Chapitre 45 : Le Mois Du Sang
Saison 5 - Episode 1
Suivant la frontière entre la Mercie et la Northumbrie, un petit village de pêcheurs et de voyageurs du nom de Rumcofa se dressait. Il était placé sur la rive d'un fleuve qui traversait deux des quatre Royaumes présent sur ces terres et s'en allait se jeter dans la mer. C'était un lieu où Danois et Saxons vivaient en paix, et ensemble. Un endroit ressemblant à la future Angleterre dont Alfred avait tant rêvé durant sa vie entière. Perché sur l'une de ses tours de guet, Uhtred en était le seigneur. Il avait décidé de quitter Coccham des années auparavant pour s'éloigner du Wessex afin d'élever le bâtard d'Edward, Aethelstan, sans que les conspirations ne viennent jusqu'à lui, et se rapprocher de sa fille, Stiorra. Elle avait mariée Sigtryggr et tous deux vivaient, et régnaient, sur Eoferwic. Les lunes s'étaient enchainées et le calme avec elles. Il n'y avait pas eu de batailles ou de guerres, les Danois semblaient s'être vivement retirés, ce qui n'en était pas pour en déplaire à beaucoup.
" Alors Uhtred, est-ce que ca bouge? interrogea Finan sur le pont qui tendait ses bras aux eaux."
Lorsque le guerrier avait fait le choix de quitter Coccham, ses hommes l'avaient suivit avec entrain et en étaient presque trop heureux de quitter le Wessex. Tous avaient trouvés leur place à Rumcofa et coulaient des jours de seigneurs.
"On ne dirait pas, répondit Uhtred le regard fixé sur l'horizon troublé par la brume. Mais quelque chose a changé, l'air est vicié.
- Ca c'est peut-être moi à cause du chou à midi."
Le frère de Ragnar ricana en regardant son ami de longue date. Il jeta un dernier coup d'œil sur le fleuve lointain et décida de quitter la tour de guet pour rejoindre l'irlandais sur le pont.
"Quelque chose ne va pas, je n'aime pas ça, dit-il."
Haussant les épaules, Finan ne sût quoi répondre à de tels propos. Mais il connaissait fort bien Uhtred pour savoir qu'il se trompait rarement sur les dangers avenant.
"Seigneur ! seigneur ! interpella t-on."
Les deux hommes tournèrent le regard auprès d'un batelier (qui n'avait qu'un triste et maigre navire à sa disposition.)
"Il dit qu'il ne peut pas payer, informa l'irlandais qui était venu trouver le guerrier pour cette raison.
- J'ai été détroussé par des pirates, clama le voyageur."
Cependant ces propos ne convainquirent pas le père de Daegan. Il avait déjà entendu maintes fois ces belles paroles, mais aucune n'étaient passées au travers de ses filets, car il peinait fortement à les croire. Et beaucoup racontaient la même histoire, un pirate les avait détroussé de leur bien et s'en était allé au large.
" Laisses-moi deviner, le grand Rognvaldr s'est emparé de son argent ? se moqua Uhtred. Qu'il paie son dû à la Mercie si il veut commercer à la frontière.
- Il dit que vous devez quand même payer ! cria Finan car le batelier se trouvait à bonne distance n'avait guère entendu toutes leurs paroles.
- Avec de l'argent, pas des fourrures ! Ni des pièces en argent du Cornwall qui n'ont aucune valeur, ajouta le seigneur de Rumcofa."
Les deux amis s'éloignèrent du pont afin de regagner le centre du village. Il était modeste, mais il faisait bon vivre et l'entente entre les peuples rendaient le lieu plus agréable encore.
"Le seigneur ne rigole pas, dit l'irlandais.
- Il faut bien qu'on nourrisse nos soldats, l'hiver s'annonce plutôt rude.
- Et bien raison de plus pour festoyer, tant qu'on a de quoi. On fait la fête, c'est le mois du sang ! Moi, j'ai besoin de boire, et toi de labourer la grande frisonne.
- La grande frisonne est trop grande.
- Ici le choix est restreint, il ne faut pas te montrer trop difficile."
Ils avaient remontés une rue au sol boueux, avaient été salués par quelques habitants, et avaient finalement débouchés sur la grande place où un rassemblement se tenait. L'on entendait crier et rire depuis bien des allées, mais cela ne fut que plus fort lorsque l'on arrivait à l'endroit. Des dizaine de femmes, d'enfants, d'hommes et de vieillards s'étaient attroupés autour d'un jeune homme auquel Sihtric donna une forte accolade. Le garçon avait sur la tête le crâne d'une bête dont on avait conserver la peau et la fourrure, il avait tout un air déguisé sous ces poils épais et était reconnaissable avec peine.
"Aethelstan ! interpella Uhtred en s'approchant."
Celui qui portait la peau de bête se retourna pour faire face au guerrier. Le bâtard d'Edward avait bien grandit. D'enfant, il était devenu un jeune homme à la fougue. C'était une bonne lame qui ne faisait que s'améliorer, car il était encore bien loin d'atteindre ses vingt ans.
"Pourquoi as-tu quitté ton poste ? interrogea le frère de Ragnar.
- C'est sa première battue, seigneur, justifia Sihtric avant de prendre une gorgée de son ale.
- C'est la tradition pour le mois du sang, enchérit le garçon.
- Tu te crois prêt à abattre une bête ?
- Tu sais que je le suis, Uhtred."
Un rictus gagna les lèvre de ce dernier. Il appréciait le courage d'Aethelstan, mais parfois il le trouvait un peu trop pressé dans la besogne, ce qui lui rappelait grandement Daegan lorsqu'elle était plus jeune et qu'elle rêvait de bataille.
"Aethelstan se dit prêt, déclara le guerrier à l'assemblée, qu'est-ce que vous en dites?"
Les approbations de l'attroupement furent unanime. Le jeune homme pouvait faire sa première battue et faire couler son premier sang.
"Certains ? Dans ce cas, pour le mois du sang ! clama Uhtred en prenant un air bestiale."
Les cris, déjà bien aidé par l'ale, redoublèrent et s'enjouèrent de cette tradition qui avait prit place à Rumcofa depuis que le guerrier était venu s'installer. Les vieillards, autant que les hommes du père de Daegan en rirent de joie. Et Osferth manqua de recracher sa boisson lorsque Finan lui donna une grande tape dans le dos.
" Il faudra te méfier, l'animal essaiera de te tuer, prévint le guerrier à l'intention du bâtard du Roi.
- Ou alors de te labourer ! ricana l'irlandais.
- Allons tuer ce sanglier, hurla Sihtric en levant la torche enflammée qu'il avait dans la main."
Des acclamations s'élevèrent tandis que tout ceux qui désiraient chasser pour la première battue accompagnèrent Aethelstan jusqu'à l'orée de la forêt. Uhtred regarda le garçon s'éloigner avec un vague regret, c'était la première fois qu'il allait faire couler le sang et le frère de Ragnar craignait que les choses ne se déroulent guère comme prévu.
"Laisses-le faire, ce n'est plus un enfant, dit Finan en voyant le trouble de son ami.
- Oui, cela reste à prouver.
- Seigneur, interpella Osferth en s'approchant d'un air étrangement embêté. J'ai besoin d'un coup de main."
Le guerrier fronça les sourcils tandis que le neveu de Leofric jeta un regard vers le coin d'une rue, d'où des cris de dispute résonnaient vivement. L'irlandais ne put cacher son hilarité en voyant deux jeune femmes se frapper, se tirer les cheveux ou même se griffer au visage sans la moindre vergogne.
"Encore, soupira le frère de Ragnar."
Il n'avait nul envie d'intervenir, mais il se sentit obligé lorsque les rivales se jetèrent au sol, l'une sur l'autre pour approfondir davantage la férocité du combat. Uhtred interdisait vivement les bagarres, qu'elles soient entre Danois et Saxons, hommes ou femmes. Se précipitant auprès des ennemies qui n'en démordaient pas, bien au contraire, les deux guerriers les séparèrent et non sans difficulté. Elles semblaient encore plus méchantes et vicieuses que des soulards qui avaient trop bu.
"Ca suffit ! On arrête !
- Pourquoi elles se battent pour toi ? questionna le père de Daegan à l'intention d'Osferth.
- Je...J'ai dû...Je n'en sais rien, seigneur, bafouilla t-il avant de déguerpir comme un enfant ayant commis une terrible bêtise."
Exaspéré, non sans un brin d'amusement, le guerrier leva les bras au ciel.
"Finan, ramènes un peu tes fesses, dit-on alors."
Finan se retourna en relevant ses lèvres tandis qu'il croisa la silhouette de la femme qu'il avait épousée. Elle se nommait Ingrith et vivait à Rumcofa depuis l'enfance. Elle n'en avait jamais réellement quittée les rivages, mais il lui était arrivée de voyager avec son père.
"Parce que les vrai mâles sont déjà prit, se moqua t-il en s'approchant de son épouse.
- C'est ça, dit Uhted avant de se tourner vers les deux rivales. Plus de disputes, on est là pour protéger la frontière pas pour botter le cul des femmes soules.
- Bottez-moi le cul quand vous voudrez, dit l'une d'elles en s'éloignant."
Le guerrier ne put empêcher un rictus se dessiner sur ses lèvres tandis qu'il prenait la direction de la forêt, passant devant Finan qui replaçait l'une des mèches blonde de son épouse derrière son oreille.
"Je vais chasser avec les autres, dit-il.
- Files alors."
Tous deux s'embrassèrent avant que l'irlandais ne s'éloigne. Ingrith en profita pour donner un coup de botte au derrière de son époux. Ils rirent de complicité et se quittèrent. C'était cela que Finan cherchait depuis longtemps. Il avait toujours été désireux de trouver une femme et de fonder une famille, mais la guerre gangrenant les Royaumes, il n'était jamais parvenu à trouver son bonheur. Du moins, pas avant de s'installer à Rumcofa.
La tradition du mois du sang n'était pas réellement de chasser le sanglier, mais de chasser celui qui portait la peau de bête. Comme une épreuve pour démontrer sa bravoure et son maniement de l'épée, beaucoup d'hommes s'y étaient attelés. Il se voulait de laisser quelques minutes d'avance au porteur de peau, avant que les chasseurs ne se mettent sur sa trace. Il n'y avait aucune réelle effusion de sang. Mais Aethelstan allait devoir se défendre contre les hommes qui le suivaient, et lorsque ce serait chose faite alors seulement, il irait faire couler le premier sang en chassant le véritable sanglier.
Dans les bois brumeux, le bâtard d'Edward voyait les lances enflammées s'avancer vers lui. Son nom était crier par tous les cotés, il avait l'impression d'être cerné depuis son départ. Profitant de la brume qui s'était installée tandis que la lumière du jour baissait lentement, il s'enfonça davantage dans les bois. Sa peau de bête aux cornes le trahissait et rendait sa silhouette fortement reconnaissable, même à plusieurs mètres. Aussi devait-il jouer avec malice et intelligence. Il écarta les branches dénudées des arbres qui pliaient sous l'hiver approchant, passa entre deux imposants chênes et accouru à une petite crevasse qui, parfois, laissait un fin filet d'eau couler en son centre. Sa vision était rétrécit par le déguisement qui l'accablait, aussi tressaillit t-il (lorsqu'il entreprit de remonter de la crevasse) en apercevant deux bottes lui faire face. Aethelstan leva le regard et rencontra un visage qui lui était des plus inconnu, pour sûr ce bougre ne vivait pas à Rumcofa. Deux craquements de branches lui sifflèrent dans les oreilles. Se retournant vivement, il remarqua la présence d'autres étrangers. Il ignorait si cela faisait partie du jeu de chasse, mais il en doutait fort à la vue des longues épées que tenaient ces hommes.
"Qui vous envoie ? interrogea le jeune homme sur la défensive."
Il ne reçu, en réponse, qu'un vif coup de pied dans le torse qui le fit tomber sur le dos. Au loin, il entendait encore les chasseurs crier son nom, et pousser des cris de bêtes pour l'amusement. Ces derniers ignoraient dans quel sorte de piège le garçon était tombé. Et il n'eut guère le droit au repos, car l'un des étrangers vint abattre son épée sur le pauvre morceau de bois que le bâtard d'Edward avait en guise d'arme. Grand bien pour lui, il avait tout de même glisser une dague à sa ceinture. Profitant de sa position au sol, il enfonça sa petite lame dans les jambes de son ennemi, sans prendre le moindre temps pour réfléchir. Férocement, Aethelstan se jeta sur l'homme et le poignarda à maintes reprises. Un second arriva dans son dos et s'apprêta à lui asséner un coup d'épée, mais le garçon fut plus rapide et attrapa une branche pour lui fracasser le crâne. Son deuxième assaillant n'était pas mort, seulement sonné, et reviendrait bien vite à la charge. Un troisième profita donc de cette ouverture pour abattre le jeune homme par derrière. Il passa son bras autour du cou du malheureux, et le maintenait en place tandis que le second ennemi reprenait ses esprits et était prêt à lui enfoncer son fer dans les tripes. Prit au piège, comme l'animal qu'il voulait chasser, Aethelstan crut bien que ses dernières minutes s'étaient écoulées.
"Saignes-le ! encouragea le premier homme qui avait croisé le chemin du bâtard d'Edward et qui ne s'était guère mêlé à la bagarre."
Le jeune homme sentait son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. Ses jambes devinrent flasques et son esprit peinait à réfléchir. Il ne voyait guère comment il pouvait se sortir de ce mauvais pas.
"Uhtred ! Uhtred ! hurla t-il alors à plein poumon dans l'espoir d'être entendu."
Sa situation semblait des plus désespérés, il avait besoin d'aide, c'était indéniable. Or, il n'eut pas à crier bien longtemps car bientôt, dans un cri enragée, une femme fondit sur les assaillants. Elle éventra le second d'un grand coup de lame. Les tripes de ce dernier vinrent lécher le sol avant que lui-même ne tombe dans la boue. Prit d'un rebond de courage et de soulagement, le garçon lança sa tête en arrière pour l'écraser dans le visage de celui-ci qui le tenait prisonnier. Cela le déstabilisa, et Aethelstan en profita pour renverser son ennemi dans la terre avant de lui donner de grand coup de poing, mais l'étranger résistait et parvenait à le repousser. Le premier homme, celui qui n'avait pas tiré sa lame, s'était déjà éclipsé voyant que la situation était plus que désastreuse pour lui.
"Aethelstan, sur le coté ! ordonna la femme."
Le bâtard d'Edward ne se fit pas prier et roula pour laisser libre place afin que sa sauveuse ne tranche la tête de l'ennemi. Le souffle court, l'estomac retourné et le visage taché de son sang ainsi que de celui de ses assaillants, le jeune homme ferma les yeux et se laissa choir au sol. Ses jambes tremblaient par la chute d'adrénaline et de courage dont il avait fait preuve pour se défendre. Une main se posa sur sa joue, elle était douce et froide, mais grandement réconfortante.
"Tu n'es pas blessé ?"
Ouvrant les paupières, Aethelstan vit d'abord une longue tresse de cheveux noir et blanc par endroit, avant de reconnaître le visage familier de la femme qui était venue le secourir.
" Non, je vais bien, merci Daegan, soupira t-il."
Celle-ci lui sourit avant de le débarrasser de sa peau de bête et de l'aider à se remettre sur ses jambes. L'enfant que la sœur de Sihtric avait connu petit et frêle, la dépassait désormais d'une tête et avait les appuies d'un guerrier. Avec précaution, la femme dépoussiéra les vêtement du garçon et s'assura qu'il n'avait réellement aucune blessure. Elle ne releva que quelques mauvais coups, qui formeraient sans doute des hématomes, mais rien n'était alarmant.
"Combien ils étaient ? interrogea alors la voix essoufflée d'Uhtred."
Souffle-De-Serpent dans le creux de sa main, le guerrier avait accouru aussi vite qu'il avait put pour porter secours au jeune homme. Alors que les silhouettes de Finan, Osferth, Sihtric et quelques autres hommes qui participaient à la battue se trouvaient encore à quelques pas d'eux.
" Quatre, leur chef a fuit, répondit Aethelstan.
- Je n'ai pas croisé son chemin, informa l'irlandais qui venait de l'endroit où le premier homme s'était enfuit.
- Tu les connais ? demanda le frère de Ragnar en reposant ses yeux sur le garçon après avoir brièvement observer les alentours.
- Jamais vu.
- Tu es blessé ?
- Non.
- Tu as vaincu ces hommes, tout seul ? dit Uhtred alors que sa voix vacillait de fierté.
- Oui, rit le jeune homme avant de croiser le haussement de sourcils de la femme, je veux dire Daegan m'a aidée à les achever mais j'en ai abattu un.
- Il s'est très bien défendu, complimenta celle-ci en posant une main sur l'épaule du bâtard d'Edward.
- Qui est-ce qui avait raison ? Je te l'avais bien dit que j'étais prêt, laisses-moi descendre le fleuve ! Pour combattre les pirates !
- Combattre les pirates ? Comment ça ? Il en est hors de question, s'opposa la fille du guerrier.
- Elle a raison, tu n'es pas encore prêt. Emmenez-le à la taverne fêter sa victoire."
Les hommes se réjouirent de cette requête, et certains se trouvaient bien fière de l'accomplissement du garçon, car beaucoup l'avaient vu grandir et devenir le jeune homme qu'il était aujourd'hui.
"On s'est presque fait du soucis pour toi, petit, ricana Sihtric en passant son bras autour des épaules d'Aethelstan. Allez viens !
- Ce soir on festoie à Rumcofa ! se réjouit Osferth en ouvrant la marche."
Daegan sourit en regardant les chasseurs repartirent, et rangea Dent-De-Loup qu'elle avait gardée dans sa paume. Son père lui tendit la main pour l'aider à sortir de la crevasse car le sol était glissant par la boue humide.
"Ce n'est pas lui qui n'est pas prêt, c'est vous deux, glissa Finan en passant devant eux avant de s'éloigner à son tour."
Père et fille restèrent penauds devant les trois cadavres. Aucun d'eux ne parla durant quelques minutes. Seul le craquement des branches sous le poids du vent, et le son des animaux de la forêt résonnait. Uhtred fut celui qui brisa le silence.
" Tu te sens prête ? questionna t-il.
- Oui, je suis prête, et toi ? Tu te sens prêt ?
- Oh oui, évidemment.
- Oui, on est prêt, c'est Aethelstan qui n'est pas prêt, répliqua t-elle en croisant les bras sur sa poitrine. Il manque d'expérience, d'entrainement, de rigueur, je ne suis pas certaine que nous lui ayons tout enseignés encore, et puis il est trop fougueux et imprudent, ce ne serait pas raisonnable."
Posant son regard sur le corps sans vie de l'étranger que la garçon avait tué de ses propres main, Daegan prit une grande inspiration avant de soupirer.
" Il a tué son premier homme, dit-elle pensive."
Haussant un sourcil, Uhtred se tourna vers l'ainée de ses enfants et un sourire naquit malgré lui sur ses lèvres.
"Je connais ce regard.
- Quel regard ? interrogea la femme en fronçant ses traits.
- Je l'ai déjà eu pour mes enfants. Tu es fière et c'est le regard d'un parent que tu as.
- Ne dit pas de sottises, répliqua le sœur de Sihtric en donnant une tape dans l'épaule de son père."
Tous deux ricanèrent et entreprirent de retourner à Rumcofa, non sans laisser un regard hostile sur les cadavres. Ce n'était pas normal que des hommes s'en soient prit de la sorte à Aethelstan, cela n'était jamais arrivé auparavant. Père et fille soupçonnaient autre chose, une conspiration ou une chose de ce genre. Mais ils n'en avaient guère la certitude.
Les semelles de leurs bottes s'écrasaient dans la terre humide qui la rendait boueuse. Ce n'était pas le plus agréable pour marcher, d'autant plus que le froid était rudement tomber tout comme l'ombre de la nuit. Bientôt, la lune serait haute dans le ciel et laisserait les royaumes profiter de ses rayons nocturnes. Marchant cote à cote, Uhtred et Daegan ne disaient mot et étaient davantage concentrés à ne point tomber. Cela manqua d'arriver au guerrier, mais la femme lui rattrapa vivement le bras pour qu'il ne s'étale pas de tout son long. Ils en avaient brièvement rit et avaient reprit leur pas.
" Comment va ton cheval, Iseult ? s'enquit l'homme.
- Elle est morte cette après-midi, elle a rendue son dernier souffle paisiblement et galope désormais au Valhalla aux cotés de Ubba et Ragnar. Elle le méritait, c'était une vieille jument mais elle était brave et je reste persuadée que ce sont les Dieux qui me l'ont envoyés."
La veille, la sœur de Sihtric avait quitté Rumcofa avec son cheval, car elle sentait que celui-ci se mourrait. Voulant lui offrir un passage paisible entre le monde des vivants et celui des morts, elle s'était éloignée l'agitation du village pour trouver un endroit calme. Ensemble, Iseult et elle avaient passé leur dernière nuit, et Daegan ne l'avait guère quitté jusqu'à ce que sa monture ne s'éteigne complétement.
" Tu ne l'aimais pas beaucoup au début.
- C'est vrai, c'était une bourrique qui n'écoutait rien de ce que je lui disais, mais je garderai toujours le souvenir de lorsqu'elle m'a sauvée des Danois de Sigefrid. Depuis ce jour, nous ne nous sommes jamais quitté.
- Je suis désolé qu'elle s'en soit aller.
- Je ne suis pas triste, elle méritait amplement son repos, mais désormais je n'ai plus de cheval."
Des vifs croassements de corbeaux vrillèrent soudainement dans leurs oreilles. Levant les yeux au ciel, Uhtred et sa fille découvrirent des centaines de points noirs qui dansaient dans les nuages. C'était un véritable rassemblement, presque semblable à une armée. Et leur son était si bruyant et aigu que cela leur firent froncer les sourcils. Un cadavre de corbeau s'écrasa à leurs pieds. Puis il y en eut un autre, et un autre, et encore un autre. Il en pleuvait par dizaine, et tombaient au sol comme des feuilles mortes. L'effroi s'éprit de Daegan et de son père.
" Je doute que cela soit un signe favorable, devina t-elle.
- Non, en effet, je le ressens moi aussi depuis quelques jours, l'air est mauvais et quelque chose se prépare je le crains. Rentrons, ne nous attardons pas davantage, dit le guerrier en posant une main dans le dos de son enfant pour l'inviter à avancer."
Il était encore tôt dans la matinée, dans sa chambre Daegan tressait ses longues boucles ébène qui venaient lui chatouiller le bas de ses fesses. Elle les avait coupée pour qu'ils restent plus pratique dans les batailles durant un temps, mais la paix persistante de Rumcofa lui laissa le temps pour les laisser pousser. Depuis, elle n'y avait plus touchée, mais se désespérait de voir plusieurs mèches blanche faire leur apparition. Elle n'était plus une jeune fille, mais n'était pas une vieillarde non plus. Son corps lui permettait encore d'avoir des enfants, or elle y avait grandement renoncée depuis longtemps. Une histoire d'amour avec le Roi du Wessex, et une avec un Danois qui s'était joué d'elle lui avait grandement suffit. De plus, elle doutait qu'un homme veuille d'elle après qu'Ivar l'ait privé de sa virginité et de son honneur. Sihtric était toujours la seule et unique personne qui connaissait la vérité, il avait respecté sa promesse de ne rien dire. Alors, pour ne point se morfondre dans les tréfonds d'un espoir de mariage et d'enfants qui n'arriveraient jamais, elle prenait soin de ses neveux et nièces que son frère ainé et sa femme, Sig, avaient engendrés. Et il y en avait bien assez pour l'occuper. Prise dans ses pensées, elle mit quelques secondes à réaliser que l'on frappait à la porte de sa chambre. Vivement, elle invita à entrer. Le visage du bâtard d'Edward se présenta dans l'encadrement.
" Aethelstan, il y a un soucis ? s'enquit t-elle en s'approchant.
- Un bateau que nous n'avons put identifier s'approche, Uhtred demande à ce que tous les soldats soient rassemblés, j'ignore si cela te concerne également, mais je préférais te prévenir.
- Merci, je prends mon épée et j'arrive."
Ils échangèrent un sourire et le garçon referma la porte. Ignorant face à quel sorte de combat elle allait faire face, la femme s'empressa seulement de tirer Dent-De-Loup hors de son fourreau et s'extirpa de sa chambre. Elle était vêtue d'une robe au vert sombre, et avait fait le choix de ne pas perdre de temps à se changer. De plus, combattre en robe s'avérait bien plus facile qu'il n'y paraissait.
Se mêlant aux soldats ainsi qu'aux quelques villageois armés de leurs fourches, la femme descendit le long de la grand rue qui menait au port de Rumcofa. Uhtred avait déployé de farouche moyens pour se défendre en cas d'attaque, car qu'importe où le regard se posait, il se trouvait des hommes armés.
"C'est le grand Rognvaldr, il vient nous massacrer ! se moqua un jeune Danois du nom de Cynlaef afin d'effrayer les garçons qui se trouvaient proche de lui."
Ce dernier était à peine plus vieux de une ou deux années qu'Aethelstan, et tous deux avaient forgés une forte amitié au long des années. Au point, où il arrivait souvent qu'ils s'attirent maints problèmes ensemble. Daegan passait nombre de son temps à les chaperonner pour éviter qu'ils ne s'attirent trop d'ennuis, bien que la cause était souvent perdue.
" Cesses de les effrayer Cynlaed, réprimanda la fille d'Uhtred en s'approchant de leur coté.
- Il n'y a rien à craindre de Rognvaldr, ajouta le bâtard d'Edward.
- C'est juste un lâche qui s'est acheté une réputation, dit Sihtric en passant un bras autour des épaules de sa sœur."
Ensemble, et accompagné d'Osferth qui tenait leur coté, ils s'avancèrent jusqu'au bout du ponton qui venait lécher le fleuve. Uhtred était déjà présent et observait l'embarcation qui causait tant de crainte à Rumcofa.
"Faites-nous confiance, on a affronté bon nombres de Danois, rassura le neveu de Leofric."
Emmenant avec lui une dernière flopée de soldats, Finan les rejoignit à son tour. Qu'importe l'ennemi, ou l'ami, qui se présentait il serait vivement reçu par des lances, des épées et des boucliers bien solide. Nul ne parviendrait à entrer dans le village sans être décapité au passage. Le soleil levant éblouissait la vue d'Uhtred, car ses rayons lui perçaient le regard. Portant une main en visière, il plissa les yeux pour observer le batelet. Puisque ce n'était rien de plus que cela. Un maigre batelet qui peinait à avancer sur les eaux. Mais il fallait se montrer prudent, cela pouvait être une diversion.
"Je me trompe ou c'est Eadith ? dit-il alors en remarquant un visage familier parmi les passagers du bateau."
Sihtric, Osferth et Daegan pouffèrent en observant l'irlandais se décomposer. Tous savaient que ce dernier avait eut, durant longtemps, quelques naissances de sentiments pour la femme aux cheveux roux. Bien qu'il était marié et heureux dans son union, Finan ne put s'empêcher de déglutir péniblement car ne s'attendant pas à une telle visite.
" Nous sommes des voyageurs et des marchands, et nous sommes prêt à payer la taxe, cria Eadith depuis les eaux."
Son arrivée fut acclamé, les soldats purent repartir à leur poste et Uhtred l'invita à le suivre jusqu'à la taverne afin qu'elle puisse se réchauffer et se reposer. Ceux qui s'étaient armés s'en allèrent reposer leurs lames dans leurs demeures et rejoignirent les retrouvailles qui étaient nées à l'auberge. Eadith et le seigneur de Rumcofa avaient quelque peu discuté avant que les plus proches de celle-ci ne viennent se joindre à la petite beuverie qui s'était crée.
"Vous vous souvenez d'Osferth ? interrogea le guerrier tandis que le neveu de Leofric pénétrait dans l'auberge.
- Bien sûr, approuva la sœur d'Eardwulf avec entrain et ravissement de retrouver ces visages familiers.
- Et ce garçon c'est Aethelstan, désigna Uhtred tandis que le jeune homme entrait à son tour, suivit de près par Cynlaef.
- Aethelstan ? Non ! Enfant tu avais l'air tellement sérieux.
- Oui, mais en sa compagnie ça m'a passé."
Osferth qui s'était éloigné pour aller chercher quelques bocks d'ale, s'en revenait vers l'attroupement qui s'était crée autour d'Eadith. Le neveu de Leofric donna une chope à celle-ci, alors que Finan et Ingrith étaient assit l'un à coté de l'autres, tandis que Daegan ainsi que Sihtric, son épouse et leurs nombreux enfants se glissaient à leur tour sous le toit de la taverne.
"Cynlaef, présenta le guerrier en désignant le jeune Danois. Ils sont dans tous les mauvais coups ces deux là. Daegan n'a de cesse de les réprimander.
- Vous ne devez pas vous ennuyer, rit Eadith en se tournant vers la fille d'Uhtred qui prenait le coté d'Osferth.
- Non, en effet, bien qu'ils savent pertinemment qu'il faut éviter de me mettre en rogne, répondit t-elle en passant son bras sous celui du neveu de Leofric."
Un enfant un peu trop agité se mit à courir autour d'eux, s'amusant à passer entre les jambes de tous et à tenter de voler quelques chopes d'ale. C'était là le dernier né de Sihtric et de Sig. Le bâtard de Kjartan s'empressa alors d'attraper le petit dans ses bras avant qu'un malencontreux accident ne se produise.
"Aller, va embêter oncle Finan ! soupira t-il en donnant l'enfant à l'irlandais qui le prit dans ses bras.
- Sidgeflaed qui est mariée à Sihtric, présenta Uhtred.
- Vous pouvez m'appeler Sig, assura celle-ci en enroulant ses bras autour de l'une de ses filles.
- Comme vous le voyez ils ont fait beaucoup de petites Sig et de petits Sihtric pour peupler la ville.
- Oh oui, dis donc ! s'époustoufla Eadith en regardant les nombreux enfants présents.
- Et ça c'est Ingrith.
- La femme de Finan, dit cette dernière.
- Eadith, se présenta la femme aux cheveux roux.
- J'ai entendu parler de vous, ajouta Ingrith amusée."
La sœur d'Eardwulf n'avait pas été aveugle aux sentiments naissant de Finan plusieurs années auparavant, mais elle avait fait le choix de partir pour suivre sa propre voie et ne point se laisser accabler par un mariage. Aussi espérait-elle que nulles mauvaises choses n'aient été dites à son sujet à la femme de l'irlandais qui semblait plus que charmante.
"Qu'est-ce qui vous amène à Rumcofa ? interrogea Uhtred.
- J'ai appris des tas de méthodes de guérison en Francie et j'ai ouïe dire qu'à Rumcofa les maladies sont légions !
- Ah, ça c'est la faute d'Osferth, dirent-ils tous d'une même voix.
- Très drôle, répliqua celui-ci alors qu'Eadith pouffait de rire. Et vous n'avez pas de mari, donc ?
- Non, mon argent est à moi et moi seule.
- Eh ! Vous risquez d'avoir des surprises, nos crottes ont laissés perplexes tous les guérisseurs même ceux du continents, ricana Finan.
- Et oui, c'est bien vrai, approuva Ingrith en provoquant quelques nouveaux éclats de rire."
Soulevant le dernier né de Sig et Sihtric dans les airs, l'irlandais s'enjoua à mimer quelques pets, ce qui ne manqua pas de faire sourire les enfants.
" Doucement avec mon fils ! réprimanda le frère de Daegan.
- Ca fermente là dedans !
- Eadith, alpagua Ingrith, comment est-ce qu'ils étaient avant qu'on les civilise un peu ?
- Ils étaient les mêmes ! A par peut-être celui-ci là, répondit-elle en se tournant vers Aethelstan. Le Roi se réjouit que son fils vivent parmi les soldats ?
- On essaie de ne pas faire mention de ça, dit Finan.
- Il n'y a aucune honte à être un bâtard, déclara Osferth qui était lui aussi l'enfant rejeté d'un Roi.
- Oh que non ! approuva le garçon."
Tous deux firent claquer leur chopes entre eux avant d'en boire goulument le contenu.
"Bien des choses ont changés, lança l'irlandais.
- Non, Daegan et Uhtred sont toujours les mêmes ! rétorqua Sihtric.
- C'est à dire ? questionna le guerrier.
- Eux non plus ne sont pas mariés, glissa le neveu de Leofric.
- Il y a l'air d'y avoir beaucoup d'hommes respectable à Rumcofa, je suis surprise qu'aucun ne vous ait courtisé, dit Eadith"
Un certain malaise naquit dans le cœur de Daegan. Elle sentit son estomac se nouer et ses mains devenir moites d'angoisse. Ignorant comment répliquer à ces mots, car elle ne trouvait pas la moindre excuse à donner, elle tourna un regard suppliant sur Sihtric qui s'empressa de répliquer.
" C'est parce que je ne les laisses pas s'approcher d'elle, il est hors de question qu'un vaurien épouse ma sœur.
- Oui mais je reste son père, et j'aurai le dernier mot sur son époux, dit Uhtred."
Quelques nouveaux rire s'élevèrent et d'autres bocks d'ale vinrent gagner les mains de tous. Il en fut assez jusqu'à la nuit tombée. Il y eut un véritable festin et nombreuses réjouissances. C'était agréable de se divertir de la sorte de temps à autres. La plupart sortirent de la taverne entièrement ivres. Eadith, Sig et Ingrith n'en firent pas exceptions. Elles étaient bien moins habituées à boire de l'ale que les hommes, aussi se mirent-elles à chanter et rire dans les rues de Rumcofa. Daegan qui n'avait revêtue que sa robe en ce jour, fut prise de froid lorsqu'elle gagna l'extérieur, Uhtred n'en fut pas aveugle et vint la serrer contre lui pour que tout deux partage l'épaisse cape qu'il avait sur les épaules.
"Escortes-les jusqu'à la pension, ordonna le guerrier à Aethelstan qui passait à leur coté.
- Et ne te bats pas avec l'un des jeunes moines, ajouta la femme.
- Il faut bien que je fasse honneur à ma réputation, répliqua t-il.
- Nous t'avons entrainés pour la bataille, pas pour les concours de beuverie.
- Daegan, je sais que vous faites tout ça pour me protéger, Uhtred et toi, je le sais seulement vous deux avez juré de protéger un enfant. Mais j'ai grandis !
- J'ai fais une promesse à ton père le Roi, donc seul un Roi peut me délivrer de ce serment, toi et moi nous sommes liés, dit le frère de Ragnar.
- Files avant que tu ne les perdes de vue, et fais vite je ne viendrai pas te chercher, conclut la sœur de Sihtric."
La garçon sourit à la femme et tourna les talons avant de hâter le pas pour rejoindre les trois femmes qui s'étaient déjà vivement éloignées. Daegan songea, en le regardant partir, que les années étaient passés bien trop vite et que le bâtard d'Edward devenait un véritable jeune homme.
"Charmante surprise, lança Finan en gagnant leur coté."
Celui-ci reçu en retour à ses paroles, les regards interrogateurs du père et de la fille.
"Eadith, ajouta t-il.
- Aethelflaed sera bientôt là, je me méfies des surprises.
- Eadith est une vieille amie.
- Oui, mais les gens changent, l'attaque contre Aethelstan n'est sans doute pas un hasard.
- On voudrait l'éliminer maintenant qu'il est adulte ?
- Peut-être qu'on essaie simplement de me faire peur.
- Et, tu as peur ?
- Non, mais je m'attends au pire.
- Tu es entrain de broyer du noir, ricana l'irlandais en donnant une tape dans l'épaule de son ami. Ma femme pense que c'est le changement de saison qui te ronge. On a des éclaireurs à tous les postes de guet, d'ici jusqu'aux remparts de Thelwall. Va labourer la grande frisonne !"
Les deux hommes se tournèrent vers une jeune femme aux longs cheveux bruns et bouclés, qui n'avait de cesse de lancer des sourires discret à Uhtred.
" Par tous les Dieux, Finan, ne me laisses pas imaginer mon père ainsi, pas après tous les bocks d'ale que j'ai bu ! dit Daegan en tordant sa bouche de dégout.
- Je vais ramener ma fille sous notre toit avant, dit le guerrier. Je ne veux pas qu'elle attrape la maladie par ce mauvais froid.
- Inutile, je vais me raccompagner toute seule, mais avant cela..."
La femme défit le nœud qui liait la cape de son père et la lui dérobât des épaules pour la prendre entre ses mains et la jeter sur son propre dos pour s'y emmitoufler.
"...Je doute grandement que tu en aies besoin."
Elle embrassa la joue d'Uhtred avant de disparaître dans les rues. Finan lui demanda une dernière fois si elle désirait qu'il la raccompagne avant de regagner sa demeure, mais elle lui répliqua que si on lui posait la question une fois de plus, elle s'arrangerait pour qu'ils mangent une infecte nourriture qui ne les feraient pas crotter durant plusieurs jours. Puis elle lança un dernier signe de la main et poursuivit son chemin.
En réalité, elle n'avait pas grande envie de rentrer dans l'immédiat, désirant marcher, seule, dans la nuit. C'était un instant agréable que la femme appréciait grandement. Tout était calme, silencieux et paisible. Durant ses pas, elle croisa la route d'Aethelstan qui lui assura qu'il allait se mettre au lit au plus vite, et qui jura de ne pas s'être battu. Elle lui souhaita une bonne nuit et continua. Daegan inspirait l'air frais qui venait lui gratter la gorge et lui rafraichir l'esprit. Elle n'en était pas à sa première balade nocturne car il lui était fort peu aisé de trouver le sommeil ces derniers temps. Tout comme Uhtred, elle éprouvait de mauvais pressentiments qui lui martelaient les pensées. Aussi, le froid et la nuit, lui offraient un répit mérité et lui permettait de se rappeler nombre de souvenirs. Toutes les batailles auxquelles elle avait prit part, toutes les rencontres qu'elle avait faites. Leofric revenait souvent dans ses pensées. Elle songeait aux histoires de guerre qu'il racontait à la taverne, tandis qu'elle était tamisée dans un petit coin sombre pour l'écouter avec curiosité. Elle rit seule en se remémorant les fois où elle avait tenté de lui pendre sa bourse d'argent. Cela avait été idiot de croire qu'elle avait une chance de lui dérober sans qu'il ne s'en aperçoive. D'instinct, la femme porta les doigts à son cou où trônait auparavant l'anneau de Leofric, le marteau de Thor d'Erik ainsi que la croix Chrétienne d'Alfred. Bien qu'elle portait encore ces deux derniers objets qui avaient été incrustés dans le manche de Dent-De-Loup, elle ne possédait plus l'anneau. Il lui arrivait souvent de regretter d'être retournée sur les lieux de la bataille qui avait causé la mort de son premier père adoptif, et d'avoir enterrée de l'objet pour se défaire de son passé. En fin de compte, elle aurait souhaité gardé ce dernier souvenir de Leofric. Mais la chose était trop tard, et puis il était grandement impossible de retrouver l'endroit exact où elle l'avait mit en terre.
Soudain, un craquement de branche la mit en alerte tandis que Daegan longeait le coté de Rumcofa, celui-là même qui menait à la forêt. Par reflexe, elle porta la main à sa taille, mais se rappela bien vite qu'elle n'avait ni épée, ni dague, ni même de ceinturon. Crispant sa mâchoire, elle attrapa une fourche qui reposait contre le bois d'une demeure, et plissa les yeux pour mieux observer l'obscurité. Elle distingua sous les arbres, une ombre au capuchon qui se forçait à se faire discrète. Sachant que personne n'avait retrouvé l'un des hommes qui avait attaqué Aethelstan, la fille d'Uhtred se mit davantage sur ses gardes et avança à pas feutrés jusqu'à l'individu. Malgré elle, ses semelles firent grand tapage sur les brindilles morte au sol. L'inconnu au capuchon fut alerté et sursauta avant de faire volte-face.
"Eadith ! s'exclama Daegan en baissant sa fourche. Que faites-vous ici ? Avez-vous oubliez que mon père a décidé de mettre en place un couvre-feu après l'intrusion d'individus à Rumcofa ?
- Pardonnez-moi, je cherchais simplement quelques herbes pour mes remèdes, je ne voulais alerter personne.
- Vous auriez simplement put me demander de vous accompagner, à moi ou à n'importe qui d'autre ! Un soldat vous aurait tranché la tête avant même de connaître votre identité.
- J'ai essayé de me faire discrète, mais il faut croire que vous avez un bon œil. Je vais retourner à ma chambre immédiatement.
- Je vous accompagne, afin que vous ne vous trouviez guère dans un conflit."
Eadith approuva et toutes deux s'engouffrèrent dans les rues. Il ne fallut que peu de temps à la fille d'Uhtred pour raccompagner la femme aux cheveux roux. En la remerciant vivement, elles se quittèrent et Daegan s'en retourna à sa demeure. Sa promenade l'avait grandement ouverte au sommeil. Ainsi qu'à l'envie de la chaleur réconfortante d'un feu.
Le soleil était voilé derrière quelques nuages, mais quelques rayons parvenaient à se frayer un chemin, et la matinée se révélait seulement. Pourtant, les allées de Rumcofa regorgeaient de passants hâtifs, ainsi que de préparatifs. En ce jour, c'était la veille de grande réjouissances. C'était ainsi durant tout le mois du sang. On chassait, on se battait, on buvait, on festoyait, on dansait, on chantait, et l'esprit était léger. Sihtric remontait l'une des rues, non sans ébouriffer les cheveux de l'un de ses nombreux enfants au passage, cependant il s'arrêta soudainement lorsqu'il entendit le grincement infernal des roues d'une charrette, ainsi que les sabots des chevaux dans la boue. Se retournant, il reconnu avec aisance les couleurs de la Dame de Mercie.
" Uhtred ! appela t-il en se tournant vers la fenêtre de la demeure du guerrier. "
Ce dernier mit peu de temps à se présenter à son fidèle homme.
"Dame Aetheflaed arrive, dit-il."
Le frère de Ragnar suivit la direction que lui montrait Sihtric, et il reconnu avec aisance (parmi tous les voyageurs) le visage éclatant de beauté d'Aethelflaed. Il ne la voyait que peu, la dernière fois remontait à quelques années, mais chacune de ses visites le rendait enjoué. Il aimait la revoir, la regarder et la savoir proche de lui, bien qu'ils ne pouvaient plus vivre leur amour comme jadis. Avec une certaine appréhension malgré tout, le guerrier enfila son veston et sortit de sa demeure. Il salua d'un mouvement de main les voyageurs qui étaient arrivés et se dirigea immédiatement auprès de la Dame de Mercie qui venait de mettre pied à terre.
" Je t'ai raté, hélas, lors de notre dernier voyage dans le nord, je devais...commença t-elle.
- Signer un traité avec les Ecossais, d'importance.
- De grande importance. Cela dit, le moment était inopportun.
- Cela n'a pas beaucoup changé ici depuis deux, dit Uhtred en regardant Rumcofa. La ville et les soldats prospèrent, quelques attaques et beaucoup de commerce.
- Tu as très bonne mine, complimenta t-elle dans un sourire.
- Ce sont les bienfaits du plein air.
- Je devrais peut-être essayer, hélas il y a les sages.
- Tu es toujours aussi belle, laissa échapper Uhtred avec grande conviction."
Aethelflaed sembla grandement touchée par ces mots, mais elle ne s'en montrait guère confortable et préféra détourner la conversation sur un tout autre sujet.
"Voila le présent que je t'avais promis."
Le guerrier tourna la tête pour regarder ce que la Dame de Mercie lui montrait. C'était un prêtre Chrétien qui se laissait glisser à bas de sa monture pour gagner le sol. Il manqua, par ailleurs, de tomber de tout son long dans la boue.
"Rumcofa n'a pas besoin d'un prêtre, répliqua le guerrier.
- Non, mais ce prêtre a besoin d'une nouvelle paroisse où prêcher.
- Suite à un labourage ?
- Non voyons, rétorqua t-elle sans réprimer son amusement, ce n'est rien de la sorte. C'est un homme très instruit en bien des domaines.
- Et un joueur, intervint Aldhelm."
L'ancien conseillé d'Aethelred poursuivait son chemin auprès des puissants, en étant désormais celui de la Dame de Mercie. Il lui offrait son entière dévotion, qu'importe la bataille à mener, et les obstacles à affronter. Et il tenait sa parole depuis de nombreuses années. Mais peut-être était-ce également pour les sentiments, non réciproque, qu'il éprouvait envers sa souveraine. Bien que ceux-ci se soient tassés au fil du temps.
"Il a joué tout l'argent de la quête à Rome, puis à Canterburry et ensuite chez nous, poursuivit l'homme.
- Trouvons-lui un endroit où il ne fera de mal à personne, dit Uhtred avec ironie.
- Aethelflaed, tu viens voir le bas peuple ? résonna une voix venimeuse."
La fille d'Alfred jeta un œil par dessus l'épaule du guerrier. Daegan se tenait là, vêtu d'une robe à la belle étoffe mais dont les pans léchaient le sol et ramassaient la boue, tandis que ses cheveux comptaient nombreuses petites tresses qui s'entortillaient entre-elles.
"Daegan, dit la Dame de Mercie sans le moindre sourire.
- Tu ne devrais pas être là, nous n'aimons pas beaucoup les personnes au sang noble par ici, je te conseille de partir."
Les deux femmes se toisèrent d'un mauvais regard. Si leurs yeux avaient put déclencher la colère de Thor, alors la foudre déchirerait le ciel en cet instant même. Il y avait tant de froideur dans leurs expressions, qu'elles annonçaient à elles seules l'hiver approchant. Si une épée s'était glissée dans leur main, nul doute qu'elles se seraient battu jusqu'à la mort. Cependant, de grands sourires gagnèrent leurs lèvres tandis qu'elles se mirent à rire en s'approchant l'une de l'autre afin de serrer dans les bras. Toutes deux s'étaient réconciliées depuis de longues années. Pour Daegan, il n'y avait plus de place pour les querelles idiotes.
" Tu n'as pas changé, Daegan, tu as toujours de magnifique traits, complimenta Aethelflaed en regardant le visage de son amie.
- Et toi tu ressembles toujours à une grande Reine, cela me fait chaud au cœur de revoir ton sourire, dit la femme en retour afin d'être happé par la silhouette du religieux. Pourquoi as-tu emmené un Prêtre avec toi ?
- C'est un cadeau pour notre pauvre village, dit Uhtred.
- Nous n'en avons guère besoin, il se fera sans doute humilier avant la semaine prochaine."
Les deux femmes suivirent le dit Prêtre du regard. Celui-ci se faisait conduire par Sihtric à sa nouvelle chapelle. C'était un vieux foyer qui tombait presque en ruine et qui ne servait à quiconque depuis longtemps. Lorsque le bâtard de Kjartan en ouvrit la porte, chèvres, poules et moutons en sortirent, laissant une expressions de surprise sur le visage du Religieux. Elles sourirent de l'absurde situation, avant de se faire alpaguer par Dame Aelswith qui était du voyage. A la fin du siège de Winchester par Sigtryggr, la veuve d'Alfred était tombée terriblement malade, nul ne sût ce qui lui était arrivé, cependant elle avait été assez forte et s'était battue pour survivre. Depuis, elle avait la sensation d'attraper toutes les plus infimes maladie.
"Aethelflaed, regardez, voyez comme il s'est épanouie, dit Aelswith alors qu'elle tenait le bras d'Aethelstan. Tout le portrait de son père lorsqu'il avait son âge. Vous êtes habité par la lumière et les prières que j'adresse au Seigneur.
- Et tu es devenue une fine lame, il parait. Est-ce vrai que tu as été attaquée ? interrogea Aethelflaed.
- Par des pirates égarés, mais j'irai bientôt les combattre en mer, répliqua le jeune homme."
Daegan croisa les bras sur sa poitrine et se racla la gorge pour protester contre l'idée que le garçon s'était fait seul.
"Je n'y ai pas autorisé, affirma Uhtred."
Ces remarques du père et de la fille, ne manquèrent guère d'agacer le jeune homme qui se sentait réellement prêt pour une véritable bataille.
"Dame Aelswith, comment vous portez-vous ? interrogea le guerrier en se tournant vers la veuve.
- Disons que je survie, cela étant, j'aimerais que nous évitions de nous mêler aux manants. Par peur de leur transmettre l'une de mes multiples maladies."
Quelques rires parvinrent à leurs oreilles. Tournant le regard, Aethelflaed remarqua que sa fille, (également présente pour le voyage) Aelfwynn, qui avait bien grandit, riait des paroles d'un jeune homme de Rumcofa. C'était là Cynlaef, qui ne manquait sans doute guère de se vanter auprès de la jeune Dame.
"Aelfwynn, rappela t-elle à l'ordre avec agacement."
Sans dire un mot davantage, la fille d'Alfred s'engouffra dans la demeure d'Uhtred, suivit de sa mère ainsi que d'Aethelstan.
" Dame Aelswith reste très prudente en matière de santé, justifia Aldhelm pour que le guerrier ne sente point offenser.
- Et qu'en est-il d'Aethelflaed, je la trouve fatiguée, dit Daegan.
- Ce n'est que le voyage qui la épuisé, nous avons chevauché longtemps."
La femme opina, tandis qu'Aelfwynn passa devant eux et ne manqua guère de rire en saluant Uhtred. Nul doute que les charmes Danois du guerrier, n'étaient guère derrière lui. La sœur de Sihtric prit à son tour congé de son père et d'Aldhelm afin de s'engouffrer dans son foyer. Il y avait tant de choses à dire, à raconter et à entendre, qu'elle ne s'en trouvait que satisfaite d'avoir de la compagnie.
A la nuit tombée, Daegan ne dormait pas. Un mauvais pressentiment lui tordait les boyaux, alors elle se tournait et se retournait dans son couchage. Après avoir longuement luttée, elle abandonna toute tentative de sommeil et préféra descendre dans la grande du foyer d'Uhtred. Allumant une bougie, elle songea qu'un bock d'ale l'aiderait à trouver le sommeil. Cependant, elle n'eut guère le temps de ne prendre ne serait-ce qu'une chope que l'on frappa doucement à la porte. Fronçant les sourcils, elle s'empressa de se glisser dans son manteau de peau avant d'aller ouvrir, non sans s'être emparée d'une dague auparavant. La femme souleva le loquet et vint à la rencontre de celui qui venait la déranger.
"Seigneur Aldhelm ? questionna t-elle en voyant l'homme sur le pas de sa demeure.
- Le tavernier m'a envoyé vous quérir, vous ou le seigneur Uhtred.
- Pourquoi donc ?
- Aethelstan et l'un de ses amis sont en train de se battre à la taverne avec deux autres garçons, le tavernier m'a dit de ne pas m'interposer et de venir vous chercher."
Daegan grogna en tordant ses traits de colère. Laissant la porte entre-ouverte, la sœur de Sihtric s'empressa d'enfiler ses longues bottes avant de suivre Aldhelm. Ensemble, et dans le froid, ils remontèrent la rue et le tapage que provoquait les jeunes gens se faisait déjà vivement entendre. Les poings serrés, elle avait abandonnée sa dague car elle savait qu'elle n'en aurait guère besoin. Lorsqu'elle ouvrit la porte de la taverne à la volée, elle dût courber le dos pour ne point se prendre l'éclat d'une assiette en terre cuite qui était allé se briser sur le mur non loin d'elle. Haussant les sourcils par ces plats volants et devant l'idiote bagarre qui lui faisait face, la femme commençait à se soucier de la fougue de la jeunesse.
"Assez ! tonna t-elle en s'approchant des quatre garçons."
Prit sur le fait, aucun d'eux ne bougea plus. Tous s'étaient retournés vers Daegan, dont la voix était entièrement reconnaissable, en particulier lorsqu'elle était en colère. Déglutissant, chacun lâcha le col de la chemise de l'autre.
"Vous deux, dit la femme en désignant les garçons dont elle ignorait le nom, partez ! Je ne veux plus vous voir ici, mon père a instauré un couvre-feu ! Veuillez le respecter, ou vous subirez sa colère, en revanche si je vous reprends à vous battre, c'est la mienne que vous subirez."
Les jeunes hommes bafouillèrent quelques excuses et déguerpirent bien vite en manquant de bousculer le conseillé d'Aethelflaed.
"Qui a commencé ? interrogea t-elle se tournant auprès d'Aethesltan et Cynlaef (car l'un n'allait pas sans l'autre).
- Pourquoi les as-tu laissé partir ? répliqua le bâtard d'Edward.
- Qui a commencé ?
- Ils nous ont provoqués !
- Me crois-tu assez idiote pour croire cela ? Tu me racontes les mêmes sottises à chaque fois que je viens te chercher parce que tu te querelle. Je vous connais tous les deux, je vous ai vu grandir et faire les plus terrible bêtises. Alors si vous pensez pouvoir m'avoir, c'est mal me connaître.
- C'était un combat loyal, intervint Cynlaef.
- Ca je m'en moque !"
S'approchant des deux garçons, Daegan leur attrapa à chacun une oreille et les tira à sa suite. Elle salua le tavernier et lui conseilla de fermer sa porte en rappelant la présence du couvre-feu et s'arrêta devant Aldhelm qui patientait à la porte.
"Merci de m'avoir prévenu, c'était aimable à vous."
L'homme n'eut guère le loisir de la parole, car déjà la femme trainait à sa suite les deux garçons qui se plaignaient et gémissaient comme des enfants. Aussi pour les faire taire, leur tira t-elle davantage les oreilles pour les faire courber le dos. Daegan renvoya Cynlaef dans sa demeure, en lui donnant un grand coup de botte aux fesses, et continua son chemin avec Aethelstan, non sans oublié de le sermonner sur sa conduite. Passer ces instants, la femme n'eut aucun mal à trouver le sommeil.
Le lendemain, les rues de Rumcofa résonnaient sous la musique des musiciens venu expressément pour les festivités. Un grand festin se préparait, tandis que les habitations étaient décorées de lierre et de toutes autres plantes qui vivaient encore en cet hiver approchant. Il y avait des rires, de nombreux bocks d'ale remplit (et aussitôt vide), nombres de personnes étaient parés de leurs plus beaux vêtements et des couronnes de fleurs sauvage trônaient sur leurs crânes. Les enfants jouaient, et les plus âgés dansaient sur la grande place. Les festivités n'avaient pas été aussi joyeuses qu'en ce jour, d'autant plus que le soleil avait été clément envers eux et baignait le peuple de ses rayons. Dans sa chambre, Daegan se parait de ses plus précieux bijoux, car il lui était fort rare de les porter. Elle laissa ses longues boucles sans tresses, afin que celles-ci dansent dans le vent du jour. Et une robe d'un bleu sombre venait lui sied le corps pour la rendre plus noble encore. Passant ses mains sur son visage, elle ne put se résoudre à se questionner davantage quant à l'angoisse naissante qui lui tapissait le corps depuis qu'elle et son père avaient été témoins de la mort de dizaine de corbeaux. C'était un mauvais présage, et elle savait qu'Uhtred songeait comme elle, car il était bien plus irritable ces derniers temps. Poussant un soupire, la femme se leva de son siège et sortit à la lumière du jour.
Les festivités étaient des plus réjouissantes. Daegan les trouva davantage joyeuses cette année. Il y avait plus de musique, plus de fleurs sauvage, plus de danses ainsi que de festins. Les enfants courraient en tout sens, manquant parfois de bousculer quelques adultes. L'ale coulait comme les flots agités d'un fleuve. C'était agréable d'être ainsi entouré. Son frère ainé, Sihtric, passa à son coté et sans mot dire, lui déposa une couronne de plantes sur la tête. Sans doute était-ce celle dont il tentait de se débarrasser car l'une de ses filles la lui avait donnée. La femme pouffa, et se mêla davantage à la foule. Elle ne dansa pas, du moins pas pour l'instant. Mais observer la fête la rendait toute aussi joyeuse. La fille d'Uhtred salua quelques personnes, et fit jouer les enfants avant de se retirer pour être plus au calme.
"Dame Daegan, interpella t-on."
Celle-ci fronça les sourcils en se tournant auprès de son interlocuteur, dont elle connaissait bien le timbre de voix.
"Aldhelm, dit-elle, depuis quand faites-vous tant de convenance à mon égard ?
- Vous n'êtes plus une enfant, il est normal que je vous en donne ce titre.
- Vous me connaissez depuis les années où je prétendais être un garçon, alors continuez à simplement m'appeler Daegan. Je n'ai pas besoin de tant de cérémonie.
- Vous êtes tout à fait charmante ainsi, Daegan, complimenta t-il en semblant peser le moindre de ses mots.
- Merci, c'est très gentil à vous."
Tout deux eurent un sourire quelque peu gêné avant qu'un silence ne s'installe. Cote à cote, ils observaient les festivités avec intérêt et amusement. Cela dura quelques minutes avant que Daegan ne décide de briser ce calme.
"Avez-vous vu le Roi Edward récemment ?
- Non, mais le Wessex prospère dans la paix, et c'est une véritable chance depuis bon nombres d'années.
- La chance n'a rien à voir là dedans.
- Et vous ? Avez-vous vu Sigtryggr ?
- Non, je n'ai pas quitté Rumcofa depuis que nous nous y sommes installés, je suis toujours sous la tutelle de mon père alors je ne peux aller là où le cœur m'en dit. Pourquoi cette question ? Vous inquiétez-vous pour les Danois ?
- Non, plutôt pour nos terres, plusieurs massacres ont eut lieu, et les rumeurs disent que c'est ce Rognvaldr qui est l'auteur de cela.
- Le plus jeune des trois frères, je ne l'ai guère rencontré, mais je doute qu'il soit pire que son frère ainé, Ivar. D'après mon père, c'est un jeune nigaud qui paie fort le prix d'une réputation.
- Alors d'où proviennent ces massacres ?
- Je l'ignore, mais si ils continuent, nous aurons la réponse bien assez tôt. En attendant, pourquoi ne pas vous détendre un peu ? Vous n'avez de cesse d'être à votre poste, cessez donc de vous inquiéter, vous êtes à Rumcofa pas à Aeglesbure. Rien n'arrivera ici, à par de la marchandise et les poissons du fleuve. Que diriez-vous de marcher un peu avec moi ?"
Aldhelm approuva d'un signe de tête, et tout deux se mirent à arpenter les cotés de la grande place. Ils ne se mêlaient guère à la foule et se contentaient de rester à l'extérieur. Les sujets de leur conversation en furent plus léger, et plus agréable. Le conseillé d'Aethelflaed semblait se détendre quelque peu, alors qu'ils se rapprochaient de la Dame de Mercie et d'Uhtred qui parlaient.
"D'après certains c'est pour toi que je suis là, dit la fille d'Alfred.
- J'aimerais que ce soit vrai, mais j'en doute, répliqua le guerrier. Qu'est-ce qui t'arrives ? Tu es menacé ?
- Pas plus que d'habitude, intervint Aldhelm.
- Vous en êtes sûr ?
- Certains, et puis comme le disait votre fille, nous sommes bien protégés chez vous. Vous surveillez les berges du fleuve et toutes les routes.
- Nous te le dirions si moi ou Rumcofa faisions l'objet de menaces."
Uhtred hocha la tête, mais garda une certaine réserve quant à ces mots. Son regard fut cependant alpagué par le nouveau prêtre de Rumcofa (aimablement offert par Aethelflaed), qui dressait une grande croix à l'un des bouts de la grande place. Le guerrier ne fut pas le seul à être attiré par ce remue-ménage. Bien au contraire, chacun se retourna et toisa le Religieux d'un regard curieux et parfois moqueur.
"Il compte réciter des prières ici ? interrogea Aldhelm en fronçant les sourcils car sachant qu'il y avait plus de Païens à Rumcofa que de Chrétiens.
- Je lui ai demandé de dire quelques mots rapidement, répondit la Dame de Mercie en joignant ses mains devant elle.
- Il risque d'être bien reçu, pouffa Daegan."
Croisant les bras sur sa poitrine, la femme se trouva curieuse. Il y avait des années qu'elle n'avait guère assisté à un récital Chrétien. Elle ignorait même si elle en était encore une, car les Dieux Païens semblaient davantage lui parler que le Christ.
"A compter de ce moment Rumcofa est sous la protection de Dieu ! clama le prêtre."
Ces mots firent taire immédiatement la musique, les danses et les jeux. Un silence pesant s'était installé, mais il y persistait malgré tout quelques chuchotements entre les habitants.
" Il en faudra plus que ça pour éteindre la flamme Païenne, ricana Aethelflaed."
Se hissant sur un tonneau d'ale, le Prêtre se montra à la pleine vue de tous. Il voulait être certain d'être bien vu. Cependant, il était difficile de le manquer.
"Merci, Sainte Marie pour ce cochon et pour ces volailles et pour ses chèvres, dit le Religieux avant de boire goulument une grande chope de vin."
Daegan écarquilla les yeux. Elle avait connu maints Religieux, tel que Beocca ou même Pyrlig (qui était plutôt surprenant) mais jamais dans ce genre là. Le Prêtre semblait se plaire à l'ivresse.
"Prenez garde à ce que cette coupe disparaisse, siffla Aelswith en s'approchant d'Aldhelm.
- Nous prions pour la fertilité, le levé du soleil, pour l'arrivée de la pleine lune, poursuivit l'homme dans son récital.
- Pourquoi est-ce qu'il a choisit cette prière interminable, nous allons tous attraper la mort dans ces courants d'air, grogna la veuve d'Alfred.
- Souriez, et prenez votre mal en patience, répondit la Dame de Mercie avec amusement.
- Le crâne ! La tête, les cheveux, les yeux ! La bouche ! La langue, les dents et ce qui les recouvrent ! La nuque ! La poitrine ! Le coté, la toison au sommet du crâne ! Puissiez-vous me coiffer du casque du salue ! Salue pour le front, les yeux, les narines, les boyaux !"
Des rires commencèrent à fuser en tout coin chez le peuple de Rumcofa. L'on entendait des hilarités de plus en plus forte et de plus en plus importante. Jetant un coup d'œil derrière elle, Daegan croisa le regard de son père. Ils échangèrent un sourire amusé, presque moqueur, avant qu'elle ne reporte son attention sur le Religieux qui clamait des mots sans le moindre sens. A l'inverse du guerrier qui détourna son regard au delà des nombreuses têtes qui se trouvaient sur la grande place. Il y avait de l'agitation. Des soldats couraient auprès d'un point commun, et cela commença à inquiéter le frère de Ragnar. Bientôt, il y eut un cri lointain qui résonna, et la foule commença à se disperser. Le Prêtre lui-même fut interrompu dans sa prière. Daegan fronça les sourcils en apercevant l'attitude de Finan changer.
"Ecartez-vous ! Il faut l'aider ! Laissez-le passer, entendait-on dans la foule."
Un chemin se traça parmi elle et une silhouette, au pas boitant, s'approcha. C'était un jeune homme, pieds nus, à la tunique blanche qui avait été tapissé par le sang vers son entre-jambe. Du rouge séché se dessinait le long de ses chevilles et de ses pieds. Sous le choc, Daegan porta sa main à sa bouche, tandis que le visage d'Uhtred se décomposa. C'était là, Uhtred le Jeune.
"Père, implora avec désespoir le blessé."
Le guerrier se précipita auprès de son fils, et le laissa se refugier dans ses bras. Or, le malheureux ne tenant plus ses jambes tremblante et meurtrit se laissa tomber à genoux. Pour ne point lui offrir plus de douleur, le frère de Ragnar s'abaissa avec lui. La sœur de Sihtric se fondit à leur coté, et vint passer une rassurante mains dans les cheveux de son frère cadet. Elle pouvait sentir sa fièvre et son mal, sans même être guérisseuse.
"Qui vous a fait ça ? Rognvaldr ? interrogea Aldhelm."
Mû par une tristesse et une souffrance, Uhtred le Jeune agrippa avec désespoir les vêtements de son père afin de s'y raccrocher. Il ne prononça qu'un seul nom. Un nom qui n'avait guère été entendu depuis des nombreuses années. Brida.
Daegan cessa ses tendre caresses, et sentit la colère lui monter au corps. Sa mâchoire se crispa, ses dents grincèrent tandis qu'elle se releva en serrant ses points.
"Trouvez la ! tonna Uhtred."
La sœur de Sihtric se dirigea auprès du premier cheval sellé qu'elle aperçue et l'enfourcha tandis qu'Osferth lui lança une hache à la volée, car il savait qu'elle ne cachait guère une épée sous son jupon. Elle fut la première à partir à grand galop pour retrouver Brida. Et elle se mit à regretter amèrement toutes les occasions de la tuer qui s'étaient présentées à elle.
Sur la grande place de Rumcofa. Uhtred serrait son enfant blessé dans ses bras et mêla ses larmes aux siennes. Il se blâma alors de ne guère avoir été plus vigilant.
The next is coming...
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Salutations Danois.es et Saxons.nes !
J'espère que ce (long) chapitre qui entame la saison 5 vous a plût,
Et oui, notre petite Daegan que nous avons connu enfant a bien grandit ! C'est désormais une femme plus réfléchit qui gronde les plus jeunes ahah. Autant vous dire que de la voir grandir comme ça me rend EMOTION EMOTION !
Lors de la publication du prochain chapitre, le film "Seven Kings Must Die" qui vient donc conclure la série sera donc disponible (puisqu'il sort sur Netflix le 14 avril) huhu. Et vraiment, je ne suis pas prête à dire adieu à cet univers que j'affectionne plus que tout. C'est ma série préférée depuis des années, j'ai tellement d'amour pour l'histoire, les personnages, et toutes les personnes qui ont travaillées sur cet incroyable projet. Donc, je vais clairement pleurer toutes les larmes de mon corps, parce que bordel c'est vraiment la fin de la fin !
Bref, je vous dis à Dimanche prochain !
En vous saluant de la main gauche !
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