Chapitre 5
Un silence très pesant s'installa dans ce long couloir. Il me fixait. Je faisais de même. L'homme âgé n'osait même pas nous interrompre ; non, il ne faisait rien. J'étais totalement hypnotisée par ces prunelles noires ; ce regard me mettait dans un nouvel état, que jamais avant je n'avais connu.
Mais quand je me rappelai que cet homme était le directeur de l'entreprise, ma main se détacha brusquement de la sienne. Il ne parut pas apprécier ce refus, puisque d'un seul coup, il laissa échapper un grognement avant de reprendre ma main dans la sienne.
Mais...
Je recommençai mon geste, en la secouant vivement, comme si j'étais en train de me brûler dangereusement. Évidemment, cette fois-ci, cela ne marcha pas ; ma main resta bloquée dans la sienne, ne voulant en aucun cas se séparer d'un petit centimètre.
– Pouvez-vous me lâcher, s'il vous plaît... dis-je tout bas en lui adressant un mince sourire, espérant que cela lui fasse finalement lâcher prise.
Il fixa nos mains liées, comme si le temps s'était soudainement arrêté pour lui. Ce fut également à ce moment-là que je me demanda si quelque chose ne clochait pas avec cet homme. Je commençais à le trouver de plus en plus étrange. Je me raclai la gorge.
– Excusez-moi...
– Quel est votre tour de poitrine ? demanda-t-il soudainement.
Je me décomposai.
Pardon. Avais-je bien entendu ? Cet homme qui se trouvait être le directeur n'avait pas osé dire cela, j'espère ?
Je savais que j'étais de nature calme et timide. Mais à un moment, je n'avais pas que ça à faire que de m'amuser avec ce type de personne et de lui octroyer ce genre de réponse !
– Mais vous êtes un pervers ! criai-je aussitôt, très en colère, en lui balançant mon sac en pleine tête.
Je profitai de ce moment pour séparer nos mains, et pour courir jusqu'à l'ascenseur, totalement choquée. Mais quel goujat, ce directeur de pacotille ! Je préférais encore rester à travailler à la bibliothèque que de côtoyer ce genre d'homme vicieux ! Il était fou, ma parole !
Heureusement que l'entretien ne s'était pas fait ! Ses questions auraient été très intelligentes, j'en étais sûre et certaine, tiens !
" Votre taille de pantalon ? "
" Vous préférez les culottes en dentelle ou celles en soie ? "
Mais n'importe quoi ! Je croyais rêver, là !
Je m'empressai de fermer la porte de l'ascenseur, appuyant avec colère sur le bouton. J'attendais, impatiente que tout cela se finisse, mais à peine étais-je arrivée au premier étage que je vis une horde de personnes me bloquer la porte d'entrée.
Oh non...
J'essayai de me faufiler entre toutes ces personnes, mais elles semblaient toutes vouloir me repousser de l'autre côté.
– Pardon, je suis pressée... soufflai-je avant que je ne voie étrangement mes pieds décoller du sol.
Deux hommes, des agents de sécurité, étaient en ce moment même en train de me traîner par les épaules. Comme si tout cela était tout bonnement normal.
– Mais lâchez-moi, enfin ! m'exclamai-je aussitôt, très énervée de cette situation.
– Le directeur veut vous voir. Excusez-nous mademoiselle, mais nous devons lui obéir, intervint l'autre agent en inclinant légèrement sa tête.
– Je n'ai pas envie de le voir. Je veux rentrer chez moi, alors merci de me lâcher ! grondai-je alors que je les voyais déjà m'emmener dans une autre salle.
Étant donné que je n'élevais jamais la voix dans la vie, il était impossible pour eux de m'obéir. Je ressemblais à un pauvre petit chihuahua qui aboie après un rottweiler. Comment vouliez-vous qu'ils écoutent la pauvre petite Lune qui essayait tant bien que mal de se sortir de ce pétrin ?
Finalement, les deux agents me firent asseoir sur une table, en me portant comme une enfant de trois ans. L'un des deux s'empara ensuite de son téléphone, en murmurant quelques paroles à son interlocuteur. Je levai les yeux au ciel, puis attendis patiemment que quelqu'un vienne me délivrer.
Mais tout sauf lui, quoi...
Le super directeur fit d'un coup son apparition en claquant la porte, me faisant sursauter.
– Laissez-nous ! cria-t-il d'une voix si tonitruante que cela me fit de nouveau sursauter.
Les deux agents acquiescèrent de la tête, avant de tous deux quitter la pièce et de me laisser seule avec lui. Totalement piégée, je n'avais que mon pauvre sac pour me protéger. Et directement, comme tout à l'heure, nous nous observâmes, aucun de nous deux ne voulant entamer un quelconque discours.
En même temps, qu'aurais-je pu lui dire ? Ah oui, tenez, j'ai oublié de vous répondre tout à l'heure. La taille de ma poitrine est...
Oui, bien sûr.
Après un duel de regard des plus palpitants, le super directeur commença à s'avancer vers moi. Mon cerveau me dicta de reculer, comme pour me protéger, et c'est ce que je fis sans délai. Mais mes gestes s'arrêtèrent quand je remarquai que ses yeux sombres étaient marqués d'une étrange tristesse et d'une certaine culpabilité.
– Je suis terriblement désolé. Je n'ai pas d'autres excuses. Cette phrase n'aurait jamais dû sortir d'entre mes lèvres, déclara-t-il en ne se trouvant désormais qu'à quelques centimètres de la table.
– J'espère que vous ne posez pas ce genre questions à chaque entretien... continuai-je en ramenant précipitamment mes genoux contre moi, comme pour créer une barrière.
– Non, jamais. Je vous en prie, excusez-moi, reprit-il d'une voix très calme et grave à la fois.
Cette étrange tristesse qui se reflétait dans ses yeux sombres venait bel et bien me faire perdre mes moyens. Je me mordis la lèvre inférieure en soupirant.
– Je vous pardonne, dis-je simplement en espérant qu'il me laisse sortir d'ici et que chacun de nous retourne à sa vie respective.
Un sourire magnifique vint immédiatement marquer son visage, qui était à quelques minutes près, rongé par la colère, la tristesse et la culpabilité. Il me tendit soudainement la main, que j'hésitai à attraper. Mais quand celle-ci vint frôler mon menton, je compris que cet homme n'abandonnerait jamais.
Je poussai un second soupir, puis m'emparai doucement de sa main. Une agréable chaleur venait de naître au sein de nos peaux liées, tandis qu'il m'aidait à redescendre de cette fameuse table où l'on m'avait déposée tantôt. Une fois sur mes jambes, je relâchai nos mains liées, puis cachai les miennes derrière mon dos. Il serait encore capable de me les garder pendant un très long moment...
– Merci, murmurai-je en replaçant mon sac sur mon épaule.
Il étudia chacun de mes gestes, ce sombre regard commençant à me gêner de plus en plus.
– Vous êtes engagée, dit-il quelques bonnes secondes plus tard, alors que je le regardais avec de grands yeux.
Je fronçai les sourcils.
– Pardon ?
– Vous serez ma nouvelle assistante, continua-t-il avec une autorité impressionnante dans la voix, me laissant encore une fois toute perdue.
Quoi ? Il blague, là ?
**
PDV Wayne 🌑
– Je ne veux que vous. Personne d'autre, déclarai-je en sachant pertinemment que cette phrase avait un double sens pour moi.
Désormais, elle ne pouvait plus me quitter. Nous étions liés.
– Je ne sais pas... Il faudrait peut-être passer un entretien avant, non ? On n'engage pas des personnes comme ça, du jour au lendemain. Si ? s'enquit-elle d'une toute petite voix qui commençait à me faire perdre toute raison.
Retiens-toi, Wayne.
– Non. Tout est bon, ne vous inquiétez pas, repris-je en attrapant sa main pour ainsi la faire fondre sous la mienne.
Elle voulut protester, mais je l'en empêchai aussitôt d'un seul regard. Je me dépêchai de regagner mon bureau, pressé.
Ce parfum était revenu. Je l'avais senti se rapprocher, venir dangereusement m'envenimer sans que je ne puisse rien faire. J'avais perdu tous mes moyens. Absolument tous. Tout mon corps s'était littéralement embrasé, mes muscles s'étaient tendus et mes yeux étaient devenus noirs comme la nuit. Kasper avait dû en urgence faire évacuer tout l'étage. Si quelqu'un m'avait vu lors de ma transformation, cela aurait pu avoir de graves conséquences...
Si quelqu'un avait osé entrer dans mon bureau, soit je l'aurais soit tué, soit j'aurais effacé sa mémoire. Mais ayant un peu de bonté et ne voulant point recevoir les foudres d'une petite sœur aux cheveux frisés, j'aurais assurément choisi l'option u...
Hum, pardonnez-moi. La deuxième, oui exactement.
Cette odeur avait commencé à se faire de plus en plus forte, recouvrant mon corps tout entier de veines bleues. Mes crocs étaient sortis, sans que je ne puisse les arrêter, ralentir ce processus alarmant. Si Kasper ne m'était pas venu en aide, qui sait ce qui aurait pu se passer...
Mais tout avait changé. Tout avait basculé d'une seconde à l'autre. Mes yeux s'étaient finalement posés sur les siens. Des magnifiques yeux bleus, mêlés à une sublime touche de vert émeraude ; ceux-ci avaient littéralement causé ma perte.
Je refermai sa petite main dans la mienne, accélérant le pas pour regagner mon ascenseur privé. Toutes les personnes que nous croisions dans les couloirs ne cessaient de nous dévisager. Mes yeux changèrent brusquement en une nouvelle couleur, les faisant baisser la tête. Un sourire en coin se dessina au coin de mes lèvres, fier de cet effet, tandis que je déposais ma main dans le dos de mon âme sœur, et que je la poussais à l'intérieur de l'ascenseur.
Celui-ci se refermant, je m'empressai d'appuyer sur le bouton.
– Mon Dieu... gémit soudainement une douce voix, alors que je me retournais.
Je fronçai les sourcils, cherchant à savoir pourquoi elle avait poussé ce petit gémissement qui avait dangereusement remué mon sang bien trop brûlant.
– Vous avez appuyé trop fort sur le bouton, souffla-t-elle avant que je ne me retourne.
Hum. En effet. Le bouton s'était brisé en deux, ainsi que l'écran tactile.
J'avais peut-être appuyé trop fort, il est vrai.
– Ce n'est rien, ne vous en faites pas, dis-je simplement.
Soudain, l'ascenseur s'arrêta brutalement, et la jeune femme tomba contre mon torse. Son petit visage toucha mon corps. Mes veines revinrent aussitôt, alors que je posais une main légèrement tremblante dans le creux de son dos.
– Excusez-moi, dit-elle rapidement en se reculant comme si je l'avais brûlée.
Un grognement incontrôlé sortit de ma gorge, la faisant davantage reculer contre la paroi de l'ascenseur. La lumière commença plus tard à clignoter, et je pus immédiatement entendre ses battements devenir irréguliers et résonner contre les parois.
– N'ayez pas peur, annonçai-je en faisant un petit pas en sa direction.
– Comment savez-vous que je suis effrayée ? Vous entendez peut-être mes battements de cœur ? demanda-t-elle presque sèchement, en ramenant lentement ses mains contre son ventre.
– Non...
Elle était effrayée. Était-ce à cause de moi ? Était-ce à cause de l'ascenseur qui s'était arrêté ?
Une certaine colère s'empara de mon être, tandis que j'appuyais sur le bouton de secours. Personne ne répondait. Les battements de son petit cœur redoublaient. Mon sang s'affluait. Mes veines continuaient d'apparaître.
– Tout va bien, je vous prie de vous calmer. Je suis là avec vous, il n'y a rien à craindre, repris-je quelques secondes plus tard en la fixant intensément.
– Je hais être enfermée dans un ascenseur. Disons que j'ai été légèrement traumatisée quand j'étais enfant.
– Je vois. Mais ne vous en faites pas, rien ne peut nous arriver.
Elle eut un petit sursaut, puis ses yeux se mirent à fixer le sol.
Timide et réservée, hum...
– Quel est votre prénom ? demandai-je, attendant patiemment cette fameuse réponse.
– Lune, répondit-elle tout bas, un nouveau sourire venant directement se dessiner sur mes lèvres.
– Lune... répétai-je dans un souffle, hypnotisé par ce merveilleux prénom. C'est magnifique.
Je la fixais avec une grande attention.
– Vraiment ? D'habitude, les personnes ont tendance à se moquer de ce prénom plutôt atypique...
– Ils sont pathétiques, et s'ils étaient devant moi, je leur ferais vite ravaler leurs paroles déplacées.
Un petit sourire timide et nerveux se dessina sur ses lèvres, donnant un côté plus rayonnant à son petit visage d'ange.
– Est-il possible que l'ascenseur descende d'un coup et qu'il s'écrase par la suite ? questionna-t-elle, ses battements de cœurs ayant légèrement ralenti à mon plus grand bonheur.
– Pas que je sache, non. Mais rassurez-vous, Lune. Je vous protégerai coûte que coûte, répondis-je en attrapant une mèche de ses cheveux entre mes doigts.
Ses joues prirent subitement une jolie teinte rouge, alors qu'elle se raclait la gorge. Elle toussota, serrant ses longs doigts contre son sac à main.
– Ça sera dur de nous protéger, mais j'apprécie cette réponse...
– Je tiens toujours parole, avouai-je avant de dangereusement rapprocher ma bouche de son cou.
Presque...
Je sentis son corps se raidir, mais je continuai tout de même mon approche. Son parfum me frappa davantage, mon sang commença à me brûler ; un grognement sourd s'échappa de ma gorge, devenue sèche. Mes veines réapparurent, en même temps que mes crocs, vivement et férocement.
Dans quelques minutes, j'allais...
L'ascenseur se remit brusquement en marche, nous faisant tous les deux vaciller de quelques pas. Ce n'était pas possible... Ce fut à ce moment précis que je me rendis compte de cet acte. L'acte qui aurait pu tout changer. Je n'aurais jamais dû me laisser autant jouer par mes désirs...
J'avais été à deux doigts de planter mes dents dans son cou, et de la faire mienne...
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