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Niveau 10


Rien ne s'est passé comme prévu. Pourtant, ce n'était qu'un baiser, rien qu'un baiser. Juste deux bouches qui se rencontrent, deux langues qui se mêlent. Ce n'était pas mon premier baiser. Ce n'était pas la première fois que je restais passive en attendant que mon calvaire se termine. Ce n'était vraiment pas la fin du monde. Je n'ai pas couché avec lui et je respire encore. Ma famille aussi. Mais j'ai beau me répéter que ce n'était rien de grave, cette sensation de dégoût m'étrangle et ne me relâche pas.

Nous sommes dans The Virginity Game, un baiser dans ce jeu n'a pas la même signification. Et le monde entier en a témoigné et témoigne à présent de mes sanglots minables. Grotesques. Incompréhensibles. Je sens déjà les fans me pointer du doigt, me critiquer, me haïr pour ne pas savoir apprécier la chance que j'ai. C'est que je joue mon rôle de grande détestée à la perfection. Quelle mauvaise plaisanterie.

Cependant, le sarcasme du destin ne devrait plus me surprendre. La fleur au fusil, il me mitraille sans faille et adossée contre la porte, mes jambes cèdent. Les remparts s'écroulent sous le souffle des balles explosives. Des flashs lumineux m'aveuglent et Winter remplace dorénavant les visages outrés et vénéneux.

Ses paroles, sa bouche, son regard, ses gestes, tournent en boucle dans ma tête et une nouvelle salve de larmes se déverse sur mes joues. J'ai joué et il s'est joué de moi. Qu'est-ce qui m'a pris de me penser capable de le défier ? Je l'ai bien cherché. Si je m'étais tu, il ne m'aurait jamais embrassé. Vraiment ? raille la voix de ma conscience. Tu veux dire si tu ne l'avais pas laissé faire. Encore. Et je ne peux prétendre le contraire.

Esclave d'un océan de flammes, des vagues d'acidité remontent dans ma gorge et brûlent ma trachée. Accablée par mon propre corps, mes doigts serpentent sur mon cuir chevelu avant de planter leurs crocs. La douleur devient insupportable et mon visage boursouflé se terre entre mes mains. Mais impossible d'étouffer mes gémissements. Les blessures infligées sont trop profondes. De la morve coule sur mes lèvres telle une rivière de sang, des gifles pleuvent sur mes joues et sous des hurlements tragiques, de petits hématomes se forment sur mes cuisses, là où mes poings se déchainent.

La défaite approche. Mais les ennemis ne doivent pas me capturer. Aussi, à deux doigts de passer l'arme à gauche, je me relève et découvre une ribambelle de couteaux aimantés au-dessus du plan de travail. Pile ce dont j'avais besoin. Je prends le plus tranchant à mes yeux et l'approche de mon avant-bras. La lame froide caresse mes veines dont le bleu ressort merveilleusement bien. Je suis la plus longue et la plus épaisse, plante la pointe du couteau à l'intérieur, l'enfonce un plus profondément et le laisse tomber sans que la moindre goutte de sang ne se répende sur le marbre blanc. Ma faiblesse est risible. Hilarante. Désopilante.

Échouée contre les placards de la cuisine, je plonge dans l'océan scintillant sous les milliers d'étoiles qui brillent dans la nuit. Le cimetière des âmes perdues et vaincues par d'innombrables guerres meurtrières. À quatre-pattes, je me traîne jusqu'à l'angle des baies vitrées et plaque ma main dessus. En contrebas, la lune gibbeuse se reflète à la surface et, même si quelques vaguelettes troublent ses contours, jamais elle ne sombre. Elle veille sur les dépouilles des défunts engloutis par les mers. Mon poing se serre et je me fais une promesse solennelle.

Plus jamais Winter ne prendra mes lèvres. Ni lui, ni aucun autre joueur. Certes, leur résister s'avère bien plus compliqué que je ne le pensais. Les joueurs sont des manipulateurs hors pairs. De jolis emballages piégés. A la moindre interaction, ils détonnent pour un peu de contenu. Mais, je sais maintenant ce qu'il me reste à faire. Éviter le front par-dessus tout. En attendant, bien sagement cachée dans l'ombre des tranchées, le moment de prendre la fuite. Car il viendra. Je le sais.

Cependant, ce ne sont pas les joueurs qui me sauveront. Je suis la seule à pouvoir me sauver. Et je n'ai pas le droit d'échouer. Car je ne joue pas seulement ma vie. Jouer. Je déteste ce mot, c'est officiel. Pourtant, c'est celui qui correspond le mieux à la situation. C'est un jeu pour tout le monde, sauf pour moi. Mais, après tout, la guerre n'est-elle pas le jeu préféré des Hommes ?

Un carillon, doux et cristallin, pourfend la nuit étoilée de toute sa pureté. Une nouvelle heure sonne. Il est vingt heures. Plus que quinze minutes pour préparer à manger et retrouver ma chambre. Ce constat me mortifie un peu plus. Malgré tout, je me redresse et ouvre les portes du réfrigérateur. Il déborde d'absolument tout ce dont je pourrais avoir envie, mais le cœur n'y est pas. Le vaurien s'est délogé de ma poitrine pour se faire la malle. Je me force tout de même à grignoter quelques tomates cerises et leur goût étonnamment sucré contrebalance un peu l'acidité inondant mes papilles. Dépourvue d'inspiration, je compose trois sandwichs avec les vivres échouant sous mes mains et sors de la cuisine. Je remets ma robe tombée au combat et lève les yeux vers Paul, droit comme un I dans son armure de majordome.

— Si vous voulez bien me suivre. Je suis ici pour vous raccompagner à votre chambre, m'informe-t-il avec professionnalisme.

Je ne sais pas qui l'a envoyé sur le champ de bataille récupérer les blessés et je n'ai franchement pas la force de le lui demander. Aussi, dans le plus grand silence, il me ramène au camp. Sans lui, je ne serais jamais arrivée à temps. Je m'apprête à le remercier quand un son familier résonne dans le couloir. Je reconnaîtrais cette chanson entre mille. C'est l'une de mes favorites. La mélodie sombre et puissante fait écho à toute la souffrance, la terreur, le désespoir et le chagrin noircissant mon cœur, noyé dans cet inconnu abyssal que je ne peux rejeter plus longtemps.

Paul remonte la manche de sa veste et un bracelet noir sidéral, identique au mien, se dévoile. Les sept leds clignotent d'une lumière bleutée et une voix robotique remplace la musique.

— Paul, rejoins-moi à la base.

— Tout de suite, Monsieur.

Paul s'incline d'un léger mouvement de tête et tourne les talons. Je crie un « merci » alors qu'il s'éloigne sans se retourner. De nouveau seule face à ma destinée, j'affronte la porte des enfers, encore perturbée par cette voix. Ennemie ou alliée. Dieu seul le sait. Et Dieu n'aime pas partager ses secrets. Préparée à l'incinération, j'entre dans la suite hivernale et constate sans surprise que March et February m'attendent de pied ferme.

— À une seconde près, tu étais en retard, me lance March.

Son ton sec et tranchant ne manque pas de me tendre autant que la corde d'un arc, et à défaut de décocher une flèche mortelle, je lui donne l'assiette composée plus tôt. February la récupère et jette un regard de dégoût aux sandwichs, mais demeure muette. C'est au Capitaine de s'exprimer en premier. March analyse le plat, les yeux plissés. La sentence tombe.

— Tu ne mangeras pas ce soir, déclare-t-elle, sur un ton irrévocable.

Je n'aurais pas pu avaler quoi que ce soit. Mon appétit a pris le large et les tomates cerises m'ont repu. J'attends donc ma permission de sortie quand March prend un sandwich. Je déglutis. Elle croque le pain de mie emprisonnant la tranche de saumon, les rondelles de concombre et le cream cheese. Elle mâche lentement, étudiant chaque saveur comme le plus fin des stratèges décortiquant une carte. Et engloutit sa bouchée alors que ses yeux s'agrandissent.

— Bien meilleur qu'il n'y paraît, s'égaye-t-elle.

Sans un autre coup d'œil, mes coéquipières se réunissent dans la chambre de March. Ainsi, la défaite n'est pas totale. Mais elle n'en demeure point terrible. Les bras ballants, je regagne mon lit et peine à m'endormir.

🃏

Mon estomac gargouille et me tire de mes cauchemars sanglants. Après une nuit des plus agitées, je doute de retrouver un sommeil paisible un jour. Dotée, donc, d'une nouvelle affliction, je me prépare sans grand entrain. Ni beaucoup d'efforts. Je n'ai envie de plaire à personne, pas même à moi. Et quand je contemple mon reflet dans le miroir avec mes cheveux bruns et mornes, je sais mon coup réussi.

Mes mains glissent sur ma peau rouge et déshydratée, ripent contre les valises alourdissant mes yeux, caressent mes narines irritées et parcourent les crevasses fissurant mes lèvres. Ma laideur ne connaît aucune limite et même les vêtements amples que je porte ne parviennent pas à la masquer, ne serait-ce que légèrement.

Ma capuche rabattue, je quitte mon tombeau et, marchant aussi vite qu'un cadavre en décomposition, traverse le salon. Les fleurs de lys, toujours aussi belles et fraîches, croisent ma route sans éveiller la moindre lueur ce matin. Quel dommage de ne pas pouvoir me sustenter uniquement d'eau et de lumière.

Une fois à l'extérieur, je gagne l'unique couloir désespérément blanc, conduisant à la suite, et dès les premiers pas, mes pieds crissent sur le sol étonnament moelleux. J'enfonce le bout d'une de mes baskets dans ses entrailles et en l'extirpant, une traînée duveteuse se dépose sur mes lacets noirs. Elle fond et de l'eau glaciale s'infiltre par les coutures. Une véritable tempête s'abat alors sur mon esprit. Trop d'interrogations, de théories, d'idées me bombardent. Et au sein de ce bourbier, je distingue des cartes rectangulaires, enfouies au milieu des flocons aussi faux que tous les gens qui maintiennent en vie ce jeu abominable.

Accroupie, je saisis une de ces cartes et l'approche de mes yeux. Un joker rouge armé d'une faucille se dessine. J'en ramasse une autre et observe cette fois un joker noir armé d'une rose. Je poursuis ma cueillette et les six cartes dénichés s'avèrent toutes affublées d'un joker rouge ou noir. La septième, en revanche, mêle les deux. Fondu l'un dans l'autre, je ne saurais dire s'ils s'affrontent ou s'enlacent. Mais leur sourire se révèle aussi grandiose que leur échange.

Mes doigts survolent les branches des deux soleils superposés au dos de la carte. Je la retourne et vois le rouge et le noir s'entremêler dans un tourbillon étrange. Si puissant que je discerne à peine les deux astres dorés. Et sans le relief qui leur confère de la matière, ils seraient quasi-invisibles.

Les sept cartes collectées, je les écarte en éventail dans mes mains. Puis je les étale sur le sol froid et les compare plusieurs fois. Néanmoins, incapable de comprendre leur sens, je les fourre dans la poche de mon jogging violet et me remet lentement en route.

Je tourne à droite dans le couloir des nuages comestibles et ces derniers semblent avoir grossi pendant la nuit. Je ne m'en formalise pas et progresse jusqu'au corridor de marbre. Je ne marche sur aucune veine dévitalisée et n'explose malheureusement pas. Arrivée au-dessous de l'arche de verre, je surplombe le cœur de la verrière et mes yeux, à défaut de mes jambes, partent en reconnaissance.

D'innombrables fleurs multicolores s'épanouissent un peu partout. Certaines grimpent le long de la structure d'acier. D'autres s'enfoncent dans des trous béants, où dorment je ne sais quels maléfices. La fontaine, qui hantent maintenant mes pires cauchemars, s'érige au centre, majestueuse et... Ma bouche en tombe. Les cinq monstres, indiquant chacun une voie, crachent des trombes d'eau qui se déversent dans des canaux absents hier soir. Je descends les escaliers translucides et hésite un instant à faire demi-tour. Mais après réflexion, si le tourbillon pouvait me conduire dans les abysses se serait plutôt une libération.

Toutefois, parvenue à mi-chemin, la fontaine ne bouge pas. Je frappe la plus grosse des pommes de pin et le silence me répond. Je pensais Paul, responsable de son immobilité. Je me suis trompée. Rien d'étonnant, me direz-vous. Je rejoins donc le démon lapin, si hautain et majestueux, dans son armure de métal et avec son immense lance. Lance qui m'a sauvé la vie lors du tournoiement enragé de la fontaine maudite.

Je me dirige ensuite vers le démon cerf, aux bois si imposants qu'ils en touchent presque le plafond de verre et traverse la passerelle aux planches inégales fendant la futale de bambous. Après trois couloirs, je débarque devant la cuisine. Pour autant, le périple ne s'avère pas terminé. Et si je comptais revenir sur mes pas, mon estomac chagriné m'en empêche. Il crie famine.

Cependant, avant de le contenter, une vérification essentielle s'impose. Je m'approche des cases enfoncées dans le mur végétal. Deux sont occupées. Je les fouille. Bien que ce ne soit pas très respectueux, à part les téléspectateurs haineux, soit la quasi-totalité du monde, personne ne sera au courant. Je déplie une longue robe fendue que je remets à sa place et répète l'opération avec un teeshirt blanc et une robe rose poudrée.

Mes baskets surélevées rejoignent les bottes à scratch noirs, plus petites et féminines, et les spartiates montantes à lacets colorés sur le tapis tissé. Je retire mon sweat et mon jogging, en retenant mon souffle. Une fois rangés, mon ventre se manifeste dans un ultime appel à l'aide. Je me force à respirer de nouveau et entre dans mon maillot de bain une pièce qui descend même sur le haut de mes cuisses flasques et repoussantes. La porte franchie, un poids pesant se soulève. August et July rient aux éclats.

Elles diffèrent tant que c'est étonnant de les voir ensemble. Toutefois, July a définitivement séché ses yeux et le son d'un rire chérubin se trouve bien plus agréable à celui de larmes désolantes. August m'aperçoit et se précipite vers moi. Elle me salue en me prenant dans ses bras. Sa familiarité me laisse pantoise. Néanmoins, ce contact sans sous-entendu se révèle plutôt agréable, pas au point de sourire, mais suffisamment pour que je lui rende son étreinte.

— Jay, je suis très heureuse de te revoir. Tu n'as pas l'air en forme, constate-t-elle tristement. Viens avec moi, je vais te remonter le moral.

Elle m'attire jusqu'au plan de travail et je m'arrête sur les couteaux de la veille. Une vague d'aigreur me submerge et me plonge dans un tumulte de pensées plus noires les unes que les autres.

— On prépare des pancakes ! Que dirais-tu de nous aider ? me propose August d'une voix chaleureuse. C'est simple, amusant et délicieux. Tu verras, ça te changera les idées.

Mon ventre décide soudainement de témoigner son mécontentement et August, dans son bikini pailleté, me sourit d'un sourire si prompt et si fervent. Elle est rayonnante. Je dirais même heureuse. Comme si elle possédait le pouvoir d'éclairer les ténèbres.

— Ah, mais c'est parfait. Nous pouvons te changer les idées et te nourrir par la même occasion ! Qu'en dis-tu ?

Cependant, toute cette profusion de joie qu'elle manifeste, est-ce vraiment ce qu'elle ressent ? Brille-t-elle réellement à l'idée d'être dans ce jeu ?

— Pourquoi pas, murmuré-je.

Voici l'occasion idéale de glaner quelques informations. J'espère que ma mine ne s'est pas vidée de son or depuis la dernière fois. Car je compte sur elle pour me donner les clés qui m'aideront à m'échapper de cette île odieuse.

— August, je me demandais, tu es une Voyeuse ou une Capitaine ?

— Une Voyeuse, répond-t-elle, en ajoutant la farine pesée par July dans le bol du robot mélangeur.

August n'a donc pas choisi de participer. D'après les explications de Winter, seules les Capitaines ont postulé, avec la ferme intention de remporter le milliard de dollars tant convoité. En revanche, August regardait l'émission. Que ressent-elle maintenant qu'elle est celle de l'autre côté de l'écran ?

— Passe-moi trois œufs, s'il te plaît.

Ma main s'entrechoque avec celle de July et nous échangeons un regard gênant.

— Pardon, vas-y, chuchote-t-elle.

— Non, non, ne t'inquiète pas, vas-y, la rassuré-je.

— Jay, et ces oeufs alors ? Je croyais que tu avais faim, glousse August.

Les mains entrelacées, July m'offre un sourire quelque peu forcé et se met en retrait. N'ayant pas assez d'énergie à lui consacrer, je me focalise sur August et lui tends les œufs un à un, plongée dans ses grands yeux noirs où je ne décèle pas une pointe de tristesse. Mais est-ce la vérité ou sait-elle juste aussi bien masquer ses émotions que les joueurs ?

— Tu connais déjà les quatre ignorantes, toi, April, July et October, poursuit-elle, en jetant les coquilles. Les quatre voyeuses sont les mois suivants, c'est-à-dire February, May, moi et November. Et les capitaines sont les derniers mois de la saison, il y a March, que tu as déjà rencontré, June, September et December.

J'enregistre et note ces noms mentalement. Il ne me reste plus qu'à associer un visage à chacun d'eux et à les éviter comme la peste.

— Je veux bien le lait maintenant.

July joue avec le nœud de son maillot asymétrique, appuyée contre les placards. Elle ne montre aucun signe d'intérêt alors je me charge de fournir la bouteille déjà dehors. August la vide dans le réceptacle en verre et allume le robot mélangeur, bien silencieux comparé à l'antiquité dont je me servais.

— Et voilà ! s'exclame-t-elle avec satisfaction. Plus qu'à patienter quelques minutes.

August s'étire et quand elle lâche brusquement :

— Ça doit te faire bizarre de te retrouver ici du jour au lendemain.

Une bombe me saute au visage. Bizarre. Elle prononce ses mots avec un immense sourire telle une simple banalité échangée avec une amie autour d'un café. Ce n'est pas juste bizarre, c'est bien plus. Si je devais choisir un mot, ce serait apocalyptique.

— Qu'est-ce que ça te fait à toi ? demandé-je.

— Pas grand-chose. Je prends ce jeu comme il est : un jeu. Même si je perds ma virginité, ça ne me dérange pas. Il faut bien la perdre un jour et je n'ai pas envie de rester vierge jusqu'à mes trente ans ! Quoique, on pourrait faire de mon histoire une comédie romantique ratée. Je vois bien un titre du genre « trente ans, toujours vierge ».

Le pire c'est que ce serait totalement possible. Les gens adorent rire de ceux qui se trouvent différents. Quoi de mieux pour se rassurer que de se moquer des autres.

— Bref, ce que je veux dire, c'est que dans le pire des cas, j'ai le choix entre quatre dieux du sexe pour ma première fois. Tout le monde n'a pas cette chance. Je détesterai tomber sur un mec inexpérimenté qui ne sait pas s'y prendre. Ou, pire, pense que le sexe dans la vie réelle ressemble à celui des pornos qu'il mate. Mieux vaut qu'il y en est un des deux avec de l'expérience pour éviter des accidents embarrassants et les joueurs ne manquent pas de pratique. En plus, ce n'est pas comme si j'allais en épouser un. Et puis comme ça, quand je trouverai le bon, je saurai quoi faire ! Car pour le moment, il s'avère tristement absent. Alors que mes charmes sont foudroyants. Un peu trop, peut-être, rit-elle.

August compte s'amuser et profiter du jeu avec légèreté. Comme si elle avait enfilé un casque de réalité virtuelle et incarnait un personnage fictif. Après tout, à part notre apparence, qui a peut-être même été altérée pour les Capitaine et les Voyeuses, personne ne connaît rien de nous. Notre identité est secrète exactement comme dans ce genre de jeu. Toutefois, notre réalité n'est pas virtuelle. Notre disparition est bien réelle et les Ignorantes n'ont pu prévenir personne de leur départ. De plus, une autre différence essentielle existe, nous ne sommes pas les seules à vivre nos tribulations.

— Savoir que le monde entier assistera à cet événement ne te perturbe pas ?

Son rire, vif et bouillant, me répond et j'en perds ma voix. Comment le regard de millions de téléspectateurs peut-il ne pas lui faire peur ?

— Jay, ils ne montrent pas les scènes de sexe ! Enfin, c'est vraiment bien tourné, comme dans les films ou les séries. Ils jouent sur les ombres et les lumières. C'est sensuel, sans être vulgaire. Sexy, sans être obscène. C'est même beaucoup mieux fait que certains navets sur lesquels tu peux tomber. La direction artistique de The Virginity Game est tout simplement incroyable ! Ils savent mettre en valeur les atouts de chacun. Surtout des joueurs, ce sont eux qu'ils montrent le plus.

L'extrait regardé avant que ma vie ne dérape me percute et je revois cette petite brune. Elle était majoritairement de dos et sa poitrine généreuse ne s'est jamais retrouvée complètement à découvert. Toutefois, même s'il est vrai que Summer captait toute l'attention de la caméra, ce n'était qu'un court passage.

— Les pions passent au second plan. Car, bon, c'est aussi ce que les téléspectateurs attendent et ils doivent les satisfaire. Il n'y a que pour les Capitaines que ça ne s'applique pas. Parce que qu'il y a quand même une gente masculine bien hétéro à combler et les Capitaines sont toutes particulièrement magnifiques. C'est dans le contrat. Quoi qu'il en soit, les Ignorantes sont les plus épargnées par la production. Tu ne seras jamais montré à ton désavantage. Donc, crois-moi, quand je te dis qu'il n'y a rien à craindre, c'est qu'il n'y a rien à craindre.

— Vraiment ? intervient July d'une voix fluette, sans lâcher son nœud. Parce que les filles de mon lycée en parlent comme si c'était du porno et vu l'obscénité de leurs fonds d'écran...

Un coup de massue me frappe le crâne. July est encore au lycée. Elle est née au mois de juillet. Nous sommes en juin. Même en terminale, elle n'aurait que dix-sept ans. Est-ce légal de faire participer des mineures ? Ses parents ont-ils donné leur accord ?

— Quoi ? July, bien sûr que non ! s'écrie August, en la regardant avec de grands yeux. Ce n'est pas du porno. Si tes amies t'ont dit ça c'est qu'elles n'en n'ont jamais regardé et bien que les joueurs posent souvent nu le principal est caché. Franchement si tu voyais les calendriers des étudiants en médecine, tu ne trouverais pas ça obscène. D'ailleurs, je me pose la question depuis un moment, mais tu as quel âge ?

— Ce n'est pas la peine de me regarder comme ça. Je ne suis pas si jeune, soupire July. J'ai juste redoublé pour des problèmes personnels et c'est pour ça que je suis encore au lycée. Mais j'ai bien la majorité sexuelle. Même si je ne pense pas que ça t'intéresse réellement de le savoir.

Ma respiration se coupe quand je me rappelle la règle numéro une. Si elle l'a enfreint, je pourrais bien être punie avec elle. Il est si difficile de savoir ce qui peut être dit et ne pas dit. J'aurais mieux fait de ne pas m'attarder. La gourmandise est un bien vilain défaut.

— Doucement, tempête. C'était juste une question. Je te pensais plus âgée, voilà tout. Je ne suis pas là pour m'en prendre à toi, contrairement à ce que tu sembles penser. Et sache que je ne t'aurais jamais demandé quelque chose qui ne m'intéresse pas.

Un bruissement métallique hérisse mes poils. La poignée s'abaisse. Nous sommes foutues. Les joueurs savent, ils vont nous punir. Pourquoi n'ai-je pas mis les voiles plus tôt ? La porte s'entrouvre dans un craquement. Une main, suivie d'un bras, passe à travers l'ouverture. Un corps, puis un visage émerge.

Mon estomac se desserre aussitôt et ma poitrine se relâche. April nous rejoint dans son maillot une pièce. Avec ses cheveux courts en bataille, elle semble tout juste tomber du lit. Elle hume la pièce et esquisse un sourire exquis.

— Des pancakes ? se réjouit-elle, imperméable à l'atmosphère pesante qui règne.

Le robot sonne et la pression redescend.

— Tu arrives juste à temps, l'informe August. Nous allions passer à table. N'est-ce pas, July ?

— Oui, oui, confirme-t-elle, d'un léger sourire, en se rapprochant de la nouvelle venue. Je suis contente que tu sois là, April.

— Moi aussi ! renchérit August. Quoi de plus plaisant que de voir les Ignorantes réunies.

Incapable de savoir comment prendre sa remarque, je l'ignore. Comme mes deux compatriotes, d'ailleurs. Qui, maintenant qu'elles sont côte à côte, semblent bien plus fortes.

August, qui sifflote gaiement, vide la pâte dans le réservoir de la machine à pancakes et la met en route. July et April échangent des messes-basses, en apportant les différents topping sur la massive table en chêne. Prise entre deux courants opposés, je dépose un assortiment de mûres, de framboises, de groseilles et de myrtilles aux côtés des confitures, du miel et de la pâte à la noisette. De la chantilly, du caramel au beurre salé et du sirop d'érable ne tardent pas à les rejoindre. Nous sommes au paradis du pancake, à défaut du paradis de l'amitié.

— Regardez-moi ces belles assiettes !

Des montagnes de pancakes en approche, July et April terminent d'installer les couverts et leur sourire crispé me donne envie de prendre le large. Mais, mon estomac me tuerait sur le champ si je ne le remplissais pas. Aussi, je m'assois sur le banc en bois, en face de mes deux compatriotes, qui s'entendent à merveille, et August s'installe à mes côtés.

— Qu'est-ce que vous attendez ? Servez-vous, nous invite August.

July et April entament le festin et discutent entre elles, pendant qu'August s'approche de mon oreille.

— Jay, tu n'as pas à t'inquiéter. Aucune information sensible n'a été révélée. Et puis, ce sont celles qui posent les questions et celles qui donnent les réponses qui sont punies, me chuchote-t-elle.

Son sourire me réconforte. Je remercie sa discrétion du regard. Elle ne l'a pas dit devant les autres et je lui en suis reconnaissante. Il est vrai que July n'a donné ni le nom de son lycée, ni expliqué les raisons de son redoublement, ni même son âge. De plus, je sais maintenant qu'écouter ne présente pas de risque. Si elle te dit la vérité, intervient la voix de ma conscience. Et je n'en ai aucune preuve. Aussi la vigilance s'impose. Car rien ne m'assure qu'elle ne me mène pas en bateau de la plus habile des manières. Surtout, vu son affection flagrante pour les autres Ignorantes.

Je saisis un pancake de taille et de forme parfaites comme tous les éléments de ce jeu et le tartine avec du miel de châtaignier. En une bouchée, le goût, puissant mais pas trop sucré, me submerge. L'équilibre est... parfait. La seule imperfection réside dans les pions. Quoi que, toutes les filles qui m'entourent sont vraiment belles. Et de ce que j'ai vu le premier soir, les autres pions le sont aussi. Elles possèdent toutes un charme particulier. Charme qui ne m'habite pas.

— August, je dois dire que je n'aurais jamais pensé manger à ta table un jour, s'étonne April, alors que July hoche la tête.

Perdue entre deux bouchées, j'écoute attentivement la réponse d'August. Elle ne briserait pas une règle. Enfin, je l'espère.

— J'avoue que moi non plus. Mais voilà l'occasion idéale pour apprendre à se connaître. J'ai toujours pensé que vous étiez des filles renfermées et ennuyeuses. C'est vrai que je le pense encore. Mais j'ai décidé de vous laisser une chance. J'ai envie de voir comment vous allez vous en sortir toutes les deux maintenant qu'October n'est plus là pour vous sauver. Et je me demande bien comment vous évoluerez dans cet environnement. Jusqu'où pouvez-vous aller ?

Me voilà bien perplexe. Tout indique qu'elles se connaissent d'avant, mais est-ce seulement possible ? Les filles viennent du monde entier, la probabilité est si faible. Pourtant, cela paraît être le cas à la façon dont August s'adresse à elles. Et April, la main serrée autour de sa cuillère, ne semble pas avoir apprécié son commentaire. À juste titre, pensez-vous. Il n'était pas très plaisant.

— Tu fais preuve d'une grande générosité, dis-donc. Devrions-nous t'en remercier ? Et dire qu'on a toujours pensé que tu étais... inaccessible. En fait, tu te penses juste au-dessus des autres parce que tu as un peu d'influence, réplique April avec écoeurement.

Hier encore, April pleurait à chaudes larmes et s'accrochait à moi, à deux doigts de succomber. La nuit lui a visiblement permis de recharger pleinement ses batteries. Et elles débordent de courage.

— Tu ne prends pas ce jeu au sérieux, tout comme tes deux amies. Vous vous pensez toute puissante, capable de tout contrôler, comme si vous étiez intouchables. Certes vous avez des privilèges, mais vous êtes coincées sur cette île tout autant que nous. Et ce n'est pas une idylle romantique qui vous attend. Vous êtes des pions au même titre que les Ignorantes et je n'ai pas besoin de t'en apprendre la définition. Alors moi, je me demande, jusqu'à quand tiendrez-vous ?

Son menton relevé, elle regarde August de haut. Puis ses yeux bleu-ciel se posent sur moi et, en un éclair violent et fulgurant, elle se rappelle ma présence. Elle me fixe, en mordant ses lèvres pâles. En a-t-elle trop dit ?

— April, tu es surprenante. Sous tes airs de petite fille innocente se cache une vraie langue de vipère. Mais comme tous les serpents, tu t'enfuis au moindre fracas au lieu d'affronter tes peurs.

La comparaison d'August s'avère plutôt juste et correspond bien à April. Seulement, les raisons de son anxiété sont-elles justifiées ?

— Jay, détends-toi, ce n'est qu'un échange amical. Personne ne risque quoi que ce soit, me glisse August.

Je ne suis pas sûre qu'April considère cet échange comme amical au vu de la mine sombre qu'elle affiche. Néanmoins, tout est une question de point de vue, je suppose.

Ma migraine refait surface et je masse mes tempes, en guettant la porte. Elle demeure close. Je trie donc les informations captées avec un plus de sérénité. La plus capitale est la mésentente entre July, April et August. Les rires de ce matin n'étaient que prestance et faux-semblants. Et maintenant que j'y repense, c'était évident. Elles se détestent depuis le début. Donnée essentielle, car si je suis amenée à choisir un camp, autant que ce soit le bon. Et pour l'instant, celui des Ignorantes n'est pas le plus attirant.

— Tu sais quoi ? Va te faire foutre ! beugle April, soudainement.

Sa frange masque ses sourcils, mais la petitesse de ses yeux ne laisse aucun doute, ils sont aussi froissés que son front et son égo.

— Tu n'es qu'une peste ! Les Voyeuses se pensent trop bonnes pour les Ignorantes, quand elles n'arrivent même pas à la cheville des Capitaines. Tu verras, ta condescendance te perdra. July, January, on s'en va.

July se lève et tous les regards se dirigent vers moi. Mes iris oscillent entre les Ignorantes à gauche et August à droite comme un métronome incontrôlable. Le silence devient pesant et toujours aussi démunie face à ce choix cornélien, mon rythme cardiaque voltige entre ciel et mer.

— April, July, je vous ordonne de quitter la pièce. January, tu restes ici, tranche August.

Mes deux compatriotes lèvent les yeux au ciel et soufflent bruyamment, mais s'exécutent.

— À plus tard, Jay.

— Que la chance soit avec toi, marmonne July.

Dans un dernier regard empreint de compassion, elles referment la porte de la cuisine. La tension disparaît enfin et mon rythme cardiaque redevient régulier. August a décidé à ma place et je ne pourrais lui en être plus reconnaissante. La simple idée de me faire des ennemies aussi tôt, même des Ignorantes, me crève le cœur. Pourtant, un jour ou l'autre, je devrai choisir et tous ces choix me fatiguent à la longue. Car, contrairement aux jeux de rôle, impossible de revenir en arrière ou de recommencer la partie.

— Eh bien ! Quelles plaies celles-là. Elles prennent vraiment tout trop sérieusement. Elles sont d'une susceptibilité. Impossible de discuter avec elles. Et dire que je me faisais une joie de bruncher ! Elles sont parties sans même finir leur assiette... Tu n'as pas intérêt à me laisser seule, Jay. Tiens, ressers-toi, ça te fera du bien.

August dépose un pancake encore fumant dans mon assiette et son odeur réchauffe mes narines. Je teste un nouveau topping et nous parlons de nos plats préférés. Une parenthèse plus qu'appréciable. Toutes deux grandes inconditionnelles du sucré, j'apprends qu'August adore faire des marathons de pâtisseries.

— Tu sais quoi ? Un jour, on devrait en faire un ensemble ! Il n'y rien de mieux que Paris pour goûter aux desserts les plus raffinés et délicats...

Nos bracelets vibrent et l'interrompent. Les leds s'illuminent et l'écran bleu réapparaît. Je grimace dès la première ligne et la fin ne manque pas de me couper l'appétit.

Étape finale de l'Initiation : Strip Poker

Date : Dimanche 12 juin, 18h30

Lieu : Suite hivernale

Prix du Gagnant : La totalité des jetons mis en jeu

Prix du Perdant : Maid de Winter jusqu'aux douze coups de minuit

Non participation : Séjour dans la Cage de Verre pendant 72h

Me voilà mal embarquée. Mais alors très mal embarquée. Je n'ai jamais joué au poker et je n'en ai aucune envie. Surtout quand le perdant bénéficie d'un tel prix ou plutôt d'une pareille sanction. Cependant, impossible de refuser, pas quand la menace de la Cage de Verre plane au-dessus de ma tête comme l'épée de Damoclès elle-même.

— August, tu as reçu la même chose que moi ?

— Oui, à un détail près. Ma partie se déroulera dans la suite estivale et ce ne sera pas en compagnie du ténébreux Winter, mais de l'ardent Summer !

Un soupire m'échappe. Je ne vois pas comment m'en sortir. Ah oui, respire, écoute, analyse, agit. C'est aussi simple que l'enchaînement de ses quatre mots. Ou pas.

— Ne t'en fais pas, Jay. Rappelle-toi, ce n'est qu'un jeu. Tu ne risques rien à jouer.

Non, ce n'est pas qu'un jeu. C'est The Virginity Game et comme l'a dit Winter « The Virginity Game n'est pas n'importe quel jeu ».

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