Sanemi

Mes pensées sont un immense brouillard, une tempête bouillonnante qui fumé à plein régime. Trop de questions se mélangent dans ma tête parce que j'ai été stupide.

Depuis une heure que je me tiens la tête entre les mains, honteux et en larme au bord du lit d'hôpital, je n'ai pas réussi à trouver une seule réponse.

Mes pensées sont brutalement interrompues par la porte qui s'ouvre dans un claquement sec. Une infirmière s'avance avec un dossier, avant de m'adresser un sourire quelque peu rassurant :

— Elle va s'en sortir, m'assure-t-elle. Elle n'a pas pris le véhicule de plein fouet, et il roulait assez lentement pour lui laisser plus de 50% de chances de survie. Elle n'a que des blessures superficielles, elle est juste profondément évanouie et sous le choc.

— Je vous remercie infiniment, sanfloté-je en essayant d'essuyer mes larmes vagabondes.

— S'il vous plaît, lorsqu'elle se réveillera, pensez à prévenir les services qu'ils puissent évaluer son état.

— Entendu.

Pendant de longs instants, j'ai bien eu peur d'avoir tué ma petite amie.

J'avais l'impression de revivre ce même cauchemar que lors de mes premiers 17 ans. Cette nuit où nous avons retrouvé son corps dans la forêt, mutilé par la lame de l'infernal lune supérieure numéro 2. Je croyais tellement, tellement pouvoir la sauver... J'étais bien loin du compte.

Je voulais la protéger de dangers qui n'existent plus aujourd'hui, sans me soucier de ceux qui avaient émergé avec le temps, plus redoutables, plus imprévisibles.

Et maintenant, j'ai peur de ce qui peut arriver en suite, si elle arrivera à me pardonner, si je me trouverai pardonnable... Ce que je ne crois pas être le cas.

Le mouvement rapide d'une main glissant sur ma joue me fait reprendre conscience de la réalité.

— Et bien... Moi qui pensait ne jamais plus avoir à te voir pleurer.

Je faillis m'écrier de soulagement en voyant ma petite amie bien assise et vivante. Mais un détail, discret mais si visible à mes yeux me fait douter de sa réelle présence.

Une lueur dans son regard que je croyais ne jamais revoir.

Impossible...

— Kanae... Je veux dire, Kocho...

Un sourire taquin se dessine sur les lèvres de la revenante lorsque je la démasque.

— Cela fait bien longtemps, en effet, approuve-t-elle de sa voix bienveillante.

Je ne peux pas en croire mes yeux...

A-t-elle réussi à recouvrer la mémoire, au bout de compte ? Ou bien... Non, c'est horrible de penser ça. Que si ça a pu arriver, c'est dans de si graves circonstances. Et par dessus tout, de ma faite.

— Pardon, soupir-je aussitôt, je ne voulais pas qui ça aille aussi loin. Je voulais juste que tu retrouve la mémoire, et maintenant que c'est chose faite, je n'ai qu'une envie c'est que tout ça ne soit jamais arrivé...

— Mais je n'ai pas retrouvé la mémoire, me contredit-elle soudainement.

Je ne comprend plus rien... Comment peut-elle être en face de moi, en approuvant être la première Kanae tout en affirmant ne pas avoir retrouvé la mémoire ?

— Je n'ai pas beaucoup de temps, Sanemi. Je ne suis ici que pour une courte durée, puis je retournerai dans l'inconscient de... Enfin, le mien, il semble.

— Tu veux dire que tu n'es...

—... Qu'un souvenir émergeant, pour le moment oui. Je pense qu'en fin de compte, je vais devoir disparaître.

— Quoi !? Non ! m'exclamé-je aussitôt. Mais ça veut dire que tu... Tu vas disparaître et que je... Je ne pourrais jamais te revoir...

— Cela n'a pas déjà été le cas ?

La vérité que vient de me rappeler Kanae s'entaille dans mon cœur alors que je me remémore l'avoir déjà perdue auparavant.

— Ce jour-là, tu as menti à Uzui, commence doucement Kanae. Tu es parti rempli de regrets, et ça t'a beaucoup affecté lors de ta réincarnation. Les souvenirs douloureux auxquels tu étais accrochés, ces objectifs que tu refusais de lâcher, comme celui de me ramener et de retrouver une vie meilleure sont devenus indélébiles et t'ont poussé à garder en toi tout de ta précédente vie. Y comprit mon souvenir, et ce rêve si précieux de te rapprocher de moi.

Alors tout ce qui est arrivé, tojus mes souvenirs intactes, et ceux depuis ma naissance dans ce monde, ne seraient que le fruit d'une obstination trop puissante ?

Je ne peux toujours pas croire qu'elle soit restée à mes côtés durant le reste de ma courte vie. Qu'elle soit restée un fragment de moi. Mais j'imagine que cela devait aussi être du à mon attachement, et que c'est peut être ma faute si elle n'a jamais trouvé la paix.

— Tu était tellement obnubilé par ton idée de me "ramener" que tu as oublié à quoi servait la réincarnation... Elle enfouit le passé pour bâtir par dessus un avenir meilleur. Nos blessures ne sont pas gravées dans la chair, mais dans notre âme, et c'est bien la seule chose qui reste intacte, peu importe le nombre de vie que l'on peut traverser.

Le changement est le principe fondamental du renouveau. Il nous apprend que les choses ne doivent pas disparaître, juste... Évoluer.

En voulant à tout prix interrompre le cours des événements, à confronter la mort en jouant avec la vie, je me suis retrouvé perdu au milieu d'un labyrinthe sans nom.

J'ai empêché ma propre femme d'accomplir la seule chose qui aurait réellement pu la rendre heureuse, et maintenant que je m'en rend compte, je me sens comme un imbécile. J'ai tellement honte...

— Ce n'est pas moi qui ai besoin de me souvenir du passé, murmure Kanae en apposant sa main duveteuse sur ma joue humide.

J'ai peur de comprendre où elle veut en venir.

J'ai peur qu'elle me dise que je dois me défaire de tout ce pour quoi j'ai si durement travaillé, ce pour quoi j'ai tellement espéré et souffert.

Mais au fond je crois qu'il ne peut y avoir qu'une seule vérité à tout cela.

— C'est toi Sanemi, qui doit avancer, conclut Kanae, confirmant ma crainte. Tu dois oublier cette vie qui n'est plus la tienne depuis longtemps. Et là, tu trouveras la paix que tu recherche au fond de toi.

Je me remet à pleurer, serrant des mains contre mes lèvres comme la chose la plus précieuse au monde.

— Me faire recouvrer la mémoire pourrait me nuire plus que m'aider. La vie que j'ai pu vivre n'a en rien été facile, et je l'ai plus passée à me battre et à souffrir qu'à en être heureuse, et j'en suis morte. Ici, j'ai la garantie d'une vie meilleure, peut-être pas sans dangers, mais où je n'ai plus peur.

— Kanae je suis tellement désolé... Je ne m'étais pas rendu compte de tout ça... Je n'aurais jamais du essayer de te ramener... Regarde ce que j'ai fais... Tout est ma faute...

— Mais il n'est pas encore trop tard, soupire-t-elle en embrassant une dernière fois mon front.

Je l'avais sans doute déjà oublié, mais ses baisers n'ont en réalité rien à voir avec celle de l'actuelle Kanae. Celle-ci est brisée par la mort et l'amertume, tout ça bien avant de mourir la première. Car c'est quelque chose qui l'a suivi, qui l'a hantée toute sa vie.

En réalité, je crois que je n'aurais jamais pu trouver ma place dans ce monde. Tôt ou tard j'aurais fini par me rendre compte que tout ce à quoi je croyais me raccrocher n'étaient qu'un passé disparu, et mes rêves, des désirs illusoires.

Ce n'est pas mon époque, ce n'est pas mon corps, ce n'est ni mon monde ni mon être qui grandit sur cette planète.

Ça l'a été, et ça ne l'est plus, comme tout ce qui a été avant et qui le sera après.

Kanae et moi faisons parti de ce passé.

J'aurais du lui laisser le repos.

— Pars avec moi, me supplie-t-elle de ses yeux larmoyants.

Nous nous effermons dans une puissante étreinte, je me laisse transporter par la douceur de son parfum embaumant. J'ai l'impression de laisser mon âme s'envoler avec la sienne.

Je dois rendre à César ce qui est à César, et par conséquent quitter ce corps et cette époque qui n'ont jamais réellement été miens.

J'espère que ces deux adolescents qui nous ont incarnés pendant si longtemps se trouveront comme nous l'avont fait avant qu'eux. Que malgré notre départ, un fragment de nous réside en eux pour les conduire l'un à l'autre, comme deux âmes-sœurs.

Ou que sans nous, ils tracent une route totalement différente. Ce qui compte, c'est comment ils en reviendront et ce qu'ils seront devenus, au bout du compte. Mais je n'ai pas à m'en soucier.

C'est à mon tour de trouver le repos

Kanae sert ma main dans la sienne, là où le monde s'est illuminé tout autour de nous. Comme si tout m'avait été pardonné, et que je redevenait l'enfant qui apprend à marcher, je me laisse guider par la délicate silhouette de celle qui ferait même de l'enfer le plus doux des paradis.

— Allons-y, murmurons-nous à l'unisson.

Puis je trouve enfin la paix.

🌹🌹🌹

Salut à tous !

C'est déjà quasiment la fin...!

Oui, j'avais dis que ça serait une fanfiction très courte, et l'épilogue est déjà le prochain et dernier chapitre...!

Que dire, si ce n'est qu'au final, rien ne se sera passé comme prévu pour notre protagoniste, mais qu'il aura quand même trouvé une fin alternative plus attrayante ?

J'espère que cet avant dernier chapitre vous aura plus.

À très vite !