Ailean faisait les cent pas devant la fontaine cassée où elle avait donné rendez-vous à Nathaniël. La jeune fille était nerveuse et en ignorait la raison puisqu'elle ne devrait plus le cacher et avoir ainsi un poids en moins. Mais cela ne la détendit pas. Elle regarda à nouveau sa montre dont le cadran affichait 23h59. Ailean souffla un bon coup avant de voir apparaître la silhouette du blond dans l'obscurité. Ce dernier avançait d'un pas lent comme s'il avait conscience qu'il la torturait de l'intérieur.

- Tu me sembles bien nerveuse, Aily, lui dit-il une fois devant elle.

- J'ai quelque chose à t'avouer, se justifia-t-elle en faisant abstraction du ridicule surnom qu'il lui avait à nouveau donné.

Nate enfuit ses mains dans les poches de son manteau et observa Ailean. Le jeune homme alla faire une énième remarque lorsqu'il croisa son regard. Il y vit de la détermination et de l'appréhension, alors il se tut et attendit qu'elle se décide à parler, après quelques secondes de silence.

- J'ai vu ton arrière, arrière, arrière, arrière, commença-t-elle maladroitement en se perdant dans ses comptes, arrière-grand-oncle.

- Quoi ? Posa Nate qui n'avait rien compris.

- J'ai vu le fantôme d'Alfred Vardar, réexpliqua Ailean dans un souffle.

- Le fantôme ? Répéta le blond avant d'exploser de rire. Tu me fais venir à minuit pour me dire que Jack a réussi à te faire avaler ses salades ?

Ailean s'attendait plus ou moins à ce genre de réaction et secoua la tête. Elle alla parler mais se ravisa en apercevant Alfred apparaître dans une brune qu'il venait de former.

- A vrai dire, ce petit est plutôt perspicace pour son âge, le défendit Alfred en se posant à leurs côtés.

Nate perdit aussitôt son sourire et fit quelques pas en arrière. Le blond dévisagea son aieul longuement avant de froncer les sourcils, retenant sa surprise. Il ne semblait y croire, pourtant tout était là : l'étrange fraicheur survenue tout à coup, le visage pâle, les pieds flottants très légèrement au-dessus du sol. Nate, comme pour s'en assurer davantage, saisit une pierre qu'il lui lança en plein ventre. Bien sûr, cette dernière passa au travers et Alfred baissa le regard vers son ventre avant d'arquer un sourcil en sa direction.

- Désolé, c'était juste pour...

Nate se passa une main dans les cheveux qu'Ailean interpréta comme de la nervosité, chose qu'elle avait déjà vu chez lui auparavant. Alfred ignora cet aspect du jeune blond. L'ancien soldat semblait plus préoccupé et n'avait cessé de fixer Ailean, tout en regardant continuellement autour d'eux. La jeune fille le remarqua bien vite ainsi que Nathaniël qui commença à songer que son ancêtre était dérangé.

- Avez-vous lu le journal de Claude ? Finit-il par demander.

- Je ne l'ai pas encore fini, avoua la brune.

- Qui est Claude ? Posa Nate qui ne comprenait pas le ton dramatique et pressé d'Alfred.

- Avez-vous déjà vu les dessins ? Posa ce dernier, en ignorant Nate qui le prit mal.

Alfred s'était rapproché d'Ailean. La jeune fille acquiesça d'un geste positif de la tête, ce qui sembla le satisfaire.

- Allez directement au jour du 13 décembre, annonça Alfred avant de brusquement tourner la tête vers la droite.

Comme pour l'imiter, les deux jeunes pensionnaires regardèrent dans la même direction mais ne virent rien qui justifiait la mine inquiète d'Alfred.

- Est-il frapadingue ? Posa discrètement Nate.

La jeune fille secoua de la tête, leva les yeux au ciel avant de poser sa main sur l'avant-bras d'Alfred. Etrangement, elle ne passa pas à travers mais la peau du jeune homme était froide, comme si elle touchait de la neige, ce qui ne l'étonna pas. Cette dernière réussit à attirer son attention et le regard qu'elle échangea avec lui lui glaça le sang.

- Nous sommes surveillés, mademoiselle Shiring. Les créatures qu'Elizabeth a créées ne doivent pas sortir !

- Comment ça « sortir » ?

- Depuis que vous avez ouvert le journal d'Elizabeth, vous avez aussi actionné le processus.

- Quel processus, quel journal ? Posa à son tour Nate.

Et alors qu'Ailean allait, elle aussi poser une question, une brise suivit d'un craquant de branche se fit entendre. Ailean tourna la tête mais ne vit aucune ombre à proximité et chercha l'origine du bruit. C'est alors qu'elle reçut un coup de coude de Nate lui montrant de la lumière, émanant d'une lampe de poche, scintiller dans les noirs couleurs du pensionnat. C'était madame Geen.

- Nous ferions mieux de retourner dans nos chambres, suggéra Nate en chuchotant.

Ailean se retourna vers Alfred. Leur directrice se rapprochait à grand pas mais la jeune fille n'avait pas posé sa question et ne pourrait trouver le sommeil sans l'avoir posé.

- Que dois-je faire ? Chuchota-t-elle alors que la lumière s'agrandit autour d'eux.

- Ailean ! La pressa Nate qui ne voulant pas se faire prendre.

Ce dernier lui empoigna le bras et n'attendit pas la réponse du fantôme. Le blond les mena juste à temps derrières une des colonnes de la petite place et regarda la chouette arriver à la fontaine. Cette dernière inspecta quelques secondes les lieux avant de faire demi-tour.

- De rien, lança Nate.

- Je n'ai pas eu ma réponse !

- Il n'y a rien à faire, Ailean. Nous ne sommes pas dans une série surnaturelle à énigme.

- Et Alfred alors, c'est quoi ? S'énerva Ailean, agacée.

Le blond haussa des épaules. Il n'en avait aucune idée et préféra choisir le silence aux sarcasmes. Les deux jeunes gens finirent pas se séparer et Ailean prit la direction de sa chambre.

« Le 13 décembre... » entendit-elle soudainement dans sa tête.

La jeune fille su à cet instant quoi faire et s'empressa de retourner dans sa chambre afin de reprendre sa lecture. Ailean était curieuse et se surprenait elle-même à s'intéresser à cette histoire alors que quelques jours plutôt, elle maudissait ses grands-parents de l'y avoir envoyé. La jeune new-yorkaise se découvrait petit à petit, et pas uniquement elle. Elle en apprenait plus sur sa famille grâce à ce Russel Shiring. Ailean était loin de se douter que l'aventure qu'elle croyait vivre allait prendre une toute autre tournure en la date du 13 décembre 1813, si bien résumé par Claude Reyes.