Chapitre 4 – Tony

Même si Tony sait que c'est un simple enregistrement et que ça ne se passe pas au même moment, il ne peut lutter contre un instinctif sentiment d'indignation et de pure haine qu'il ressent à la vue de son fils blessé. Il ne lutte finalement plus contre le besoin de poser sa main contre l'écran, et ses doigts effleurent le menton tremblant de son fils, souhaitant plus que tout au monde essuyer les larmes qui coulent sur ses joues contusionnées.

L'adolescent laisse échapper un sanglot à travers les haut-parleurs, presque comme s'il pouvait ressentir la caresse réconfortante de son père, et le son grésille. Tony grogne quand un large torse se place dans le champ de vision de la caméra, cachant Peter de sa vue, et il fait un pas en arrière avec inquiétude avant de se rappeler que ce n'est qu'un enregistrement.

L'homme se recule, les cheveux frisés et le visage rouge. Il lève la main, le bord tranchant d'un couteau glissant négligemment sur sa joue grasse alors qu'il se gratte le nez, son autre main gesticulant derrière lui en direction de Peter. Tony peut à peine voir son fils derrière l'homme, mais il peut dire que l'adolescent tressaille au mouvement exagéré, son gémissement de crainte tout juste audible à cause de la respiration rauque de son ravisseur.

Tony sent son sang bouillir, sa main libre se resserrant si fort contre sa jambe toujours douloureuse que ses jointures craquent. Il plisse les yeux, regardant l'écran avec une telle haine que le Réacteur ARK semble devenir plus éclatant que d'habitude, sa lumière se reflétant sur l'écran au milieu du front de l'homme.

Et puis, l'homme commence à parler.

- Bonjour, Stark. Je m'appelle Jason.

Pendant qu'il parle, il fait quelques pas en arrière, le couteau tendu comme un pistolet, la lame aiguisée et pointée en direction de la silhouette sans défense de Peter, enchaîné au mur.

- Je suis ravi de voir que le petit film que je suis en train de faire te soit parvenu.

Tony écoute la voix grave et un peu en colère de l'homme avec un dégoût contrôlé, regardant avec des yeux écarquillés et vacillant le monstre s'approcher de plus en plus de son fils, le couteau toujours pointé vers lui.

- Je dois d'ailleurs te prévenir, ce n'est pas un film que tu peux montrer à des enfants. C'est un peu... brutal.

Arrivant finalement au niveau de Peter, Jason s'accroupit et attrape le menton de l'adolescent, redressant son visage comme il l'a fait déjà un millier de fois. Peter laisse échapper un cri de douleur, levant les mains pour les mettre sur les doigts de l'homme, ses yeux marrons écarquillés et fixés dans ceux de son père à travers l'écran. Tony agrippe le bord de la table, sentant sa poitrine lui faire mal à la vue de la douleur qui marque le visage de son bébé.

L'homme lâche Peter après quelques secondes, et pointe son couteau vers lui, avant de le faire glisser contre sa peau. Il fait une longue et profonde entaille dans le pull noir de l'adolescent, au niveau de sa clavicule, et le tissu devient plus sombre au moment où le jeune Stark laisse échapper un halètement. Son visage devient rouge, ses yeux laissant échapper des larmes tandis qu'il semble lutter pour garder le contrôle de lui-même. Tony grogne, sentant ses lèvres se retrousser de haine quand il voit le visage de Jason se fendre d'un large sourire, frottant ses grosses mains l'un contre l'autre en regardant son prisonnier.

- Maintenant que je sais que j'ai ton attention, Iron Man, j'aimerais que tu me fasses une faveur.

L'homme regarde la caméra, ses yeux perçants trouvant ceux du génie alors qu'il lève une main, l'autre agrippant le couteau plus fermement avant de se retourner. Il marche jusqu'au centre de la pièce, ses pas mesurés et lents.

- J'ai désespérément besoin d'argent, d'un paquet d'argent. Et qu'est-ce que toi tu as ?

Au ton condescendant employé, Tony grince des dents, résistant au besoin de cracher sur l'écran alors que l'homme s'arrête, son corps lui cachant le reste de la pièce (dont Peter). Jason fait une pause dans son discours, comme s'il attendait une réponse qui, il le sait, ne viendra jamais. Il répond finalement à sa propre question, sortant sa langue pour humidier ses lèvres sèches et gercées.

- Et bien, il me semble, Stark, que tu as tellement d'argent que tu ne sais même pas quoi en faire. Mais heureusement pour toi, j'ai quelques idées.

Le moment d'après, Peter doit avoir fait un bruit quelconque, un sanglot qu'il n'a pas pu retenir, car soudainement, l'homme se tourne à nouveau. Tony pousse un cri de rage et d'angoisse quand son fils apparaît devant lui à nouveau, son visage mortellement pâle et sa blessure commençant à saigner davantage. Dans un mouvement brusque, l'homme gifle violemment au visage le garçon qui ne s'y attendait pas, avec un bruit sourd. Exhalant difficilement, Tony tremble d'une rage pure alors qu'il voit son fils heurter le mur derrière lui, ses yeux se révulser et gémissant de douleur.

Puis tout aussi rapidement, les yeux marrons et brillants de larmes sont forcés à se rouvrir, la panique s'y installant profondément et dilatant ses pupilles. Il frémit un peu, ses lèvres tremblantes alors qu'il prend de petites goulées d'air, levant ses bras faibles devant lui dans une tentative désespérée de se protéger. Son ravisseur lui donne un petit hochement de tête satisfait, avant de regarder par-dessus son épaule en direction de la caméra. On devine facilement son sourire satisfait quand il parle.

- Je l'ai vraiment bien dressé, comme tu peux le voir.

Tony n'a jamais autant voulu tuer quelqu'un de toute sa vie. L'intensité de ce besoin fait trembler tout son corps, ses muscles tendus alors qu'il grogne de rage. Sa vision est baignée de rouge, le feu brûlant violemment dans son âme.

Jason met Peter sur ses pieds, attirant l'adolescent contre sa poitrine et enroulant son bras autour du corps plus petit du garçon. Les chaînes de Peter s'entrechoquent quand il se lève lentement. Le mouvement lui fait lâcher un petit gémissement, ses cheveux retombant devant ses yeux pour cacher ses yeux injectés de sang quand il baisse honteusement la tête.

Tony sent son cœur se briser davantage. Non, Peter. Ce n'est pas ta faute, mon cœur. S'il-te-plait, n'abandonne pas. S'il-te-plait.

Le père ne résiste pas au fait de répéter ces quelques phrases à voix haute, entièrement focalisé sur l'horreur de ces images qui sont jouées devant lui. Tirant de nouveau ses cheveux, l'inventeur essaie de calmer ses envies de meurtre pour se focaliser sur son fils.

Attirant le visage brouillé de Peter contre sa poitrine avec plus de force, Jason sourit impitoyablement au superhéros horrifié, ses yeux reflétant la lumière d'une lanterne proche. Son ombre rampe le long du mur sale derrière lui, l'obscurité semblant enrober toute la pièce d'une couche dégoutante de souffrance et de saleté. C'est le symbole de quelque chose de terriblement mauvais, et le monstre trempe dedans comme un gamin dans un bain de bulles.

- Dis à papa combien tu lui manques, Petey, s'extasie l'homme, enlevant les cheveux du garçon de devant son visage avec la pointe du couteau, et l'adolescent émet un son étranglé quand il s'approche à quelques centimètres de ses yeux remplis de larmes. Dis-lui combien ça fait mal, et combien tu as envie qu'il vienne te sauver pour te ramener à la maison. Allez, pleure comme le petit garçon que tu es et dis à Stark comment tu te sens vraiment.

Peter halète, sa bouche s'ouvrant et se refermant comme un poisson hors de l'eau, ses mains se levant inconsciemment vers son père dans une position universelle qui veut dire « serre-moi dans tes bras ». Tony lève aussi ses bras instinctivement, en sachant qu'il échangerait n'importe quoi dans cette Tour pour avoir la chance de serrer son petit garçon dans ses bras à nouveau. L'adolescent sanglote, recourbant ses doigts comme pour attraper ceux de Tony, même si ses mots haletants contredisent le sous-entendu du mouvement.

- Non ! Non, papa ! Tu p-peux pas faire ça ! Ne lui donne pas ce qu'il veut ! S'il-te-plait, papa !

L'air satisfait de l'homme s'efface, et il repousse l'adolescent sanglotant, le soulevant par les cheveux et lui crachant au visage. Peter continue à supplier son père de ne pas donner l'argent à cet homme, sa voix se brisant et son corps tremblant alors qu'il sacrifie ses propres besoins pour garder la réputation de Tony intacte. Le millionnaire crie presque avec agonie à l'entente de ses paroles, laissant finalement couler ses larmes le long de ses joues sèches. Même en pleurant, sa colère bouillonne, s'enroulant autour de sa poitrine comme un ressort prêt à se relâcher.

- Espèce de stupide gamin ! hurle l'homme, jetant Peter au sol avant de frapper l'estomac de l'araignée avec son pied.

Le plus jeune des Stark grogne de douleur, se recroquevillant sur lui-même pour se protéger du mieux qu'il peut.

- Sale petite merde !

Après quelques coups de pied supplémentaires, Jason semble se lasser, sa respiration hachée et irrégulière tandis qu'il se replace brusquement devant la caméra. Son visage est vide de toute émotion, sa voix basse et ses yeux teintés de folie.

- Dix Millions de Dollars. Si je n'ai pas cette somme, ton précieux gosse verra chaque os de sa main brisé un à un, en commençant par ses phalanges. T'as une heure. Passé ce délai, tu recevras un autre Email comme celui-ci, sauf qu'il sera beaucoup moins plaisant à regarder. Quand tu auras l'argent, appelle le numéro situé à la fin de ce message, et on programmera un rendez-vous pour échanger nos paquets. Le moindre appel n'ayant aucun rapport avec le fric entrainera la mort immédiate et enregistrée de Peter. Bonne chance.

La dernière chose qu'entend Tony avant que l'écran devienne noir est le cri d'agonie de Peter et il voit les lèvres de Jason s'incurver en un sourire malveillant.

Le génie respire fort, sa poitrine serrée comme s'il venait de courir un marathon. Un monologue interne de Oh mon Dieu oh mon Dieu oh mon Dieu s'il-vous-plait non s'il-vous plait non pas Peter s'il-vous-plait pas mon bébé oh mon Dieu s'il-vous-plait tourne en boucle dans sa tête, ses jambes faiblissant et ses oreilles bourdonnant. Tony se laisse tomber par terre, ses sanglots déchirant emplissent le laboratoire et résonnent à travers la pièce.

Mais une fois qu'il a fini de pleurer pendant quelques secondes déchirantes, laissant toutes ses émotions sortir dans un grand cri, le millionnaire relève la tête. Essuyant ses dernières larmes, Tony se reprend, laissant la colère qu'il sent bouillonner dans son estomac et dans sa poitrine recomposer son visage comme un masque. Ses yeux brûlant de haine et la respiration haletante, le père commence immédiatement à chercher des informations sur toutes les maisons abandonnées dans New-York.

L'adrénaline coule dans ses veines, aussi frénétiquement que bat son cœur, et l'inventeur sait que l'heure à venir va être difficile.

Il a beaucoup de travail à faire.