Il faisait calme sur le toit du pensionnat. Ailean observa la vue, le journal de Claude entre les mains. La mer semblait si calme et apaisante. On ignorait les nombreux secrets qu'elle avait englouti et gardait rien que pour elle. Cela était un peu pareil pour le château. A l'extérieur, il semblait si inoffensif mais à l'intérieur, il contenait tellement de secrets que le monde tel que la jeune fille le connaissait perdait tout son sens. Ses doigts erraient sur la couverture en cuire du journal et lorsque l'envie lui prit de le lire, le bruit de la petite porte en fer menant au toit, se fit entendre. Ailean cacha nerveusement le livre derrière elle avant de se lever et de tomber sur Mysie.

- Mysie ? Posa-t-elle prise de court.

- Ailean ? Que fais-tu sur le toit ?

- Mais...et toi ?

- Madame Trougnon m'a demandé de lui apporter des herbes fraîches, répondit la blonde amusée. Tu es sûre que ça va ?

Mysie pouffa avant de se diriger vers le petit potager que leur professeur de botanique faisait pousser là. Son amie y prit quelques feuilles d'une plante inconnue, et les glissa dans un petit sachet plastique.

- Tu comptes rester là ? Lui posa Mysie qui se dirigeait vers la sortie.

- Oui, je...j'ai besoin d'être seule, mentit Ailean.

La blonde haussa les épaules avant de sortir. Ailean vérifia que plus personne ne montait avant de grimper plus haut sur les tuiles. Le vide ne lui faisait pas peur et de ce fait, si quelqu'un venait, il n'aurait pas le réflexe de lever la tête vers le sommet ; ainsi était-elle prête à entamer sa lecture. La jeune fille décocha le petit loquet de fer fermant le journal et l'ouvrit. Claude avait une sublime écriture et, heureusement, facile à lire. Elle feuilleta quelques pages où l'aristocrate parlait de ses journées dans le château avec Elizabeth lorsque le prénom d'Alfred fut enfin mentionné.

" 23 avril 1813,

Cher journal,

Ca y est, l'affectation d'Alfred a été prononcé. Il s'en ira combattre aux côtés du valeureux lieutenant Wellington. Elizabeth est effondrée. Encore un départ. Je tente tout ce que je peux pour lui redonner le sourire mais en vain. Ma pauvre amie est dévastée. L'enrôlement de son petit cousin dans la guerre contre Napoléon n'a en rien arranger les choses. J'ignore comment les choses vont tourner dans cette famille.

Aujourd'hui, nous inaugurons le blason du pensionnat. 3 magnifiques clés en argent positionnées toutes droit sur un tissus bleu royal, une merveille. Avec Edith, nous avions prévu de nous faire faire trois clés, chacune en porterait en signe de notre amitié. J'espère que cela fera plaisir à Elizabeth. Elle m'inquiète ces derniers temps. Ma pauvre amie passa ses journées dans la bibliothèque à écrire dans son journal. De temps en temps, je l'entends sangloter. Elle pense que je ne le sais pas mais je sais qu'elle est en colère et malheureuse. Y a-t-il pire situation, cher journal, que de se retrouver toute seule en imaginant l'homme que vous aimez en plein champ de bataille ?

Je te laisse cher journal, en espérant t'apporter de meilleure nouvelle. "

" 3 mai 1813,

Cher journal,

Que de tragique nouvelles ! Nous venons d'apprendre que Napoléon a remporté la victoire de Lützen, encore une victoire. La pauvre Elizabeth voit encore son cher et tendre s'en aller au combat. N'y -t-il pas de répit pour les soldats ?

William est toujours blessé et je ne crains que cela empire. Je reste le plus souvent à son chevet afin de soutenir mon ami. Le pauvre enfant.

J'ai tout de même une bonne nouvelle à t'annoncer, le soldat Vardar a fait le serment que s'il revenait vivant de cette bataille, il épouserait Elizabeth dans le mois ! Quel bonheur. Encore fallait-il avoir l'accord de lord Palmooth mais ce n'était qu'un détail.

Cher journal, je te confie avec soin les dessins de mon amie. Quel talent elle a. Elizabeth ne sait pas que je les ai, je les lui rendrais prochainement. "

Sur ce, alors qu'Ailean était plongée dans sa lecture, des feuilles pliées en quatre s'échappèrent du livre. La jeune fille les déplia et grimaça de dégout face aux dits dessins. Si effectivement Elizabeth avait dessiné ces monstres, Ailean se serait fait du souci pour sa santé mentale. Elle fut chagrinée, certes, mais surtout en colère pour y représenter un lézard géant dévorant un homme. La jeune fille frissonna et referma les feuilles ainsi que le journal.

Elle contempla à nouveau l'horizon en tentant d'imaginer cet endroit à l'époque. Elle s'imagina les deux amoureux flirtant sous l'immense chêne, les calèches tirées par de grands et forts chevaux arrivant dans la cour, les soldats rentrer au pensionnat sous les accueils chaleureux des jeunes filles. Ailean eut presque de la peine pour Elizabeth. Seulement, elle en ignorait la raison mais elle n'arriva pas à la plaindre totalement. Était-ce parce que la raison de sa disparition restait inconnue, ou pour ses dessins terrifiants ? Ailean ne sut quoi répondre à elle-même. La jeune fille n'en eut pas plus le temps qu'elle ressenti comme une présence près d'elle. Elle tourna alors lentement la tête vers la droite puis vers la gauche sans y voir quelqu'un. Son regard se dirigea ensuite vers le grenier d'où la petite fenêtre se trouvait dans l'aile opposé du château, donnant vu précisément sur le toit où était assise Ailean. La jeune américaine cru y distinguer une forme humaine mais cette dernière disparue aussi vite qu'elle était apparue et ne laissa pas le temps à Ailean de l'analyser. Pourtant, elle était certaine, il y avait quelqu'un et elle irait voir d'elle-même, avec ou sans aide.

Ailean se releva alors, décidée à y retourner lorsque la porte menant au toit s'ouvrit à nouveau. La lumière que cette dernière dégagea fit remarquer à la jeune fille à quel point il était tard malgré la clarté de la nuit. Elle y vit avec surprise Logan cherchant quelque chose, ou quelqu'un. Elle descendit et lui tapota l'épaule, le faisant sursauter.

- Ah, tu es là ! Soupira-t-il presque de soulagement. Nate a trouvé quelque chose, tu devrais venir voir...c'est intéressant.

- Intéressant ? Répéta Ailean peu convaincue par l'utilisation de ce mot.

- C'est à propos d'Alfred Vardar. Je crois qu'il a compris qui est son ancêtre...

- Oh mince, comment ? Posa Ailean plus surprise par cette découverte qui ne tombait pas si bien que ça.

Elle aurait voulu encore tenir Nate éloigné de son aïeul pour quelque temps mais était également trop curieuse d'entendre les découvertes de ce dernier pour l'y écarter totalement. Chaque éléments pourraient l'aider dans son enquête. Ainsi, Ailean suivit Logan afin de rejoindre le dernier descendant Vardar.

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