de même pas se sacrifier pour des personnes qu'il avait rencontrés il y a deux minutes, si ? 

Le grondement du labyrinthe résonna sous ses pieds. Il ne perdit plus de temps et prit ses jambes à son cou.
Direction Seattle. 
Obtenir un moyen de locomotion n'était pas une chose difficile pour Thésée. Il suffisait seulement d'utiliser ses charmes et ses beaux yeux combinés avec ses pouvoirs et le tour était joué. Ce qui l'inquiétait pendant tout le voyage, c'était les monstres qu'il allait devoir encore affronter. 
Mais à chaque fois qu'il y pensait, Thésée se souvint qu'il était seul. Il n'y avait plus de demi-dieu avec lui qui attirait tous les monstre sur des kilomètres à la ronde.
Non, il n'y avait plus que lui, lui-même et lui-même. Comme au bon vieux temps. 

Thésée cramponnait le volant entre ses longs doigts et se forçait à rester concentré sur la route. Il avait allumé la radio, car le silence le faisait divaguer vers des pensées bruyantes, et ça faisait longtemps qu'il n'avait pas écouté de la bonne vieille musique. 
Chewing-gum dans la bouche, Take on me qui passait dans les enceintes, et on retrouva le Thésée comme on le connaissait.

Entre deux bouchons, le garçon jetait un œil à son sac, posé place passager, et observait la fourrure rousse qui en dépassait. 
Thésée n'aurait pas su dire comment il avait récupéré la peau de carachos pendant son évasion. Ses instincts avaient dû prendre le dessus, comme d'habitude. 
Et puis, regarder cette fourrure l'aidait à penser à l'avenir. Rien que de savoir qu'il était en chemin pour trouver l'identité de son père et enfin avoir ce qu'il mérite l'emplissait d'excitation.
C'est bon, il n'était plus sur la borne de départ, il était déjà loin devant, proche de l'arrivée, comme il l'avait toujours rêvé. 

Le Soleil commençait sa chute à travers le ciel, et Thésée sut qu'il avait conduit toute la journée sans s'arrêter une seconde.
Et il n'était même pas fatigué.
C'était l'adrénaline qui lui faisait cet effet, ou alors il avait tellement pensé, obnubilé à tenter de chasser ses mauvaises pensées qu'il ne s'est rendu compte de rien ? 
La chaleur de la Californie avait laissé place aux températures plus fraîches de Reno, une ville perdue dans l'Oregon. 
Thésée circulait dans le centre-ville, observant les piétons qui couraient ça et là dans les rues, les maisons cubiques aussi hautes qu'un lampadaire, et toutes les choses que Thésée n'aimait pas d'une petite ville.
À force de se trimballer partout, le garçon avait rapidement préféré les grandes villes pleines de monde aux trous paumés ou tout le monde sait ce que tout le monde fait. Il pouvait se fondre dans la masse, comme ça. 

-Ça fera vingt dollars, dit la commerçante en détaillant Thésée du regard. 

Thésée n'attendit pas la monnaie et sortit de la pharmacie en finissant d'engloutir son taco à la viande hachée.
Il n'aimait pas acheter des médicaments et de quoi se soigner comme tout le monde. Il n'aimait tout simplement pas exposer ses faiblesses à tout le monde, mais là était une exception.
Déjà, il avait combattu plus de monstres en deux jours qu'il ne l'avait jamais fait en un mois. Il avait survécu à un labyrinthe vivant, échappé à un éboulement souterrain et avait failli mourir brûlé vif. Et par dessus le marché, il n'avait pas mangé depuis des lustres. 

Mais l'avantage qu'il avait tiré de s'arrêter à Reno fut le repos, l'espoir qu'aucun monstre ne veuille le dévorer, l'accès à des soins traditionnels (Pas d'ambroisie et de nectar donc, tout avait disparu), mais surtout, il y avait un aéroport.
Et qui dit aéroport dit voyage raccourci. Il serait à Seattle en à peine trois heures, et il avait déjà un plan pour trouver son lien complice. 
Le ventre rempli, Thésée se rendit à l'hôtel. Un petit môtel sans chichi, le seul qui lui avait donné envie, néanmoins pas infâme, mais qui avait plus l'air d'un dortoir militaire qu'autre chose. 

-Le déjeuner commence à sept heures, avait dit le réceptionniste en lui donnant les clés. 

Thésée lui sourit même s'il savait qu'il ne profitera pas de ce très prometteur petit-déjeuner : L'avion décollait bien avant l'aube. 

La douche lui fit un bien fou.
Ah, la chaleur de l'eau contre son corps, la buée qui se formait sur la vitre, ses cheveux collant sur son visage si froid, Thésée en profita un maximum.
Ces moments de douceurs, il n'en avaient pas eu depuis qu'il était parti de San Diego. 
Tout en laissant l'eau couler le long de sa nuque, Thésée observait la bas de son ventre, et passa une main le long de la marque. Il ne sentait vraiment rien quand il l'effleurait, rien, aucune bosse, aucun changement de texture, c'était comme si sa peau avait décidé d'elle-même de changer de couleur et de former ces symboles qui le hanteraient toute sa vie. 
Il ferma les yeux. Aller, tiens bon. Tout ça est presque fini. 

-Thésée ! 

Thésée sursauta.
La voix de Percy résonna dans sa tête. Il le vit, s'accrochant du mieux qu'il pouvait à la plateforme, lui tendant une main. Thésée avait vu sur son visage la douleur et la souffrance de tout ce qu'il avait vécu, enduré, et ne demandait qu'à être sauvé de tout ce merdier. 
Non, se dit-il pour lui-même. N'y pense plus. 
Il sortit de la douche. 

Une serviette de bain autour de la taille, une sur ses épaules et les cheveux en bataille, Thésée soignait les quelques entailles qu'il avait héritées de ses récents combats. Il n'avait pas vraiment été amoché, en fait. Mais le simple fait de ne plus avoir recours à l'ambroisie ou au nectar augmentait les risques de blessures graves, alors il voulait tout bien faire. 

Avant de se reposer une bonne fois pour toutes, Thésée repassa son plan dans la tête. 
Il devait trouver une ceinture. Mais pas n'importe quelle ceinture, l'entendez bien. Une ceinture en argent, brillante au clair de Lune.
À défaut de ne pas pouvoir faire des recherches sur Internet à cause de l'électronique qui attire tous les monstres au kilomètre à la ronde, le jeune homme fouilla dans sa mémoire et trouva enfin : l'accessoire qu'il recherchait ne pouvait être que celui des Chasseresses d'Artémis. Un groupe de filles servant Artémis, déesse de la chasse et de la Lune. 
Il aura ce qu'il veut dans la forêt, alors. Dans leur campement près de Seattle. Et il attaquera le jour, supposant que la nuit la Lune les rendait plus fortes. 

Voilà, tout était fin prêt. Demain, Thésée allait récupérer le dernier ingrédient pour sa quête, il saura où trouver enfin les réponses à toutes ses questions, et sa vie sera plus simple. Amplement plus simple. 
Mais pour l'instant, Thésée devait se reposer. Et à peine il eut pris le temps de s'habiller et de s'allonger dans son matelas bon marché qu'il sombra dans l'inconscience. 

On ne peut pas dire qu'il ne rêva pas.
Mais on ne peut pas dire non plus qu'il rêva. 
Il eut comme des visions, en fait.
Thésée vit des images défiler devant ses yeux, tellement vite qu'il n'arrivait pas à toutes les retenir. Il vit Percy, lui demandant de l'aider, Mina qui préparait des plats succulents dans son hôtel, Piper qui le regardait droit dans les yeux, avec son regard si atypique et si envoûtant.
Il vit aussi des personnes qu'il ne connaissait pas. Un garçon blond allongé dans un lit, blanc comme un linge. Une jeune fille brune qui balançait des objets à travers la pièce, elle aussi au bord de l'évanouissement, et d'autres encore, qu'il ne sut dire d'où ces images venaient, ni si elles appartenaient au passé ou au présent ou si il délirait simplement.

Thésée se réveilla pile à l'heure, tout doucement.
C'était drôle, il n'avait jamais eu besoin d'un réveil, son cerveau se mettait en marche à l'heure où il devait se réveiller. C'était bien pratique pour ne pas arriver en retard ou trop tôt quelque part. 

Cinq heure du matin. Thésée rassembla ses faibles affaires et déposa les clés à la réception sans un bruit.
Toute la ville semblait encore endormie, et les rayons du Soleil commençait à peine à pointer à l'horizon. 

À l'aéroport non plus il n'y avait pas grand monde, ça changeait de ceux de San Diego, où c'est toujours bondé de gens pressés et impatients. 
Thésée n'était pas fan des aéroports, il craignait toujours qu'un ventus ou autre créature vienne détourner l'avion, ou carrément le détruire, malgré les passagers mortels à bord. 
Mais les rares fois où il l'avait pris, tout s'était bien déroulé. Alors pas de quoi s'inquiéter pour celui-là.

Il passa les dispositifs de sécurité haut la main.
Suffisait de faire un peu appel à ses pouvoirs et hop ! Plus besoin de retirer les objets métalliques, plus besoin de passeport non plus. Tromper les mortels aussi facilement le faisait toujours sourire de plaisir. C'était un des seuls avantages à être un demi-dieu, d'ailleurs. 

-J'aime bien ta casquette. 

C'était une petite fille qui venait de dire ça. Une petite brune, le teint halé, les yeux bleus. Elle se trouvait sur le siège juste en face de celui de Thésée, dans l'avion. 

-Merci, lâcha-t-il en regardant sa casquette. 

-T'as pas trop chaud avec ton blouson ? 

-Euh, non... 

-Tu es ophiophobe ? 

Thésée se figea. Quoi ? Pourquoi elle voulait savoir ça ? Que... qu'est ce qu'elle voulait, cette gamine ? 
La petite lui fit un grand sourire devant son air ahuri.

-Moi je suis ophiophobe. J'ai peur des grooos serpents, dit-elle en accentuant sur le mot. Tu as peur des gros serpents, toi ? 

-Euh... 

-Ma chérie, ne dérange pas les gens comme ça, intervint la femme que Thésée supposa être sa mère. (Elle adressa un sourire gêné à Thésée.) Désolé.

Thésée ne répondit rien et se contenta de tourner la tête. Cette petite brune lui fit penser à une autre brune, aux yeux multicolors, et... 
Non. Elle est morte. Ils le sont tous. N'y pense plus.

Le trajet lui sembla long. Il n'avait rien à faire dans ce petit avion, à part regarder le ciel nuagé à travers le hublot à moitié caché par les deux geeks qui dormaient profondément à côté de lui, et il avait mal aux jambes et au dos. 

Quand on annonça enfin la descente pour Seattle, Thésée sentit de nouveau son ventre s'agiter. 
Il y était. Il voyait enfin la ligne d'arrivée. Tout ce qu'il avait enduré jusqu'alors, tout serait bientôt envolé, plus qu'un lointain souvenir.
Mais cette course, il ne savait pas qu'elle était parsemée d'obstacles. Et il y en aura encore, avant de parvenir à la fin du chemin. 
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Yey ! Un chapitre un peu transitif, mais que j'aime bien quand même. 
Alors, Thésée a abandonné nos héros et se retrouve seul, mais pour combien de temps ?
Hé hé...