CHAPITRE 46 : SURVEILLÉ
Je suis de retour ! 🤭
Therasya m'avait vraiment manqué
BONNE LECTUUUUUUUURE
🦢
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POV KYLE
10 H 00
CERCLE
Une... Une autre.
Je ne sais même plus combien de clopes j'ai enchaîné en dix minutes. Trois ? Quatre ? Peut-être plus. Peu importe. Mes sens sont en vrac, tout crie alerte dans ma tête.
Mon pied tape le sol, rapide, régulier, comme si ça pouvait me ramener à la réalité. Mes mains bougent sans arrêt, passent dans mes cheveux, frottent mes bras, cherchent un truc à faire. Respiration hachée, impossible à contrôler.
Je deviens dingue.
Il faut que je trouve un moyen de me calmer, et vite.
Mais c'était elle, ma source d'apaisement. Tara.
Je devrais être soulagé qu'elle soit libre, qu'elle retourne à sa vie, à ses responsabilités.
Elle a bien plus à perdre qu'un mercenaire paumé comme moi.
Et pourtant, tout ce que je ressens, c'est ce vide qui m'arrache les tripes.
Hier soir, quand je l'ai raccompagnée, il y avait ce moment... ce foutu moment où tout aurait pu basculer. Nos regards se sont accrochés, ses lèvres étaient si proches des miennes. J'ai senti son souffle, et bordel, j'ai failli céder. Mais je ne pouvais pas. Pas elle. Pas comme ça.
Maintenant, elle est partie, et tout me revient. Le bruit, le chaos, ce besoin de la retrouver alors que je sais que je n'en ai pas le droit. Mon pied s'arrête net. Je passe une main sur mon visage, mais ça n'apaise rien.
Je suis un idiot. Un idiot incapable d'oublier ce qu'il ne peut pas avoir.
Un putain de dérangé obsédé par une femme dont il avait pour but de tuer.
C'était rien, juste quelques semaines ensemble dans l'objectif qu'elle fasse ce qui lui était demandé. Alors pourquoi j'ai l'impression qu'elle m'a laissé une cicatrice ?
Je prends appui sur le bord du bureau, mes doigts s'enfonçant dans le bois comme si ça pouvait ancrer mes pensées.
Son regard me hante. Pas de peur, pas de pitié. Juste ce mélange de défi et de douleur, comme si elle me voyait mieux que je ne me vois moi-même. Et ce souffle, hier soir, si proche que j'ai cru que le monde pouvait s'arrêter là, entre nous.
Je serre le bord du bureau. C'était rien, putain. Rien.
Elle te laissera tomber comme ta mère l'a fait.
Au pire moment.
Je sens mes muscles se tendre.
— Ferme ta gueule, crachai-je à moi-même.
Tara n'a rien avoir avec mère.
Mais cette pensée ne suffit pas à calmer la tempête dans ma tête. Le doute est ancré trop profondément. Parce qu'au fond, je sais que j'ai déconné. J'ai laissé la barrière tomber, même pour un instant, même pour elle. Et c'est bien ça le problème.
Je m'en veux de lui avoir parlé, de lui avoir laissé voir des morceaux de mon passé. Ces morceaux que je garde enfouis, que personne n'est censé toucher. Ça m'a bouffé de me dévoiler comme ça, mais sur le moment... ça m'a aussi soulagé. Une connerie, non ? Trouver du réconfort dans quelqu'un.
Je serre le bord du bureau à m'en faire mal, comme si la douleur pouvait m'arracher à ce mélange d'amertume et de nostalgie.
Mais c'est terminé. Ça doit l'être. Je ne fais pas confiance, pas comme ça, pas au point de mettre mes faiblesses entre ses mains. J'ai survécu à bien pire, et je n'ai besoin de personne pour continuer.
— Kyle ? murmura Eden en entrant dans le bureau.
Je relève à peine les yeux, mon regard se posant sur lui. Une des rares personnes que je tolère près de moi. Et pourtant, en ce moment, j'espère qu'il n'a pas été témoin de ma folie.
— Ils l'ont sorti de sa cellule pour le mettre dans le box de torture. Tu es sûr que c'est ce que tu veux ? demanda-t-il.
Sa voix est calme, mais je perçois l'inquiétude qui s'y glisse. Il fixe mes mains, toujours tremblantes.
Je ne réponds pas tout de suite. Mon regard dérive vers mes poings, les jointures encore blanches, des marques rouges sur ma peau là où j'ai serré le bord du bureau.
— J'arrive.
Si je dois déverser ma haine sur quelqu'un, ce sera lui.
Je m'arrête devant l'ascenseur et entre. Une tablette s'allume et demande ma main pour accéder au sous-sol, un endroit caché aux yeux des membres du Cercle, sauf pour les plus hauts placés. John en faisait partie. Maintenant qu'il est mort, tout ce qu'il contrôlait est sous mon autorité.
Tout est entre mes mains. Tout ce qu'il dirigeait, tout ce qu'il contrôlait, c'est moi qui gère.
Et ça me dégoûte.
Je déteste cette responsabilité.
Je hais le Cercle.
Je maudis cette organisation plus que tout au monde.
L'ascenseur s'arrête, et je sors. Un long couloir s'étend devant moi. Les lumières s'allument au fur et à mesure que je m'avance, activées par des capteurs.
Je m'arrête devant un box ouvert. À l'intérieur, un homme est attaché à une chaise, les mains enchaînées. Il porte un bandeau sur les yeux, mais je sais déjà à quoi il ressemble. Sale, débraillé, comme un chien battu.
Il n'a pas l'air de m'avoir entendu.
Je fais un pas en avant, et mes deux hommes de garde se redressent, m'attendant comme toujours. Ils sont là pour assurer la sécurité. Mais ce n'est pas leur moment.
— Sortez.
Je leur lance un regard froid, un ordre que l'on ne discute pas.
Ils échangent un regard rapide avant de se retirer. La porte se referme derrière eux dans un claquement sec.
Je m'approche de l'homme, observant sa posture repliée sur lui-même, comme s'il avait déjà abandonné tout espoir. Un sourire fin se dessine sur mes lèvres, cet homme est là pour souffrir, et il le sait aussi.
C'est le moment où les choses sérieuses commencent.
Je lui retire le bandeau d'un geste sec. Ses yeux s'ouvrent à peine, fatigués, comme s'il avait passé trop de temps dans l'obscurité. Nos regards se croisent, et je lâche un sourire froid.
— T'as une mauvaise mine.
Je balance le bandeau au sol, scrutant l'homme devant moi. Il a les cheveux gris, et une vieille cicatrice qui traverse son œil.
Il ne bouge pas.
Sans réfléchir, je fais un pas en avant et lui envoie un poing direct dans la gueule. Le bruit de l'impact résonne. Il crache du sang, mais ne dit rien. Il reste là, calme, sans montrer la moindre réaction.
Ce silence m'énerve.
— Depuis le temps que j'attends de te cogner.
Je le saisis par le col, le soulevant légèrement de sa chaise. Ses yeux verts, froids et implacables, ne quittent pas les miens. Il ne montre aucune peur, au contraire, il semble presque se nourrir de ma colère. Ça m'irrite encore plus.
Mais je ne peux pas m'arrêter.
— Il n'y a plus John pour te protéger de moi, maintenant.
Je serre un peu plus fort, mes doigts enfoncés dans son col. Ça le fait légèrement vaciller, mais il ne bronche toujours pas. Un sourire au coin se dessine sur ses lèvres. Il sous-estime ma rage.
— Tu as perdu ta langue ? lâchai-je.
Tu as perdu ta langue, Kayden ?
Je le pousse brutalement sur la chaise, son dos heurte le dossier. Sans perdre une seconde, je fouille dans la poche arrière de mon jean et je sors une pince universelle. La métal froid brille sous la lumière, et je la fais glisser lentement vers son visage.
Je pose ma main sur sa tête, le forçant à relever le menton pour mieux viser son œil. Son regard reste fixé sur moi, défiant, mais je sais qu'il commence à sentir la menace.
— Tes yeux ne te seront d'aucune utilité ici.
Je vois ses muscles se tendre. Il ne dit toujours rien, mais je le sens. Il est en train de perdre pied. Il tremble légèrement, peut-être juste assez pour me donner satisfaction.
C'est exactement ce que je voulais.
Je laisse la pince en suspend, l'effleurant encore juste assez pour lui rappeler que je pourrais y aller à tout moment. Son souffle se fait plus irrégulier, et il ne cherche même pas à masquer sa peur.
Je relève les yeux vers les deux hommes dans la pièce.
— Reprenez-le et ramenez-le dans sa cellule.
Je lâche enfin sa tête, le laissant s'affaisser sur la chaise. Un sourire qui n'a rien de rassurant s'étire sur mes lèvres.
— On se reverra bientôt.
Je me tourne et me dirige vers la porte, ne prenant même pas la peine de regarder si mes ordres sont suivis. Je sais qu'ils le seront. Mais je sais aussi que je reviendrai. Et quand ça sera le cas, il n'aura plus rien à offrir.
******
POV TARA
10 H 00
Mes yeux sont aveuglés par la lumière qui clignote au plafond. L'ascenseur monte lentement, ses câbles grincent dans un vacarme sourd. Je me sens de plus en plus mal à l'aise, la chaleur de l'air contre ma peau me dérange. Les murs de l'ascenseur ont l'aire de se rapprocher de moi.
Et ses voix...
Elles se faufilent dans ma tête, elles glissent comme des serpents et rampent jusqu'à mes oreilles.
Il t'a agressé.
Ça vient dans tous les sens.
Therasya... Therasya... Therasya...
Je me raidis sur place. Mes ongles s'enfoncent dans les paumes de mes mains.
Il est là pour toi.
Uniquement pour toi.
Je fronce les sourcils. "Qui est là ?" Je tourne la tête, mais il n'y a personne. Rien que le reflet flou de mon visage dans la paroi métallique de l'ascenseur. Pourtant, la sensation d'être observée, d'être suivie, est plus forte que jamais.
Il te fera ce que tout le monde aimerait te faire.
Therasya... Therasya... Therasya...
Ils sont tous contre toi.
Je laisse échapper un souffle brisé, mes yeux se ferment un instant. C'est trop lourd, trop fort. Pourquoi ça ne s'arrête pas ? Pourquoi tout ça me poursuit ? Je secoue la tête, désespérée.
— STOP ! Hurlai-je.
À cet instant précis, les portes s'ouvrent brusquement. Le regard de tous ceux dans les bureaux se tourne vers moi. Je suis figée, j'essaie de calmer ma respiration.
— Vous voulez ma photo ? dis-je.
Je lève la tête et m'avance jusqu'à mon bureau.
Pour un retour, c'est raté.
J'ouvre la porte et je suis accueillie par un vacarme de confettis qui me vrille les tympans. Une banderole se déploie au-dessus de mon bureau, avec « Bienvenue Tara ! » écrit en grosses lettres dorées. Des ballons flottent partout autour de moi.
— BIENVENUE TARA ! Hurla plusieurs voix en même temps.
Je plisse les yeux, un peu perdue.
— C'est quoi ce bordel ? murmurai-je pour moi-même.
Soudain, une femme aux cheveux bouclés surgit et me saute dans les bras.
— Tara ! Si tu savais comme je suis heureuse de te revoir ! s'exclama mon assistante, Esperanza, en m'étouffant presque dans son étreinte.
Je force un sourire face à son enthousiasme. Ça n'a jamais été mon truc d'être tactile. Je lui tapote le dos pour la forme.
— Toi aussi, tu m'as manqué.
Elle recule, laissant place à Jess et André, qui avancent vers moi avec des sourires au coin.
— Bah tiens, voilà les deux traîtres ! lâchai-je avec un faux sourire.
Les deux se regardent, visiblement gênés, avant de répondre en chœur :
— Surprise ?
Je secoue la tête, un soupir m'échappant, et m'avance vers mon bureau. Je tire ma chaise, mais les ballons m'obstruent complètement la vue. Jess, avec son timing impeccable, arrive et me tend une assiette de cookies.
— Des cookies aux pépites de chocolat ? Je sais que tu les adores.
Je lève un sourcil, amusée.
— Tu m'achètes avec de la bouffe, maintenant ?
— Non, je t'achète avec mes talents de cuisine, nuance, répliqua-t-il avec son sourire.
Pour lui faire plaisir, j'en prends un. C'est bon, je l'admets, mais je ne vais pas lui dire. Alors qu'André s'avance de manière un peu trop suspecte, je m'arrête net, le cookie suspendu près de mes lèvres. Je l'observe attentivement.
Ce gars est capable de tout.
— Tu veux un massage, la plus belle ? lança-t-il avec un sourire charmeur.
Esperanza écarquille les yeux, jetant un regard incrédule aux deux garçons.
— Mais c'est quoi votre problème ? demanda-t-elle, visiblement exaspérée.
Je souris et hausse les épaules en croquant dans mon cookie.
— Ne cherche pas, ils ne supportent pas d'être éloignés de ma piscine naturelle.
Jess se penche un peu trop près de moi, comme pour voir ma réaction lorsque j'ai goûté le cookie mais ça rend la situation encore plus bizarre.
Laisse-moi manger en paix.
— Piscine naturelle ? riposta André en posant ses mains sur mes épaules. Non, on ne supporte pas d'être loin d'une amie en or !
Je lève les yeux au ciel, tout en mâchant tranquillement.
Sortez les violons.
André commence à bouger ses mains sur mes épaules, et franchement, je dois reconnaître qu'il a un sacré talent. Ses doigts trouvent toutes les tensions et les petits points douloureux que j'ignorais même avoir. Je ferme les yeux un instant.
— J'ignorai que tu t'y connaissais en massage.
— Moi aussi je l'ignorai.
— C'est une fête de bienvenue ou une séance de kiné improvisée ? S'impatienta mon assistante.
Le ballon accroché à mon bureau commence sérieusement à m'énerver avec ses mouvements ridicules. Sans réfléchir, je plante mon ongle directement dedans. Le bruit sourd de l'explosion me fait presque sourire.
— Voilà, problème réglé, dis-je en me tournant vers eux.
— Charmant la psychopathe, commenta Jess.
La porte s'ouvre brusquement derrière eux. Un homme grand, les cheveux rasés de près, avec une barbe impeccablement taillée, entre dans la pièce. Costume impeccable. Le maire en personne.
— Et voilà le traître originel ! Que me vaut ce plaisir ? m'exclamai-je avec un sourire provocateur.
Jess et André échangent un regard furtif avant de quitter la pièce en vitesse, comme des voleurs.
— Bande de lâches, marmonnai-je en les regardant filer.
Mon assistante reste plantée comme une statue au milieu de la pièce.
— Esperanza, tu peux nous laisser deux minutes ? demanda calmement Oliver.
Elle hoche la tête et sort rapidement. Dès que la porte se referme avec un claquement sec, je croise les bras.
— C'était comment les fiançailles ? demanda-t-il avec un grand sourire, comme si de rien n'était.
Le culot. Ce mec n'a vraiment aucune limite.
— Sanglant. Et bientôt, c'est toi qui vas finir avec la tête arrachée, ripostai-je sèchement.
— Je comprends que tu m'en veuilles, dit-il avec un ton presque compatissant.
Je me redresse, mes mains à plat sur le bureau pour contenir ma rage.
— Vraiment ?! Pourquoi tu as donné mes informations personnelles à Kyle ?! Tu sais très bien que cet homme est complètement taré !
— Je connais Kyle depuis qu'on a été dans la même prison, répondit-il calmement, comme si c'était une excuse valable. Je sais comment il est. Et je sais aussi ce qu'il a vécu.
— Oh, parce qu'il s'est confié à toi, c'est ça ?! lançai-je avec sarcasme, les poings serrés.
— En quelque sorte, dit-il en haussant les épaules. Peu importe, je savais qu'il n'allait pas te tuer.
Je ris froidement,.
— Il a kidnappé Maddison. Elle n'avait rien demandé. Elle s'est retrouvée embarquée dans cette merde, crachai-je, ma voix montant d'un cran.
Il baisse légèrement la tête puis relève les yeux pour les ancrer dans les miens.
— Tu... Tu le savais, n'est-ce pas ? Qu'il allait kidnapper Maddy aussi ?
— Oui. Je savais tout.
Son aveu me tombe dessus. Je recule d'un pas, luttant pour garder mon calme.
— Mais pourquoi tu es de son côté, Oliver ? Pourquoi tu lui donnes des droits dans cette ville ? Pourquoi tu veux mettre tout New York en danger ? Cet homme est fou !
Il inspire profondément, comme s'il cherchait ses mots.
— Cet "homme fou", comme tu dis, a fait tout ça pour découvrir la vérité sur son père. Un père qu'il n'a jamais pu connaître, parce que sa mère l'en a éloigné. Je comprends sa douleur, Tara, parce que ma mère m'a menti aussi sur mon géniteur. Toute ma vie.
Je reste silencieuse, frappée par l'émotion dans sa voix. Ce n'est pas une excuse valable, mais ses mots me désarment un peu.
— Tu es la première personne placée pour comprendre ça. La première à vouloir demander pardon pour toutes les choses horribles que tu as dû faire pour survivre.
Un nœud se forme dans ma gorge. Je serre les bras contre ma poitrine, cherchant une réponse, mais rien ne vient.
— Je ne demande pas à ce que tu pardonnes Kyle, ni moi-même, poursuit-il, sa voix plus basse maintenant. Mais au fond de toi, tu sais que ses choix, même désespérés, viennent d'une douleur que tu connais aussi. Tu ne peux pas nier ça.
Je le fixe, le cœur lourd, partagé entre la colère et une étrange pointe de culpabilité que je n'ai pas envie de ressentir.
— Je voulais aussi te présenter toutes mes condoléances pour Irina, poursuit-il. J'ai essayé de contacter David, mais il ne répond à aucun de mes appels.
— Il n'arrive pas à accepter qu'elle ait été tuée. Nora aussi. Ils sont dans tous leurs états...
Il hoche la tête, mais son regard reste fixement posé sur moi.
— Tuer ? Tu sais qui l'a fait ?
— Non. L'arme du crime n'a pas été retrouvée. La police de la Géorgie se charge de cette affaire mais ils n'ont rien trouvé.
Juste au moment où je voulais ajouter quelque chose, mon téléphone vibre violemment sur le bureau. Je le regarde un instant, c'est Maddison. Oliver en profite pour s'en aller.
Je décroche.
— Maddy ?
— Ils ont réparé ta fenêtre, me répondit-elle. Mi amouretta.
Je reste un moment silencieuse, me remémorant la veille. Qui était ce malade qui voudrait s'en prendre à moi ?
Je sais que j'ai beaucoup d'ennemies, mais tout de même.
— Et... est-ce qu'ils ont trouvé qui l'a cassée ?
J'ai rangé secrètement la pierre peinte par du vrai sang pour éviter de perdre la seule preuve que j'ai.
— Non, on a regardé les caméras de surveillance. Il n'y avait personne. Tu es sûre d'avoir vu quelqu'un ?
Cette question. Encore...
Mon estomac se serre. Pourquoi cette insistance ? C'est comme si chaque fois que je disais quelque chose, il fallait que je prouve que ce n'était pas dans ma tête.
Je ferme les yeux un instant, me forçant à respirer pour ne pas dire réellement ce que je pense.
— Plus que sûre.
— Ils n'ont rien trouvé en tout cas. Je te rappelle s'il y a du nouveau, je vais devoir retourner en cours. La médecine ne m'avait pas manqué.
Elle essaye de plaisanter, mais je sens la fatigue dans sa voix. La fatigue qui ne vient pas que des études, mais aussi de tout ce qu'on traverse.
— Tu auras bientôt fini les cours ?
— Pas vraiment, je reste à la bibliothèque réviser pour rattraper mon retard.
Je l'imagine là-bas, entourée de livres, tentant de se concentrer alors que le monde autour d'elle semble s'effondrer. J'allais répondre quand soudain, j'entends une autre voix. Une voix masculine. Une voix que je déteste entendre.
— Raccroche, Maddy.
Je ferme les yeux, serrant le téléphone contre mon oreille, mon cœur battant plus vite.
— Jeremy ? chuchotai-je, presque plus pour moi-même que pour elle.
Maddy est avec son ex.
— Je dois te laisser Tara, ne m'attends pas ce soir.
— Attends Maddy, ne reste pas près de lui, s'il te plaît...
Je parle trop vite, mais elle raccroche avant que je puisse finir ma phrase. Le bruit du décrochage me claque comme un coup de fouet dans l'âme.
Je reste avec le téléphone toujours collé à mon oreille.
Plein de scénarios tournent dans ma tête. Maddy... Je me demande si elle se rend compte de ce qui se passe avec Jeremy. J'ai toujours eu des soupçons sur lui. Je suis sûre qu'il la force à faire des choses qu'elle veut pas, comme prendre de la drogue, coucher avec lui, tout ça. Il ne pourra jamais accepter de la voir heureuse, sauf si c'est avec lui et il adore la voir à ses pieds.
Plusieurs années maintenant, et je le déteste toujours autant. Je me demande si elle lui a avoué qu'il est le père de cet enfant. Maddy refuse de faire un test de paternité car elle est sûre qu'il vient de lui.
Quel sera sa réaction ? Je l'appréhende.
Je me sens complètement démunie. Mais juste quand je commence à m'enfoncer dans mes pensées, j'entends un bruit près de la porte. Elle s'ouvre un peu et Jess passe la tête.
— La star de ma vie veux encore des cookies ?
Je le fixe un instant, agacée.
— Dehors.
********
Quelques heures plus tard.
Rattraper mon retard dans mon travail n'était pas vraiment ce qui m'avait manqué le plus ici. Ça fait déjà plusieurs heures que je me plonge dans des rapports incomplets et des dossiers en pagaille. Chaque minute qui passe, j'ai l'impression que le poids des responsabilités augmente.
— Tu m'as appelée ?
La voix d'Esperanza me sort de mes pensées. Elle pose un café sur mon bureau, mais je suis tellement plongée dans mes dossiers que je ne relève même pas la tête.
— Rappelle-toi de vérifier les notes d'enquête de la brigade criminelle, lui dis-je, et fais le point avec les inspecteurs sur l'affaire de ce matin. Demande aussi à Marc de récupérer les enregistrements des caméras de sécurité pour l'incident de la rue Wilson. Il faut aussi relancer le procureur pour obtenir les mandats de perquisition avant qu'on perde la piste. Et n'oublie pas de contacter le laboratoire pour les résultats des analyses ADN, et pense à organiser une réunion avec l'équipe d'investigation sur le dossier des disparus.
Je continue à énumérer toutes les tâches sans m'arrêter. Esperanza commence à écrire dans son carnet, le bruit des pages qui se tournent viennent d'interrompre le silence. Elle essaie de suivre le rythme.
— Assure-toi que les rapports de scène de crime de l'équipe technique sont prêts pour demain. Et n'oublie pas de planifier un débriefing avec les agents sur le terrain pour qu'on puisse tout remettre au clair avant la fin de la journée.
— J'ai le temps de pisser dans tout ça ?
— Et s'il te plaît, soupirai-je. Va dire à Oliver d'aller se faire foutre de ma part.
Elle secoue la tête avec un sourire peu sûre.
— Je préfère ne pas avoir de problème avec le maire. Et je tiens aussi à ma vie et à mon travail.
— Dommage.
Elle pose son carnet sur la table basse en verre.
— Mais sinon. Comment étaient tes vacances ? me demanda-t-elle, la voix qui grimpe en aiguë.
— Mes vacances ?
Je la fixe, surprise. C'est quoi ce délire ?
Encore un de ces mensonges pour éviter de dire que j'ai été kidnappée et contrainte de donner mon sang. Vraiment, génial.
— Oui, tes vacances ! À Punta Cana !
— À Punta quoi ?
Je fronce les sourcils, cherchant à comprendre d'où elle sort ça.
— T'as trouvé des beaux mecs là-bas ? JE VEUX TOUT SAVOIR !
Je vais tuer celui qui a inventé ce mensonge.
Elle tire un fauteuil et s'installe devant moi avec impatience.
— Eh bien, tu vois..., murmurai-je en essayant de trouver quelque chose, j'ai dû sauver un groupe d'otages dans un hôtel de luxe. J'ai vaincu un cartel avec une seule main et un cocktail à la mangue. Après, j'ai combattu un crocodile géant en tongs. Tu sais, l'ordinaire.
Elle me fixe totalement perdue. Je continue, de plus en plus sérieuse.
— Et bien sûr, j'ai passé une soirée à danser la salsa avec un diplomate russe et un lama qui était en réalité un agent secret sous couverture.
Elle cligne des yeux, secouant la tête comme si elle essayait de démêler ce que je viens de dire.
— Tu... tu te moques de moi ?
Je fais mine de réfléchir.
— Non, c'est la vérité.
— Tu as bu ? Tu es complètement folle.
— Et fière de l'être ! M'exclamai-je avant de prendre une pause. D'ailleurs, je m'apprête à ouvrir une ONG pour les animaux qui ont des problèmes de communication. Tu devrais m'aider à organiser la première réunion, on ajoutera ces créatures masculines qui ont l'air de réfléchir par leur engin dans la liste des problèmes
Elle laisse échapper un rire nerveux, puis se frotte les tempes.
— Tu sais quoi ? Je vais arrêter de te poser des questions. Ça vaut mieux pour ma santé mentale.
Elle reprend son carnet posé sur la table basse, visiblement prête à changer de sujet. Mais à ma surprise, elle reste immobile, comme si quelque chose lui pesait.
— Au fait, en ton absence, il y avait une remplaçante à ton bureau. Une certaine... Karen, je crois. Elle est partie, mais je te préviens, elle fouinait partout. Genre, vraiment partout.
Mon sourire s'efface doucement.
— Karen ?
— Oui, une grande brune, très sérieuse. Elle disait qu'elle faisait du "tri" dans tes affaires.
Un pic d'adrénaline me traverse, mais je garde un visage impassible.
— Et ? Elle a trouvé quelque chose ?
Elle hausse les épaules.
— Pas que je sache. Mais elle était tout le temps dans ton bureau. Même ton tiroir verrouillé l'intéressait, tu sais, celui qui a besoin d'une clé. Elle a demandé à plusieurs reprises où elle pouvait trouver la clé. Mais personne ne savait, évidemment.
Mon cœur bat un peu plus vite. Calmement, presque mécaniquement, je me lève de ma chaise et fais mine de fouiller un dossier sur mon bureau. Tout en parlant, je glisse ma main sous le bureau pour vérifier que le tiroir est toujours bien fermé.
— Tu caches quoi là-dedans, Tara ? Des secrets d'État ?
— Rien qui te regarde.
Toutes les informations concernant l'asile qui m'a diagnostiqué schizophrène, mon acte de naissance en tant que Tara Olsen. Des photos, des rapports... Tout ce qui marque mon passé est ici.
— Si tu veux un conseil, planque mieux tes "secrets". Cette Karen semblait vraiment motivée.
Si cette remplaçante a cherché à fouiller, ce n'est pas par hasard. Une note mentale s'inscrit dans ma tête : vérifier si quelque chose a été déplacé ou, pire, volé.
Dès que la porte se referme derrière elle, je sors mon trousseau de clés d'un geste rapide, mes doigts cherchant fébrilement la bonne. Une fois trouvée, je l'insère dans la serrure du tiroir et tourne.
J'ouvre doucement le tiroir. Mes yeux passent en revue ce qu'il contient. Tout est encore là... pour l'instant.
De nombreux flacons d'antibiotiques et de médicaments y sont soigneusement alignés, leurs étiquettes familières me rappelle leur but : calmer mes hallucinations, éviter les crises. Juste à côté, des dossiers plus personnels. Des preuves de qui je suis vraiment. Des éléments que je ne peux laisser personne voir.
Je sors l'un des flacons, le faisant rouler entre mes doigts. Je fixe les petites pilules blanches à l'intérieur. Cette "Karen" a prit ma place, et je pense déjà avoir éveiller sa curiosité alors qu'elle ne m'a jamais vu.
Je range rapidement tout à sa place, ferme le tiroir et tourne la clé avant de la remettre dans ma poche, au milieu des autres clés, pour la dissimuler comme d'habitude. Je prends une inspiration pour calmer mes pensées, mais un frisson parcourt ma nuque.
Je vais devoir être plus prudente. Beaucoup plus prudente.
********
POV KYLE
16 H 30
Un coup.
Encore un.
L'homme s'effondre lourdement sur le sol. Pas un cri, pas un gémissement. Seulement un silence, chargé de douleur et de désespoir. Je me penche légèrement, attrapant ses cheveux trempés de sueur et de sang. Je relève lentement sa tête, croisant son regard vide, à moitié conscient.
— Je te promets que mon envie de tuer est tellement forte. Mais tu ne souffriras pas autant, déclarai-je d'un ton glacial.
Sans attendre une réaction, je le traîne par les cheveux jusqu'au siège métallique placé au centre de la pièce. Un vieux fauteuil d'hôpital, rouillé, avec des sangles usées par le temps et par les nombreux malheureux qui y sont passés avant lui. Je le force à s'asseoir, en attachant ses bras et ses jambes.
Je recule ensuite de quelques pas et m'installe dans un coin de la salle, attrapant une boîte à outils posée sur une étagère poussiéreuse. J'ouvre la boîte et commence à sortir ce dont j'ai besoin : une perceuse, des vis, et un petit tournevis. Des outils banals, ceux qu'on utiliserait pour accrocher des tableaux dans un salon bien rangé. Mais ici, ce ne sont pas des tableaux que je vais fixer.
Le bruit mécanique de la perceuse emplit l'air. Je teste son fonctionnement, laissant la pointe tourner quelques secondes, puis l'arrête d'un coup sec.
Je me tourne vers lui, le regard planté dans le sien.
— Tu sais, je pourrais te briser tout de suite. Une balle et terminé. Mais ça... ce serait trop simple, trop rapide. Toi, tu mérites quelque chose de plus... artistique.
Je m'approche lentement, la perceuse dans une main, une vis dans l'autre. Il tente de bouger, mais les sangles le retiennent fermement. Je remarque le tremblement dans ses bras, les gouttes de sueur qui perlent sur son front. L'odeur métallique du sang mélangée à celle de la peur remplit la pièce.
Je m'approche de lui et place la vis près de son épaule, juste au-dessus de l'articulation.
— Le problème avec toi, c'est que tu ne sais pas rester à ta place. Alors je vais devoir t'apprendre... en fixant chaque partie de toi là où elle devrait être.
Je commence à enfoncer la vis, lentement. Le métal s'enfonce dans la chair avec un bruit déchirant. Son hurlement emplit la pièce, un cri qui vibre dans mes oreilles comme une douce mélodie.
Je ne m'arrête pas. Pas encore.
— Si tu avais tant voulu que je meurs, il ne fallait pas me libérer de cette prison, crachai-je en enfonçant encore plus profondément la vis dans son épaule.
Je savoure chaque seconde, chaque son, chaque contraction de douleur dans son corps.
— Tu pensais que je ne saurais pas ? Que tu pourrais jouer dans mon dos comme un amateur ? continuai-je. Mais moi, je ne joue pas. Je ne fais pas d'erreurs.
Je relâche légèrement la perceuse, juste pour lui laisser le temps de reprendre son souffle, de croire, ne serait-ce qu'une seconde, que la douleur pourrait s'arrêter. Mais c'est une illusion, un bref répit avant l'enfer.
Je pose la perceuse sur le siège à côté de lui, me redressant lentement. Mon regard descend sur son corps tremblant.
— Je vais te montrer ce que ça fait d'être brisé. Pas seulement physiquement. Mentalement. Je veux que tu pries pour que ça s'arrête, que tu regrette chaque foutue décision que tu as prise.
Je prends un tournevis cette fois, mes doigts effleurent le manche comme si je choisissais un outil précieux.
Si Tara verrait quel monstre tu es, Kyle.
Tu lui donnes envie de vomir.
— Maintenant, on passe à l'étape suivante.
Elle ne cherche pas un homme qui l'entrainera à continuer de commettre les erreurs qu'elle a faite.
La ferme. Si elle savait la vérité, elle comprendrait ma peine.
Tu es une erreur Kyle.
Une erreur parmi les Volkov.
Je me dirige vers le vieux phonographe posé dans un coin. Je prends le disque et le mets en place, laissant l'aiguille grésiller avant que la musique commence. Les premières notes du Lac des cygnes remplissent la pièce. C'est calme mais totalement décalé avec ce qui est en train de se passer ici.
Je jette un coup d'œil à l'homme attaché. Il s'agite un peu plus, son regard évite le mien, mais je vois bien qu'il est tendu.
— T'inquiète, c'est juste pour mettre de l'ambiance, dis-je en souriant.
Je choisis un tournevis sur la table, le fais tourner entre mes doigts avant de m'accroupir devant lui.
— On passe à la suite.
Je place la pointe du tournevis sur son genou, juste là où ça va faire le plus mal. Et je commence à appuyer, doucement, mais sûrement.
— Tu vois, c'est tout un art, tout ça. Faut y aller doucement, comme dans la musique.
La mélodie continue pendant que je me lève, nettoyant un peu le tournevis.
— Cette chanson te va bien, tu trouves pas ?
Je retourne vers la table en écoutant ses gémissements se mêler à la musique.
*********
POV TARA
18 H 00
Je me promène dans les rues de New York, le vent frais me frappe doucement le visage. Je suis proche de l'orphelinat abandonné, l'endroit où Kyle et moi avions rencontré mon frère, Aslan. Je n'arrive toujours pas à croire qu'il gère un business d'armes. Lui qui aurait pu avoir une vie tranquille à Émeraude, vivre comme un roi.
— Tu t'ennuies, princesse ?
Je me retourne vers cette voix. Kyle se tient derrière moi.
— Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandai-je.
— J'avais besoin de prendre l'air. Comme toi, je présume.
Je le regarde, remarquant une tâche de sang sur sa joue et des traces rouges sur ses mains. Une sensation étrange s'empare de moi.
— Dis plutôt que tu es venu pour te battre.
— C'est plus compliqué que ça. Tu vas bien ?
Sa voix me cloue sur place. Elle est belle, calme, reposer.
— Ça peut aller... Et toi ?
Il s'approche, et je baisse la tête, cherchant mes mots. La chaleur du moment m'envahit et je veux juste qu'il disparaisse avant que je ne craque.
Je me sens... faible avec lui. Je ne sais pas comment expliquer ce sentiment. Je suis perdu. Pourquoi c'est toujours les mauvais qu'on finit par...apprécier leur compagnie ?
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je fais un pas en arrière, mais il est déjà trop proche.
— Je...Je crois que je deviens plus folle que je le suis déjà.
Il fixe mes yeux.
— Tu parles de l'histoire de la dernière fois ?
Je serre les poings, nerveuse.
— Kyle, quelqu'un a cassé ma fenêtre avec une pierre imbibée de sang en disant "je te tuerai".
— Quoi ?
Avant qu'il ait le temps de réagir plus, un fourgon passe à toute vitesse dans la rue, faisant crisser les pneus. Un homme jette quelque chose vers nous.
Kyle s'avance calmement. Avec son pied, il retourne ce qu'on dirait une boule de poil.
Et là, je vois...
Un chat. Mort. Les yeux et la bouche cousus.
Mon cœur s'emballe, l'horreur m'envahit, et je sens le sang quitter mon visage. Je recule brusquement, mon estomac se retourne.
— C'est quoi ce délire... murmura Kyle, les sourcils froncés.
Il regarde le chat, puis se tourne lentement vers moi, son regard se durcit.
— Il va falloir que tu restes près de moi ces jours-ci. D'accord ?
Je n'arrive pas à répondre, trop choquée, trop secouée. Je me contente de hocher la tête, incapable de sortir un mot. Tout semble irréel. Mon corps tremble, mes jambes ne tiennent plus.
Je veux juste fuir, mais je sais que ça ne servirait à rien.
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Je reviens à nouveau hahahah merci les études d'avoir pris tout mon temps dans l'écriture 🙄
Quoi qu'il en soit ! VOILA LE CHAPITRE 46 !
J'espère qu'il vous a plu !
BISOUS
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À SUIVRE...
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