Chapitre 3 : Souviens-toi
Sanemi
2 mois, enfin, que je suis de nouveau avec Kanae.
Elle ne semble pas décidée à se souvenir de quoi que ce soit, bien que j'ai tout essayé pour lui faire recouvrer la mémoire : je l'ai emmenée à une exposition de katanas, visiter un parc de glycines en fleurs et ai même évoqué Kiriya Ubiyashiki, le détendeur du record de longévité du pays, pensant que le nom pourrait lui évoquer autre chose de plus significatif.
Quelque chose qui lui rappellerait sa vie à mes côtés. Mais rien n'y fit. Seulement, il me restait ma meilleure carte à abattre.
Le domaine des papillons devenant ainsi mon dernier espoir.
Nous devons nous voir cette après midi, et j'espère avoir l'occasion de l'emmener revisiter cet endroit si cher à nos yeux.
— Tout va bien mon chéri ? À quoi tu penses ?
La voix de ma mère me fait sursauter et me ramène à la réalité.
— Un problème avec les haricots ? demande mon père.
— Non !
Tous les deux se regardent avec étonnement lorsque je bondis presque pour répliquer.
— Je veux dire... I-Ils sont très bon, maman, je bredouille en reprenant mes esprits. Désolé.
— Tu penses à ta petite amie, c'est ça ? demande mon père avec un clin d'œil.
Je me renferme sur ma chaise en rougissant. Je sais très bien ce que mon père a en tête, et honnêtement ce n'est pas ma préoccupation pour le moment.
— Laisse-le, rit ma mère.
— Tu sais fils, c'est normal, enchaîne mon père qui ne l'écoute déjà plus. À ton âge je...
— Ça ira, j'ai plus faim !
Je quitte le repas sous l'étonnement de Genya, qui n'a sans doute pas compris un traître mot des insinuations de notre paternel. Il est trop jeune, et c'est mieux comme ça.
Réincarné, mon père est devenu un homme bon qui n'a jamais levé la main sur aucun d'entre nous, mais en contrepartie il fait preuve d'un humour assez noir, et ce, dans n'importe quel contexte.
Alors je prie pour que mon petit frère, qui n'a encore que 12 ans, garde sa précieuse innocence le plus longtemps possible.
Deux heures plus tard, on toque à la porte. Je me précipite pour ouvrir à l'élue de mon cœur, qui arbore déjà un immense sourire. Elle me saute littéralement au cou rien qu'en me voyant, et je me perd à apprécier son parfum. C'est bien la seule chose dont il m'était impossible de me rappeler, et que je savoure en premier chez elle, outre sa délicate apparence.
Nous saluons mes parents et montons nous réfugier dans ma chambre, car je crains une nouvelle nuée de gêne de la part de mon père.
Une fois seuls, je ne me fais pas prier et j'ai droit à mon baiser habituel. Le contact si doux des lèvres de cette Kanae me fait envier celle que j'ai hâte retrouver... Je me laisse prendre à son jeu et glisse mes bras autour de ses hanches pour la tenir contre moi, tout en lui rendant son baiser.
— Je suis contente de te voir, me murmure Kanae lorsque nous nous séparons.
— Moi aussi. Qu'est-ce que tu as envie de faire ?
Elle réfléchit, lorsque soudain elle aperçoit ma console derrière moi.
— On peut jouer ? s'exclame-t-elle en la pointant du doigt, s'il te plaît !
— Mhh, j'hésite...
— S'il te plaiiit ! me supplie-t-elle en se laissant choir contre mon torse.
— Ok, mais ne viens pas te plaindre si tu perds, répondis-je malicieusement.
— J'ai l'air si nulle que ça ?
— Ce n'est pas ce que n'ai dis, mais je pense être bien meilleur.
— C'est ce qu'on verra ! C'est parti !
Résultat final : 9-0, victoire écrasante de Sanemi.
Kanae "boude" sur mon lit, pendant que je ramène des laits chocolatés. Elle attrape sa tasse d'une main avisée, avant de me dévisager du coin de l'œil.
— Qu'est-ce que tu digères le moins : le lait ou la défaite ? la taquiné-je en la zieutant d'un air amusé.
— Mff ! Sanemi je te déteste !
— Pas la peine d'essayer, je sais que c'est faux, rié-je en reposant les tasses sur le bureau.
J'ai à peine le temps de la prendre dans mes bras qu'elle me couche sur le matelas avant de s'y allonger de tout son poids pour m'y bloquer.
Cette attitude pouvait s'avérer fréquente de la part de la première Kanae, mais pour ce qui est de celle-ci, je n'en savais absolument rien... Mais j'imagine qu'elle est sa réincarnation pour une bonne raison.
Encore une fois je décide de me prendre à son jeu, et ayant plus de forces qu'elle, n'ai aucun mal à échanger nos places.
— Tu auras beau crier aussi fort que tu veux, personne ne viendra te sauver ici, susurré-je malicieusement.
— Tes parents sont partis ? Et tes frères et sœur ? s'enquit Kanae.
— Les plus petits sont au centre aéré, Genya a son entraînement de rugby et mes parents sont sortis faire les courses. Nous sommes rien que tous les deux.
Un sourire espiègle se dessine sur le visage de la jeune fille en même temps que je plonge pour embrasser son cou. La sentir à nouveau près de moi me procure une sensation délicieuse. Enfin, je me redresse pour la surplomber de ma hauteur et croise aussitôt la clarté de son regard améthyste.
Il est vrai que quelques fois, j'aimerais bien laisser mes envies d'adolescent prendre le dessus. Mais j'estime avoir assez perdu de temps et ne songe qu'à retrouver les souvenirs de ma femme.
17 ans. C'est l'âge que nous avons Kanae et moi, et c'est aussi à cet âge que je l'ai rencontré pour la première fois dans notre précédente vie.
C'est aussi à cet âge que je l'ai perdue. Et je compte bien tout faire pour éviter que l'histoire ne se réécrive.
Seulement à cet instant, son visage angélique, et la douce envie qui se dessine dans le regard de ma bien aimée me fait oublier le temps et nos vies, et j'ai soudainement envie de re-découvrir ce corps.
— Sanemi... m'appelle-t-elle tandis que je tortille entre mes doigts le premier bouton de son chemisier blanc.
Elle me pousse légèrement pour se redresser, et porte d'elle même la main à son vêtement avant de le retirer délicatement. Subjugué devant sa beauté, j'admire les courbes de ses formes se dessiner sous mes yeux avant qu'elle ne s'approche pour m'emporter dans un baiser enivrant.
Comme pour l'accompagner dans son sens, je nous sépare et l'aide à me retirer mon t-shirt avant de replonger sur sa bouche. Je redescend ensuite et laisse mes lèvres redessiner ses courbes le long des bretelles de son soutien-gorge que je dégraffe avec application.
J'ai cette boule au ventre, l'impression de la première fois que me revient tandis que nous laissons nos corps se découvrir, se carresser, j'ai peur mais je tremble aussi d'une excitation que je n'avais plus ressenti depuis longtemps.
Lorsque nous achevons enfin nos efforts, je me sens nouveau, complété par un bonheur et une sensation de réconfort.
Je prend Kanae contre moi, carresse ses épaules du bout des lèvres le temps de sentir les frissons de son corps se dissiper, pour enfin la serrer dans mes bras. Je joue avec ses cheveux humides éparpillés sur la couverture, pendant qu'elle glisse un doigt sur les quelques cicatrices qui barrent mon torse.
— Kanae... J'aimerais te montrer quelque chose, murmuré-je presque hors d'haleine.
C'est le moment, j'en suis sûr.
Nous nous rhabillons, et passons la porte sous le nez de mes parents pour nous enfuir en cachette.
Je voyais déjà la curiosité dans ses yeux lorsque je l'entrainais à travers la forêt, le cœur battant.
Après plusieurs minutes de marche, nous arrivons devant ce qu'il reste du domaine des papillons. J'observe la moindre réaction que Kanae peut avoir, et pour l'instant elle ne reste que subjuguée par le coin.
— Ça m'a l'air ancien... Mais pourquoi nous avoir emmené ici ? demande-t-elle.
— Cet endroit... Il ne te rappelle rien ?
Je soupire en la voyant secouer la tête. Mais tout n'est pas perdu.
Tout en lui faisant signe de me suivre, je m'engouffre dans le bâtiment, et sillonne à pas de loup les couloirs de l'ancienne unité médicale qui baigne déjà dans la pénombre.
— Sanemi, où allons-nous ?
— Attend, on y est presque !
Lorsque nous atteignons le bureau, je peux voir le doute dans le regard de ma bien aimée. C'est en train de marcher, ça ne peut être que ça !
— Tu te rappelles, hein ? Tu es déjà venue ici. Tu as vécu ici, Kanae. Nous y avons vécu. Ensemble, par le passé.
— Sanemi, tu sais bien que ce n'est pas possible, nie la jeune fille, ce n'est qu'une ancienne ruine, et on n'a jamais pu habiter ensemble.
— Je te le jure ! La preuve... Tiens, regarde.
Je lui tend le cadre contenant la photo de la famille Kocho. Kanae, Shinobu, Kakao et Aoi, les petites, elles y sont toutes clairement représentées, encadrées par la verdure de la cour extérieur.
Kanae fixe son ancien visage, le sien gravé d'incertitude.
Je t'en prie... Souviens-toi
— Ça... Ça ne peux pax être possible, je... Je ne suis jamais venue...
— Et pourtant tu en as la preuve... Cette fille, c'est toi, je lui explique en relevant son menton pour croiser nos regards.
— Non, ce n'est pas moi... C'est une coïncidence rien de plus, peut être un membre de ma famille... Éloignée...
— Ne te ment pas à toi même, Kanae, tu sais que j'ai raison.
Je tente tant bien que mal de capter le regard cerné d'incertitudes de ma jolie petite amie, qui ne fait que poursuivre en essayant de nier le contraire de tout ce que j'ai beau lui dire.
— Ouvre toi à tes souvenirs. Tu as juste besoin de te retrouver la mémoire et tout rentrera dans l'ordre...
— Sanemi, je veux rentrer... me supplie ma belle fleur, je ne me sens pas bien ici...
— Je sais que tout ça semble impossible, mais tu dois me croire ! tenté-je encore. Et si tu veux, il me reste une derniere preuve.
Elle repose précipitamment le cadre photo sur le vieux bureau, et je n'attend pas pour l'emmener sur la colline du nord. Un long muret de pierre dessine les contours usés par le temps d'un ancien terrain. Un endroit sans cesse rongé par le chagrin et le regret.
Le seul qu'il me restait à visiter chaque jour en attendant mon heure.
Je connais ces allées par cœur, et presque chaque nom que portent les tombes adressées aux anciens pourfendeurs.
— Sanemi... Je...
— Encore une petite minute, ma fleur.
Je suis tellement pris dans mon objectif, dans mes désirs et dans ma course que je ne remarque pas l'effroi sur le visage ma bien aimée. Nous qui visitons un ancien cimetière à la nuit tombée, moi qui projette de l'emmener devant sa propre tombe.
— Regarde...
Je pointe du doigt la pierre tombale qui porte encore les caractères de son doux prénom. L'originale Kanae Kocho repose sous nos pieds, loin de se douter que sa réincarnation l'épie depuis la vie qu'elle a quitté.
Kanae plaque les mains sur sa bouche, apeurée, et secoue la tête.
— Sanemi, je... Je veux partir, maintenant.
— Kanae, s'il te plaît... Comprend que je fais ça pour ton bien... Pour notre bien... J'ai besoin de te retrouver, j'explique désespérément.
— Ces... Ces histoires de réincarnation, c'est totalement... Je ne peux pas y croire, je n'y arrive pas, et quand bien même je... J-j'ai peur, Sanemi, rentrons s'il te plaît...!
— Kanae, je reprend en posant délicatement les mains sur ses épaules, je sais que c'est dur à admettre, mais...
Elle sursaute lorsqu'un bruit surgit des feuillages en bordure du cimetière.
— Ça suffit, je... Je ne veux plus entendre parler de tout ça ! Et si c'est une blague, sache que ça n'a rien de drôle ! Toutes tes... Ta ruine, ton portrait, ton cimetière ! Tout ça ne nous concerne pas, tout ça est bien loin derrière nous...!
La façon dont elle évoque notre passé, et toute son existence, résumée à des choses sans intérêt alors qu'elle est censée y tenir si précieusement... Ça me brise le cœur.
Mais bon sang... Pourquoi ça ne marche pas ?
— Il doit manquer quelque chose... On va trouver autre chose je te jure, et tu retrouveras la...
— Arrête ! Sanemi, tu es extrêmement bizarre et je ne sais pas pourquoi, mais je partirai d'ici, avec ou sans toi...
Et à ces mots elle me tourne le dos et s'enfuit en courant vers la sortie la plus proche. Je suis des yeux son ombre jusqu'à ne plus la voir derrière les fourrés.
— Kanae, revient ! C'est dangereux ! j'hurle.
Je la poursuis, mais pour une raison que j'ignore, c'est moi qu'elle semble éviter lorsqu'elle se rend compte que je la suis.
Des lumières blafardes transpercent les branches pour donner à la forêt cette allure mystique. Ces lumières se font de plus en plus claires et nombreuses, et je ne comprend pas où je me dirige lorsqu'un crissement sonore, suivit d'une sorte de choc lourd fait trembler la moindre vibration dans l'air.
— Kanae, où es-t...
Je venais de la retrouver. Seulement...
Comment se pouvait-il qu'une route se soit construite ici...? Je ne l'avais jamais vue.
Et je ne la vis toujours pas alors que la seule chose qui me sautait aux yeux fut le corps étendue de ma petite amie sur le goudron tâché de son propre sang.
Mais qu'est-ce que j'ai fais...
🥀🥀🥀
Aie aie aie aie aie...
Je vous avais dit que ça durerait pas hein ?
J
e crois qu'à force vous avez compris que chez moi le bonheur ne dure jamais très longtemps.
Mais c'est ce qui arrive quand on se précipite comme Sanemi... Pauvre de lui.
Et c'est d'autant plus dommage de ne pas avoir la suite de l'histoire...
En tout cas j'espère que ce petit chapitre vous aura plus.
À la semaine prochaine ;)
Par contre faut que j'arrête d'oublier qu'on est dimanche tous les dimanches moi...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro