Le petit carillon d'entrée était comme tous les petits carillons d'entrée, cristallin, et beaucoup trop long et bruyant, si long que je voulais juste le prendre en main pour l'arrêter, mais tout le monde a déjà fait ça avec un carillon et à chaque fois qu'on le lâche, il recommence de plus belle.
Alors je l'ai juste laissé se tortiller au dessus de ma tête aux joues rougissantes de gêne. Au bout d'une semaine de cours à passer tous les jours devant l'intrigante boutique, je m'étais décidé à en pousser la porte vitrée.
Quelques adolescents étaient là aussi, trois peut-être, mais je ne voyais pas toute la pièce d'ici.

Un jeune homme, derrière un comptoir peint de toutes les couleurs, posa ses mains habillées de mitaines en laines sur le bois coloré et m'adressa un sourire sympathique.
« Bonjour jeune humain ! Content de te voir parmi nous dans le Stellar World ! Viens, viens, je te fais la visite ! »

Sans bien savoir pourquoi, je me fis entrainer dans un joyeux tourbillon de couleurs et de paroles semblant répondre au prénom de Lowen, flottant dans une robe à fleurs s'assortissant à des cheveux blonds coupés courts et des yeux clairs.
Il me montra les grandes étagères pleines de livres, qu'il qualifia de "géniaux pour ouvrir les esprits et se renseigner", nomma chacune des plantes sur notre route, allant du plus haut tournesol à la moindre petite pousse vert clair. Un grand coin s'étendait par terre, avec des tapis, des coussins, des poufs, des couvertures et des petites tables où étaient posés quelques sucreries et un verre de grenadine, en face d'un adolescent que j'avais déjà vu, plongé dans un livre, et effectivement je n'avais pas vu tout le monde, ils devaient être une petite dizaine.
Sur la droite, un couloir décoré et fleuri partait et le grand blond m'y entraina, me pointant les toilettes et en face lea psychologue. Il précisa que de cette manière, si on était gêné, les gens ne pouvaient pas savoir si on allait chez lel ou se rincer le visage.
De retour dans la salle, Lowen me montra que derrière son comptoir s'ouvrait une porte, et derrière de la nourriture et des boissons étaient rangées.
Toujours à la disposition de la moindre demande ! Et tout ici était gratuit. C'était fou.
Il me précisa également que les murs — qu'il qualifia de mornes alors que j'aurai plutôt utilisé le mot pétillant pour les décrire — seraient petit à petit recouverts de petits mots, de photos ou de dessins de ses visiteurs.

En parlant des visiteurs, je pris justement le temps de détailler les trois que je voyais depuis là où j'étais pendant que le gérant du Stellar World continuait de parler de je ne sais quoi.
Deux d'entres eux étaient dans ma classe l'année dernière en 5ème mais ma classe était la D cette année, alors qu'ils devaient être en B, comme avant. L'un avait des cheveux bruns coupés courts, et les même lunettes que moi, pendant que l'autre avait des cheveux blonds longs jusqu'aux épaules. Je remarquais alors leurs doigts entrelacés alors qu'ils étaient penchés sur leurs classeurs de maths, le pouce du plus grand caressant le dos de la main du brun. Charlie, je crois bien. L'autre avait un prénom trop compliqué pour que je m'en souvienne après deux mois sans y penser. Ca me faisait bizarre de... Bah de les voir comme ça, parce que, enfin oui mais pourquoi s'étaler sur le sujet !
La troisième personne était un autre homme, assis sur un pouf, de l'âge de Lowen sûrement, qui le regardait en souriant, un livre sur ses genoux. Eux aussi... Enfin bref, oui, ne pas se laisser décontenancer.

Ma concentration se focalisa de nouveau sur celui qui me parlait.
Après ce flot de paroles ininterrompu, le blond me regarda dans les yeux, fier comme jamais.
Me raclant la gorge, ôtant mes lunettes par réflexe, j'eus l'audace de demander :
« Excusez-moi mais... Ca sert à quoi, ici, du coup ?»
Ses yeux gris se fermèrent alors qu'il rigolait.
« Ici ? Mais à vivre, bien sûr, à vivre ! »