Le soleil commençait déjà à pointer le bout de son nez, mais je tenais à peine debout : j'étais éreinté, ma nuit avait été des plus agitées à cause de multiples cauchemars.
     On se tenait tout les trois en haut de la colline, près de la toison d'or, un gros tas de laine dorée gardée par Peleus.
   Un fils d'Apollon nous avait donné plein de bandages, de quoi se désinfecter et des fils de couture "aux cas où quelqu'un perdrait un bras". Chiron se tenait à côté de nous trois et nous avait donné le plus de conseils possible.

     - Hum... Gloria s'étira. Tout le monde a pris ses affaires ? On hocha la tête, légèrement stressé. Bon ! Bah... On va... Elle bailla. On va y aller ! Elle leva la main et dit "au revoir" à tout ceux qui étaient venus assister à notre départ. Si je crève je veux un cercueil blanc avec une tête de mort arc-en-ciel !! Bon... On oublie pas le symbole de mon père hein... Elle s'écarta pour me laisser passer, ce que je fis d'un pas hésitant.
     Je me retourna une dernière fois avant de sourire doucement aux pensionnaires et de donner le départ. Notre périple venait de commencer.

      Le soleil couchant donnait des couleurs pourpres au paysage et au ciel, les ombres semblaient s'étirer toujours plus et le chant des oiseaux s'éteignait peu à peu. La journée avait été horriblement calme, rythmée uniquement par notre incessante marche. Incessante comme mes pensées ressassants encore et encore les différents lieux cités dans la prophétie.

     - Je me demande...

     - Ouais ? Fit Nico, qui se tenait à ma droite.

     - Le sommet de glace et cette histoire de levé solaire... On est d'accord ça peut parler du matin, mais 'ssi de la fin de l'éclipse solaire dans quatre jours. Gloria passa sa main sur son front avant de se cacher les yeux avec.

    - Et tu oses prétendre ne pas être intelligent ? Je savais même pas qu'il y avait une éclipse moi !! Nico ricana avant de tirer la langue à sa demie-sœur.

    - Mais toi t'es un cas à part. Et le sommet de glace serait donc- D'un simple "petit" coup de hanche Gloria bouscula Nico, qui manqua de glisser sur les feuilles mortes.

    - Une montagne !! Fit mon amie en s'appuyant sur mon épaule.

   - Pff... Ouais... Mais lequel "Miss So tutto senza sapere nulla ". Gloria lui lança un regard assassin avant de croiser les bras et d'accélérer le pas.

    - Traduisez s'il vous plaît... Soupirais-je.

    - Il m'a traité de "Miss je sais tout sans rien savoir"... Alors que lui c'est un "Brontolone di prim'ordine".

     Je leva les yeux aux ciel, et remarqua avec surprise que la lune était déjà entrain de se lever.

     - Il faudrait qu'on se trouve un endroit où passer la nuit.
     Nico hocha la tête et s'assit contre un arbre.

     - Ici ça me va. Il ouvrit son sac et sortit une barre en chocolat.

     - Une fête foraine. Fit Glory comme si ça paraissait être la chose la plus évidente à dire lorsque je demandais où dormir.

      - Non... Nico pointa du doigt le ciel où on pouvait apercevoir diverses lumières et attractions. Ah si... Mais non. Gloria se retourna vers moi, me prit par les épaules et me lança un regard suppliant.

     - Pourquoi ?

     - Ouais pourquoi ? Hein, Warren ? Pourquoi ? On a une mission où on doit trouver une flèche maudite, il fait frais se soir et y'a une fête foraine perdue en plein milieu d'une forêt ! Franchement ! Pourquoi on irait pas ! On se demande ! Ses mains s'agitaient dans tous les sens et rythmaient ses paroles.

   - Oui bon... Ok... J'admets, c'est pas la demande la plus adéquate... Mais Per favore piccolli canariri !
    Étrangement je compris immédiatement ce qu'elle venait de dire, et mes joues se mirent à chauffer, tandis que Nico pouffa de rire.

     - Tu... Tu... Oui ben non. Désolé Κεφαλή μουλαριού mais c'est non ! Mon amie me fixa, surprise.

    - T'as dit quoi !? Je n'comprends pas très bien le Grec... Je pris ma gourde et m'installa à côté du noiraud avant de prendre quelques gorgées d'eau.

     - Si je te parle en latin, peut-être que tu comprendras mieux ? Elle hocha la tête, sûre d'elle. Paenitet Mulus Caput mais c'est non.

     - Tu m'as traité de "tête de mule" ? Fit-t'elle, incertaine de sa traduction pourtant correcte.

     - Peut-être, peut-être !

     - Dis moi, Nico me fixait avec curiosité, tu parles combien de langues ? Non parce je t'as l'air callé en latin, en grec et je t'ai déjà entendu parler français, même si j'ai rien capté...

     - Euh... Attends... Un peu de latin ouais... Grec ça oui, français, ma mère adoptive est française donc j'ai appris pas mal de choses et je déteste Paris... Il me lança un regard interrogateur. Hum... L'espagnol mais que la base de la base, donc je ne le parle pas vraiment... Ah oui !! Je sais ! J'apprends à parler russe !

      - Euh... Les gars... On se retourna vers Gloria avant de se relever en même temps, armes cachées, au cas où : de belles jeunes femmes, nues, se tenaient face à nous. Le hic, elles n'en n'avaient strictement rien à faire de Gloria et s'avançaient vers nous de manière séduisante.
    Je lança un regard à Nico, qui semblait nullement impressionné par la beauté de ses femmes, il en semblait même indifférent.

     Y'a des jours où je me pose des questions moi... 'Fin bref...

      Il croisa mon regard et s'élança afin de les tuer, bien vite suivi par Glory et moi. Ces femmes, étranges, passèrent de splendides à monstrueusement laides: leurs si beaux visages devinrent immonde à regarder, et le bas de leur corps s'apparentait à celui d'un serpent aux couleurs ternes. Des lamiales.
    L'une d'elles se jeta sur moi, je para avec mon épée mais ses griffes se plantèrent dans ma cuisses droite et la déchirèrent, m'arrachant un râle de douleur. Je fis glisser mon épée le long de sa main, et à mon grand soulagement cela suffit pour qu'elle se désintègre dans un hurlement des plus atroces. Je me releva près à en découdre avec le reste de ces monstres féminins, mais plus personne mis à part mes deux amis.

    - Tu sais quoi ? J'ai bien envie d'aller faire un tour à la fête foraine. Ma meilleure amie sourit de toutes ces dents, blanches comme des magnolias.

    - Ok... Nico sortit son porte-monnaie, accompagné d'un discret rictus. J'ai suffisamment d'argent pour prendre des churros.

    - Par contre, surtout pour toi Glory : on ne se sépare pas, on ne s'attarde pas, et si, Nico ou moi, on dit qu'il faut partir : On part ! Clair ? Étonnée par mon soudain changement de ton, elle se contenta d'hocher la tête vivement sans rechigner.
     On s'avança vers l'étrange fête foraine, sans aucun doute la chose la plus ridicule que l'on ait pu faire, mais également la chose la plus terrifiante.