CHAPITRE 38 : RÉVÉLATION
Coucouuuuu
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T H E R A S Y A
Sous les lustres du manoir, je continue de marcher au côté de Kyle qui m'entraîne vers la voiture sans un mot tout en serrant ses doigts autour de mon poignet. Chaque pas me donne l'impression de m'enfoncer un peu plus dans un cauchemar sans fin. Quand la voiture apparaît enfin dans mon champ de vision, je m'arrête brusquement et me retire de lui.
Il se retourne avec les sourcils froncé.
— Quoi encore, Tara ? On doit partir, me lance-t-il d'un ton sec.
— Tu veux que je te suive comme si de rien n'était ?!
Ma voix s'élève automatiquement.
— Tu veux qu'on monte dans cette foutue voiture pendant que je fais semblant que tout ça n'a pas existé ?
Il me regarde silencieux, mais toujours impassible. Mais ça ne fait qu'attiser ma rage. Je n'en ai plus rien à foutre de faire pitié, ils m'ont tout pris. Absolument tout.
Le seul espoir qui me restait d'avoir une vie normale vient de s'effondrer sous mes yeux. Au moment même où ma rage prend le dessus, ce liquide est en train de brûler mes ovaires.
— Je n'aurai jamais cette chance...
Ma voix se casse, mais je continue, incapable de me retenir.
— Ils ont brûlé la seule chose qui me restait ! Je ne serai jamais mère, tu comprends ça ? Jamais. Alors pourquoi ? Pourquoi tu veux que je continue ? Pourquoi je devrais encore respirer ?!
Les larmes coulent sur mes joues et brouillent ma vision. Je tremble.
Il reste figé devant moi avec son regard sombre, mais je constate une tension dans sa mâchoire. Je le fixe, désespérée.
Il s'approche de moi et me murmure doucement :
— Tara, il faut que je te dise...
Mais son aveux se fait interrompre par un rire sadique. Nous nous retournons vers le son. John s'avance doucement vers nous avec son sourire qui bouillonne mon sang.
D'un mouvement rapide, je plonge ma main dans la poche de Kyle et en sors une lame qu'il garde toujours sur lui. Sans hésitation, je me précipite vers John et l'enfonce dans son épaule. Il pousse un cri rauque alors qu'il se recule et retire la lame planté. Kyle me tire immédiatement par le bras pour m'approcher près de lui.
— Espèce de sale gamine ! grogne John.
— LÂCHE-MOI ! Hurlai-je à Kyle.
Je me débats. Kyle me retient fermement, mais je le frappe au visage de toute mes forces pour qu'il me relâche.
Toutes mes émotions se fracassent les unes contre les autres : la rage, la douleur, le désespoir, la haine... Je ne sais même plus contre qui je suis en colère. Contre John pour ce qu'il m'a fait ? Contre Kyle pour m'avoir retenue ?
Je profite de cet instant pour m'enfuir et courir aussi vite que mes jambes me le permettent. Je ne réfléchis pas, je cours juste, comme si ma vie en dépendait. Mes pas sont maladroits, et je vacille dans tous les sens. Les ruelles défilent autour de moi, mais je les vois comme floues et déformées par le chaos dans ma tête.
Je cours sans faire attention et débouche sur une route. Les voitures arrivent d'un coup et les pneus crissent dans un bruit assourdissant lorsque les voitures se stoppent. Les phares m'aveuglent. Je m'arrête net au milieu de la route, figée, sous les klaxons.
— Vous ne pouvez pas faire attention ?!
— Le feu est passé au vert !
Leurs voix se perdent dans un brouhaha incompréhensible. Je les fixe, comme si je voyais les pires horreurs sur terre, avant de leur tourner le dos. Je continue à courir tout en sentant mon coeur qui tambourine dans ma poitrine et prêt à exploser.
Je me glisse dans une ruelle sombre où un petit groupe est rassemblé autour d'un feu. Une vieille femme se retourne en me voyant et m'observe attentivement. Son regard me met mal à l'aise.
— Vous allez bien, mademoiselle ? Vous avez été agressée ? On peut appeler la police si vous...
— Non...non. Excusez-moi, dis-je en coupant ses mots.
Je pousse à travers la foule, mais les yeux de la vieille femme sur moi sont persistant. Sans faire attention, je bouscule plusieurs personnes en marchant. J'ai l'air totalement désorienté, comme si je ne contrôlais plus rien de moi-même.
Je tourne à gauche pour m'éloigner de la civilisation. Personne ne dort à New-York, même à cette heure tardive.
Je continue d'avancer et me repose contre un mur en brique lorsque je tombe sur un groupe de trois types bizarres. Ils fument près d'une benne à ordures et ne cessent de chuchoter des mots tout en me fixant Je tourne mon visage pour ne pas leur donner d'attention mais j'entends des pas s'approcher.
— Il fait tard non ? Tu es seule ? me lance un des mecs avec un sourire pervers sur le visage.
Les deux autres restent plantés là, comme s'ils regardaient un spectacle. Il est totalement bourré, l'odeur de l'alcool et de la drogue se mélange dans mes narines.
Il s'avance encore, et je le sens se pencher vers moi. Son intention est claire. J'essaie de me décaler, mais il me bloque le chemin.
— Si tu veux, je peux te raccompagner chez toi.
D'un coup, il tente de me toucher vers la cuisse. L'agacement monte en moi. C'est trop.
Sans réfléchir, je lui plante mes ongles profondément dans le cou et laisse le sang gicler sur le sol. L'homme gémit de douleur, mais je ne le laisse pas partir. Mes yeux brillent alors d'un vert émeraude plus profond et ne cesse de le fixer. Il commence à suffoquer. La peau de son visage se décolore, devenant grisâtre, comme si la vie quittait son corps.
Il s'effondre à mes pieds. Je tourne la tête vers ses camarades qui ont fait tomber leurs clopes par terre sous le choc, mais avancent tout de même dans ma direction. L'un deux attrape une barre en métal tandis que l'autre allume son briquet comme s'il était prêt à me brûler.
Je n'ai plus rien à perdre, alors pourquoi résister ? Je m'approche d'eux sans but précis, même si ma fierté me hurle le fait que, parmi toutes les morts que j'ai évitées, mourir par deux imbéciles serait vraiment triste.
L'un tend la barre en métal sous la flamme du briquet de son pote, pour la chauffer jusqu'à ce qu'elle devienne rouge vif. Puis, sans prévenir, il fonce sur moi. Je tente de l'esquiver mais la barre effleure ma main dans sa course. Une douleur brûlante me traverse, et un cri strident s'empare de moi.
Je recule instinctivement et tient ma main contre moi. La douleur est insupportable, et quand j'ose enfin regarder ma paume, je vois une marque rouge vif, parfaitement nette, laissée par la barre chauffée. Mon souffle s'accélère, mais je n'ai pas le temps de m'appesantir sur ma blessure.
Les deux hommes se ruent de nouveau vers moi avec une telle violence. Mon corps se prépare à encaisser un autre coup, mais des bruits de balles retentit dans tout New York. Les deux hommes s'effondrent lourdement devant moi.
Je lève les yeux et je vois Kyle au loin, avec son pistolet à la main. Il se rapproche doucement.
— Ne bouge pas, dit-il d'une voix froide.
Mais je ne l'écoute pas. C'est la dernière personne à laquelle j'ai envie de parler.
Mes yeux se baissent vers les corps sans vie à mes pieds. Mon souffle devient irrégulier, et sans réfléchir, je fais demi-tour et recommence à courir. Mes pieds frappent le sol mouillé à mesure que la pluie commence à tomber.
Un grondement sourd traverse le ciel, suivi d'un éclair qui illumine brièvement la ville. Je continue sans but précis vers une forêt à l'orée de la ville. La pluie s'intensifie et s'abat sur moi comme si le ciel voulait effacer ce que je viens de vivre.
— Tara...
La voix de Kyle résonne derrière moi. Je cours mais mes talons me ralentissent.
— Arrête-toi ! hurle-t-il encore.
Je l'ignore.Mon cœur bat à tout rompre en entendant ses pas se rapprocher.
Un bras m'attrape soudain par la taille et me tire en arrière. Je me débats et hurle à travers les éclairs qui déchirent le ciel. Kyle me maintient fermement.
— Tara, écoute-moi !
— Non ! Lâche-moi !
Je plaque mes mains sur mes oreilles pour ne plus entendre ses mots. Je refuse. Je ne veux pas écouter. Mais il ne me lâche pas.
— Tu le savais, Kyle ! hurlai-je à travers le vacarme de la foudre. Tu savais que la seule chose que je voulais plus que tout au monde, c'était de donner naissance...
Mes larmes se mêlent à la pluie qui ruisselle sur mon visage. Ma voix est à peine audible, mais je poursuis, déchirée :
— Tu m'as promis... tu m'as promis que tu empêcherais quiconque de me retirer cette liberté...
Il s'approche encore et pose une main hésitante sur ma joue trempée. Sa paume est chaude malgré le froid qui nous entoure.
— Je sais ce que je t'ai promis... murmure-t-il en me fixant profondément.
Mais sa voix, douce et posée, ne fait qu'attiser la tempête en moi. Je recule brusquement et dégage sa main d'un geste sec.
— ALORS POURQUOI TU NE M'AS PAS AIDÉ ? POURQUOI TU L'AS LAISSÉ ME TRAITER COMME ÇA ?!
Je hurle à m'en arracher la voix, la douleur prend le dessus.
Il reste immobile et je constate que sa mâchoire se crispe.
— Tu crois que c'était facile ? murmure-t-il en essayant de garder son calme, crois-moi, ce n'était pas ce que je voulais.
— TU N'AS RIEN FAIT, KYLE !
Je le pousse de toutes mes forces sous la pluie.
— ABSOLUMENT RIEN !
Il recule d'un pas, mais ne réagit pas autrement. Sa résignation me met hors de moi. Je le frappe à nouveau, mes poings s'abattent contre son torse. Il ne bouge pas et encaisse en silence.
— Tu n'as rien fait... répétai-je cette fois à voix basse.
Mes larmes coulent sans retenue
Mes forces m'abandonnent, et je m'effondre presque contre lui. Je le fixe avec toute la haine que je peux rassembler.
— Je te déteste... soufflai-je comme un dernier éclat de rage.
Je suis épuisé d'être traité comme une moins que rien. Avant que je ne puisse reculer, ses bras se resserrent contre ma taille. Sa proximité me fige.
— Je te donnerai toute l'explication, je t'en fais la promesse, chuchota-t-il contre mes cheveux.
Il recule légèrement et retire sa veste trempée. Sans attendre ma réaction, il la pose sur mes épaules.
— On va rentrer.
*********
MAISON
00 H 30
— Les autres ne sont toujours pas rentrés, constate Kyle en tenant la porte ouverte pour moi.
Je m'avance sans un mot et lui tends sa veste, toujours trempée.
— Tu ferais mieux de prendre une douche chaude, ajoute-t-il en prenant la veste. Tu dois être gelée.
J'hoche simplement la tête.
— Prends-la dans ma salle de bain.
Je fronce les sourcils, incertaine d'avoir bien entendu.
— Quoi ?
— Prends des affaires, et douche-toi dans ma salle de bain, Tara.
Un soupir s'échappe de mes lèvres tandis que je m'empresse de chercher des vêtements. J'entre dans sa salle de bain sans même lui donner un regard. Je me glisse sous l'eau chaude. La foudre éclate encore dehors et m'effraie de temps en temps. Ce genre de bruit me rappelle à quel point tout peut basculer en une seconde.
Je ferme les yeux et laisse mes pensées dériver vers Eden, Harvey et Maddison. Avec ce déluge, j'espère qu'ils sont en sécurité, qu'ils ne sont pas coincés quelque part ou pire...
Maddy...
Son visage s'impose à mon esprit. Cette expression horrifiée qu'elle avait quand elle m'a vue à cette soirée... Jamais je n'oublierai. Un poids écrase ma poitrine, et je pose une main tremblante sur le mur carrelé. L'eau continue de couler, mais elle ne me soulage pas. Elle n'efface rien. Je rouvre les yeux et fixe ma main. La paume blessée me pique encore légèrement.
Quand je sors de la salle de bain, je m'arrête devant le miroir. Ce que je regarde me dégoûte, je suis dégoûté de moi-même, de n'avoir pas su me protéger comme il le fallait.
On dit souvent qu'on est mieux servi par soi-même, qu'il ne faut compter sur personne d'autre. Mais j'ai échoué, lamentablement. John a pris ce qu'il voulait, ce que personne n'aurait jamais dû pouvoir me voler.
Je sors de la pièce, Kyle est assis sur un fauteuil près de la fenêtre. Il regarde dehors avec une cigarette entre les doigts. Il tourne la tête quand il m'entend arriver. Ses yeux me scrutent de la tête au pied.
— Je vais aller prendre une douche aussi, et on fera un tour, déclara-t-il en se relevant.
— Faire un tour ? Il est bientôt 1 heure du matin...
— Tu as envie de dormir peut-être ?
Ça m'énerve qu'il ait raison.
— Non ?
— Alors attends-moi.
Je m'assois sur le bord du lit. Kyle finit par poser son téléphone sur la table de chevet et se dirige vers la salle de bain sans un mot de plus. La porte se ferme derrière lui, et quelques secondes plus tard, le bruit de l'eau commence à résonner.
L'ennui me gagne presque immédiatement. Mon regard glisse sur les murs sobres de la chambre, les meubles soigneusement arrangés.
Ce détraqué sait faire le ménage finalement.
C'est alors que j'entends son téléphone vibrer.
Je me lève doucement et m'approche du téléphone. Je tends la main et le prends. Verrouillé. Évidemment. C'est un code à six chiffres que je dois inscrire dessus.
Je réfléchis rapidement. La plupart des gens utilisent des codes qu'ils connaissent bien, souvent liés à des dates importantes : anniversaires, souvenirs, ou même des chiffres qu'ils tapent tous les jours sans y penser.
Mais comme je classe Kyle dans la catégorie des hommes peu lucides, je teste le code : 123456. Bingo
L'écran m'affiche directement le dernier message reçu : "Il pleut comme vache qui pisse." qui vient d'Eden et qui me fait sourire.
Je continue de fouiller sur son téléphone, tant que je n'ai rien à faire, je me le permets. Je clique sur son Instagram. Je m'attends à tomber sur quelque chose de personnel. Mais ce n'est rien de tout ça. Pas de photo de profil, zéro abonnés, zéro abonnements. Pas une seule publication. Le désert total.
Soit c'est un faux compte, soit il aime être discret. Je regarde dans ses recherches et constate qu'il y a mon compte parmi. Ce psychopathe me stalk même sur Instagram.
Il doit le faire avec plusieurs comptes.
Je décide de jeter un œil dans ses photos et tombe sur celles qu'on avait prise sous ce ciel étoilé. Je les défile une après l'autres quand je tombe sur une photo de moi qui m'est inconnue. Mon sourire s'efface, remplacé par une pointe de surprise. J'étais prise de dos, près de la Tour Eiffel, lors de notre mission à Paris.
Il m'a prise en photo ? Oh... Elle est vraiment très belle.
Mon cœur rate un battement. Un bruit me fait sursauter. C'est Kyle qui sort de la salle de bain avec simplement une serviette autour de la taille. Je repose immédiatement le téléphone à sa place.
— Tu me prends pour un con ? lance-t-il.
Je hausse les épaules.
— Je ne sais pas, tu es un homme, je te rappelle.
— Qu'est-ce que tu foutais avec mon téléphone ? éjecte-t-il.
— Je regardais les photos que j'avais prises l'autre soir.
Il plisse les yeux, sceptique.
— Attends... Tu as déverrouillé mon téléphone ?
— Tu ne t'es pas foulé pour le code. "123456", c'est du déjà-vu.
Il attrape un pantalon posé sur le fauteuil avant de le poser sur le lit.
— Et t'as trouvé quoi, Sherlock Holmes ?
— Rien de spécial, tu n'es pas très divertissant, déclarai-je.
— Parce que tu n'as pas bien cherché.
— Toi en tout cas tu cherches très bien, arrête de pister mon compte insta.
— Je le piste pas, je me mets au nouvel. Tu n'as pas jugé utile de te dire que j'avais plusieurs comptes ?
— Ça m'avait traversé l'esprit, ronchonnai-je.
Il secoue la tête et s'apprête à retirer la serviette autour de la taille.
Euh...
— Tu peux te retourner ? Ou quitter ma chambre ?
Tu aurais pu te changer dans la salle de bain, imbécile.
Je quitte sa chambre lorsque j'entends un bruit de serrure, ils sont là.
Je m'arrête dans le couloir en les voyant. Eden porte Maddy dans ses bras. Ses cheveux sont trempés, tout comme ses vêtements.
Harvey lui tient la porte ouverte. Quand il me voit, il marque un temps d'arrêt. Ses yeux me scrutent rapidement. Son expression passe de la neutralité à une inquiétude, mais il ne dit rien, se contentant de me fixer.
— Je vais la déposer dans sa chambre, murmure Eden en marchant dans la direction.
Alors Harvey s'avance vers moi et pose sa main sur mon épaule.
— Dis-moi qu'il ta dit la vérité, je te jure qu'on voulait te le dire mais c'était trop dangereux.
— De quoi tu parles ?
Je sens une présence derrière moi.
— On peut y aller, déclare Kyle avant d'avancer.
Harvey attrape aussitôt son bras.
— Tu lui as dit, j'espère ?
— Me dire quoi ? interviens-je.
— Pas encore, siffle Kyle en me jetant un regard.
— Tu attends quoi ? Il manquerait plus qu'elle fasse une tentative de suicide, Kyle ! chuchote Harvey.
Au même moment, Eden revient.
— Il ne lui a toujours rien dit, insiste Harvey.
— Quoi ? Tu te fous de moi ? s'exclame Eden à voix basse.
Je suis un mur ? Ils se mettent à l'écart, suffisamment loin de moi pour que je n'entends rien, mais j'ai une très bonne ouïe.
— Je vous promets que je lui dirai.
— Mais quand ? Tu l'as bien vue comment elle était quand ils lui ont implantés l'aiguille ! Sérieusement ? Elle m'a brisé le coeur ! Tu as bien vue dans ses yeux sa frustration ! riposte Eden en essayant de ne pas parler trop fort.
— Joue pas au con, Kyle, fait-le le plus rapidement possible, l'avertis Harvey.
Ce dernier hoche la tête avant de me fixer. Je comprends alors que c'est le moment de partir. L'orage s'est calmé, il laisse derrière lui qu'une pluie fine et persistante. Nous montons dans une voiture, une autre que sa porsche 911, et sans un mot, Kyle démarre. Le ronronnement du moteur brise le silence tandis qu'il s'engage sur la route.
Je ne demande pas où il nous emmène. Mes pensées tourbillonnent à causes des mots d'Eden et de Harvey.
"Elle mérite de savoir."
"Pas maintenant, Harvey. Pas ce soir."
De quoi parlaient-ils ? Et surtout, pourquoi me tenir à l'écart ? Je déteste ce sentiment. Celui où tout le monde semble au courant de quelque chose d'important, sauf moi. Je me sens plantée là, comme une conne.
Kyle garde les yeux rivés sur la route, une main posée sur le volant, l'autre sur le levier de vitesse. Sa mâchoire est tellement serrée que ça me donne mal à la mienne. La voiture ralentit, et je réalise qu'il s'arrête au bord d'un port offrant une vue dégagée sur le Manhattan Bridge avec des bateaux éclairés qui y passent sous et les buildings au loin.
— J'ai appris à te cerner, tu aimes discuter en regardant la vue de New-York, alors c'est ce qu'on va faire, murmure-t-il en tournant la tête dans ma direction.
Il descend de la voiture, et je le suis à mon tour. Il a arrêté de pleuvoir. Nous nous approchons d'un banc qui donne une parfaite vue sur la ville et les bateaux.
Je m'assois et laisse échapper un soupir. Mon regard est happé par la scène, mais mon esprit reste agité. Peu de temps après, Kyle vient s'asseoir à mes côtés. Il ne dit rien, et pourtant sa présence semble lourde de sous-entendus.
— Je comprends en soit pourquoi tu aimes regarder la ville, lance-t-il d'une voix basse. C'est calme...
Je ne réponds pas. Je l'observe du coin de l'œil. Son visage est tourné vers l'horizon, mais ses traits sont tendus.
— Tara, il y a quelque chose que je dois te dire.
Je me redresse doucement mais continue de regarder face à moi.
— Ce que je t'ai forcé à boire...avant que John n'intervienne...
Le souvenir de ce moment revient comme un flash. Kyle était tendu quand j'ai remis en question le contenant de l'échantillon.
— Qu'est-ce que c'était ? demandai-je.
Il inspire profondément.
— C'était... un mélange. Un mélange de venins.
Je me fige. Venins ?
— Des venins de serpent, poursuit-il. Assez puissants pour modifier temporairement ton système immunitaire... et contrecarrer certains types de toxines.
— Pourquoi ?
— Parce que je savais ce que John comptait faire. La seringue qu'il t'a implantée... elle contenait un produit conçu pour te rendre stérile. Mais avec ce que je t'ai donné... ton corps a résisté.
Mes mains se crispent sur mes genoux en comprenant ce qu'il est en train de dire.
— Tu veux dire que...
— Que ça n'a pas marché, Tara. Tu n'es pas stérile.
Les mots deviennent lourd et me tombent dessus. Mon esprit s'emballe et jongle entre le soulagement et l'incrédulité.
— Comment... comment tu peux en être sûr ?
— La dernière fois que je t'ai fait boire ce mélange, c'était pour tester si ma théorie était bonne. Il neutralise ce genre de produit en supprimant sa progression dans le système. Ton corps a été protégé.
Une vague d'émotion monte en moi. Kyle m'a sauvé ?
— Tu savais ce qui allait arriver, et tu ne m'as rien dit ?
— Parce que tu ne m'aurais pas cru. Tu m'aurais envoyé balader comme toujours, et on aurait perdu cette chance.
Son ton reste calme. Je n'arrive pas à croire que c'est réel.
— Et si ça n'avait pas marché, Kyle ? Tu y as pensé ?
— J'ai pris le risque, parce que je ne pouvais pas rester là à ne rien faire.
Un long silence s'installe entre nous. Il tourne la tête vers moi et poursuit :
— Je te l'ai promis, non ? Personne ne te retira ce que tu désires tant.
— Mer-merci...
Je baisse les yeux, perdue entre les battements chaotiques de mon cœur et le poids de ses paroles.
— Mais... si tu connaissais la vérité, pourquoi tu les as tous tués ?
Je le vois se raidir, ses poings se contractent légèrement.
— Même si je savais que je t'avais protégée...
Il inspire profondément avant de poursuivre :
— Je ne sais pas... J'ai pas supporté. J'ai juste...agi.
Il serre la mâchoire.
Un frisson parcourt mon échine, mais je n'interromps pas. Je sens qu'il n'a pas fini.
— Et il fallait que John y croit.
— Qu'il croit quoi ?
— Que tu me détestes.
Ses yeux rencontrent les miens.
— Il fallait qu'il pense que tu es maintenant perdue. Qu'il ait l'impression d'avoir gagné. C'était la seule façon de détourner son attention de toi.
Je n'avais jamais été protégée de cette façon. D'habitude, c'est moi qui porte cette charge, moi qui m'assure que personne ne puisse m'atteindre. Je me suis construite sur cette idée : ne compter que sur moi-même, parce que les autres finissent toujours par trahir ou abandonner.
Mais Kyle... il a fait quelque chose de différent. Quelque chose que je ne sais pas encore comment gérer.
— Pourquoi avoir fait tout ça pour moi ?
Il ne répond pas tout de suite. Peut-être qu'il cherche ses mots, ou peut-être qu'il ne veut pas les trouver. Finalement, il murmure, presque trop bas pour que je l'entende :
— Parce que tu le mérites.
Je cligne des yeux, surprise. Je ne m'attendais pas à ça.
— Je le mérite ? répétai-je, incrédule. Tu te rends compte de ce que tu dis ? Après tout ce que j'ai fait...
Il se lève du banc et s'approche du bord.
— Peu importe ce que tu as fait, Tara. Tu mérites d'avoir une vie comme tous le monde. Même si tu ne le crois pas.
Je me lève à mon tour et m'approche doucement.
— Tu m'as sauvé, lançai-je sous le choc.
Il se raidit avant de se retourner.
— Comme quoi, je ne suis pas le méchant dans l'histoire.
Je baisse la tête en repensant à ce que j'avais hurlé à cause de ma colère. « Je te déteste », « Tu n'as rien fait ». J'étais hors de moi, et le pouvoir des mots l'a emporté.
— Ce n'était pas ce que je voulais dire, ripostai-je.
— Tu l'as dit.
— Mais j'étais sous l'effet de la rage, Kyle.
— Je sais, je comprends... Mais il y a une part de vérité dans ce que tu as dit.
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas où est-ce qu'il voulait en venir.
— Au fond, tu me détestes, ou... je souhaite que tu me détestes, poursuit-il.
— Pourquoi ? soufflai-je.
Il détourne enfin les yeux vers moi avec son expression froide, presque absente.
— Parce que ce n'est qu'une question de temps avant que tu retrouves ton ancienne vie, dit-il d'une voix rauque. Et la mienne.
— Si tu veux que je te déteste, c'est ton choix, mais pas ce soir. Je n'y arriverai pas, répondis-je.
Il ne dit rien et acquiesce en silence. La pluie recommence à tomber, d'abord en fines gouttes, puis plus intensément. Kyle jette un coup d'œil au ciel, puis à moi.
— Viens, dit-il brusquement en attrapant ma main sans attendre de réponse.
Il me tire doucement vers la voiture, ouvre la portière arrière, et je m'installe à l'intérieur. Je me décale légèrement pour lui laisser de la place. Il entre à son tour et referme la porte.
La pluie s'intensifie et frappe contre les vitres. On aurait pu rester sur les sièges avant, partir d'ici, mais quelque chose me dit qu'il n'en a pas envie.
Je l'observe du coin de l'œil. Il fixe l'extérieur.
— J'aime bien la pluie, admet-il.
Et tu veux que je te réponds quoi ?
— C'est apaisant quand tu es à l'intérieur et que tu l'entends.
Je m'installe confortablement sur la banquette et savoure le bruit naturel qui nous entoure. Mais j'ai envie de socialiser avec lui. Je me suis rapproché de lui ces jours-ci, et après ce qu'il a fait pour me sauver, j'ai l'impression que je peux me confier.
Je tourne légèrement la tête vers lui qui contemple la pluie comme un enfant.
— Kyle, tu sais... j'ai déjà vécu de la discrimination, mais je crois que aujourd'hui, c'était la plus brutal...Et je n'aurai jamais cru qu'il y aurait pire que ce jour.
Il se détache de la vitre et me fixe en arquant un sourcil comme si ce que j'avais lancé l'intriguait. Je me racle la gorge avant de poursuivre.
Je veux discuter avec toi.
— Quand...Quand j'étais en primaire, il fallait qu'on s'assoit autour d'une grande table pour des travaux en groupe. Sauf que j'étais toujours seule à ma table.
Je sens une pression naître dans ma poitrine. Ce souvenir, je le maudis plus que tout.
— Cette fois, ma professeure avait enfin remarqué que je devais être plus entourée par les élèves. Alors, elle a demandé si quelqu'un voudrait bien travailler avec moi.
Je baisse les yeux et remarque que ma cuisse commence à trembler légèrement à cause de ce qui va suivre. Ce n'est pas volontaire, mais l'angoisse monte. Pourtant, je veux continuer. Je le veux, parce qu'avec Kyle, je sens que je peux enfin me confier.
Quitte à être déçue, je le sais qu'on a presque vécu la même chose mais qu'il se tue à rester impassible.
— Ils ont tous tourné leur visage vers moi... et quelqu'un a dit : "Elle est trop bizarre, elle entend des voix dans sa tête."
Je serre mes mains pour contenir ce qui monte, mais ça ne change rien. Je sens mes muscles se contracter, ma jambe tremble de plus en plus.
— La prof ne m'a pas défendue. Elle m'a juste regardée... comme eux.
Kyle baisse les yeux vers ma jambe et m'interrompt.
— Attends... Tu me laisses faire ? demande-t-il doucement.
Je le regarde mais je ne bouge pas. Sa main se pose délicatement sur ma cuisse pour exercer une légère pression qui, étonnamment, commence à apaiser le tremblement.
— Continue, si tu en as envie, murmure-t-il d'une voix réconfortante.
Je ferme les yeux un instant avant de poursuivre.
— J'ai eu une crise, plus forte que les autres, en plein cours. La maîtresse a essayé de me calmer... mais je bougeais dans tous les sens pour me calmer et quand elle s'est approché de moi, je l'ai giflée. Ce n'était pas ma faute... je... je...
Ma voix se casse, mes mains tremblent à présent elles aussi. Kyle passe un bras derrière mon dos et pose une main ferme sur mon épaule pour me rapprocher doucement contre lui.
— Je sais, murmure-t-il contre mes cheveux. Je sais que ce n'était pas de ta faute.
Je prends une inspiration avant de continuer.
— Ils ont appelé mon beau-père, mais... mais c'est Ana qui est venue me chercher.
Un long frisson me traverse. Les mots que je m'apprête à dire sont comme un poison dans ma gorge.
— Quand on est rentrées, elle m'a forcée à prendre une douche brûlante. Puis... elle m'a empêchée de m'habiller en sortant.
Il ne dit rien, mais sa main sur ma cuisse se fait un peu plus présente.
— Elle a pris une... une cuillère en bois, et elle m'a frappée avec. Pendant des minutes et des minutes... Elle disait qu'elle maudissait le jour où ma vraie mère m'a mise au monde. Qu'elle aurait dû m'étouffer à la naissance.
Je sens ma respiration devenir erratique. Je pose ma tête contre son épaule et savoure son contact chaud qui m'enveloppe. La pluie claque contre le toit de la voiture, l'atmosphère est plus qu'apaisante.
— Jamais je ne te négligerai pour ce que tu es, me rassure-t-il. Et tu ne devrais jamais te sentir gênée de ne pas être comme tout le monde. Parce que, honnêtement, c'est cette différence qui te rend... toi.
Comment cet homme peut être aussi détestable et si...doux ? Il a une manière à lui de me réconforter que j'admire alors que je devrais haïr.
— Moi aussi j'ai été juger pour ma différence, poursuit-il, parce que je suis le fils de quelqu'un d'autre. Mon beau-père n'avait pas arrêté de me le rappeler et n'hésitait pas à me gifler quand il en avait l'occasion.
Je lève doucement la tête pour croiser son regard. En parlant de sa famille...
— Kyle ? Ce que John a dit... sur ta mère...
Son visage se ferme immédiatement, comme si mes mots venaient de déclencher un verrou qu'il voulait garder intact. Je regrette presque d'avoir posé la question, mais je ne peux pas m'empêcher de chercher à comprendre.
— Elle... elle t'a vraiment abandonné ?
Sa main, posée sur ma cuisse, se crispe jusqu'à se refermer en poing. Instinctivement, je place ma main sur la sienne pour lui dire qu'il n'a pas besoin de répondre s'il ne le souhaite pas.
Après un long moment de silence, il finit par murmurer d'un ton absent :
— Elle s'est pendue devant moi. J'avais huit ans.
Ma bouche s'ouvre sous le choc. Il l'a dit comme s'il ne ressentait plus rien, comme s'il avait grandit avec cette douleur au point que ça ne le touche plus.
— Je suis désolée..., balbutiai-je.
Il hausse légèrement les épaules.
— Tu n'as pas besoin de l'être, c'est des choses qui arrivent, déclare-t-il d'un ton sec.
Il est si insensible...
Il détourne alors son attention vers ma main, qu'il saisit doucement pour l'ouvrir. Ses yeux s'arrêtent sur la cicatrice qui traverse ma paume. Je n'avais pas chercher à la cacher en sortant de la douche.
Avec délicatesse, il effleure la marque du bout de ses doigts, comme s'il cherchait à comprendre son origine sans poser de question.
La chaleur de son geste est presque insupportable. Mais bientôt, son regard glisse et s'arrête sur mes poignets. Ses doigts s'attardent un instant sur les fines marques qui, bien que discrètes, restent visibles.
— Tara... c'est quoi ces marques ? murmure-t-il.
Je remarque qu'il parle des marques que Rhys m'a fait à cause des cordes trop serrés.
Je ressens une vague de panique me traverser, son attention est en train de mettre à nu quelque chose que je voulais oublier. Je retire brusquement ma main de la sienne et recule mon corps du sien.
Les souvenirs reviennent...
Rhys. Les chaînes. Ses mains froides et son souffle rauque contre ma peau.
— On devrait y aller, déclarai-je d'un ton sec en essayant de masquer ma surprise.
Il fronce légèrement les sourcils, douteux face à mon changement d'attitude brusque, mais il ne me questionne pas.
Du moins, il essaie pas.
— D'accord, finit-il par dire d'un ton peu convaincant.
Je tourne la tête vers la fenêtre. Je ne peux pas lui dire. Je ne veux pas lui dire, surtout. Pas maintenant. Peut-être jamais.
Je veux régler cette affaire moi même.
Kyle...tu m'as peut-être protéger cette fois, mais je serai la seule à veiller sur moi comme il le faut.
Ce moment de confession n'était qu'une tactique pour qu'il se dévoile un peu plus à moi, et ça à marcher.
Ce n'est que des petits fragments que j'ai recueillis, mais j'avance parfaitement.
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FINITO PIPOOOOO ✨
Je pense que c'est l'un de mes chapitres préférées car Tara a ce don de me toucher !
En espérant aussi que ce chapitre ne vous a pas déçu ! 🤍
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À LA SEMAINE PROCHAINE
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