Chapitre 48 : Le Pouvoir D'Edward
Aethelstan avait peiné à dormir. Dans la petite demeure qu'il occupait avec les guerriers d'Uhtred, il avait ressentit le froid et une crainte indescriptible naissante entre ses tripes. La veille il s'en était allé voir son père, le Roi Edward, or les retrouvailles n'avaient guère été chaleureuses. Mais le garçon ne s'attendait pas à davantage, tout deux étaient de parfait inconnus. Cependant, cette rencontre avec le souverain du Wessex, la mort de Dame Aethelflaed, le chagrin de Daegan, avaient torturés ses pensées sans relâche. Ne tenant plus le lit, le jeune homme décida d'aller prendre l'air avant de retourner se coucher. Avec silence, pour ne point réveiller ses camarades, il ouvrit la porte mais ne put empêcher l'affreux grincement qu'elle chanta. Se frottant les yeux de fatigue, Aethelstan fut cependant happé par un étrange et curieux mouvement dans la ville endormie.
"Fermes la porte, je me gèle les miches, grogna Sihtric en remontant sa couverture."
Le garçon écouta l'ordre et referma aussitôt la porte, mais il ne put s'empêcher de parler de son profond ressentit et du mouvement peu habituel qui se produisait.
" Il se trame quelque chose, murmura t-il.
- Au lit ! insista le bâtard de Kjartan avec le ton ferme d'un père.
- Reposes-toi, Uhtred aura besoin de nous, marmonna Osferth avec le timbre de voix rauque par l'endormissement."
Fronçant les sourcils, le bâtard d'Edward s'apprêta à capituler et retourner sur sa couche lorsque, devant les fenêtres, des soldats avec des torches enflammées pressaient le pas.
" Là ! Vous avez vu ça ? Debout ! hâta le garçon en secouant Sihtric.
- Non, c'est la bière qui te joue des tours, grommela ce dernier.
- Je t'assures que non, il y a des soldats.
- Va donc réveiller Daegan et laisses-moi dormir.
- Elle n'est pas encore rentrée, debout Sihtric !"
La main sur le pommeau de son épée, Aethelstan s'extirpa du petit foyer tandis que le bâtard de Kjartan capitula et daigna de se lever pour voir ce qu'il en était. Il aurait grandement préféré que sa sœur soit présente, car elle savait bien mieux gérer le jeune homme que lui. Frottant ses yeux, Sihtric sortit à son tour. D'un pas lent et trainant, il arriva sur le pas de la porte et observa le garçon regarder avec grand intérêt dans la rue. S'approchant doucement, il fit prendre peur à Aethelstan qui se retourna vivement vers lui en pointant sa lame dans sa direction.
" Attention à qui tu menaces ! répliqua le frère de Daegan en chassant l'épée d'un geste de la main.
- Des soldats, là ! montra le garçon en pointant du doigt une direction."
Il y avait effectivement une étrange dizaine de soldats qui arpentaient anormalement les rues à une heure bien trop matinale.
" C'est une attaque ? Le Roi est ici sans défense, dit le bâtard d'Edward."
Frottant ses mains sur son visage, Sihtric poussa un grand soupire avant d'observer les alentours.
"Et merde, pesta t-il. Va prévenir Uhtred, je me charges des autres et ne joue pas au héros. Daegan me botterait le cul si il t'arrivait malheur. Tu as compris ?
- Oui."
Le bâtard de Kjartan disparu dans le foyer, tandis qu'Aethelstan décida de n'en faire qu'à son idée. Reprenant fermement son épée dans sa main, il se décida à courir à la suite des soldats. Il ignorait encore si il allait les attaquer ou simplement les espionner. Remontant la rue en courant à pleine jambe, il remarqua que le jour commençait à se lever et que sa vision n'était plus obstrué par un voile sombre et désagréable. S'engouffrant dans une allée, il se trompa et ne tomba que sur un endroit sans issue. Jurant et rebroussant chemin, il finit par retrouver la trace qu'avait laissé le passage des soldats. Des piétinements étaient plus aisées à suivre que les traces d'un sanglier. Redoublant d'effort, il prit le tournant d'une rue et tomba face aux seigneurs de Mercie. Vêtu de cape et l'air soucieux, les hommes marchaient la tête baissée. Cependant, Aethelstan tressaillit en voyant que des hommes encapuchonné les prenaient à revers et les plantaient de leur fer. L'un de ces assassins se tourna auprès du bâtard d'Edward. Prit au piège, et ne s'attendant guère à se battre dans la minute, on lui attrapa le col avant de le plaquer contre un mur d'une maison pour lui presser une main sur la bouche, avant de le dépouiller de son épée. Au final, ce n'était pas lui qui avait trouvé le combat, mais le combat qui l'avait trouvé.
Ne manquant guère de ressources, le garçon donna un grand coup de pied dans le ventre de l'assassin à la capuche qui le menaçait, et se dégagea de son emprise.
" Uhtred ! hurla t-il à plein poumon."
S'apprêtant à hurler de nouveau le nom du guerrier, il fut cependant prit de force et jeté au sol avant de recevoir un violent poing dans la mâchoire. Roulant dans la poussière, le jeune homme se sortit de la trajectoire de son adversaire et, désarmé, se mit à frapper autant qu'il put sur l'assassin. Or, ce dernier, sans doute plus expérimenté que lui, lui affligea de plus rudes attaques. Les coups devinrent des martèlements, puis des assourdissements. Son corps se trouva marqué et douloureux. Il sentait des hématomes naitre et sa poitrine se compresser. Son esprit divaguait alors que son assaillant lui passa deux mains autour du cou afin de le lui serrer. Attrapant les poignets de son adversaire il tentait de se défaire de son emprise, en vain. Cependant, la pression sur sa gorge se relâcha soudainement lorsque le pommeau d'une épée vint frapper le crâne de l'homme au capuchon. Ce dernier tomba sur le sol, les pensées embrouillées et le regard flou, il ne se relèverait pas dans l'instant. Aethelstan eut un soupire de soulagement en reconnaissant Dent-De-Loup et sa propriétaire.
"Tu vas bien ? s'enquit t-elle en lui offrant sa main pour l'aider à se relever."
Le garçon hocha la tête de haut en bas avant de lui attraper la paume et de se remettre sur ses deux jambes. Le soudain son de pas rapide et hâtif, mirent Daegan en alerte. Se retournant vivement pour faire face à de potentiels nouveaux arrivants, elle baissa sa garde en reconnaissant les silhouettes de Sihtric et d'Uhtred.
" Je t'ai confier la garde d'Aethelstan durant une nuit ! Une seule ! Et voila que je le retrouve à moitié mourant ! gronda t-elle à l'intention de son frère ainé.
- Je lui ai dit de ne pas se mettre en danger, mais il ne m'a pas écouté, répliqua celui-ci en s'apprêtant à abattre son épée sur l'homme qui s'en était prit au garçon.
- Non, ne le tue pas, nous aurons besoin de ses mots pour connaître le but de ses actes, dit Uhtred.
- Venez voir ça ! alerta Aethelstan."
Le bâtard du Roi s'était quelque peu avancé et observait le massacre qu'avait provoqué les hommes aux capuchons. Les trois compagnons se joignirent à lui et furent horrifier des nombreux cadavres gisant au sol dans une marre de sang. Or, il n'y avait plus aucune trace de soldats ou d'assassins.
"Qui sont-ils ? interrogea Sihtric en fronçant les sourcils.
- Les seigneurs de Mercie, répondit le guerrier."
Rengainant Dent-De-Loup dans son fourreau, Daegan rebroussa chemin et s'accroupit au coté de l'assassin épargné. Lui retirant sa capuche, elle reconnu avec aisance ses traits. C'était un meurtrier qu'elle avait rencontré, jadis, lorsqu'elle était encore le Loup Blanc et qu'elle faisait nombres de missions pour Dame Aeslwith.
" Ecberth, cracha t-elle avant de lui donner une grande gifle pour lui faire reprendre ses esprits.
- Qui est derrière ça ? questionna Uhtred en s'approchant.
- Tu ferais mieux de parler ou je te couperai les bourses.
- Je le connais, souffla Aethelstan en voyant le visage découvert de l'homme.
- Comment connais-tu cet assassin ? demanda la femme.
- Il parlait avec le Roi hier soir."
Les traits de Daegan se décomposèrent. Elle savait que Ecberth travaillait pour nombres de Rois, en particulier ceux qui désiraient corrompre ou envahir les peuples ennemis. C'était un assassin doué dans la surprise et les morts aux grandes traces. Si l'homme au capuchon parlait avec Edward la veille de la mise à mort des seigneurs de Mercie, cela ne pouvait signifier qu'une seule et unique chose.
" Il ne consultera pas les anciens, Aelfwynn ne va pas hériter du trône. Edward va s'emparer de la Mercie, dit la fille d'Uhtred en se redressant. C'est la seule raison pour laquelle il a fait assassiner les seigneurs de Mercie, pour s'en emparer.
- Je vais aller informer le Roi que son stratagème est un succès, siffla le guerrier avec agacement.
- Père, ne te mêles pas trop de la politique cette fois. L'heure est trop tardive pour raisonner Edward, ses plans sont déjà remportés. Il les a sans doute pensé avant-même de fouler le sol d'Aeglesbure, et avant même la mort d'Aethelflaed.
- Je ne m'en mêlerai pas, n'aies crainte. Allez rassembler vos affaires et chercher les autres, nous quitterons Aeglesbure après les funérailles de Dame Aetheflaed."
La voix du guerrier se fondit dans un murmure à la fin de ses mots. Enoncer le nom de la Dame de Mercie était comme une lente entaille faite du couteau le plus aiguisé. Plissant les sourcils, Daegan s'approcha de son père et déposa un baiser sur sa joue. Ils se sourirent et Uhtred se retira. Alors seulement, Sihtric vint prendre la main de sa sœur dans la sienne et la serra avec douceur.
" Comment vas-tu ce matin ? s'enquit-il.
- Je vais bien, allons nous préparer pour le départ, dit-elle dans un sourire."
La bâtard de Kjartan n'était pas dupe et connaissait les mensonges de sa sœur. Or, il savait que peu importe les questions qu'ils poseraient, elle s'obstinerait à répondre que tout allait bien. Malgré la douleur persistante dans ses traits tirés de fatigue.
Tendant ses bras, Daegan donna à Finan le dernier bagage. L'irlandais entreposa leurs biens proche des chevaux afin de ne point tarder lorsqu'ils quitteraient Aeglesbure. Aucun d'eux n'avaient de raison de rester entre ces murs désormais. Ne sachant que faire d'autre, et transit par le froid, ils s'assirent devant les écuries et patientèrent tandis qu'Osferth entreprenait à regarder les blessures d'Aethelstan. Le garçon avait été quelque peu heurté lorsqu'il s'était retrouvé dans l'embuscade tendue aux seigneurs de Mercie.
" C'est une égratignure, ça va guérir et tu auras une jolie cicatrice, ricana Finan en regardant le jeune homme se faire bander la main.
- Ca saignait beaucoup plus, se défendit-il pour ne point avoir l'air d'un lâche.
- Alors ta cicatrice restera plus longtemps, peut-être même à vie, dit Daegan en venant poser une main sur le bras du bâtard du Roi.
- Cela ne serait pas arriver si je n'avais pas désobéi à Sihtric.
- C'est vrai, je ne te contredirai pas là dessus, mais tu n'as rien de plus que quelques coupures. La prochaine fois tu écouteras ce que l'on te dit et tu t'y tiendras."
Aethelstan hocha la tête, alors qu'Osferth finissait son bandage. Or, les guerriers d'Uhtred se levèrent soudain d'un bond, la main sur la garde leurs armes. Car, descendant la rue et s'approchant d'eux, l'assassin Ecberth accompagné de plusieurs soldats du Wessex. Ils craignirent alors que le Roi ne se décide à les punir ou à leur faire subir le même sort que les seigneurs de Mercie, et tout cela pour avoir été désireux de porter secours à des vieillards sans armes. Sur la défensive, tous étaient prêt à en découdre si nécessaire.
"Mes hommes prennent leurs chevaux, pas d'inquiétude, déclara une voix."
Alors que tous rengainèrent leurs armes, les traits du visage de Daegan fondirent en décomposition. Car c'était Edward qui avait parlé. Les deux anciens amants ne s'étaient guère vu depuis des années, et s'évitaient plus que la virulente maladie. Jamais, après que le fils d'Alfred n'ait mit la femme sous tutelle, ils ne s'étaient adressés la parole. Les mains levés en signe de paix, le Roi du Wessex s'avança auprès des guerriers d'Uhtred. La sœur de Sihtric put davantage le détailler. Il n'avait pas réellement vieillit, mais sa barbe le rendait plus sage et plus respectable. De même que la couronne d'or qui luisait sur son crane. Elle le trouva toujours aussi charmant et désirable, bien que leur amour se soit éteint depuis longtemps, il lui était difficile d'oublier le premier homme qu'elle avait aimé.
"Vous avez tué les seigneurs, accusa Aethelstan en s'avançant devant son père.
- Je n'avais pas le choix, se défendit celui-ci.
- Des vieillards, sans défense.
- Uhtred vous a donc transmit sa haute moralité.
- Pas Uhtred, mais Daegan, répliqua le garçon."
En entendant ce prénom, Edward sembla finalement notifier la présence de la femme. Il la jaugea de haut en bas et de bas en haut, avec une expression plus qu'indescriptible. La fille d'Uhtred ne détourna pas le regard pour autant. Elle ne serait pas celle qui plierait devant le jugement d'un homme.
"Sans doute vous a t-elle aussi apprit qu'il valait mieux frapper le premier ? Pour éviter de plus ample violence. Evidemment je ne souhaitais pas que vous soyez mêlé à tout cela. Il parait que vous vous êtes bien battu.
- Pas suffisamment, ou cet assassin n'aurait pas pu en témoigner.
- Vous avez ça dans le sang.
- Mon talent est seulement le produit de mon entrainement."
Serrant les dents, le Roi inspira une grande bouffée d'air emplit d'agacement.
"Je dois me préparer pour la cérémonie, vous y assisterez ?
- Je me tiendrai au coté de Daegan.
- Si vous changez d'avis, vous serez le bienvenu."
S'approchant d'un pas, Edward posa ses deux mains sur les épaules de son fils et le regarda sans sourciller.
"Aetheflaed était votre parente, vous êtes de mon sang."
Sur ces derniers mots, le Roi quitta leur compagnie pour s'en retourner auprès de ses soldats. Daegan ne se serait jamais imaginé que le fils d'Alfred aurait gardé autant de venin à son égard, et cela même après ces nombreuses années. Insupporté de sa présence et du dédain auquel il avait fait preuve, la femme croisa les bras sur sa poitrine et soupira bruyamment. Ces derniers jours, les Dieux n'étaient pas de son coté. Ou bien s'amusaient-ils avec ses sentiments.
La cérémonie prit place à la fin de l'après-midi. Comme le voulait la tradition, le corps d'Aethelflaed avait été posé sur un cortège funéraire, porté par des soldats et ses plus proches hommes. (Aldhelm était l'un d'eux.) La Dame de Mercie était vêtue d'une robe à la soie la plus brillante et la plus blanche. Sa couronne déposé sur sa tête, et un bouquet de fleurs d'hiver entre ses mains. Il n'y avait pas plus belle procession que la sienne. Quittant le palais pour traverser les rues à la vue du peuple afin de gagner la chapelle, la souveraine reçue nombres de pleurs et de pétales de fleurs lancés sur son passage. Guidé par le père Benedict (qui avait quitté Rumcofa dans la plus grande hâte) et suivit par le Roi Edward ainsi qu'une dizaine de prêtres, Daegan au coté de son père ne put que partager la déchirement du peuple de Mercie. Ils avaient perdu leur Dame, mais elle avait perdue son amie. Or, cela n'était rien comparé à Uhtred qui perdait l'un de ses plus grands amours. Elle pouvait lire la souffrance dans ses traits, et presque ressentir son cœur brisé de chagrin. Glissant sa main dans la sienne, père et fille se serrèrent les doigts afin qu'aucun d'eux ne défaillent. Cela serait la dernière fois qu'ils verraient le visage d'Aethelflaed, car sans nul doute elle reposerait au Paradis tandis qu'eux rejoindraient probablement le Valhalla. Les yeux mouillés de larmes malgré elle, la sœur de Sihtric songea (en observant autour d'elle) que la Dame de Mercie avait été bien davantage apprécié que son père, le Roi Alfred. Car jamais elle n'avait vu un peuple aussi assombrit de deuil. Aethelflaed avait été une grande Reine et son nom ne serait jamais oublié.
"La procession semble tout à fait digne, murmura Aethelstan qui se trouvait au coté d'Uhtred et de Daegan.
- En effet, approuva le guerrier.
- Tu as l'intention de t'opposer ?
- Il a fait ce que les Rois ont toujours fait, aucun d'eux n'a jamais régné sans faire couler le sang. Ce n'est point dans leur nature.
- Cela n'est pas une bonne méthode pour devenir Roi.
- Je pense qu'il n'y en pas d'autres. Tout est scellé. Le règne d'Edward ne sera pas remit en cause, sa lignée veillera sur le trône en attendant patiemment son tour. C'est ce que souhaitait le Roi Alfred.
- Mais pas ce que souhaitait Aethelflaed. Ses dernières volontés ont été bafouées alors qu'elle songeait partir en paix et dans la sérénité que Aelfwynn lui succède, dit Daegan.
- Je le sais, et je comprends ta colère, j'éprouve la même."
Passant un bras autour des épaules de sa fille, le guerrier l'attira contre lui. La femme se laissa aller contre le cœur battant de son père. Il était le réconfort dont elle avait besoin. Et sous leurs regards à tout les deux, eux qui avaient aimés Aethelflaed, ils observèrent le cortège se clore en entrant dans la chapelle tandis que le soleil se couchait. Emportée par les derniers rayons de l'astre, la Dame de Mercie, mère, amante et amie, rejoignait les siens dans le repos et la paix. Laissant derrière elle les plus chaleureux souvenirs à chérir. Et pour toujours, elle resterait le cœur vif et brillant du royaume de Mercie.
Saison 5 - Episode 5
Les chevaux étaient sellés, prêts au départ d'Aeglesbure. Les larmes avaient séchées mais les cœurs restaient lourd. Les guerriers de Rumcofa s'en retournaient chez eux. Et beaucoup n'étaient pas mécontents de quitter la capitale de la Mercie. Ils avaient hâte de retrouver leurs foyers, leurs femmes et leurs familles. La sœur de Sihtric accrochait son épée à la selle de sa bourrique, de sorte à ne point être gênée pour le voyage mais à pouvoir dégainer au besoin. Nombres de ses compagnons de route étaient déjà juchés sur leurs montures et n'attendaient que les ordres d'Uhtred pour quitter la ville.
"Daegan, appela t-on alors."
Intriguée qu'on l'interpelle de la sorte, la femme tourna le regard et rencontra la silhouette d'Aldhelm. Il avait le visage d'un homme soulagé. Tout le contraire de ces derniers jours, durant lesquels il s'était montré terne et cerné. Haussant les sourcils, la fille d'Uhtred quitta le coté de son cheval pour s'avancer auprès de l'ancien conseillé d'Aethelflaed.
" Que vous arrive t-il ? demanda t-elle.
- J'ai repensé à notre conversation de l'autre nuit, et je sais que ma place n'est plus à Aeglesbure. J'ai refusé d'être au service d'Edward, car je n'ai guère apprécié sa manière d'agir et je ne puis suivre un souverain que je désapprouve. Je n'ai plus à rendre service à la Mercie.
- Que comptez-vous faire ?
- Je l'ignore encore, mais me voilà ouvert à bien d'autres perspectives de nouvelle vie. Je n'ai jamais réellement quitté la Mercie, c'est sans doute une occasion pour moi de suivre mon propre chemin, ou ma Destinée comme votre religion se plait à le dire.
- Je suis contente pour vous Aldhelm, vous méritez de vous occuper de vous, et vous uniquement. Dieu est de mon avis, j'en suis certaine, prononça avec grande sincérité Daegan en posa une main sur la joue barbue de l'homme.
- Daegan, il nous faut partir, rappela Uhtred."
Retirant vivement sa main du visage d'Aldhelm, la femme jeta un regard à son père. Il était juché sur son cheval tandis que les soldats attendaient patiemment, et que les guerriers observaient la scène avec des sourires taquin sur le visage. Se rendant compte qu'elle était la seule qu'ils attendaient, elle songea qu'il était temps de clore la conversation.
" Il me faut partir, s'excusa t-elle.
- Oui, bien sûr je ne vous retiens pas davantage.
- Adieu Aldhelm, peut-être que nos chemins se recroiseront. Vivez votre vie, et si votre route frôle Rumcofa, venez donc nous voir.
- Je n'y manquerai pas."
Tout deux se sourirent et aussitôt, la fille du guerrier se mit, d'un bond, sur le dos de sa monture. Sans un regard en arrière, les portes d'Aeglesbure s'ouvrirent et les venus de Rumcofa prirent la route pour regagner leur foyer. Chevauchant au coté de Finan, Daegan songeait désormais à Uhtred le Jeune, elle espérait plus que tout qu'il se soit remit de sa vive blessure. Cependant, alors qu'ils venaient seulement de sortir de l'enceinte de la cité Mercienne, l'irlandais se pencha auprès de la femme, l'extirpant de ses pensées. Elle le regarda en arquant un sourcil d'incompréhension.
" Alors tu as passé la nuit avec le seigneur Aldhelm ? taquina t-il.
- Nous avons parlé rien de plus, ne va pas t'imaginer autre chose.
- Je n'imagine pas, j'observe ! As-tu le même regard pour tous les hommes ? Car cela me serait difficile de comprendre pourquoi tu n'es pas encore mariée.
- Quel regard ?
- Allons ! Le regard que tu avais pour le seigneur Aldhelm, à l'instant. Quand tu lui as posée ta main sur la joue et que tu lui as souris.
- Nous nous connaissons depuis de nombreuses années, et il m'annonçait qu'il quittait la Mercie, ce n'était que de simples adieux amicaux. Et puis je suis trop vieille pour me marier.
- Baliverne ! Ingrith était plus vieille que toi lorsque nous nous sommes mariés.
- Cesses de contrarier ma sœur, ou tu goutteras à sa botte et à la mienne, répliqua Sihtric qui chevauchait derrière eux.
- C'est donc réellement à cause de toi Sihtric, que notre belle Daegan n'a pas trouvée d'époux.
- Je n'ai pas besoin et je ne veux pas d'époux, je suis très bien seule. Je n'ai guère envie de parler d'amourette alors que je viens de perdre une amie qui m'était chère et que j'ignore si Uhtred le Jeune est encore en vie. Maintenant je souhaiterais du silence, Finan ! tonna la femme en perdant son sang froid, avant de poser une main sur son front pour se le masser.
- Pardonnes-moi, je ne voulais guère te mettre en colère, s'excusa l'irlandais. Tu es blême, es-tu souffrante ?
- Non, je vais bien, je suis simplement fatiguée, j'ai besoin de calme, souffla t-elle avant de faire arrêter les pas de son cheval. Avancez, je vais me tenir quelques pas derrière."
Finan approuva sans mot dire et continua son chemin, les autres firent de même. Les yeux clos et les mains sur ses tempes, la femme fit quelques mouvements circulaire afin d'atténuer un désagréable mal de tête. Elle savait parfaitement que l'irlandais ne pensait pas la contrarier, et elle ne lui en voulait guère. Mais la fatigue et l'enchainement de tous les événements la rendaient irritable. Ouvrant les yeux, la fille d'Uhtred remarqua la présence d'Osferth. Il s'était arrêté à son coté, et n'avait pas prononcé une parole, attendant simplement et patiemment son amie.
" J'ai dis que je voulais être seule.
- Non, tu as dit que tu avais besoin de calme, c'est pour cela que je n'ai rien dit. Mais je ne te laisserai pas chevaucher seule, je sais que tu as beaucoup de chagrin et que nombres de choses se sont déroulées en peu de temps. Je suis ton soutien, et je ne te quitterai pas même si tu me menaçais de me faire écarteler.
- Tu ne changeras donc jamais, j'aurai toujours ton ombre derrière moi c'est cela ?
- Toujours, on ne se débarrasse pas de moi aussi aisément."
Les deux amis se sourirent et finirent pas continuer leur route cote à cote. Et Daegan dût se l'avouer, avoir Osferth à ses cotés était agréable. Bientôt, sa douleur au crâne ne fut qu'un mauvais souvenir.
Rumcofa se présenta à eux après quelques jours de chevauchées. Prit de fatigue pour la plupart, leur chemin s'était fait dans le silence. Mais lorsqu'ils entendirent les sons de leur village, lorsqu'ils virent les murs des foyers se dresser au loin, lorsqu'ils sentirent l'odeur si particulière et familière de leur demeure, leur cœur fut allégé et l'accablement ne fut plus dans leurs pensées. Leurs corps retrouvaient vigueur et joie. Ils étaient rentrés. Certains n'avaient malheureusement pas eu cette chance, car leur vie s'était terminée à Eoferwic, mais ils avaient été peu et leurs funérailles avaient été plus qu'honorable. Car Uhtred avait exigé cela.
" Prévenez l'auberge ! Osferth à soif ! beugla Finan."
Les sabots de leurs chevaux frappaient le sol terreux du village. Il faisait froid, et une senteur de viande fraiche flottait dans l'air et c'était là tout ce qui les réconfortait. Se jetant à bas de sa monture, l'irlandais comme tant d'autres hommes, se précipita pour enlacer son épouse qui l'avait attendue la peur au ventre. Sihtric fut vivement accueillit par ses nombreux enfants ainsi que Sig, les retrouvailles furent plus que chaleureuse. Les guerriers étaient acclamés comme de véritable Dieux, et recevaient les plus sincères des paroles. Cependant, pour quelques uns d'entre eux, la joie ne fut pas égale. Certaines femmes apprirent le décès de leurs époux, et Uhtred ainsi que Daegan étaient encore frappés par le deuil. S'extirpant de la foule venue à leur rencontre, père et fille remontèrent la rue pour s'en retourner à leur foyer et constater la santé (ou la tragédie) d'Uhtred le Jeune. Aethelstan, ne trouvant guère Cynleaf, entreprit d'emboiter le pas à la sœur de Sihtric.
" Je ne vois pas Cynlaef, informa t-il lorsqu'il arriva à son coté.
- Il doit être au port, le seigneur Aldhelm m'a informé que Dame Aethelflaed lui avait infligée la punition de servir sur un navire et de combattre les pirates, après que lui et Aelfwynn aient été surpris ensemble. Mais Aldhelm n'a fait que le réprimander et non le punir.
- Je vois que tu as beaucoup parlé avec le seigneur Aldhelm, nota Uhtred.
- Ne commences pas, père, Finan m'a déjà bien assez tanné de cela.
- Je ne dirai pas un nouveau mot dans ce cas, mais puisque tu vas sans doute aller au port Aethelstan, j'aimerais que tu trouves une embarcation, nous partons avec la marée."
Le garçon hocha vivement et brièvement la tête avant de déguerpir vers les pontons du fleuve. L'instant qui suivit, Daegan et Uhtred entraient dans leur foyer. Le cœur battant de crainte, les mains moites d'angoisse, ils craignaient que Uhtred le Jeune n'ait succombé à sa trop grande blessure. Or, un infini soulagement s'éprit d'eux lorsqu'ils aperçurent le jeune homme allongé dans le lit, mais bien réveillé. Son teint avait reprit quelques couleurs, et son visage était plus lumineux. Poussant un soupire d'apaisement, la femme se précipita à son chevet, s'agenouilla en lui prenant la main et lui baisa la paume avec douceur. Le guerrier n'avait guère bougé, mais ses traits s'étaient détendu tandis qu'un léger sourire peignait ses lèvres.
"Tu es encore vivant, dit-il non sans une voix tremblante de consolation.
- A peine, répondit Uhtred le Jeune.
- A peine, c'est déjà bien assez.
- Comment vont Stiorra et son époux ? s'enquit le garçon.
- Ils vont bien, Eoferwic a été reprise, dit Daegan en passant sa main dans les cheveux de son frère cadet.
- Mais, Dame Aethelflaed, nous a quitté."
La sœur de Sihtric et le guerrier croisèrent leur regard que la peine déchirait encore.
"C'est bien cruel, père, souffla le jeune homme.
- Mais elle est en paix, cette idée m'apporte du réconfort."
Les sourcils plissés d'inquiétude, Uhtred s'avança de quelques pas jusqu'à son fils. Ce dernier se redressa légèrement sur son lit, offrant un sourire à sa sœur ainée.
" As-tu pu...marcher ? s'enquit le frère de Ragnar.
- Un peu. C'est difficile, mais mon corps est solide. Et mon cœur...
- Sera vengé ! assura Uhtred avec fermeté en venant s'asseoir au bord du lit. Brida est vivante, elle pourrait retenir Pyrlig. Nous partons à sa recherche. J'aurais aimé que tu en sois.
- Dieu ne m'incite pas à la vengeance, rétorqua le garçon.
- Non, bien sûr, sourit avec sincérité le guerrier. La tuer est mon Destin.
- Peut-être pas, tu as une belle vie ici. Dame Aethelflaed n'est plus...Tu pourrais trouver une épouse. Avoir d'autres enfants.
- Un fils mort encore bébé, un autre blessé, une fille meurtrit de deuil et de batailles, et une autre qui s'est battue pour survivre. Impossible de condamner un autre enfant à m'avoir pour père.
- Cesses de dire des balivernes, ton premier fils a été la volonté de Dieu, et nous autres, si nous sommes tous aussi solide, c'est grâce à toi, réconforta Daegan en posant sa main sur celle de son père.
- Et ce fils caché, qui ne connaît pas son père ? interrogea Uhtred le Jeune."
Le dernier né de Gisela. Le fils qu'Uhtred avait réfuté et refusé d'avoir auprès de lui, le blâmant de la mort de son épouse. Nul n'avait prononcé sa présence en ce monde depuis sa naissance. Et beaucoup l'avait oublié.
" Tu ne sais rien de cela, répliqua le guerrier. Ignore-le, pour ta sécurité. Son heure viendra. De plus...Aethelflaed n'est pas partit. Elle vit en moi.
- Alors nous devons tous vivre avec nos blessures.
- Elles guérirons avec le temps, mais nous en garderons les cicatrices qui nous rappelleront pourquoi nous sommes ici en cet instant, déclara Daegan."
Son père et son frère cadet approuvèrent, tandis qu'elle les détailla. Son cœur se gonfla d'amour en songeant à cette famille qu'elle avait. Une famille fidèle. C'était la famille qu'elle souhaitait lorsqu'elle était une enfant qui volait des pommes et des salades aux marchands. Les Dieux l'avaient gratifiés du plus puissant des cadeaux, et à jamais elle en serait reconnaissante.
Dès le lendemain, le bateau qu'était allé quérir Aethelstan la veille, était en train d'être chargé de vivres, d'armes et de chaude couvertures pour le voyage. Il descendrait le fleuve pour tenter de retrouver la trace de Brida et porter vengeance pour ses méfaits. Daegan ne prenait guère part aux préparations, l'un de ses nombreux neveux dans les bras, la femme arpentait les rues de Rumcofa. Elle appréciait passer son temps avec les enfants de Sig et de Sihtric. Ils étaient les nourrissons qu'elle n'aurait jamais, aussi en profitait-elle plus que tout. Cependant, alors que le fils de son frère jouait avec l'une de ses mèches blanche, la fille d'Uhtred fut interpellée par la présence du père Benedict. Le prêtre qu'Aethelflaed avait désirée laisser à Rumcofa, mais qui avait finalement dû regagner Aeglesbure à la mort de la Dame de Mercie. Or, il semblait de retour dans le petit village. Intriguée, elle vint à sa rencontre en laissant les pans de sa robe lécher la boue du sol.
" Mon père, que faites-vous ici ? Le Roi Edward vous a t-il renvoyé d'Aeglesbure ?
- Je suis ici pour livrer un message au jeune Cynlaef.
- Cynlaef ? Je ne comprends pas.
- C'est un message que me vient de Dame Aelswith.
- Est-elle avec Dame Aelfwynn ? Vont-elles bien ? Sont-elles en sécurité ?
- Je réponds positivement à toutes vos questions ma chère.
- Bien, dans ce cas suivez-moi, Cynlaef doit être au port afin d'aider à charger le navire."
Le religieux approuva et ensemble ils descendirent la rue. Interloqué, Benedict demanda si l'enfant que tenait la femme était le sien, car ils avaient les mêmes boucles ébènes sur la tête. Daegan répondit que non, que c'était son neveu et qu'il avait hérité des boucles de son père, Sihtric. Leur conversation fut courte, car le port n'était que peu éloigné de là où ils se trouvaient. La fille d'Uhtred appela le jeune Danois, qui fut suivit d'Aethesltan. Parce que ce dernier était intrigué.
" J'ai un message a délivrer avec la plus grande discrétion, dit le prêtre. Dame Aelswith a vu l'affection que vous avez pour sa petite fille, et vous demande d'être à Buccstan dimanche. Vous y verrez Dame Aelfwynn, et vous l'épouserez.
- Je vous demande pardon ? questionna Daegan en écarquillant les yeux.
- Pourquoi ai-je été choisi ? demanda Cynlaef.
- Parce que tu n'es personne, répondit Aethelstan. Si Aelfwynn t'épouses, elle sera libre.
- Ce sera un honneur de protéger la princesse, déclara le jeune homme en se faisant plus droit que jamais.
- Tu es sûr que c'est ce que tu veux ? s'enquit la soeur de Sihtric.
- Oui, c'est ce que je souhaites, tu as été à mes cotés depuis mon enfance, lorsque je n'avais nul parent, Daegan, mais désormais je veux suivre mon propre chemin.
- Bien, dans ce cas il sera là Dimanche."
Le père Benedict approuva d'un signe de tête et s'en retourna pour annoncer la nouvelle à Aelswith et Aelfwynn. Quant à la femme, elle regarda les deux garçons qu'elle avait vu grandir se prendre dans les bras pour célébrer cette future union. Elle songea à quel point le temps passait bien trop vite.
Laissant les deux garçons dans leur euphorie, Daegan s'en retourna auprès de Sig pour que son neveu, qui pleurait sa mère, la retrouve. Ne sachant que faire, elle se décida à aller prêter main forte à ses amis qui portaient armes et victuailles dans le bateau qui les transporterait à la poursuite de Brida. L'air du port était plus froid qu'au centre du village. L'eau ramenait une fraicheur qui provoquait mille frissons et parfois quelques maladies. Croisant les bras sur sa poitrine pour se réchauffer du froid, la femme s'approcha du pont et salua Ingrith ainsi que Finan qui se tenaient là.
"Tu as décidé de venir nous aider ? ricana l'irlandais.
- Non, je désirais simplement constater si le travail était fait avec soin."
L'homme pouffa, or ses traits se durcirent d'un seul coup. Ses sourcils se froncèrent et sa mâchoire se serra tandis qu'il regarda une direction particulière. Interpellée par ce changement si soudain de comportement, la sœur de Sihtric se retourna pour voir ce qu'il en était. Son visage se fit plus offensif en reconnaissant la silhouette d'Haesten. Il y avait bien des années qu'aucun ne l'avait vu. Cependant, plusieurs dires à son sujet leur étaient parvenu
"Osferth ! appela Finan."
Le neveu de Leofric s'extirpa du bateau pour regagner le pont, alors qu'Uhtred, qui était jusqu'à présent posté à la tour de guet descendit également. Ingrith avait reculé de quelques pas pour se mettre en retrait derrière les guerriers. Elle ne connaissait pas ce Danois, mais au vu de l'expression de ses amis, elle se doutait que cela n'annonçait rien de très bon. D'instinct, Daegan porta la main à son ceinturon, or elle se retint de jurer à haute voix en constatant qu'elle n'avait pas emportée son épée avec elle.
"Le guerrier Haesten, commerçant ! se moqua Uhtred tandis que le nommé s'approchait d'eux. On me l'avait dit, je n'y croyais pas.
- Et propriétaire de trente navires, se vanta leur visiteur."
Il était vrai que ce dernier était assez richement vêtu. Des bijoux claquaient à ses doigts et à son cou, alors que de belles étoffes le paraient. Il avait fière allure. Cela lui avait sans doute réussi de ne plus suivre un quelconque chef Danois.
"Tu devrais voir mon camp, Uhtred. Les terres y sont fertiles et les femmes girondes. Pas comme ici, c'est une vraie porcherie.
- Si tu es seulement venu ici pour te vanter, tu peux repartir. Nos terres ne sont peut-être pas aussi fertiles que les tiennes, mais nous avons encore notre honneur, répliqua Daegan en posant les mains sur ses hanches.
- Ton visage ne m'avait pas manqué, t'es-tu finalement faites engrossée ? Ou lèches-tu encore les bottes de ton père ?
- Tu as l'insulte facile, toi qui ne manie plus l'épée, intervint Uhtred.
- Je manie l'épée."
N'ayant guère apprécié les insultes que le Danois avait énoncé à l'encontre de sa fille ainée, le guerrier pinça les lèvres et jaugea Haesten d'un regard mauvais.
"Va-t'en, dit-il sans laissé place au doute."
Finan, appuya ces propos en s'avançant de quelques pas pour montrer fièrement une corde où un nœud coulant s'y trouvait. Une menace de pendaison silencieuse, mais que l'irlandais n'hésiterait guère à mettre en œuvre.
" Non, il faut que je te parle discrètement Uhtred, répliqua le visiteur.
- Je n'ai rien à faire avec toi.
- Crois-moi, il faut qu'on parle."
Fronçant les sourcils face à l'insistance d'Haesten (chose qui ne lui ressemblait guère), le guerrier accepta finalement de le suivre. Or, il ne fut pas seul, ses hommes ainsi que Daegan se joignirent à lui. Aucun d'eux ne seraient assez fou pour laisser les deux hommes s'entretenir seuls. Remontant la rue, le Danois les mena jusqu'à une charrette soigneusement posée dans les écuries d'Uhtred. Quelques hommes de leur visiteur s'y trouvaient, mais il les chassa bien vite pour ne point être dérangé. Sans mot dire, Haesten leur indiqua le contenu du chariot et laissa le loisir au frère de Ragnar de retirer le tissus qui cachait ce qui se trouvait à l'intérieur. Horrifié, tous purent voir le visage blême et dénué de vie de l'épouse d'Edward et fille d'Aethelelm, la Reine Aelflaed. Daegan en eut un pincement au cœur. Toutes deux n'avaient jamais été amies, mais elles ne se détestaient guère pour autant. Du moins, pas totalement.
Le Danois leur raconta qu'il traversait les bois lorsqu'il rencontra plusieurs cadavres de religieux. Il avait ensuite vu une seule survivante, une femme apeurée qui disait être la parole de Dieu et portait ses visions. Malgré la frayeur, elle raconta que des ennemis qui avait pour chef Sigtryggr leurs avaient tendu une embuscade et que c'était elle que leurs agresseurs voulaient. Or, la Reine, qui voyageait en secret avec eux, lui avait volée son identité pour ne point qu'elle souffre. Leurs assassins l'avaient alors pendue à la branche d'un arbre. Ce fut ainsi qu'Haesten la trouva. Il la détacha et décida de la transporter dans le village le plus proche, et dans lequel il saurait trouver une écoute à cette histoire. Et ce village était Rumcofa, demeure d'Uhtred.
"Où est la fille aux visions ? demanda le guerrier.
- Avec ma famille, sur mes terres.
- Tu veux l'échanger ?
- Elle est en sécurité, une guerre s'annonce.
- Pourquoi Sigtryggr ferait une chose pareille, c'est stupide, dit Finan.
- Ce n'est pas Sigtryggr, rétorqua Daegan.
- Son frère alors, ou Brida ? proposa Haesten.
- Ou des Merciens pour se venger, beaucoup haïssent Edward désormais, lança Osferth. C'est un mauvais présage, pour nous tous. Cette mort en engendrera d'autres.
- Pourquoi me l'amener ? questionna Uhtred à l'intention de son visiteur.
- Nous avons intérêt à préserver la paix. Moi, pour le commerce et toi...Edward n'épargnera pas ta fille s'il riposte.
- Sigtryggr doit démentir cet acte, déclara le guerrier. Finan, Osferth, vous restez ici. Veillez sur la dépouille de la Reine. Daegan va dire à Sihtric et Aethelstan de partirent pour Aeglesbure, qu'ils surveillent que cette information n'arrive pas aux oreilles du Roi.
- Laisses moi aller avec eux, père.
- Tu es sous ma tutelle, si Edward te voit sans ma présence, les conséquences pourraient être lourde, et je n'ai guère besoin de cela en ce moment.
- Je serai avec mon frère de sang, Sihtric. Il ne pourra pas s'opposer à cela, et je ferai en sorte de ne pas me faire voir. Tu sais que je suis discrète, je t'en pries, ne me fais pas te supplier comme le ferait une enfant. J'ai passé l'âge pour ce genre de chose.
- Bien, tu pars avec Sihtric, mais ne t'avises pas de t'attirer des ennuis !
- Promis."
Tournant les talons, la femme s'en alla quérir ses deux compagnons de route. Elle était heureuse de quitter Rumcofa. Bien qu'elle ne souhaitait guère réellement repartir à Aeglesbure, mais cela lui permettait de gouter un peu à cette liberté qui lui avait été retiré. De plus, se trouver à quelques pas de l'épouse de son ancien amant, ne la mettait guère à l'aise. Daegan ne mit que peu de temps à trouver Sihtric et Aethelstan. Bien vite, elle leur résuma l'urgence de la situation ainsi que les ordres de son père.
"On ne peut pas cacher l'assassina de la Reine, il faut prévenir son fils et son père, s'opposa le garçon.
- Aethelelm criera vengeance, et accusera les Danois, rétorqua le bâtard de Kjartan.
- Ce ne sera pas long, Uhtred fera vite, et apportera la dépouille de la Reine lui-même, assura la femme."
En grande hâte, la fille du guerrier accouru à sa chambre pour retirer sa robe, et vêtir un pantalon afin d'y être plus confortable pour le voyage. Elle tressa ses cheveux avec rapidité, ne faisant que bafouer sa coiffure, mais elle n'en avait cure. Puis, la femme posa une cape au capuchon sur son dos afin de pouvoir dissimuler son visage si la situation le demandait. Glissant Dent-De-Loup à son ceinturon, elle tira la poignée de sa porte et l'ouvrit à la volée, tombant nez à nez avec Osferth.
"Je n'en ai guère pour longtemps, dit-il hâtif.
- Accompagnes-moi jusqu'à mon cheval dans ce cas."
Glissant son bras sous celui de son ami, tous deux entreprirent de cheminer jusqu'à la monture de Daegan, ensemble.
"Je voulais simplement te dire de prendre garde. Bien que ta trahison remonte à plusieurs années, j'ai bien vu comme Edward te regardait. Il a beaucoup d'animosité pour toi, et n'hésiterait pas à te mettre dans ses geôles si il s'aperçoit que tu ne respecte pas ta tutelle.
- Je prendrai garde. Bien que ce n'est pas réellement pour ma trahison qu'il m'en veut le plus.
- Y'a t-il autre chose que j'ignore? "
Cessant ses pas, la fille d'Uhtred se hissa sur la pointe de ses pieds pour coller ses lèvres à l'oreille du neveu de Leofric. Elle lui avoua avoir été l'amante d'Edward durant quelques temps. C'était une chose qu'elle n'avait dit qu'à Aldhelm, car elle savait qu'il ne la jugerait point, ainsi qu'à Ivar. Hild avait été bien sûr mise au courant malgré elle, mais c'était seulement parce qu'elle organisait les rendez-vous des deux jeunes amoureux.
" T'es-tu donnée à lui ? interrogea Osferth en fronçant les sourcils.
- Non, je ne voulais pas être la mère de ses bâtards et finir dans un couvent. C'était une belle histoire, même si nous étions souvent en désaccord et que notre idylle s'est terminée dans le venin. Je veux que tu gardes cela pour toi, Osferth.
- Bien sûr, je ne dirai rien, comme lorsque tu m'as avoué être une fille.
- Tu l'as découvert par toi-même, en me surprenant nue dans la rivière.
- Certes, mais tu m'as fait confiance pour tout me révéler de ton histoire. Tu sais que je ne te trahirai jamais. Peut-être que tu as eu raison de demander à Uhtred d'aller à Aeglesbure.
- Pourquoi donc ?
- Si Edward apprend la mort de son épouse, et que tu es présente, tes mots pourraient l'apaiser.
- Non, j'en doute grandement. Nous n'avons guère parlé depuis qu'il m'a mit sous tutelle, nous nous fuyons comme la peste, et je doute d'être encore dans ses bonnes grâces. Et puis, il a une nouvelle amante, la femme qui est arrivée avec lui à Aeglesbure le soir de la mort d'Aethelflaed.
- Dans ce cas fais attention à toi, je t'en pries, implora le neveu de Leofric tandis qu'ils arrivaient proche du cheval de Daegan.
- Promis, et toi ne bois pas trop, oh! Et cesses de courtiser toutes les femmes de Rumcofa, ricana la fille d'Uhtred."
Osferth feignit l'innocence, ce qui amusa grandement la sœur de Sihtric. Cette dernière déposa un baiser sur l'une des joues de son ami, puis se jucha sur sa monture. Après un dernier regard sur Rumcofa, Sihtric, Aethelstan, ainsi que Daegan talonnèrent leurs chevaux et s'éloignèrent auprès de la capitale Mercienne.
* * *
Tenant leurs chevaux par la bride, Sihtric, Aethelstan ainsi que Daegan, déambulaient dans les rues d'Aeglesbure. La femme, pour se protéger, avait rabattu son capuchon sur sa longue natte noir. Son visage était bien trop connu pour passer inaperçu. Certains Merciens se souvenaient encore du grabuge qu'elle avait causé lorsqu'elle s'était rebellée contre Uhtred et avait défié Finan sur la grande place. C'était un autre temps, or les souvenirs restaient.
Lorsqu'ils arrivèrent auprès des écuries de l'auberge, ils y attachèrent leurs montures et entreprirent de s'approcher au plus près du Roi ou de ses proches afin d'apprendre ce qu'ils désiraient. Craignant d'être repérée, Daegan préféra rester dans les allées de la ville. Elle jugea qu'elle pourrait en apprendre tout autant, car les soldats et les putains parlaient beaucoup. Son frère ainé n'y vit pas d'objection. Ainsi, leur chemin se séparèrent. Aethelstan se décidant à suivre Sihtric, la fille d'Uhtred se retrouva seule. Or, elle ne s'en plaignait aucunement.
Marchant dans les rues, sa capuche sur son crâne, la femme observait et écoutait. Malheureusement pour elle, il n'y avait guère de nouvelle parole parmi le peuple. Beaucoup crachaient encore sur les actes d'Edward pour s'emparer du trône de Mercie. Elle ne pouvait que comprendre ces pauvres gens. Bien que Daegan savait qu'être Roi n'était pas aisé, et que les choix étaient parfois difficile, elle n'approuvait guère la méthode qu'avait employé le fils d'Alfred. Et puis, le fait que les dernières volontés d'Aethelflaed n'aient pas été respecté, accentuait sa rancœur.
" Je n'ai rien à vous dire à ce sujet."
La fille d'Uhtred cessa ses pas. Le timbre de cette voix lui était grandement familier. Tournant son regard autour d'elle, la femme remarqua Eadith proche des écuries de la taverne. Elle tenait le coté d'un cheval blanc, or ce n'était pas sur sa monture que son attention se portait le plus. Il y avait un homme. Grand, une peau de bête sur de larges épaules qui semblait plus que tout rendre la femme rousse inconfortable. La sœur de Sihtric ne pouvait guère voir le visage de l'inconnu car il lui tournait le dos, cependant, au regard tremblant de la sœur d'Eardwulf, il était aisé de deviner que le bougre était mauvais. Fronçant les sourcils, Daegan porta la main à la garde de sa dague et s'approcha lentement.
"Je connais des gens fort soucieux de la sécurité de Dame Aelfwynn, glissa l'étranger.
- Il me semble que votre présence rend ma Dame grandement inconfortable, alors laissez la tranquille, dit la fille d'Uhtred en venant appuyer la pointe de sa dague dans le dos de l'inconnu."
Quelque peu surpris, le malotru eut un bref sursaut en sentant la lame posée contre sa chair. Pivotant sur lui-même, il ne put identifier l'identité de celle qui le menaçait. Or, il leva les mains en signe de paix avant de poser dans la paume d'Eadith, une petite bourse d'argent.
" Si vous vous souvenez, venez me le dire."
L'étranger conclut de ces mots, et s'éloigna en lançant un regard mauvais à la silhouette au capuchon. Daegan attendit que celui-ci s'éloigne avant de découvrir son visage. La femme aux cheveux roux laissa échapper un soupire de soulagement en reconnaissant sa sauveuse.
" Qui était-ce ? s'enquit cette dernière.
- Je l'ignore, mais il en a après Dame Aelfwynn.
- Et vous savez où elle est, n'est-ce pas ?
- Je ne peux rien dire.
- Je ne m'attends pas à ce que vous me communiquiez cette information. Mais prenez garde si des hommes dans le genre de ce malotru venaient à vous suivre, ou à vous attaquer... Etes-vous armée ?
- Non, je le crains.
- C'est peu mais prenez ma dague, cela vous fera un dernier secours, dit Daegan en tendant la petite lame."
Eadith hocha la tête en s'emparent de l'arme qu'elle glissa aux bagages de sa monture. Ce fut alors que les deux femmes entendirent du grabuge. Ce fut au départ quelques beuglements lointain qui venaient de la taverne. Ils devinrent plus distinct lorsque deux hommes sortirent de l'auberge, l'un tenant le col de l'autre avec menace.
" J'ai payé pour un cheval, non ? tonna l'un d'eux.
- Oui mon seigneur.
- Alors va le chercher ! Je dois partir dés ce soir."
Haussant les sourcils de surprise, Daegan et Eadith reconnurent la silhouette d'Aldhelm. Le malheureux avait le teint rougis par l'ale, mais marchait encore assez droit et était assez fort pour beugler sur le serviteur qu'il menaçait. Ce dernier déguerpit à grand pas afin de chercher le dit cheval demandé par l'ancien conseillé. Tandis que celui-ci se frottait le visage de fatigue. La femme rousse fut la première à se précipiter à la rencontre de l'homme, la fille d'Uhtred suivit ses pas bien vite. Or, ce fut cette dernière qu'Aldhelm remarqua en premier.
" Daegan, vous êtes ici !
- Un homme est à la recherche d'Aelfwynn, alarma bien vite Eadith en pointant son doigt sur une silhouette. Lui là bas.
- Diable, est-ce un homme du Roi ? questionna l'homme qui semblait avoir vivement chassé l'ale de son esprit.
- Je ne sais pas.
- Savez-vous où elles sont ? Ne prononcez pas de nom..
- Oui. Je le sais. Je vais les rejoindre pour les prévenir qu'on est à leurs trousses. Il faudrait que vous restiez pour garder un œil sur le Roi."
Aldhelm laissa un soupire lui échapper. Il s'imaginait déjà partir pour de plus lointaine contrée et non point resté parmi les Merciens. Bien qu'il n'avait pas encore tracé la route qu'il prendrait, et avait seulement pour désire de quitter Aeglesbure.
" Vous étiez le conseillé d'Aethelflaed, vous seul pouvez vous approcher du Roi et entendre les paroles qui s'y disent, insista Daegan.
- Fort bien, je ferai de mon mieux, capitula t-il."
Grandement, Eadith les remercia tout les deux avant d'enfourcher son cheval et de quitter la capitale Mercienne à grand galop. Laissant derrière elle, la fille d'Uhtred ainsi que l'ancien conseillé.
" N'étiez-vous pas rentré à Rumcofa ? questionna t-il.
- Si, mais j'ai dû repartir bien vite.
- Le seigneur Uhtred est ici ?
- Non, répondit t-elle en fronçant son nez.
- Vous êtes ici seule ? Mais, n'êtes-vous pas sous la tutelle d'Uhtred ?
- Je suis ici avec Sihtric et Aethelstan. Nous ne faisons qu'observer ce qu'il s'y passe. Et puis j'ai mon capuchon, nul ne peut me reconnaître.
- Je vous reconnaitrais même si votre visage était entièrement dissimulé.
- Sans doute, mais tous n'ont pas votre sens de l'observation, seigneur Aldhelm."
Lançant un sourire à l'homme, la femme rabattu davantage son capuchon avant de s'éloigner dans les rues d'Aeglesbure. Elle désirait retrouver Sihtric ainsi qu'Aethelstan. Et ce fut proche de la grande place qu'elle croisa leur chemin. Son ainé se juchait sur son cheval et semblait attendre le retour de sa sœur, tandis que le garçon tenait la bride de sa monture.
" Daegan, toi et moi nous repartons pour rejoindre Uhtred, maintenant, déclara le bâtard de Kjartan.
- Et qu'en est-il d'Aethelstan ?
- Il restera ici pour surveiller Aethelelm.
- Pourquoi donc ? Complote t-il quelque chose ?
- Non, mais il a eu connaissance de l'attaque, et il se pourrait qu'il apprenne vite la terrible nouvelle. Alors partons vite.
- Je restes ici, rétorqua Daegan.
- Non, tu es sous tutelle, c'est trop risqué. Si j'étais resté, cela n'aurait guère posé problème, mais là tu es seule. Tu dois respecter la parole d'Edward ou il te fera châtier.
- Sihtric, je restes à Aeglesbure, insista t-elle plus fermement. Je dois garder un œil sur Aethelstan, on ne peut pas laisser le bâtard du Roi ainsi et tu le sais. Je ferai en sorte qu'on ne me remarque pas, et si c'est le cas alors je trouverai un moyen de m'en sortir.
- Je dirai qu'Uhtred lui a ordonné de m'accompagner à Aeglesbure, prononça le garçon.
- D'accord, faites attention tous les deux.
- Promis, maintenant pars !"
Lançant un dernier regard à sa sœur, Sihtric talonna son cheval et quitta la capitale Mercienne. Le jeune homme, ainsi que la femme étant seuls et sans grand but pour l'instant. Ils décidèrent de s'asseoir à l'une des tables extérieur de la taverne pour observer les alentours.
" Tu es comme une fugitive, dit Aethelstan en regardant Daegan rabattre davantage sa capuche sur son visage.
- J'ai déjà été une fugitive, je devais avoir environ ton âge lorsqu'Uhtred s'est fait ennemi de ton grand-père, le Roi Alfred. Je me suis laissée entrainer dans ces histoires de guerre et j'ai faillit y perdre la vie. C'est ton père qui m'a sauvé de la mort en réalité.
- Tu ne m'as jamais parlé de cette histoire, s'enthousiasma le garçon désireux d'entendre les aventures de la femme.
- Tu ne me l'a jamais demandé, sourit t-elle en portant son bock d'ale à ses lèvres pour en boire une gorgée avant de commencer son récit. Uhtred avait accidentellement tué un prêtre invité à la cour du Roi Alfred, un prêtre qui ne pouvait se déplacer que dans une chaise à roues. Mais ce fils de chien méritait son sort, il avait eut les pires propos à l'encontre de ma mère, Gisela. Uhtred n'a pas supporté ses paroles, et l'a giflé, le tuant sous le coup. C'est cela qui a débuté la querelle. Alfred était désireux de punir mon père pour son acte, mais mon père s'est rebellé contre lui. Or, il était trop tard. Alfred a fait appelé ses gardes, et Uhtred était piégé dans le palais de Winchester. Emporté par ma naïveté et ma fougue, sans doute, je suis allée aider mon père. Il a réussi à s'enfuir, mais pas moi. Alfred m'a fait enfermé dans ses geôles et j'y suis resté longtemps. C'était un hiver froid, et les prisons étaient gelés. Je ne parvenais à voir les jours passer, ni même à réfléchir. Je mourrais lentement, transit par l'air glacé. Mais Edward est venu me trouver et m'a promis de me sortir de ma cellule. Il a respecté sa parole, dit Daegan avec une grande tendresse et des yeux brillants. Une nuit, il s'est introduit dans les prisons, a ouvert ma cage, m'a prit dans ses bras et m'a extirpé de la mort. Il m'a conduit auprès du père Beocca, un merveilleux ami que tu n'as guère connu malheureusement, et de son épouse ma tante Thyra. Tous deux m'ont prit dans une charrette et m'ont emmenés auprès de mon père qui s'était réfugié chez mon oncle, Ragnar. J'étais sortit de prison, mais pas de la maladie qui m'avait prise. Mes doigts s'étaient gelés, et bien que Brida, qui était encore la compagne de Ragnar, ait tout entreprit pour me guérir, elle n'a rien put faire pour mes mains. Il m'a fallu du temps pour que je puisse à nouveau manier la lame. Voilà comment je suis devenue fugitive la première fois, et que ton père m'a sauvé la vie.
- Vous vous aimiez, n'est-ce pas ? prononça Aethelstan d'un air plus grave.
- Que veux-tu dire ?
- Le Roi Edward et toi, vous vous aimiez ?"
Surprise de la question, qu'elle savait n'en était pas une, Daegan laissa un soupire lui échapper avant de poser ses coudes sur la table.
" Oui, nous nous sommes aimés durant un temps, lorsque nous étions plus jeune. Mais certaines personnes se sont mêlées d'histoires qui ne les regardaient guère.
- Si le Roi n'avait jamais épousé la Reine Aelflaed, aurais-tu été sa femme ?
- Non, ricana la fille d'Uhtred. Ton père et moi étions rarement d'accord, et nous nous disputions souvent. Mieux valait que notre histoire se termine avant le grand drame.
- Et maintenant, vous vous haïssez, dit le garçon d'un air pensif.
- On ne se haït pas, disons que nous avons vécu de belles choses, et que désormais plus rien ne nous lie.
- Moi, je vous lie. Je suis son fils, mais c'est toi qui a fait mon éducation.
- Non, tu n'es lié à aucun de nous, Aethelstan, ta Destinée n'appartient qu'à toi, et toi seul."
Le jeune homme hocha la tête en fronçant les sourcils avant de poser un regard plus appuyé à Daegan. Celle-ci ne le remarqua guère, trop occupée à ingurgiter son ale.
" Vas-tu te marier un jour ? Et avoir une descendance ?"
La fille d'Uhtred s'étouffa avec sa boisson et dû tousser de nombreuses fois avant que sa gorge ne cesse de la chatouiller.
" Pourquoi une telle question ?
- Tu as tout juste quarante ans, tu as encore du temps pour trouver un époux.
- Tout d'abord, j'ai trente-six ans, jeune nigaud ! Et mes amours ne te concernes pas, et puis je suis très bien libre, ainsi, sans avoir de quoi me soucier.
- Tu n'es pas une bonne menteuse. Je te vois agir avec les enfants de Sihtric, j'ai en mémoire le regard que tu avais en nous voyant grandir avec Cynlaef. Je sais que tu désirs époux et famille, je suis jeune, mais je ne suis pas dupe. Je sais observer, j'ai passé mon enfance à le faire.
- Ecoutes, il suffit...voulu faire cesser Daegan.
- Pourquoi tardes-tu tant ? Pourquoi refuses-tu les avances des hommes ? Alors que tu le désirs ! Je ne parviens à comprendre ce qui te retiens de ....
- Assez ! tonna la femme en frappant la table de son poing pour appuyer ses mots."
Il y eut un silence. Aethelstan se tassa sur lui-même, comprenant que ses paroles avaient dépassées l'acceptable. Poussant un grand soupire, la sœur de Sihtric passa ses mains sur son visage avant de briser le calme.
" Si je ne suis pas mariée, c'est parce que j'ai mes propres raisons. Je te serai gré de ne point me reparler de la sorte, et de ces sujets qui ne sont pas tes affaires. Et puis, j'ai déjà ma famille. J'ai Uhtred, mes frères et sœurs adoptifs, Sihtric mon frère de sang, Finan que je connais depuis de longues années et Osferth qui est plus qu'un frère pour moi, il est presque mon âme-sœur sans que j'en sois amoureuse. Et puis il y a toi, et Cynlaef. Vous êtes les fils que je n'aurai jamais, et chaque jours vous me rendez fière. Tu vois, je n'ai guère besoin de mariage pour être heureuse."
Le garçon hocha la tête et sourit avec sincérité. Cependant, il ne restait guère convaincu des mots de la femme. Il savait qu'au fond d'elle, une douleur persistait et la brulait de l'intérieur. Sans doute était-ce pour cette raison que ses cheveux avaient blanchit avant ceux d'Uhtred.
" Racontes-moi d'autres de tes aventures, ou non ! Racontes-moi à nouveau l'une des histoires avec le grand guerrier, Leofric."
Attendrit que ce prénom, si précieux pour Daegan, soit prononcé, elle entreprit de conter une nouvelle fois l'un de ses jours passés avec son premier père. Or, elle n'eut guère le temps de commencer son récit que des cris se firent entendre. Pas des cris alarmants, mais davantage des cris menaçants. L'on ordonnait à ce que le passage soit ouvert à un cavalier étranger qui s'approchait à grand galop. Ce grabuge avait même alerté Edward qui était sortit du Palais Mercien (il était en compagnie de sa nouvelle amante ainsi que du seigneur Aethelelm.) Fronçant les sourcils, la fille d'Uhtred reconnu les couleurs du peuple de Stiorra et de son époux. Le cavalier était Danois, et cela n'annonçait rien de bon.
" Que me fait dire Sigtryggr ? questionna le Roi en s'avançant de quelques pas.
- Voici ses mots ! beugla le cavalier. Si le Roi Edward envoi des troupes au nord, qu'il sache que nous sommes prêts."
Sans un mot davantage, le Danois repartit. Daegan songea qu'elle n'avait pas eu tord, le messager de Sigtryggr n'avait guère porté de bonnes nouvelles. Sans doute le chef d'Eoferwic avait eut vent de la mort de Reine d'Aelflaed et du fait que des hommes s'étaient fait passer pour les siens. Il n'avait guère encaissé que son honneur soit ainsi touché et déclarait désormais la guerre. La paix n'avait été que de trop courte durée.
The next is coming...
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Salutations à vous Danois.es et Saxons.nes !
Après une petite semaine d'absence, Daegan revient ! Comme promis !
Je ne vous cache pas qu'il se pourrait que Daegan reprenne une petite pause d'une semaine à l'avenir car le mois de Mai est truffé de jours fériés, durant lesquels j'aime profiter de ma famille.
Je ne doute pas que vous comprendrez cela. En revanche, je vous jure de tout mettre en œuvre pour ne pas vous priver (à nouveau) d'un chapitre par semaine. Mais je ne peux malheureusement rien promettre.
Bref, passons !
J'espère que vous avez appréciés ce chapitre, et oui comme vous le voyez, c'est vraiment la merde dans les royaumes huhu.
Je vous dis donc à Dimanche prochain pour un nouveau chapitre !
(Et je peux vous assurer qu'un chapitre sera publié puisqu'il est déjà prêt hihi)
Je vous salue de la main droite !
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