VIII : Tweltfh stop
Ça commence bien.
Thésée connaissait l'endroit que les demi-dieux lui avaient décrit. Miramar. Un quartier sans grand intérêt qui ne lui avait pas vraiment inspiré de la gentillesse.
-On nous a dit qu'un homme pourrait nous aider là-bas, dit Annabeth sur la route. Qu'on saurait de qui il s'agit dès qu'on le verrait.
Thésée fronça les sourcils. Il n'avait jamais entendu parler de ce type qui serait susceptible d'aider une bande de demi-dieux. Si c'était bien le cas, il serait déjà aller le voir il y a longtemps !
Hélas, Thésée ne fréquentait pas trop ce genre de quartiers. Des résidences, des restaurants, des magasins à touristes... tout ce qui agaçait Thésée.
Bien sûr, il aimait flâner dans ces coins là pour profiter de la vue, qui passe, et qui passe juste devant lui, et qui ne le remarque pas... si bien qu'il devient facile pour lui de prendre deux ou trois petites choses trop encombrantes dans les sac-à-main... Mais il n'avait jamais entendu parler de ce genre de type. Il en avait, des contacts, à San Diego. Mais apparemment, sa liste n'était pas assez longue.
-J'ignore qui ça peut être, avoua Thésée en fourrant les mains dans ses poches de blouson. Je ne passe pas vraiment dans ce quartier. Mais s'il y a quelqu'un là-bas qui pourrait aider dans la quête, alors allons-y.
Les passants se poussaient sur le passage du groupe. Thésée était à l'avant, fredonnant pour la énième fois un de ses vieux titres préférés, tandis que les autres le suivaient sans broncher.
Enfin... sans broncher... Léo brisait le silence en fabriquant des objets insolites sortis de sa ceinture à outils (comme la sacoche de Thésée, tiens !); Frank le regardait faire avec presque autant d'enthousiasme qu'un bébé regardant la télévision; Percy et Annabeth marchaient juste derrière, main dans la main et le visage grave, comme s'ils soupçonnaient une attaque surprise. Grover les suivait, sifflotant par-ci par-là quelques notes dans sa flûte de Pan pour se distraire, à côté de Piper qui l'écoutait sans dire un mot. Nico fermait la marche, résolu à être seul et dans ses pensées tout le trajet.
Thésée tenait fermement la poignée de sa claymore. Il ignorait qui étaient ces demi-dieux, il ignorait ce qu'ils avaient vécu, et il ignorait ce qu'ils avaient vraiment en tête. Il les soupçonnait d'avoir inventé une excuse bidon pour convaincre Thésée de venir avec eux. Pour cacher quelque chose de plus grave. Pas de dangereux pour Thésée, non, mais pour toute la population.
Et Thésée ne se laisserait pas faire. Sitôt qu'il aurait trouvé un petit moment tranquille, il les sommerait de répondre à toutes ses questions.
Le métro était encore bondé de monde. Que l'on soit le matin, en début d'après-midi ou tard dans la nuit, les voies sous-terraines étaient remplies de gens pressés et mal polis.
Heureusement qu'il avait "emprunté" une carte de métro à un des ses amis passagers, sinon, il y en aurait eu pour des dizaines de dollars à payer tout le monde.
Frank lui demanda avec étonnement comment il avait pu avoir tous ces tickets. Thésée lui fit simplement un clin d'œil, signifiant tout dans son regard.
Il fallait traverser au moins douze lignes de métro pour atteindre la voie menant à Miramar. Le groupe disparaissait sous la foule dense du wagon, et je crois qu'aussi bien Thésée que les demi-dieux se sentaient gênés de devoir se serrer contre des inconnus.
Une station de passée.
Thésée se tentait à une barre, et son chewing-gum le rassurait dans l'idée que son haleine ne sentait pas plus mauvais que le wagon.
Percy ne se sentait pas très à l'aise. Il jetait des regards partout autour de lui, méfiant à celui qui regardait un des ses amis de travers. Grover non plus n'avait pas l'air dans son assiette. Le fait d'être sous terre ne devait pas jouer en sa faveur, étant donné qu'il était le maître de la Nature.
Au contraire, Nico ne semblait pas éprouver une quelconque gêne. Il observait les passagers du coin de l'œil tout en touchant sa bague en forme de tête de mort, comme à son habitude.
Thésée, lui, n'aimait pas le contact proche. Il se sentait toujours oppressé, comme si on voulait l'empêcher de bouger et contrôler tous ses faits et gestes.
Troisième station de passée.
Léo commença à s'impatienter, car il tapotait nerveusement la barre en métal du bout des doigts. Frank se démenait pour ne pas déranger les personnes autour de lui, à cause de son grand gabarit qui ne devait pas être avantageux dans ce type de situation.
Thésée remarqua Piper adossée aux vitres. Elle était de loin la moins à l'aise. Elle replaçait sans arrêt son t-shirt orange et recoiffait la même mèche de cheveux derrière l'oreille. Elle tenait son poignard dans sa main droite comme si c'était sa dernière bouée de secours. Thésée comprit qu'elle se préparait à la moindre attaque imminente de monstres, ou de types à l'allure pas très nette.
Septième station.
Une jeune fille au jean déchiré passa à côté de Thésée pour sortir. Le garçon la déshabilla du regard. S'il n'était pas coincé avec une bande de demi-dieux, il l'aurait sans doute arrêtée et lui aurait soufflé toutes ses arrières pensées à son intention, pour la mettre à l'aise.
-Tu me fais de la place, poupée ?
Un type venait de se mettre à côté d'Annabeth. Cette dernière glissa sa main sur le manche de son poignard. Elle ne répondit rien, mais son regard sous-entendait qu'elle ne le laisserait pas l'appeler une deuxième fois "poupée". Percy se tenait juste à côté d'elle, la mâchoire serrée.
Huitième station.
Le type passa sa langue sur ses lèvres et, frôlant les deux tourtereaux, descendit de la trame.
-J'ai cru qu'elle allait lui lancer son poing dans la figure, avoua Léo à l'oreille de Frank.
-Après tout ce qu'on a traversé, il fallait qu'on tombe sur des gens comme ça, bougonna Percy en prenant la main de sa copine.
Annabeth ne faisait pas du tout penser à une faible fille qui a besoin de son copain pour se défendre, au contraire, mais là, elle posa sa tête contre le torse de Percy et ferma les yeux le temps d'un instant.
Thésée remarqua la tension s'apaiser au sein du groupe. Les visages qu'affichaient ses camarades ne laissaient aucun doute : cette bande de demi-dieux avait traversé de nombreux périls, et ce qu'ils avaient vécu ensemble les avaient rendus encore plus unis.
Dixième station.
Thésée resta de marbre face à toute cette tension autour de lui. Même Nico semblait maintenant surveiller les gestes de tout le monde.
C'est là que Thésée se rendit enfin compte d'un problème. Il n'y avait plus personne dans les rames du métro. Thésée trouva cela étrange, étant donné qu'il avait l'habitude d'une foule immense à n'importe quelle heure de la journée.
C'est Léo qui fit la remarque.
-C'est moi ou tout le monde s'est mis d'accord pour nous laisser tous seuls dans cette rame ?
Thésée observa les alentours. Même sur la ligne d'attente il n'y avait pas un chat. Comme si un fantôme venait de passer et d'engloutir le reste des passagers. Étrangement, le métro mit plus de temps à se remettre en route.
Il y avait comme une légère tension dans l'air. Comme si tout le quartier savait que les demi-dieux arrivaient. Cette sensation donna faim à Thésée et il pensa qu'il aurait dû manger plus de bretzels, tout à l'heure.
Les demi-dieux attendaient la fin du trajet en silence. Percy regardait les portes de sorties avec insistance, Annabeth serrait tellement son poignard que ses jointures de mains étaient blanches, Piper fermait les yeux et Thésée pouvait presque sentir le tambourinement de son cœur à travers sa poitrine. Frank, son arc en main, était prêt à affronter n'importe qui au moindre mouvement et Léo qui venait de finir son arme artisanale tapotait de plus en plus vite ses doigts contre la barre de métro. Nico plissait des yeux, comme s'il essayait de deviner ce qui allait se passer. On aurait dit qu'il s'apprêtait à poser une question, mais avec la tension qui régnait dans l'air, il s'abstenait. Quant à Grover, le satyre avait arraché une partie en caoutchouc d'un siège pour le mastiquer. Ça devait être une façon d'exprimer son anxiété, chez les satyres.
Onzième station.
Trois mecs entrèrent dans la rame de métro. Deux bruns et petits, un blond et élancé. Tous les trois en jogging et survêtement.
-Tiens, tiens ! s'exclama le grand blond en affichant un sourire rieur. Regardez qui va là !
Fallait que ça tombe sur nous, ironisa Thésée dans sa tête.
Parce que, il faut vous le dire, Miramar n'est pas un quartier si bien réputé que ça, à San Diego. Thésée sentit une pointe d'animosité dans la voix du type. Aucun ne répondit à son appel. Était-ce de la peur, de l'anxiété, ou de la fureur que ses camarades essayaient de cacher ?
-Z'êtes nouveaux dans l'coin, renchérit le blond. Vous ai jamais vus ici.
-Mais toi, tu viens d'ici, à ce que je vois, répondit Percy d'un ton calme en détaillant sa tenue.
Grover laissa échapper un cri éraillé. Avait-il peur pour sa peau, ou pour celle de son ami qui venait d'agir totalement inconsciemment ?
Grand Blond secoua de la tête, comme dépité.
-Nan, z'êtes pas d'ici vous, marmonna-t-il en lançant un regard sanglant au fils de Poséidon.
Thésée intervint. Il était dans sa ville, tout de même. C'est lui qui devait défendre ses amis, et non l'inverse. Pour qui allait-il passer s'il ne prenait pas les devants du conflit ? Et puis, il en avait déjà rencontré, des mecs comme eux. Il savait bien comment s'y prendre, avec ces garçons qui se prennent pour les rois du monde.
-Non en effet, dit il en s'avançant vers les types. Alors pas la peine de la jouer dur, c'est clair ?
Thésée sentit son esprit déferler dans tout son corps. Il n'avait pas peur de faire face à ce genre de situation. Il en avait affrontée des tellement plus dangereuses.
Thésée toisa Grand Blond. Il le dépassait d'une tête, au moins. Avec son nez en trompette et ses yeux de poisson frit, le type le regardait d'un œil mauvais.
Pourtant, dans sa gestuelle, dans son regard, Thésée y perçu quelque chose d'anormal. Il ne savait pas comment l'expliquer, mais quelque chose n'allait pas avec ces trois gars.
-Nan, mec, dit d'une voix raillée Grand Blond. T'y es pas du tout. Z'êtes pas d'ici, ça se sent. (Il toisa les autres membres de l'équipe.) Z'êtes pas comme les autres, vous.
Thésée fronça les sourcils. Le rictus qui s'affichait sur les lèvres de ces gars n'augurait rien de bon. Un pas de plus, et il serra dans sa main le manche de sa précieuse claymore.
-Euh... les gars... bredouilla Grover.
Avait-il l'intention de leur dire l'importance du danger, ou de les prévenir de l'état actuel de son pantalon ?
Thésée ignora son avertissement.
-Tu ne veux pas avoir affaire à nous, murmura-t-il sur un ton de menace.
-Oh, si, je veux, éructa Grand Blond, avec des yeux tellement immenses qu'on aurait dit qu'il avait eu une illumination.
Une odeur parvint aux narines de Thésée. Une odeur qu'il avait déjà rencontrée auparavant, et dont les propriétaires ne s'en sont pas vraiment remis. Une odeur... magique.
Grover se brisa la voix.
-Ce sont des monstres !
Des venti*, pensa Thésée.
Ding !
Les portes s'ouvrirent sur la douzième station, et Thésée senti le coup venir.
D'un seul croche-pied, il jeta à terre Grand Blond qui s'effondra lourdement. Pas le temps de réfléchir. Un coup de pied circulaire dans l'abdomen de Petit Brun n°1 qui l'envoya directement sur le quai. Thésée sortit sa claymore, et c'est là qu'il se rendit compte de la situation.
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*venti : esprits de la tempête. Se dit ventus au singulier.
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