Je réouvris les yeux avec réticence, je me trouvais en face d'un petit immeuble aux briques rouges et aux cadres de portes et de fenêtres bleus. Celui-ci était collé serré à d'autres immeubles du même genre et de la même couleur.
Je tourna sur moi-même, reconnaissant le quartier dans lequel je me trouvais : Greenwich Village, le quartier où ma mère adoptive habite.

- Qu'est-ce que je fais là...
Du coin de l'oeil j'aperçus un petit garçon, aux cheveux courts, bruns presque noirs, à la peau assez pâle et aux yeux d'un bleu étrange. Moi. Je ravala ma salive et le suivit, il trottinait joyeusement dans sa petite rue : au Warvely Pl.
Il traversa la route en courant, mais une voiture le percuta violemment, je sursauta, terrifié.

- Que... Quoi...
La voiture continua son chemin, comme si la scène ne s'était jamais produite. L'enfant, moi, étalé sur la route, se releva en geignant avant de terminer son chemin et de se remettre à sourire. Je m'approcha de la route, comprenant que les voitures ne feraient que de me traverser, et observa l'endroit où l'enfant avait été renversé : rien, pas une goutte de sang.
Quelque chose me tira soudainement en arrière et je me retrouva dans le ciel, dans un magnifique carrosse doré, où des chevaux enflammés galopaient gracieusement au travers des cieux.
J'étais désormais à la première personne, comme dans les films, et je m'entendis parler d'une voix de bambins :

- Pa ? Où tu 'mènes ? Mes yeux se dirigèrent vers un homme blond, à la peau d'un doré luisant et agréable à l'œil, ses yeux étaient bleus, ses cils longs lui donnaient un regard charmant, je savais déjà qui était cet homme rien qu'en pensant à Will et ses demi-frères. L'homme, le Dieu, se retourna légèrement vers moi avec un petit sourire au premier abord doux, sauf si l'on se fier à son regard, il était triste, une tristesse tout sauf naturelle pour un Dieu.
Je fixa rapidement mes mains, ma peau était d'un magnifique doré et semblait couverte de Paillettes.

-Je... Je t'emmène vers ta mère... Ta nouvelle mère. Je... Je peux pas m'occuper de toi Eesis. Ne t'inquiètes ! Elle est super gentille ! Tu vas être sage hein ?

- Oui !! Mais pou'quoi... Il détourna le regard.

- Tu... Aujourd'hui tu n'es rien... Un jour tu te réveilleras, doux... Sage, puissant. Je le sais. Mais c'est trop tôt. Et puis... À l'Olympe personne ne sait que tu existe !
Mes yeux se fermèrent un instant et je me retrouva dans une petite maison, à la campagne. Une femme assez fine, aux cheveux châtains et courts, et aux yeux noisettes, se tenait face au Dieu.

- Quel adorable petite bouille... Je m'en occuperai bien, ne vous inquiétez pas, je m'en occuperai comme si c'était le mien. Son regard se fit doux. Mais je tiens à ce qu'il sache qu'il n'est pas de moi. Je vais bientôt déménager à Washington... Ce sera plus simple pour sa scolarité.
Le Dieu du soleil et des arts hocha la tête et embrassa doucement le front de l'enfant aux cheveux ambrés et à la peau d'or avant de s'en aller.
La femme le serra un peu plus fort contre elle et glissa ses doigts dans les cheveux de l'enfant, Eesis, qui se réveilla en sursaut avant de pleurer. Ses larmes étaient de la même couleur que sa peau, bien qu'un peu plus claires, et lorsque l'une d'entre elles toucha le sol, une magnifique fleur violette poussa. Ses yeux étaient d'un bleu si clair et si profond que j'eus la sensation de tomber dans une rivière profonde et gelée.
J'eus soudainement l'impression de prendre un bateau lors d'une tempête maritime, puis l'obscurité revint.

- Warren !!!! Je revins brusquement à moi. Pourquoi t'as regardé l'éclipse !? T'es complètement malade ou quoi !? Je la fixa surpris, et me rendis compte que je me tenais allongé au sol.

- J'ai pas regardé l'éclipse. Fis-je simplement, encore troublé par mon rêve éveillé.

- T'as vu un mort vivant ? Ricana Nico. T'es plus pâle que la neige. Je secoua négativement la tête.

- Je... Non rien. Je me redressa. Bon. Si je comprends bien il ne s'est rien passé. Les deux me fixèrent avec amusement.

- Mec, retourne toi. Le noiraud souffla dans ses mains et se tourna vers sa sœur.

- Hâte de voir ta tête ! Fit Gloria en me tapant dans le dos.
Je me retourna lentement. Un gigantesque entrée de grotte de tenait devant moi. Deux grands bassins emplis de braises décoraient l'entrée de cette grotte.
La pierre qui décorait ses parois était d'un simple gris. Mais l'odeur d'humidité qui s'en dégageait me fit froncer le nez.

- Vous l'avez visité, déjà ?

- Ouais, c'est un cul de sac. Mais on en a déduit un truc...

- Il nous faut du feu. Fit sombrement ma meilleure amie.

- On a des briquets pourtant... Pourquoi vous tirez cette tête ? Les deux me fixèrent en silence, et je compris, bien que tard, qu'il fallait un autre "ingrédient" pour que la grotte s'ouvre. Vous avez déjà essayé pas vrai.

- Les flammes ont pris... Mais il ne s'est rien passé... Et...

- Il y a des inscriptions sur les bassins... Y a écrit :

Ο άνδρας ή το αρσενικό.
Η γυναίκα ή το θηλυκό.

- Le... L'homme ou le mâle ? Fis-je surpris. Gloria hocha la tête.

- Et la femme ou la femelle. Tu comprends ce que ça veut dire ? On doit... Sacrifier des êtres vivants pour passer.

Je ferma les yeux.

Mais quel est le lien avec ces... Rêves ? Et puis... Tuer ? Vraiment ? On a vraiment une mission où on doit... Sacrifier des animaux... Ou des humains !?

- Peut être que juste une goutte de sang- Les deux me montrèrent leur main droite, bandée. Je... On est pas obligé de faire ça, pas vrai ? Je... Je veux dire... Y'a pas d'autres chemins ? Les deux me fixèrent, silencieux. Si, bien sûr que si. Je refuse que l'on tu quoi que ce soit !
Nico soupira.

- Bon sang... Merci... Sacrifier des êtres vivants ça ne me tentait pas... Et Gloria était prête à se sacrifier avec un lapin mâle pour que l'on puisse passer...
Je la dévisagea, honteux. Elle avait son caractère. Ses humeurs étaient très changeantes, elle n'arrêtait pas de bouger et de se plaindre, mais pourtant, pourtant, pas une seule fois elle ne penserait à elle avant nous. Pas une seule fois elle nous sacrifierait pour sa propre vie.

- On prend un autre chemin. Même si l'on perd du temps, je refuse que l'on tue quoi que ce soit. Je grimaça, en pensant au temps que l'on aurait pu gagner, à toutes les réponses que j'aurai pu avoir. Et surtout à la réponse pour la question que je me pose depuis tout enfant : Qui suis-je. Mais je préféra baisser le regard et abandonner momentanément toutes mes interrogations.
On se retourna pour reprendre notre route, mais un bruit de crépitement se fit entendre. Les braises fumaient, et de petites flammes se mirent à en sortir puis à lécher la roche de la grotte. Le sol trembla sous nos pieds. Nico s'avança vers l'entrée de la grotte, une main sur le pommeau de son épée.

- J'crois... J'dis bien "je crois"... Que, vous deux, vous vous êtes sacrifiés. D'une façon ou d'une autre. Il nous fixait, les sourcils légèrement relevés. Vous tirez une tête atroce... On dirait qu'on vous a arraché un poumon. On y va ?

- Ouais... Ouais... On y va. Mon ami me laissa passer, et tapota l'épaule de Gloria qui semblait totalement ailleurs.
L'humidité régnait, de petites gouttes glacées me tombaient sur le crâne, l'une d'entre elle s'écrasa dans le cou de Gloria qui sursauta et grommela.
Au bout d'une vingtaine de minutes de marche, l'on aperçu la sortie.

- Déjà ?

- Tu plaisantes j'espère !? J'ai le cou trempé ! Je leva les yeux au ciel.

- Et tu veux faire quoi plus tard comme métier ? Spéléologue, non ? Nico pouffa. Elle se renfrogna.

- Ouais... C'est drôle, hein ? Testa di lumaca schiacciata.

Je franchis d'un simple pas la sortie de la grotte. Mes pensées se perdirent dans la contemplation du vaste paysage qui s'offrait à moi.