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2. the gay club

(🎶/Love - Lana Del Rey)

Slater Young
Lundi 2 septembre 2012

Les vacances d'été touchèrent à leur fin, mais il faisait encore fort chaud. La fenêtre était ouverte et donnait sur une petite rue calme de Londres. J'étais assis sur un fauteuil en face d'une dame d'un certain âge, un peu mal à l'aise. J'avais coincé mes mains moites sous mes genoux. J'aimais bien l'odeur que dégageait ma psychologue. Cela me rassurait. Mrs. Hudson habitait au rez-de-chaussée d'une maisonnette. Elle exerçait son métier dans son salon.

Les oiseaux gazouillaient. Il y avait un ventilateur au milieu de la pièce qui rafraîchissait l'espace. La dame portait ses lunettes en forme de demi-lunes à son nez pour relire ses notes et leva la tête vers moi pour m'observer attentivement. Je détournais le regard, faisant mine d'observer les meubles anciens qui trônaient un peu partout dans le salon ainsi que les vieux bouquins qui prenaient la poussière sur les étagères.

« Tes parents t'ont envoyé chez moi, car ils sont persuadés que tu es victime d'un trouble psychologique. » Dit-elle en posant ses lunettes sur son bureau.

Ses yeux bleus me scrutèrent intensément, puis elle m'adressa un sourire que j'avais du mal à lui retourner. Mes parents me croyaient dingue, c'était une évidence. Désormais j'avais encore plus de mal à me sentir à l'aise dans ce cabinet. Toutefois, le monologue de la psy prit une tournure à laquelle je ne m'attendais pas.

« Mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas mon garçon ? »

Je secouai négativement de la tête. J'avais l'impression que si je racontais mon secret à cette dame, je ne me ferais pas juger. Elle pourrait même m'écouter. Patiente, Mrs. Hudson croisa les jambes et attendit que je lui révèle quelque chose. Pour être honnête, je ne savais pas trop par où commencer.

« Tu peux me raconter ce qui te tourmente tant. Si les gens viennent consulter, c'est qu'ils n'ont personne d'autre à qui parler. Je ne te crois pas fou. Tu es seulement un garçon de 14 ans dont les parents ne prennent pas la peine d'écouter. » Poursuivit-elle en buvant une gorgée de thé.

Convaincu, je me délivrai de mon secret. J'aimais les garçons, et je n'arrivais pas à trouver ma place dans la société. Les filles me traitaient de tapette et les garçons n'osaient pas s'approcher de moi. Tout le monde le savait, car on m'a surpris en train de regarder un de mes camarades de classe se changer dans les vestiaires. La plupart des gens s'amusaient à me balancer des objets au visage lorsque le professeur ne regardait pas ou me traiter de tous les noms qu'on peut associer à mon orientation sexuelle. Ma sœur, qui était en terminale, faisait de son mieux pour me protéger. Elle n'hésitait pas à aller dire un mot aux personnes qui me persécutaient, mais ça ne faisait qu'aggraver les choses. Heureusement, je m'étais fait une amie. Une fille du nom de Trudy Wayne, plus âgée que moi d'un an. Elle est venue vers moi, car elle avait entendu parler de mon secret et qu'elle aussi avait une orientation sexuelle qui n'entrait pas dans la norme. Depuis ce jour, je me sentais moins seul. Mais j'avais toujours du mal à gérer mes parents qui essayaient de me transformer en mâle viril coureur de jupons. Mais comment leur avouer que ce n'était pas moi ? Que les activités qu'ils me proposaient ne m'intéressaient pas ? À chaque fois que j'essayais de leur parler, la seule solution qu'ils trouvaient était d'inviter des amis qui avaient une fille de mon âge et d'essayer de nous caser ensemble.

« Je ne suis pas censé utiliser ces mots-là, mais il y a une chose que tu devrais savoir, Slater. Ce n'est pas parce que tes parents sont arriérés et que la société ne t'accepte pas tel que tu es, qu'il n'y a pas des gens qui te comprennent. Je n'en parlerais pas à tes parents. Ici je vais t'offrir une chance d'être toi-même. »

Lundi 3 septembre 2018

C'est fou comme les choses peuvent être différentes après 6 ans. Mais il y a certaines choses qui ne changent pas. Comme ma sexualité et mon rendez-vous de 12h15 chez Mrs. Hudson chaque premier lundi du mois. Cette femme est devenue comme une deuxième mère pour moi. Elle me comprend même mieux que celle qui m'a mise au monde. À chaque fois que je viens la voir, j'ai l'impression de rentrer chez moi après une longue journée d'école et de lui raconter ce qu'il s'est passé depuis qu'on s'est quitté. Et elle m'écoute en hochant la tête. Parfois elle prend des notes, mais la plupart du temps elle n'en a pas besoin.

Cela fait trois ans que je paye moi-même mes consultations. Mes parents étaient d'avis que je n'avais pas évolué comme ils le voulaient, donc que mes séances avec Mrs. Hudson ne servaient à rien. Mais au contraire, cette dame m'a aidé à devenir moi-même, bien que ce ne soit pas exactement ce que mes parents voulaient. Ils espéraient que je devienne leur fils fort et indépendant, pas cette espèce de chose efféminée très peu sûre de lui.

Cela fait aussi deux ans que j'habite seul dans un petit appartement au centre de Londres, près de l'université où j'étudie. Je fais des études de droit, tout comme ma sœur l'a fait. C'est ce que mes parents souhaitaient, donc on peut encore dire que je ne leur fais pas entièrement honte. C'est aussi pour ça qu'ils m'aident à payer mes cours et mon logement.

Mrs. Hudson aborde l'éventualité de dire la vérité à mes parents. Ils s'en doutent sûrement déjà après mes nombreuses vaines tentatives de leur en parler. Mais un jour il va falloir que je fasse mon coming out proprement. Je suis d'accord avec ma psychologue sur ce point. Non pas pour mettre ma famille au courant, mais pour me délivrer d'un poids que je porte sur mes épaules depuis l'âge de douze ans. Un jour je vais devoir leur dire : 'Maman, papa, je suis gay.' Et comme je considère cette éventualité depuis déjà un moment, je pense que ce jour est proche.

Je croise les jambes et retourne un sourire à Mrs. Hudson. Elle doit être fière que je veuille enfin sortir du placard. Toutes ces heures passées à discuter de la confiance en soi et de l'intégration de la société portent enfin ses fruits. Je vois en moi une évolution évidente. Je deviens une nouvelle personne qui n'a plus peur de se présenter au monde.

Puis je repense à l'invitation privée que j'ai reçue la semaine dernière pour une fête dans un club gay. Trudy aussi y est invitée.

« Tu devrais y aller. Histoire de rencontrer de nouvelles personnes. »

Je connais ce ton. Et ce regard. Mrs Hudson fait allusion à Troy Synn, le garçon avec lequel je suis sorti il y a près d'un an. Le mois passé j'ai encore fait irruption dans le cabinet en chialant. Il y a des jours où ça va et d'autres ou je maudis ma foutue vie d'être si injuste avec moi et mes idiots de parents qui m'ont offert une existence aussi compliquée.

« C'est tellement difficile de rencontrer des personnes homosexuelles. Quand tu es au resto, et qu'un beau garçon semble te regarder, tu ne peux pas aller vers lui pour lui demander son numéro. »

« Pourquoi pas ? »

« Car tu as le risque de te prendre deux râteaux en même temps : celui du 'je ne suis pas gay' et celui du rejet habituel. »

« Il y a les sites de rencontres. »

Je regarde Mrs. Hudson d'un air presque furieux, comme si elle était censée savoir mieux que ça. Je pensais pourtant lui avoir déjà dit.

« Je n'aime pas ça. Tout comme je ne suis pas emballé à l'idée du club de ce soir. Ce n'est pas naturel. Ce n'est pas tomber sur la bonne personne au bon moment dans la vraie vie. »

« L'homosexualité n'est pas si différente de l'hétérosexualité. Ça fonctionne de la même façon. Éventuellement tu tomberas sur la personne faite pour toi au moment voulu. Mais c'est à toi de le vouloir et de faire des expériences. »

J'esquisse un sourire désolé. Évidemment qu'elle a raison. Mrs. Hudson a l'esprit plus ouvert que la plupart des gens de nos jours et elle sait toujours démentir le moindre de mes arguments avec des mots bien plus justes que les miens. Mes parents avaient choisi une dame d'un certain âge, car ils pensaient qu'elle saurait guérir mon comportement un peu efféminé, sauf qu'elle l'a stimulé. M'emmener la voir est sans doute la meilleure décision qu'ils aient pu prendre de leur vie.

La pendule émet son coucou habituel annonçant la fin de la séance. Je me lève pour aller déposer ma tasse de café dans l'évier de la petite cuisine. Le ventilateur de plafond tourne fougueusement. Je me passe une main dans mes cheveux humides de transpiration. Lorsque je rentre, je dois absolument prendre une douche.

De retour dans le salon, je récupère mon sac à dos posé contre le fauteuil et en sors mon portefeuille. Sur le petit bureau de Mrs. Hudson, je glisse deux billets de £20. Ma psychologue est en train de rédiger son rapport. Je tente d'y jeter un rapide coup d'œil, curieux, mais elle le referme directement. Je recule vite sur quelques pas, mais elle l'a remarqué et me lance un regard amusé.

« Tu sais bien que tu n'es pas censé voir ton dossier. » Dit-elle en glissant son stylo derrière son oreille.

« Certes. J'ai juste l'habitude de fourrer mon nez partout. »

« Je le sais bien, Slater. »

Le ton avec lequel elle me parle ressemble tellement à celui d'une mère à son enfant que je me vois soudainement attristé de quitter Mrs Hudson. Elle le remarque et s'empresse de m'assurer qu'on se revoit dans un mois et que si j'en ressens le besoin, je peux toujours l'appeler lors de ses heures de travail. Passant une main réconfortante derrière mon dos, elle m'accompagne jusqu'à la porte.

« Ça, c'est une chose que tu devrais arrêter par contre. »

Sachant pertinemment ce à quoi elle fait référence, je porte ma main à la poche arrière de mon jean d'où dépasse un paquet de cigarettes. En me retournant pour lui serrer la main avant de quitter la maisonnette, je lui adresse un triste sourire. On a eu la discussion à nombreuses reprises, mais c'est le seul conseil de Mrs. Hudson que je n'ai jamais réussi à suivre.

*

Sous une pluie soudaine et battante, je longe les façades des immeubles de la petite ruelle dans laquelle je vis. Lorsque j'ai dit que mes parents me payaient un logement, il ne fallait pas s'attendre à un endroit autre que dans un coin paumé de Londres où le camion à ordures ne sait pas passer et des adolescents bourrés viennent s'envoyer en l'air, car ils pensent qu'il n'y a personne.

Dans l'entrée je retrouve Kane, le concierge, en train de placarder une affiche sur l'ascenseur, afin d'avertir qu'il est en panne. Cela ne m'affecte pas, car j'habite au premier donc je ne le prends jamais. Je passe à côté du concierge en le saluant d'un sourire et monte les escaliers pour rejoindre mon appartement.

Je m'affale dans le canapé, m'empare du combiné téléphonique et compose le numéro de chez mes parents. Seulement, personne ne répond. Mes parents ont déjà pris leur pension, donc ils sont censés être à la maison à cette heure-ci. Ils n'ont probablement pas envie de me parler. Cela ne m'étonne pas. En effet, ils m'ont eu sur le tard. J'étais un accident. Un facteur qu'ils n'ont pas hésité à utiliser pour expliquer mon comportement presque anormal durant mon adolescence, enfin, toujours selon eux. S'ils avaient répondu, je leur aurais proposé d'aller déjeuner. Pour que je puisse enfin leur expliquer ce que je cache depuis toujours. Ce que je dissimule au fond de moi, mais qui, après réflexion, est assez évident. Ils n'ont juste jamais voulu le voir. Et comme je ne leur ai jamais avoué ouvertement, ils en ont tiré leurs propres conclusions.

Je décide alors de composer ma messagerie. Vide. Tout comme ma vie en ce moment. Je n'ai absolument aucun divertissement. Les cours reprennent dans deux semaines et je n'ai rien de prévu. À part la sortie de ce soir. Trudy m'a confirmé ce matin qu'elle comptait y aller et qu'elle m'attendrait à l'entrée si je changeais d'avis. Tout compte fait, je devrais peut-être m'y rendre.

Je me lève pour ouvrir la fenêtre. Il fait toujours assez lourd. J'en profite pour coincer une cigarette entre mes lèvres et l'allumer.

Dans la cour, Madame Leyne profite de l'accalmie pour accrocher son linge sur le fil tout en sifflant d'un air joyeux. Je sors mon cellulaire de ma poche et envoie un message à Trudy pour lui annoncer qu'elle peut m'attendre devant l'entrée du club. Lorsque c'est fait, j'éteins ma cigarette même pas à moitié consommée dans le cendrier et retourne m'allonger sur le fauteuil tout en veillant à laisser la fenêtre grande ouverte.

Sur les réseaux sociaux, je fais défiler mon fil d'actualité avant de tomber sur une publication de nourriture asiatique. Je me rends immédiatement dans mes contacts et appelle une personne que je n'ai plus jointe depuis trop longtemps.

« Ysabel. » Dis-je presque dans un murmure lorsque j'entends que l'on décroche.

« Slater. Quelle surprise ! » S'exclame la voix de ma sœur, étonnée, mais ravie. « Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? »

« Me consacrer un peu de ton temps, si possible. Au Chinese Cricket Club ce soir. »

« En quelle occasion ? »

Nous fréquentions ce restaurant chinois avec nos parents lorsque nous étions petits. Ils ont cessé de nous y emmener depuis qu'ils ont décidé de faire passer leur boulot avant leurs enfants. Nous, on y va encore régulièrement. C'est notre endroit de rendez-vous, si on peut appeler ça comme ça. Du moins, ça l'était avant d'avoir un peu perdu contact. J'étais absorbé par mes études et Ysabel venait de recevoir une promotion. Maintenant que nous avons le temps, ce serait bien de renouer nos liens.

« Aucune raison particulière. Juste pour parler un peu. Rattraper le temps perdu. »

« Tu as entièrement raison ! Je vais m'arranger pour quitter le boulot un peu plus tôt. On se voit ce soir. »

Nous raccrochons. Le sourire aux lèvres, je dépose mon cellulaire sur mon ventre et ferme les yeux. Je m'endors.

C'est seulement quelques heures plus tard, en fin d'après-midi, que je me réveille. Je me lève, encore un peu embrouillée. Je fais quelques pas vers ma salle de bain et sens mes chaussettes prendre l'eau. Je cligne plusieurs fois des yeux, interloqué. Mais lorsque je lance un regard vers ma fenêtre encore ouverte, et la flaque qui s'est formée sur le plancher, je comprends. Il a dû pleuvoir à nouveau pendant que j'étais endormi. Un peu irrité par ma propre connerie, je me traîne jusque dans la cuisine pour récupérer un vieux torchon avec lequel je peux essuyer le plancher. Avant d'aller prendre ma douche, je prends soin de refermer la fenêtre. Le temps s'est rafraîchi.

Une chemise à carreaux et un pantalon noir devraient faire l'affaire. Malheureusement, je ne m'attends pas à grand-chose de cette soirée. Sortir tous les soirs avec leur bande d'amis, c'est ce qui se rapproche le plus des fins de vacances d'un étudiant avant de reprendre la monotonie des cours. Sauf que je n'entre pas dans la norme. Cela n'a jamais été le cas.

Je me suis toujours convaincu que ça ne me dérangeait pas d'être un peu perdu, de ne pas avoir énormément d'amis et de ne pas réussir à m'intégrer n'importe où. Mais au fond, je ne demande qu'à être normal.

Je prends ma tête entre mes mains. Tu es aussi normal qu'un autre, dirait Mrs. Hudson. Si seulement j'étais dans la tête de cette dame, je parviendrais à me convaincre de n'importe quoi. J'aurais plus confiance en moi, je serais plus sociable, plus populaire.

Quelques fois j'ai l'impression d'être resté coincé dans la peau d'un adolescent malheureux. C'est peut-être ce que je suis, et sans doute pour cette raison que Mrs. Hudson termine sa séance en prévoyant le prochain rendez-vous. On ne se voit plus parce que j'ai besoin de parler, mais parce que je souffre d'un début de dépression. Bon, je ne suis pas bien placé pour m'établir un diagnostic, mais depuis le temps que je suis confronté au monde psychologique, je pense déceler des symptômes dans mon comportement.

Un peu confus, j'attrape ma veste en cuir, y fourre mon portefeuille et mes cigarettes et quitte mon appartement. Je ne sais pas très bien ce qui vient de se passer, mais je compte sur la légère averse pour effacer mes dernières pensées. Je reste immobile devant mon immeuble pendant quelques secondes, la tête levée vers le ciel, comme pour prier. Je prie, comme mes parents m'ont appris à le faire, pour une indépendance. C'est la première fois que je demande une chose pareille. Je voudrais n'avoir besoin de personne. Surtout pas de Mrs. Hudson. Être maître de mes pensées et de mes sentiments. Je n'aurais jamais cru en venir à ce stade, mais je pense que je me reprends.

Quand je reviens à la réalité, je vois mon bus arriver. Alors je me mets à courir pour le rattraper. Je me sens poussé par le vent. Il m'emmène dans la bonne direction. Je vais retrouver ma sœur, ma meilleure amie, et peut-être de nouvelles personnes que je vais rencontrer, mais dont je serai persuadé de les avoir toujours connus. Je reprends ma vie en main.

Le centre-ville est toujours bondé de monde. Peu importe la période de l'année, il y aura toujours des touristes pour venir remplir les bus, boucher les rues, combler les restaurants. Ils sont la partie un peu irritante de notre quotidien que l'on doit gérer. Mais il faut bien avouer que c'est grâce à eux que nous avons une si bonne économie.

Au Chinese Cricket Club, il n'y a que des habitués. On n'y sert pas spécialement de la nourriture typiquement anglaise et il faut avouer que ce n'est pas un des restaurants les moins chers que l'on puisse trouver dans le quartier. C'est pour cette raison que nos parents aimaient nous emmener ici, Ysa et moi. Pas beaucoup de touristes et un menu gastronomique.

Toujours vêtue de son tailleur professionnel aux couleurs sobres, ma sœur Ysabel, assise à une table dans le fond de la salle, n'a visiblement pas eu le temps de se changer sur le retour du tribunal. En me voyant arriver, elle se lève presque comme si j'étais un juge qui venait d'entrer en cour. Je me courbe au-dessus de la table pour lui faire la bise.

Lorsque je m'assieds, j'ai à peine le temps d'ouvrir le menu, qu'un serveur est déjà planté à côté de nous, paré à prendre note de notre commande. De toute évidence, le choix n'est pas compliqué. Je connais le menu par cœur et aujourd'hui, j'ai envie d'un estomac de porc braisé. Mes parents m'ont appris à apprécier une cuisine qui répugne un bon nombre de gens.

Directement après avoir commandé, nous nous mettons à discuter. Cela fait plusieurs mois que l'on ne s'est plus vus et encore plus longtemps que l'on ne s'est plus vus avec nos parents. Ysabel me raconte le stress qu'elle doit subir chaque jour au travail en plus du fait qu'elle doive gérer sa relation avec son fiancé. Cela fait six ans qu'ils sont ensemble et n'ont toujours pas trouvé le temps de se marier, tous deux profondément dévoués à leurs jobs.

Notre assiette arrive, et nous continuons à parler. Cette fois, c'est à mon tour de raconter ce qu'il se passe dans ma vie en ce moment. Je suis bien plus bref que ma sœur. Il n'y a certes pas grand-chose de nouveau pour moi. J'entre en deuxième année de droit, ce qui rappelle à Ysa ses propres études universitaires, j'habite toujours dans le même petit appartement pourri, je n'ai toujours pas de nouveau copain et je suis toujours le patient de Mrs. Hudson. En parlant de ma psychologue, je mentionne le fait que je voudrais faire mon coming out auprès des parents. Ysabel trouve ça une merveilleuse idée.

« Tu es très courageux. J'aimerais être là quand ça arrive pour que les parents voient que je suis de ton côté et que je t'accepte tel que tu es. » Déclare ma sœur, en prenant ma main dans la sienne.

Ses paroles m'émeuvent tout comme son geste me réchauffe le cœur. Cela me rappelle mes années de collège. Malgré l'attention qu'elle portait à ses études, elle trouvait toujours le temps de venir me trouver dans les couloirs et de me demander comment j'allais, si on ne m'avait pas encore harcelé. J'ai toujours eu une relation très fusionnelle avec ma sœur. Complètement le contraire avec mes parents. Ils nous ont un peu élevés comme des étrangers. Ils voulaient qu'on ait des valeurs, qu'on devienne des personnes qui se feraient respecter, mais ils ne nous ont jamais donné l'affection dont on avait besoin. Donc on l'a cherché l'un dans l'autre. Et on l'a trouvé.

*

Quand je prends le court trajet en train pour rejoindre Trudy au club, il est 21h. Avant de se quitter, on s'est mis d'accord avec Ysabel pour organiser un brunch à la maison ce dimanche afin que je puisse faire mon annonce. Et étant donné que ma sœur a plus de contact que moi avec nos parents, c'est elle qui va leur en parler.

Le train longe une petite partie de la Tamise avant d'entrer en gare. La station Blackfriars est remplie de monde. Le train que je viens d'emprunter est le transport le plus rapide si l'on veut traverser la Cité de Londres et arriver dans ce quartier assez populaire de la ville. Soho est connu pour sa population homosexuelle. Beaucoup de gens viennent faire la fête à Old Compton Street qui est le cœur financier LGBT.

Il me faut une dizaine de minutes pour marcher de la gare jusqu'au Ku Club. Se rendant sûrement au même endroit que moi, une bande d'amis un peu éméchée rigole et brandit un drapeau arc-en-ciel sur le trottoir d'en face. Amusé, un sourire se dessine sur mon visage. Ils le remarquent, traversent tous la rue pour me rejoindre et se mettent à chanter une chanson que je reconnais. Je les imite timidement. Une fille vêtue d'un top et d'une longue jupe me prend la main tout en sautillant, puis il y a ce garçon. Avec sa coupe de cheveux undercut et sa silhouette élancée, il est bien plus grand que moi. Sans hésiter, il passe un bras autour de mes épaules et récite les paroles de la chanson sans me lâcher du regard. La couleur de ses yeux est intense. Son corps est collé contre le mien.

Nous arrivons devant le Ku Club. La fille m'a lâché la main et le reste du groupe commence à s'éloigner. Il ne reste que le garçon près de moi, son regard toujours encré dans le mien. Je n'ai pas encore bu, et pourtant j'ai la tête qui commence à tourner et la chaleur qui se met à monter. La musique est forte autour de nous. J'ignore combien de temps nous sommes restés ainsi, immobiles, mais j'aurais pu rester comme ça toute la nuit. À me poser des questions sur cet inconnu sans jamais oser lui adresser la parole. Puis je sens son emprise me relâcher et son corps s'éloigner. Il recule sur quelques pas sans jamais me lâcher du regard. Avant qu'il se retourne et disparaisse dans la foule, nous échangeons un sourire. Un sourire qui veut tout dire.

Je reprends un peu mes esprits, et remarque Trudy sur son téléphone, en train de fumer à quelques mètres de moi. Je m'approche discrètement d'elle et m'empare de sa cigarette dont j'inhale une longue bouffée, comme pour me réveiller.

« Ma clope ! » S'écrie-t-elle en éclatant de rire.

Sentant arriver la claque amicale, je montre mon bras comme bouclier. Mais Trudy ne fait que m'enlacer. Je lui rends sa cigarette qu'elle termine le temps que je lui raconte ce qu'il s'est passé avec le mystérieux inconnu.

« Une connexion pareille et il ne t'a même pas dit son prénom ? » S'indigne ma meilleure amie, les bras croisés. « Pas le moindre indice ? »

« Il était comme un mirage et j'étais paralysé. »

Elle secoue la tête, presque aussi contrariée que moi. Puis, écrasant son mégot de cigarette sous sa chaussure, elle se rapproche. Elle s'empare de mes épaules et me secoue avec une force que je ne lui connaissais pas.

« Entrons dans ce club, buvons jusqu'au coma éthylique et retrouvons ton beau brun avant que le mirage ne s'évapore complètement. »

_____

Note de l'auteur

Salut! Je dois vous avouer que j'appréhendais un peu le moment où j'allais me mettre à écrire ce chapitre. Ce n'est certes pas la première fois que j'aborde l'homosexualité dans mes récits, mais je n'y ai jamais consacré autant d'attention. Spencer et Lyne dans Adopted étaient des personnages secondaires et je n'avais pas à retranscrire leurs émotions. C'est différent pour Slater. Mais au fond, tout ça n'a rien de fort compliqué. Je soutiens à fond la communauté LGBT+ dont je ne fais pas partie (du moins, je ne sais pas trop mais mon orientation est un autre sujet haha). Du coup c'est un thème qui me tient à cœur et j'espère que vous apprécierez autant que moi mon nouveau personnage.

Passons aux questions!
• Que pensez-vous du caractère de Slater ?
• Est-ce que vous aimez bien l'introduction du mystérieux inconnu?
• Est-ce que vous trouvez que la description de certains lieux/concepts est un peu inutile ? Où est-ce que vous pensez que ça cadre plutôt bien avec l'histoire ?

J'espère écrire le prochain chapitre le plus vite possible. Ça devrait être rapide. Megan Sangster est un personnage déjà entièrement  développé dans ma tête vu qu'elle sort tout droit d'Adopted.

À bientôt !

luna.

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