Chapitre 42 : Winchester Etait A Eux
Le dos appuyé contre un arbre, les dents serrées autour d'une brindille trouvée au sol quelques minutes plus tôt, Daegan s'apprêtait à ressentir une douleur fulgurante. De ses grands doigts, Ivar agrippa le seul bout de flèche qui dépassait de la chair de la jeune femme. Malgré l'urgence de la situation, son regard se perdit un court instant sur les seins nus de la bâtarde de Kjartan. Il avait été nécessaire de retirer le haut de cette dernière, afin d'enlever le trait sans que l'étoffe ne vienne se mélanger au sang. Bien qu'elle avait déjà gémis de douleur lorsque le Danois avait, avec grand soin, enlevé sa chemise. Des bouts de tissus s'étaient collés avec à sa plaie qui avait coagulé.
" Ce n'est pas le moment de regarder mes seins, grogna la jeune femme en retirant brièvement la brindille d'entre ses dents.
- Pardonnes-moi, mais qu'importe la situation tu es terriblement désirable."
Daegan lui jeta un regard qui ne laissait nul place à la plaisanterie. Elle ne désirait qu'une chose, que cette flèche soit retirée de sa chair afin qu'ils puissent reprendre la route. Car, elle craignait toujours que des soldats Saxons ou Merciens ne les aient suivit.
"Ce n'est rien, elle n'est pas allée très profond, rassura t-il.
- Alors hâte toi! "
La bâtarde de Kjartan replaça sa brindille entre ses dents, et déposa son regard devant elle, ne souhaitant guère voir Ivar procéder à l'extraction, car elle en appréhenderait la douleur ne la rendant que plus forte. Le Danois ne poussa guère plus la conversation, et se contenta de resserrer davantage ses doigts autour de la flèche. La plaie n'était pas belle à voir. Dégoulinante de sang séché, les deux compagnons avaient bien trop attendu avant de s'arrêter pour la retirer. Mais, Daegan avait désirée pousser leur chemin le plus loin possible afin qu'aucun ennemi ne les talonne. Après avoir prit une courte inspiration, il tira. Arrachant un cri de stupeur étouffé à la jeune femme. Sa respiration devint saccadé et haletante, tandis qu'elle cracha la brindille qui tomba au sol, sans un bruit.
"Je hais ces Saxons, maugréa t-elle.
- Tu n'auras plus affaire à eux."
Ivar s'empara du bas de sa propre chemise et le déchira pour venir bander la plaie de Daegan. Il le fit avec grand soin et douceur, ne souhaitant guère la faire davantage souffrir. Puis, il aida à replacer sa chemise tachée de sang et de poussière sur les épaules de celle-ci. Elle se laissa manipuler, non sans laisser échapper quelques gémissements plaintifs à certains de ses mouvements.
"Je vais prendre les rênes d'Iseult, tu ne dois pas bouger ton bras, décréta Ivar.
- Si tu le souhaites, elle ne semble guère te détester."
Ragnar, le loup, qui était resté à bonne distance s'approcha alors de sa maitresse. Cette dernière passa ses doigts dans le pelage blanc de l'animal, et éprouva un soudain réconfort, et une plénitude dont elle avait désespérément besoin.
"Il nous faut trouver refuge le plus loin des terres Merciennes et Saxonnes, j'ignore où nous devons aller.
- Nous irons là où mon frère se trouve.
- Ton frère? J'ignorais que tu avais un frère.
- Il y a des tas de choses que tu ignores. Mais nous aurons tout le temps d'en parler à présent que tu fais partie de mon peuple.
- Et où se trouve ton frère? Caché dans des terres lointaines, afin qu'aucun Chrétien ne souhaite l'occire? ricana Daegan.
- Non, il est le nouveau Roi des Gallois."
Ivar ramassa les quelques affaires qu'ils avaient étalés à leur arrêt. Derrière lui, la jeune femme se trouva interdite d'une telle révélation. Elle désirait en savoir davantage, et elle aurait tout le temps de lui poser des questions lors de leur voyage. Car le Pays de Galles, n'était pas à coté. S'avançant jusqu'à Iseult, elle prit la main que le jeune homme lui tendait afin de l'aider à se hisser sur la jument. Ragnar à leur coté, battait de la queue pour se montrer prêt à une nouvelle course effrénée. Ainsi, les deux nouveaux amants quittèrent leur lieu pour s'approcher davantage du peuple Danois où Daegan avait décidé d'y demeurer.
Ils chevauchèrent de longues heures et ne s'arrêtèrent que lorsque les animaux montrèrent signes de fatigue. Il leur faudrait quatre jours de chevauchées pour atteindre le peuple Gallois. Daegan n'appréciait pas particulièrement les Gallois, mais sa curiosité de connaître comment le frère d'Ivar s'y était prit pour faire tomber le Roi Hywel était plus que grande.
"Alors, Hywel est mort? interrogea t-elle."
Les sabots d'Iseult traversait une petite rivière à l'eau fraiche. Elle s'y arrêta un instant pour profiter de ce réconfort et pour mâchouiller quelques brins d'herbes. Les deux amants, n'étaient plus aussi hâtifs qu'auparavant. Ils se savaient éloignés des terres Saxonnes et Merciennes depuis deux jours.
"Il l'est.
- Comment ton frère s'y est prit ?
- Si je suis un bon combattant, Sigtryggr est un bon penseur. Il est malin et réfléchit, ce qui m'agace parfois, mais je m'en console lorsque je fais couler le sang de mes ennemis. Nous étions en Irlande lorsque nous avons apprit que notre cousin, Cnut, était mort à la bataille."
Daegan écarquilla les yeux, jamais elle n'aurait songé que ce fourbe de Cnut, le vaurien qui était à l'origine du meurtre de Ragnar le Jeune, avait deux cousins aussi jeunes et au caractère aussi éloigné de lui. Elle ne jugea donc guère nécessaire de raconter les histoires de son ancienne famille.
"C'était un idiot, poursuivit Ivar. Nous ne le portions pas dans notre cœur, mais nous savions que la défaite de Cnut impliquait la défaite des Danois sur les terres Chrétiennes. Alors nous avons prit la mer, et nous nous sommes emparés du Sud-Ouest du Pays de Galles, là où Hywell à sa cité. C'était facile je dois dire, il n'y avait que le frère du Roi pour défendre l'endroit, et tous étaient saouls à festoyer. Et puis je t'ai rencontré dans la forêt, alors que je chassais et guettais le retour du Roi Hywell. Le Vieux fou s'en était allé prier, et nous savions qu'il reviendrait car nous lui avions envoyé la tête de son frère dans un sac. Et je suis tombé amoureux de la femme aux cheveux de corbeaux, signe d'Odin, puis tu es partit pour rejoindre les Saxons. Le soir, Sigtryggr avait déjà préparé son plan. Nous ne faisions qu'attendre Hywell. Il est mort, lui et ses quelques hommes, sans que l'un de nous ne soit touché. Juste après notre victoire, j'ai décidé d'aller te retrouver. Tu étais devenu une obsession plus grande que la conquête d'une nouvelle terre. Si je devais festoyer, cela n'aurait été qu'à tes cotés.
- Je suis à tes cotés, Ivar. Nous allons donc pouvoir festoyer. Et je dois admettre que j'ai grande hâte à rencontrer ton frère, il me parait intelligent. D'un coté, il me fait penser à Uhtred.
- Ca, pour être intelligent, il l'est. Moi, le grand frère ait bénéficié d'un don des armes et lui, petit frère, la ruse. Aucun ennemi ne peut nous résister. Bientôt, toutes ces terres Chrétiennes seront nôtres. Même si Sigtryggr s'obstine à dire qu'il ne désire qu'une simple terre pour vivre en paix avec une famille, et son peuple. Ce sont des balivernes d'enfant. Le sang Chrétien doit couler, et je m'en chargerai si il refuse de le faire."
Daegan fronça les sourcils quant à la détermination sanglante d'Ivar à vouloir anéantir les Chrétiens. La guerre n'était définitivement pas derrière elle.
Les amants poursuivirent leur route, et s'enfoncèrent dans un bois verdâtre. Le soleil laissait ses rayons filtrer à travers les feuilles et cela rappela à la jeune fille la mort d'Aethelwold, lorsque Ragnar avait enfin été libéré du Niflheim pour rejoindre le Valhalla. Elle jugea que cela était un signe du Destin, un signe des Dieux. Ils lui montraient la voie. La jeune femme ne laissa donc nuls regrets la peindre quant à son départ des Saxons. Elle était Danoise, elle en avait le sang et le tempérament.
"Ivar, cela fait bien longtemps que nous ne t'avons pas vu, interpella une voix."
Le jeune homme fit cesser les pas d'Iseult, tandis que le sang de Daegan se glaça. Cette voix, plus que toute lui était vivement familière. Elle la connaissait depuis l'enfance, et combien de fois Uhtred l'avait t-il comparé à cette personne. Oh, elle aurait pu parier sa fortune si elle en avait une, ou sa propre vie, car elle était bien certaine que c'était là Brida qui leur barrait le chemin. La jeune femme n'avait pas entendu parlé d'elle depuis quelques temps. Aux dernières nouvelles, Brida avait été faite prisonnière chez les Gallois. Nul doute que Sigtryggr et Ivar l'avaient libéré. Et cela aurait put être un soulagement, mais Daegan connaissait la Danoise, elle savait qu'elle hargne l'habitait et qu'elle rancœur elle avait à l'encontre d'Uhtred de choisir les Saxons plutôt que les Danois.
"Brida, salua Ivar. Tu as bien raison, je m'en retourne auprès de mon frère, nous rejoignons les Danois.
- Nous ? T'es-tu trouvé une putain Chrétienne ?"
Tôt ou tard, Daegan allait devoir défendre sa place auprès des Danois et en particulier auprès de Brida. Si cette dernière ne portait pas Uhtred dans son cœur, il en était de même pour elle. Et il était hors de question pour la jeune femme de supplier pour qu'on la laisse être parmi les Païens. S'en était une, elle était dans son droit. Aussi se laissa t-elle glisser en bas d'Iseult, dévoilant sa présence. Celle qui avait aimé Ragnar poussa un rire moqueur et plissa, avec défis, ses yeux. Les deux femmes s'approchèrent l'une de l'autre. Daegan put constater qu'une dizaine d'hommes accompagnaient Brida, ainsi que la frère d'Eadith. Il était bien le dernier homme qu'elle aurait songé voir dans les rangs Danois.
"Tu viens de la part d'Uhtred, c'est à lui que je dois couper la tête pas à toi. Mais je ne serais pas surprise qu'un lâche tel que lui envoi sa fille d'adoption se sacrifier à sa place.
- Je ne suis pas la fille d'Uhtred. Je l'ai renié, lui et nos liens.
- C'est une Danoise, dit Ivar avec malice en posant un pied sur la selle d'Iseult.
- Toi? Une Danoise? interrogea Brida en arquant un sourcil. Tu as toujours été du peuple Saxon, tu as toujours léchée les bottes d'Alfred, tout comme Uhtred. Depuis que tu es petite, tu portes la croix Chrétienne. Tu n'es pas une Danoise, et ce n'est pas en couchant avec Ivar que tu le deviendras, même si il t'a engrossé. Vermine, siffla t-elle en crachant au visage de Daegan."
Cette dernière ne recula ou ne sursauta même pas sous la surprise de l'offense. Elle se contenta de chasser la bave d'un mouvement de main, tandis que derrière elle Ragnar grognait et montrait les dents avec férocité. Le loup était prêt à attaquer si sa maitresse le demandait, et ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Cependant, elle n'en fit rien et baissa le regard sur le ventre rond de Brida. Elle attendait un enfant, et le seul qui aurait pu la mettre enceinte en ces termes de temps, n'était autre que Cnut.
"Venant de celle qui porte l'enfant du meurtrier de celui qu'elle disait aimer, je trouve cela insultant."
La Danoise dans un grognement attrapa la hachette qui se tenait à sa ceinture et l'abattu sur Daegan. Cette dernière, de son unique bras valide l'arrêta dans son élan, sans grand effort. La grossesse de Brida la rendait plus faible, et moins vive. Il ne lui fut pas difficile de la désarmer. D'un simple mouvement de main, la bâtarde fit voler la petite hache qui partit se planter dans le sol.
"Je ne suis pas l'enfant d'Uhtred, je ne suis pas une putain, je suis la bâtarde d'un homme que tu hais et que je hais tout autant, mais qui me donne du sang Danois.
- Qui est ton père? demanda t-elle d'un ton dédaigneux.
- Kjartan.
- Tu es la fille de ce chien?
- J'ai son sang dans mes veines, ce qui fait de moi une Danoise, mais je ne le considérerais jamais comme un père, je ne suis que sa bâtarde, et me réjouis de sa mort.
- Et Uhtred?
- Je n'ai plus de liens avec lui, ou avec n'importe quel autre Saxon, je suis libre.
- Dis le, dis que tu es une Danoise.
- Je suis une Danoise.
- Affirme le, je n'entends que des gémissements de petites filles Saxonnes.
- Je suis une Danoise, clama Daegan avec fermeté et assurance.
- Uhtred a déjà prononcé ces mots devant Ragnar, mais il ne les a pas honoré, j'espère pour toi que tu ne feras pas comme lui, ou je serai la première à te trancher la tête pour l'offrir au Tueur de Danois.
- Ce Tueur de Danois est désormais autant mon ennemi que le tiens, tu n'as rien à craindre de ma parole."
Brida plissa les yeux et observa la jeune femme. Elle n'avait pas confiance en elle, mais ne s'opposait pas à faire une trêve. Du moins pour le moment. Daegan se détourna de la Danoise, et se baissa pour ramasser la hachette qu'elle tendit à sa propriétaire. Les deux anciennes ennemis se toisèrent du regard et chacune repartit de son coté.
"Nous allons voir Sigtryggr, dit la femme qui portait l'enfant de Cnut.
- Nous y allons aussi, affirma Ivar en tendant sa main pour aider Daegan à se remettre sur le dos d'Iseult."
Il en fut convenu qu'ils feraient le reste du trajet ensemble. Il ne restait que quelques heures et cela aurait été grandement idiot que chacun le fasse de son coté. La bâtarde de Kjartan n'avait jamais vu le Pays de Galles, elle s'en était approchée mais jamais elle n'y avait les pieds. Or, elle n'en regrettait rien car il n'y avait guère de charme dans ces terres. Ils pénétrèrent dans l'enceinte de l'ancienne demeure de Hywell avec silence, tout comme c'était déroulé le reste de leur route. Aucun n'avait dit mot. Seul le bruit des sabots d'Iseult avait résonné. Un bras autour de la taille d'Ivar, Daegan observait les rues de la cité Galloise. Une odeur de mort régnait. De nombreux cadavres étaient au sol et faisaient le festin des rats. Une porte grinça. La jeune femme leva le regard et croisa les yeux apeurés d'une enfant. La porte se referma. Les survivants craignaient les Danois, et ne désiraient guère être l'objet d'un autre massacre. Sans doute était-ce pour cela qu'aucun corps inerte n'avait été reprit par la famille du défunt. Ils avaient trop peur pour se montrer au grand jour. La bâtarde de Kjartan baissa la tête, et prit une inspiration. Elle savait dans quoi elle s'était aventurée. Elle avait choisi ce chemin, il n'y avait plus de marche arrière possible désormais. Daegan était Danoise, et elle devrait accepter d'être craint par son ancien peuple.
Iseult cessa ses pas sous les ordres d'Ivar. Celui-ci se laissa glisser en bas de la monture et aida la jeune femme à faire de même. Ils se trouvaient devant les grandes portes du château d'Hywell. Sigtryggr se trouvait juste derrière, et la bâtarde devait s'avouer curieuse de cette rencontre, car la description que son amant avait dépeint de son frère était plus que flatteuse. Nul doute qu'il ressemblait à Uhtred. Prise dans ses songes, Daegan croisa le regard du frère d'Eadith, Eardwulf, elle se questionnait toujours autant de sa présence et, au vu de son expression, il ne faisait aucun doute qu'il ne désirait guère être là. Ou du moins, qu'il n'était pas à l'aise dans la situation.
De l'extérieur l'on pouvait entendre des rires gras et fort avec grande aisance. Les Danois se réjouissaient d'avoir prit les terres Galloise. Lorsque les nouveaux venus entrèrent dans la grande salle où siégeait auparavant le Roi Hywell, de longues tables étaient dressées avec quantité de nourriture et d'ale. Il n'y avait aucune querelle, seulement de l'amusement, de la débauche et l'envie de festoyer comme de riches gens. C'était la première fois pour Daegan qu'elle se retrouvait entourée de Danois sans la présence d'Uhtred. Elle ressentait une certaine excitation et une angoisse. Elle craignait que Sigtryggr ne l'accepte pas dans ses rangs, et elle ne désirait guère compter sur l'appuie d'Ivar. La jeune femme voulait gagner sa place d'elle-même.
" Ivar, mon frère ! acclama un homme."
Daegan haussa les sourcils de surprise. Elle ne s'attendait aucunement à ce que Sigtryggr soit un homme aussi jeune, il devait avoir un âge égal à Uhtred le Jeune. Elle aurait aisément put le connaître enfant si leur rencontre s'était faite plus tôt. La bâtarde ne se cacha pas à le détailler lorsqu'il s'approcha. Il avait une grande stature, les vêtements de son peuple, et de longs cheveux brun qui entouraient son visage de garçon.
"Je pensais que les Saxons t'avaient tranchés la tête.
- Je leur aurais tranché les bourses bien avant, ricana Ivar avant de désigner Daegan qui se trouvait en retrait. Il m'a fallu du temps pour la convaincre de me suivre.
- Qui est-ce? interrogea Sigtryggr en croisant ses mains dans le dos avant de s'approcher de la jeune femme."
Daegan dut lever le regard pour observer son interlocuteur. Car même si celui-ci était jeune, il n'en restait pas moins grand. Malgré qu'il ne la dépassait physiquement, elle ne se laissa guère intimidé, tout au contraire. D'autant plus qu'il ne lui faisait pas peur.
"Elle s'appelle Daegan, c'est une farouche guerrière crois moi, les Valkyries l'ont dotées de leur force. J'ai peiné à la battre, et je l'ai vu à l'œuvre. Elle n'a pas hésité à lever la lame à l'encontre de sa famille Saxonne pour venir me rejoindre et donc te rejoindre mon frère. Elle est plus qu'un atout, et je ferai d'elle ma femme lorsque nous aurons anéantit ces Chrétiens, dit Ivar.
- Ta famille Saxonne ? Qui es-tu Daegan ? parles! invita Sigtryggr en prenant appuie contre une table tandis que la salle s'était muée dans le silence."
La jeune femme pouvait sentir les regards sur elle. Ils étaient aussi pesant que le poids d'un cheval.
"J'ai été élevée parmi le peuple Saxon, d'abord par un homme du Roi Alfred, puis par l'homme que vous appelé le Tueur de Danois, Uhtred. Il a fait de moi sa fille. Je n'ai jamais douté de ma loyauté envers les Saxons au cours de ma vie, mais ces derniers mois m'ont prouvés que je n'avais pas ma place parmi eux. Je suis une femme et je porte les armes plutôt que leurs enfants. Je ne prétends pas être Danoise, pourtant j'en ai le sang. Je suis la bâtarde du Danois Kjartan. Mon père était un chien et je me réjouis de sa mort. Mais il m'a permis de comprendre que je n'avais pas ma place chez les Saxons. J'ai compris, tardivement, que ce sont les portes du Valhalla qui doivent m'être ouverte et non celles du paradis Chrétien. Voila, qui je suis. Je me battrai pour toi, Sigtryggr, mais ne t'avises pas de me traiter comme le faisait les Saxons, ou tu ouvriras les yeux dans le Niflheim."
Un grognement animal résonna derrière Daegan. Haussant un sourcil, Sigtryggr se penchant pour découvrir ce qu'il en était. Ragnar était là, les gencives et les crocs apparents. Il n'hésiterait aucunement à enfermer sa mâchoire sur une tête un peu trop hautaine envers sa maitresse.
"Fenrir, laissa échapper le frère d'Ivar. Tu es la marcheuse aux loups, on m'a parlé de toi. Le Loup Blanc qui a eu en cadeau des Dieux, le loup Fenrir fils du Dieu Loki. Tu m'assures être de notre coté ?
- Tu as ma loyauté, Sigtryggr. Et je te prouverai que tu n'as pas eu de tords à me garder lorsque nous rencontrerons le champ de bataille.
- Elle n'hésitera pas à massacrer des Saxons, appuya Ivar."
Un demi sourire gagna le visage du frère de ce dernier, avant de poser une main sur l'épaule de Daegan et de coller son front au sien. Ils restèrent un court instant ainsi, avant de se retirer l'un de l'autre.
"Bienvenue parmi les Danois, ma sœur prodige des Dieux ! déclara Sigtryggr."
Des acclamations s'élevèrent dans la salle, tandis que certains frappaient leur chopes d'ale sur la table, reversant sans doute la moitié, ou tapaient des pieds sur le sol dans un rythme coordonnés. Leur enthousiasme emplit le cœur de Daegan, elle sût à cet instant, que sa place était trouvée. Jamais elle ne s'en retournerait au peuple Saxon. Eux, qui la traitaient comme une possible épouse à dompter, ou une femme aux espoirs fous et vains.
"Brida, je ne m'attendais pas à te revoir si tôt, dit alors le frère d'Ivar en remarquant la présence de la Danoise. Tu as ratée une grande victoire, et tu as compris qu'il était plus sage de rester ici.
- Non, je n'ai plus aucun doute, c'est le moment d'aller attaquer les Saxons, répliqua t-elle sans laisser place à l'hésitation.
- J'ai pris ma décision Brida, soupira le cousin de Cnut en balayant l'air de sa main.
- Ecoutes ce qu'elle a à te dire, je meurs d'envie d'enfin attaquer du sang Saxon, ricana Ivar."
Sigtryggr haussa les sourcils et incita la femme à poursuivre, bien qu'il semblait sur le réserve. Daegan trouva cela étrange. Jamais un Danois n'avait reculé devant une attaque éventuelle contre le peuple Saxon. Il y avait une chose dans l'aspect du frère d'Ivar qui lui échappait, mais elle pouvait déjà le proclamer, le jeune homme n'était semblable à aucun autre Danois. Encore moins à son cousin Cnut.
"Tu te raviseras en voyant ce que je t'ai rapporté, reprit Brida.
- Uniquement si c'est une armée de milles hommes."
Sans laisser la défaillance paraître, car certaine de son plan, la Danoise lança un signe de main à ses hommes. Ceux-ci trainèrent, presque de force, Eardwulf. Son teint blafard trahissait sa crainte d'être entouré de tant d'ennemis. Mais il avait joué avec les Saxons, et avait perdu.
"Qui est cette tête de nœud ? se moqua Sigtryggr.
- Cette tête de nœud, dit Brida (elle passa ses doigts dans les cheveux du frère d'Eadith pour jouer avec et insuffler davantage de peur dans l'esprit de son prisonnier), va nous permettre de prendre Winchester, sans que nous ne version la moindre goute de notre sang."
Passant une main sur ses tresses, Ivar s'approcha d'Eardwulf et lui pinça les joues avec tant de force qu'elles en devinrent rouge. Le malheureux n'osait bouger. Persistant à l'observer, l'amant de Daegan le fixa avec insistant et lui rit au nez avant de donner une légère tape sur le front de celui-ci. La bâtarde de Kjartan ne fut pas aveugle au coup d'œil dédaigneux de Sigtryggr pour son propre frère.
"Il peut parler, ordonna Ivar."
Le frère d'Eadith déglutit avec bruit avant de s'avancer d'un pas. Le silence était retombé, et tous le regardaient.
"Après la bataille de Tettenhall, Edward s'est dit que les Danois ne représentaient plus une menace. Il a conduit son armée à Aeglesbure, laissant Winchester sans protection.
- Winchester c'est le berceau spirituel d'Alfred, continua Brida, c'est un lieu d'une grande importance aux yeux des Saxons.
- Il n'y à qu'une poignée de soldats sur place, c'est tout ce qu'il reste, conclut Eardwulf avant de faire un pas en arrière pour s'éloigner de l'attention porté à son égard.
- Une occasion pareille ne se représentera pas, enchérit celle qui aimait Ragnar, Winchester est diminué et personne ne s'en rend compte à part nous. Tu m'as dit que tu n'enverrais pas tes hommes risquer leur vie si ce n'est pour des vivres, des terres ou pour protéger leur famille...
- J'y ai habitée durant longtemps, Winchester offre tout ça, affirma Daegan, et même plus encore.
- Et on ne court aucun risque, termina Brida."
Sigtryggr, d'un pas lent s'approcha du frère d'Eadith qui semblait ne plus pouvoir tenir et menaçait de défaillir d'un instant à l'autre. Avec moquerie, il posa le crâne d'un animal devant le visage de l'homme, provoquant des rires dans l'assemblée. Non sans délicatesse, il attrapa les mains du malheureux Saxon, et lui confia, comme si cela était le plus précieux des trésors, le crâne animal. Avant de s'essuyer les paumes sur le cuir de l'habit d'Eardwulf. Ce dernier, ne dit mot, et n'osait pas même croiser le regard du Danois. D'un bond, Sigtryggr se hissa sur l'une des nombreuses tables, balayant les chopes et les plats de nourriture sur son passage. Croisant ses bras dans le dois, observant son entourage, un sourire fendit son visage.
"Nous partons pour Winchester, aujourd'hui, déclara t-il avant de pousser un grand hurlement."
Tous le suivirent dans ses cris bestiaux. Levant leurs armes, acclamant leur Chef. Daegan se prit à l'euphorie et dégaina Dent-De-Loup pour clamer comme tout autre. Ivar se joignit à son frère sur la grande table, et beugla avec férocité. La soif de la bataille, et du sang Saxon, avait changé les traits du jeune homme. Il avait le regard d'un fou que rien n'arrêterait. Et cela, la bâtarde de Kjartan le remarqua.
Saison 4-Episode 9
Un coup de vent sifflant et menaçant. Un son aigu qui chantait les louanges de la mort. Traversant le paysage, le brisant en deux. Fouettant l'air avec vitesse, la tranchant de sa vivacitée. L'élan avait été tel, que le silence était perturbé. Dans les rues de Winchester, calmes et sereines, la première flèche était lancée. Sa pointe fit son chemin pour transpercer la chair d'un jeune soldat qui se plaisait à courtiser une demoiselle. Sa gorge gicla de sang sous la force du trait. Inerte, sous les regards perdus, il tomba à terre. Bientôt, une seconde flèche prit le chemin de sa préceptrice. Un autre soldat tomba sans même avoir le loisir de se battre pour sa survie. Une pluie de traits aux pointes brillantes et tranchantes s'abattu sur la capitale du Wessex.
L'instant qui suivit, tout ne fut que chao et peur au sein de Winchester. Les soldats tombaient comme les récoltes sous un vent glaçant et violent. Aucun n'avait le loisir de riposter ou de donner l'alerte. Quand bien même si l'alerte était donnée, il y avait si peu d'hommes pour défendre la cité que cela ne servirait qu'un effort vain. Les grandes portes de la capitale qui claquaient et grinçaient, n'avaient pas été difficile à franchir. Les Saxons se croyaient mués dans une paix durable, mais qui prenait fin en ce jour. Lorsque les premiers Danois montrèrent leurs visages, les hurlements de terreur redoublèrent. Tous tentaient de fuir l'enceinte du berceau d'Alfred. Or, qu'importe l'endroit qu'ils tentaient d'atteindre, tous étaient freinés et arrêtés par des Danois. Pour le peuple Chrétien, c'était un cauchemar qui venait de débuter.
Daegan, épée à la main et Ragnar au pied, avançait dans les rues. Elle ne massacrait guère les Saxons, car beaucoup de ceux qui croisaient son chemin étaient des femmes, des enfants et des vieillards. Elle s'était déclarée Danoise, mais gardait tout de même une morale. Aussi se contentait t-elle de les effrayer d'un simple regard pour qu'ils fuient dans une autre allée. Une allée où les Danois seraient moins cléments qu'elle. Ses pas s'arrêtèrent soudainement. Son estomac se serra et son cœur se mit à battre avec grande force dans sa poitrine. Ses doigts serrèrent le pommeau de Dent-De-Loup, tandis que ses yeux étaient plongés sur une silhouette qu'elle connaissait plus que bien. A quelques pas d'elle Igor le marchand, qui l'avait tant tourmenté dans sa jeunesse, la regardait avec frayeur. Il l'avait reconnu. Elle, l'enfant qui venait lui voler ses pommes, l'enfant qu'il avait frappé parce que son seul crime était d'être affamé. Nombreuses avaient été les fois où il l'avait menacé de la livrer au Roi Alfred. Il l'avait d'ailleurs fait un jour. Mais Alfred avait été bienveillant. Elle gardait aussi en mémoire, la mâtinée où ce gueux lui avait pris le bras et s'était apprêté à lui trancher la main avant que Beocca ne vienne lui porter secours. C'était un fils de chienne, un vaurien. Daegan avait entendue bien d'autres histoires au sujet d'Igor le marchand. Il se disait qu'il aimait profiter des filles des rues, en les labourant contre leur gré, et qu'il avait déjà coupé quelques doigts à des garçons qui avaient osés toucher à ses pommes. Un monstre. Lui, ne méritait guère rédemption, mais le châtiment.
"Ragnar, interpella Daegan."
Le loup leva ses oreilles, prêt à tout entendre de sa maitresse.
"Mords lui la queue."
Igor déglutit avec difficulté, et se tenta à une fuite. Mais il peinait à trainer son corps tant il était tiraillé par la peur. L'animal se lança à sa poursuite et ne mit guère de temps à le rattraper. De ses crocs acérés, il lui mordit l'entre-jambe avec une telle force que le sang se répandit immédiatement sur le pantalon du marchand. Celui-ci tomba face contre la terre sèche et se mit à gémir comme un nourrisson. Ragnar n'en démordait pas, et continua son œuvre jusqu'à ce que le membre soit arraché, provoquant un beuglement de douleur à l'homme répugnant. Ce dernier se retourna sur le dos pour implorer le ciel alors que des larmes coulaient le long de ses yeux et que ses mains se portaient entre ses cuisses qui dégoulinaient de sang. L'ombre inquiétante de Daegan apparu au dessus de lui. Mû par une expression de colère qui tordait ses traits dans une cruauté bestiale, la jeune femme appuya son pied sur la plaie d'Igor, avant de s'abaisser à son niveau. Il hurla à s'en arracher la gorge.
"Te souviens-tu de moi? cracha t-elle."
Il ne dit mot, et continuait ses lamentations. La bâtarde appuya davantage, le forçant à lui prêter attention.
"Réponds.
- O-oui, je me souviens de toi, peina à prononcer le marchand.
- Mon visage sera la dernière chose que tu verras sur cette terre, alors regardes bien mes traits.
- Espèce chienne, tu n'es qu'une putain! cria Igor dans un dernier élan de rébellion."
Les yeux injectés de sang, Daegan trancha de la pointe de sa lame le ventre de sa proie. Cela ne suffisait pas à le tuer, mais elle savait qu'il en souffrirait. Elle le contourna, en lui écrasant les doigts sous sa semelle, avant de donner un grand coup de pied dans le visage du marchand. Celui-ci se mit à cracher rouge tandis que quelques unes de ses dents s'en étaient allées dans la terre. La jeune femme se baissa proche de la tête d'Igor, et se saisit de sa dague. Avec lenteur, elle fit glisser la lame sur la peau du visage de celui-ci. Le sang coulait et pullulait.
"J'aurais dû me douter que tu étais une fille quand tu venais me voler, je t'aurais baiser et donner à mes porcs, geignit t-il."
Daegan tilta. Ses dents se serrèrent tant, qu'elles grincèrent. Ses doigts cramponnèrent à nouveau Dent-De-Loup et avec une férocité animal, la bâtarde frappa son ennemi dans la chair. A l'image de Ragnar Le Jeune lorsqu'il avait tué Kjartan avec violence. Elle frappa, trancha, découpa, vit voler la chair et gicler le sang dans une mare qui se formait au milieu de la rue. La jeune femme sentait le liquide chaud lui peindre le visage, les cheveux, les vêtements, mais elle n'en avait cure. Elle criait vengeance pour elle et pour tous les autres enfants qui avaient subit l'horreur d'Igor. Ce dernier ne criait plus, car mort depuis longtemps. Mais aucun n'aurait sû dire si son regard se portait vers le ciel pour une dernière lamentation au Christ, car ses traits n'existaient plus. Son corps n'était plus que des lambeaux de chairs dans une flaque de sang. Daegan poussa un dernier cri bestiale emplit de souffrance et de soulagement, à l'encontre du marchand. Avant de se redresser sur ses deux jambes. L'adrénaline et la colère courraient encore dans ses veines. Elle pouvait entendre son cœur battre à tout rompre dans ses oreilles, alors que sa main tenait fermement son épée, à s'en faire mal. Le souffre court. La bâtarde tentait de respirer à grande bouffée pour calmer sa colère qui n'avait plus lieu d'être.
"Daegan, appela t-on dans son dos."
Un frisson parcouru la jeune femme. Cette voix lui était familière, et elle n'était pas désagréable comme celle d'Igor le marchand. C'était un timbre qui, un jour, l'avait réconforter lorsqu'elle en avait grand besoin. Faisant volte-face avec lenteur, elle rencontra la silhouette qu'elle s'attendait à voir.
"Harald, souffla t-elle."
Le forgeron qui avait mit tant de cœur dans la forge de son épée Dent-De-Loup. Un homme respectable qui avait la parole sage. Il était là, un marteau à la main. Daegan ne doutait pas qu'il était encore en plein travail lorsque l'attaque fut lancée. Or, son expression interpellé et son regard qui passait du cadavre décomposé d'Igor au visage ensanglanté de la jeune femme, ne laissait nul place au doute. Elle l'avait déçu. Lui, qui avait mit tant d'espoir en elle, qui lui avait prédit un avenir de guerrière respectable. C'était une véritable déchéance. La bâtarde voulu faire un pas en avant pour aller s'expliquer, pour qu'il comprenne le chemin qu'elle avait décidé d'emprunter, pour qu'il sache qu'elle restait toujours la jeune fille à qui il avait forgé l'épée. Or, elle n'eut pas même le temps de poser sa semelle, qu'une lame tranchante traversa la gorge d'Harald. Son cou dégoulina de rouge avant qu'il ne tombe au sol dans des gargouillis immonde. Les yeux écarquillés par l'horreur, Daegan resta interdite en constatant que la lame qui avait tranchée la gorge de l'homme appartenait à Ivar. Ce dernier était taché de sang, au moins autant qu'elle, il avait le regard d'un fou et l'expression d'une bête. Il riait de la mort des Saxons et ne faisait que s'en amuser. L'enthousiasme ne quittant son corps, il déguerpit dans une autre rue prêt à faire subir la mort à d'autres Chrétiens.
Sous le choc, Daegan laissa tomber Dent-De-Loup à terre, et se précipita auprès d'Harald. Le malheureux tenait sa gorge en coupe et tentait d'arrêter le sang de couler, en vain. La jeune femme se jeta à genoux à ses cotés et posa ses mains sales autour du visage de l'homme.
"Je suis désolé, pardonnez-moi, je suis désolé, haleta t-elle alors que la panique l'habitait. Je vous en supplie, pardonnez-moi Harald."
Le forgeron lui lança un regard emplit de frayeur. Et les gargouillis se transformèrent en un dernier souffle. Le corps de l'homme cessa de s'agiter et ses yeux se tournèrent vers le ciel. Daegan porta une main à sa bouche pour retenir un hurlement. Cependant, elle ne put empêcher ses larmes de rouler le long de ses joues.
"Un Saxon que tu connaissais? interrogea t-on derrière elle."
La jeune femme ferma les yeux d'Harald, déposa un baiser sur le front de celui-ci, renifla une dernière fois en chassant ses larmes et se remit sur ses deux jambes. Elle prit une inspiration avant de se retourner vers son interlocuteur. Sigtryggr, il se tenait là, l'air nonchalant et les mains croisés dans le dos.
"Ca n'a pas d'importance, dit-elle en essuyant son nez d'un revers de la main."
Le jeune homme s'approcha d'elle et posa ses deux mains sur ses épaules avant de plonger son regard dans le sien.
"Ce n'est pas toujours facile de trahir son peuple, dit t-il d'un ton calme.
- Je suis Danoise de naissance, je n'ai pas trahit mon peuple, et ne prétends pas lire en moi, tu n'étais même pas né que je tuais déjà, répliqua t-elle en chassant les mains de Sigtryggr.
- Des Danois j'imagine.
- Je tuais pour vivre.
- A l'allure que tu as, couverte ainsi de sang, et à cet homme qui n'est plus qu'un lambeau de chair, je pense comprendre pourquoi mon frère tiens à faire de toi sa femme.
- Ton frère est un bon guerrier.
- Mon frère est une bête, assoiffé de sang et de conquête.
- Alors pourquoi l'avoir emmené avec toi, si tu semble si peu le porter dans ton cœur?
- Parce que nous sommes frères, et qu'il est toujours utile d'avoir une personne comme lui. Maintenant, as-tu cessé de pleurer ton mort? On m'a dit que tu étais une bonne archère, j'aimerais que tu viennes avec moi.
- Pour quelles raisons?
- Rencontrer l'homme qui veille sur Winchester en l'absence du Roi, tu sais qui c'est n'est-ce pas?
- C'est un chien, donnes moi un arc, des flèches et si tu me dis de le tuer alors que je m'en accommoderai avec joie."
Le visage de Sigtryggr se fendit d'un sourire de satisfaction. Il commençait à comprendre qui était Daegan bâtarde de Kjartan, mais il n'était pas encore tout à faire certain de sa loyauté. Or, nul doute que d'avoir la jeune femme dans ses rangs le rendait chanceux.
Aethelhelm, qui avait été renvoyé à Winchester par Edward lorsque ce dernier avait apprit qu'il avait prit plusieurs liberté au nom du Roi, avait été réveillé par un grand raffut venant des rues à l'extérieur du château. Ne comprenant l'agitation si soudaine des habitants de la capitale, il soupçonna une éventuelle rébellion, ou un trouble paix à la taverne. Cependant, méfiant, il fit quérir quatre gardes (probablement les derniers soldats de Winchester) et s'aventura à l'extérieur pour comprendre ce qu'il en était. Les rues étaient désertes, à l'exception de quelques cadavres qui gisaient. Tous Saxons. La frayeur au corps, le conseillé du Roi s'approcha d'un soldat planté d'une flèche dans la gorge, qui semblait encore en vie. Désireux de comprendre ce qu'il se passait, il entreprit de faire parler le malheureux jusqu'à ce que son dernier souffle ne soit rendu. Mais il n'en eut guère le temps. A peine s'était t-il agenouillé qu'un trait vint se planter à quelques centimètres de sa main. Prit de stupeur, il leva un regard mauvais dans la direction d'où venait l'affront. Redressant son corps, il s'avança, talonné par ses quatre gardes jusqu'à une rue assombrit par l'ombre des murs. Deux silhouettes s'en dégagèrent. L'une était un jeune homme qui semblait sortir de l'enfance, il avait les mains croisées dans le dos et ne paraissait guère inquiet. L'autre, était un visage familier. Aethelhelm reconnu là, la fille d'Uhtred, celle à qui il avait interdit de fréquenter le Roi Edward en menaçant sa famille. Cette dernière, auteure du lancé de la flèche, jeta son arc et s'avança dans la lumière en levant les bras en signe de paix. Les quatre gardes virent cela comme une aubaine, car si il n'y avait que ces deux avortons à tuer, la chose serait vite réglé. Or, ils déchantèrent lorsqu'une nuée de Danois sortit de toutes rues pour les encercler. Le conseillé du Roi l'avait comprit, la capitale du Wessex ne leur appartenait plus, Winchester était à eux.
Le regard de Aethelhelm ne s'était pas défroissé lorsqu'il fut conduit dans la cour interne du château du Roi. Où il constata davantage son échec en tant qu'intendant. Huit soldats étaient répartit par quatre de chaque cotés de l'allée. Et deux Danois forçait la fille d'Aethelhelm et épouse du Roi, Aelflaed, à s'avancer dans l'endroit, avec entre ses bras son fils qu'elle tentait de protéger plus que tout.
"Ne les laissez pas nous tuer, geignit t-elle avec frayeur."
Daegan devait se l'avouer, elle n'était pas mécontente du spectacle. Elle haïssait le conseillé, et par ce fait, sa haine se portait aussi sur Aelflaed. Par leur faute à tous les deux, elle n'avait pu vivre l'amour qu'elle désirait tant avec Edward. Mais désormais, c'était avec Ivar qu'elle était. Ivar qui caressait sa hache, avec un air trop hâtif à s'en servir.
Brida et Sigtryggr ne se firent pas tarder. Ils avaient prit soin à ce que Winchester soit bien garder par leurs hommes, et a ce qu'aucun Saxon ne puisse avoir un élan de courage en se rebellant contre eux au dernier instant. L'ancienne femme de Ragnar s'approcha de Aethelhelm et le regarda avec un sourire satisfait et hautain. Elle savait qu'elle avait gagné.
"C'est toi, le chef? interrogea le frère d'Ivar.
- Je ne suis pas le Roi, rétorqua le conseillé.
- Je sais que tu n'es pas le Roi. Que choisis-tu ? La bataille ou la rémission?"
Le vieillard jeta des regards autour de lui et constata avec horreur qu'ils étaient tous fait comme le seraient des rats. Bien que les rats aient plus de liberté qu'eux en cet instant. Il croisa le regard fermé de Daegan, il en ressentait sa haine prononcée. Bien qu'il se demandait comment elle avait put ainsi se retrouver avec les Danois. Il remit en cause la bonne volonté de son père, Uhtred. Puis, brièvement, il observa Ivar. Un mauvais frisson lui parcouru l'échine à la vue de celui-ci. Le diable habitait le jeune homme, c'était une certitude.
"La rémission, déclara t-il enfin."
Brida sourit et leva le bras. Le frère ainé de Sigtryggr poussa un rire mauvais avant de s'empresser d'abattre sa hache sur le soldat Saxon qui était à genoux devant lui. Tous les gardes furent ainsi tué, ne laissant à Winchester plus la moindre protection.
"Enfermez-les, ordonna t-on."
Sur ces derniers mots, Daegan observa l'enfant que Aelflaed protégeait dans ses bras. Elle vit en lui, le jeune Aethelstan. Elle l'avait apprécié, ils avaient passés du temps ensemble à lire les Chroniques d'Alfred, et tout cela pour qu'elle le menace afin de prendre la fuite comme une lâche. Qu'avait t-elle gagnée? Un peuple qui l'acceptait, une vengeance sur Igor le marchand, mais à quel prix? Harald était mort, tué par l'homme qu'elle aimait. Du moins qu'elle pensait aimer, car depuis qu'ils avaient rejoint les Danois, Ivar semblait habité par un démon. Elle ne reconnaissait plus en lui le jeune homme attentif, pleins de bons conseils et d'amour à son égard. Elle craignait qu'il ne se soit révélé au grand jour, et qu'elle ne l'ait découvert que trop tard. La jeune femme songea que cela était peut-être dû à l'euphorie de la bataille. Après tout, elle aussi y avait succombée en tuant Igor avec sauvagerie. C'était un état de colère et d'adrénaline qui ne se contrôlait que peu. Elle ne pouvait remettre en question tout son amour pour Ivar sur l'aspect d'une seule bataille. Or, le besoin soudain de solitude la pesa amèrement. Se détournant de ses nouveaux alliés, elle quitta le Château du Roi pour aller s'enfoncer dans les allées de Winchester.
Daegan avait la sensation qu'elle n'avait pas foulée les rues de la capitale depuis une décennie, bien que ce n'était guère le cas. Si ses souvenirs étaient exact, la dernière fois qu'elle avait vu cette enceinte elle marchait au coté d'Edward. Ils s'étaient battu de manière tout à fait amicale. Elle avait gagné, et un messager était venu lui annoncer que Uhtred avait besoin d'elle à des lieues de là. C'était ses derniers instants avec Edward. Elle se souviendrait toujours de l'agréable sensation lorsqu'elle foulait le sol à ses cotés, du cœur palpitant par l'interdit lorsqu'ils se retrouvaient dans l'ancienne bibliothèque. Ils avaient été deux enfants, deux fous et deux amants. Mais ce temps était révolu. En tournant dans le coin d'une rue, la jeune femme passa une main dans ses boucles ébènes encore tachés du sang d'Igor. Elle sentait d'ailleurs le liquide rouge séché sur la peau de son visage et l'odeur semblait s'être incrustée dans ses vêtements. Elle n'avait pas eu le temps de se nettoyer et devait sentir aussi mauvais que les cadavres qui arpentaient les rues, au grand bonheur des rats. En levant la tête pour profiter d'un rayon de soleil, la bâtarde réalisa qu'elle s'était arrêtée devant la taverne. Ce lieu autrefois plein de guerriers et de soldats qui riaient aux éclats, tandis que les putains les divertissaient. Cependant, ce n'était pas le souvenir le plus important qu'eu Daegan à cet instant. Elle se souvint des longues heures assises à l'une de ses tables à écouter Leofric raconter ses aventures. Elle n'était qu'une enfant durant ces instants là. Une enfant qui n'avait pas la moindre idée de la cruauté de son avenir et des chemins emplit de roches coupantes qu'elle emprunterait. La jeune femme pensa à son cagibi juste au dessus de la taverne et se demanda si quelqu'un l'avait découvert et vidé de ses maigres biens qu'elle avait délaissée là.
Ses deux mains agrippèrent la poutre sur laquelle elle se hissa. D'un habile et dangereux jeu de jambes, Daegan s'avança prudemment sur ce chemin qu'elle empruntait si souvent lorsqu'elle était enfant. Il lui sembla qu'auparavant, la tâche était moins risquée et que son équilibre était plus adroit. Mais les années étaient passées, emportant avec elle une jeunesse à jamais disparue. Elle écarta la planche de bois et se faufila dans le grenier caché de la taverne. Il ne lui avait pas été aussi aisé à entrer que lorsqu'elle était petite et elle se devait de rester abaissée, mais la réconfortante vision de ce lieu familier lui fit grand bien. Certes, il était pleins de toiles d'araignées, de rats, de crottes de souris et de d'excréments d'oiseaux, puis l'odeur se rapprochait plus de celle d'un mort ayant baigné dans son vomis qu'un champ de fleurs, mais tout ce qu'elle avait laissée était encore à sa place. Sa couche où elle avait passé maints hivers, le petit trou de souris qu'elle avait creusé pour observer la ville, ses dessins d'enfant gravés au couteau dans le bois. Lentement, le cœur lourd, Daegan s'allongea dans la poussière, les toiles d'araignées et les crottes de souris. Elle se recroquevilla sur elle-même comme les nouveaux nés goutant l'air du monde. Son aspect déplorable, sale et sanglant, ne tranchait pas le décors. La jeune femme resta ainsi durant de longue minutes. Des minutes où elle ne songea à rien de particulier. Pas à la guerre, pas à Uhtred, pas à sa trahison, pas à son nouveau peuple, pas à la violence d'Ivar, pas à l'acceptation de Brida, pas aux morts. Rien. La bâtarde savourait le silence de son esprit, tandis que ses yeux contemplaient un point imprécis.
Daegan se releva soudainement. Le remord. Après des minutes ou des heures, elle ne savait guère, elle avait prit une décision. Ses mains vinrent casser les toiles d'araignées, chasser les excréments, et soulever la poussière. Elle toussa par deux fois, mais poursuivit ses recherches. Car, elle s'était rappelée qu'elle était parvenu à voler un pauvre morceau de papier à l'église une fois. C'était péché, mais elle avait prié fort pour que cette faute ne lui porte guère préjudice. Et aujourd'hui ce vol allait lui être bénéfique. Ce fut sous sa couche qu'elle retrouva son but. Il était sale et avait prit l'eau plusieurs fois avant de sécher mais cela ferait l'affaire. La jeune femme attrapa la dague qui trônait à son ceinturon et entailla le bout de l'une de ses tresses. Ainsi, cela ressemblait au pinceau des peintres. Puis la bâtarde passa sa lame dans le creux de sa paume. Le sang naquit comme un fleuve dans une pleine tempête qui aurait fait chavirer plus d'un Drakkar. Plusieurs gouttes rouge glissèrent pour aller se fondre dans le plancher du sol, offrant un nouveau souvenir à chérir. Ne s'occupant pas de la douleur, mais davantage de sa hâte, Daegan plongea la pointe de sa tresse coupée dans le sang de sa paume et se mit à écrire sur le papier volé. Un message court, mais alarmant. C'était tout ce qu'elle pouvait offrir. Lorsque son œuvre fut achevée, la jeune femme déchira le bas de sa chemise et se banda la main avant de quitter son cagibi qui lui avait fait grand bien de retrouver.
Ragnar s'était couché devant la taverne et attendait sa maitresse. Il avait regardé les Danois trainer des corps Saxons pour les empiler dans un lieu où l'odeur ne viendrait guère les accommoder. Le loup n'avait bougé, ni émit une infime pointe d'intérêt. Le seul instant où il fut perturbé fut lorsque Eardwulf passa proche de lui. L'animal lui montra des crocs menaçants pour le dissuader de l'approcher. Ce que l'homme avait respecté. Puis Ragnar s'en était retourné à sa sieste, attendant la jeune femme. Celle-ci arriva après un temps qui lui avait semblé interminable. Mais il fut bien heureux de retrouver celle qu'il aimait plus que les louves. Daegan s'agenouilla devant lui, tout en jetant des regards observateurs autour d'elle. Quand elle fut tout à fait certaine que personne ne pouvait l'entendre ou la voir, la bâtarde accrocha une ficelle autour du cou de Ragnar. Celle-ci portait un petit rouleau de papier qui était presque invisible dans les poils de l'animal.
"Tu vas sortir d'ici, quitter Winchester, murmura t-elle, et tu vas aller trouver mon p...Uhtred. Trouves Uhtred, et lui seul. Ce message doit lui parvenir. Cherche sa piste et cours aussi vite que le vent. Va !"
Daegan donna une dernière caresse au loup avant que celui-ci ne se mette à fuir à tout allure. Il traversa Winchester à grande vitesse, faisant voler la poussière sur son passage. Devant un tel aplomb, les Danois qui gardaient la grande porte ouverte (qui restait ouverte en l'absence de Saxons à l'horizon) ne se risquèrent guère à s'opposer à l'animal. Ce fut ainsi que Ragnar quitta Winchester en quête d'Uhtred de Bebbanburg. Sa maitresse ne l'avait pas quitté des yeux jusqu'à ce qu'elle soit incapable de l'apercevoir. Elle savait d'ores et déjà que si on la questionnait quant à son loup disparu, elle prétexterait qu'il valait mieux pour la chair humaine qu'il soit en liberté dans les forêts environnantes qu'enfermé dans Winchester.
* * *
Dans la forêt de Thatcham dans le royaume du Wessex, Uhtred frappait, d'une hache, le bois capricieux d'une branche qui ne voulait céder. N'ayant plus d'attache, ou d'intérêt en Mercie, car Aethelflaed occupait désormais le trône et avait trouvé paix et accord avec son frère Edward, le frère de Ragnar ainsi que ses hommes avaient alors été chargés de conduire le veuve du Roi Alfred, Dame Aelswith jusqu'à Bedwyn où elle songeait faire l'éducation du jeune Aethelstan. C'était un simple détour avant de s'en retourner à leur foyer pour un repos mérité après tant de conflit politique.
"Je suis le seul à travailler? Je m'occupe du feu mais je ne ferai pas à manger, grognait le père Pyrlig qui était également du voyage tout comme Stiorra et Eadith s'étaient jointes.
- C'est un rare privilège que d'établir un campement pour Dame Aelswith, se moqua Finan qui ramassait le bois coupé par Uhtred et Sihtric.
- Ah oui, Edward nous a fait un grand honneur, en nous confiant sa mère, maugréa le guerrier en abandonnant sa hache pour poser ses branches sur les bras fort de l'irlandais."
Le père de Stiorra et Uhtred le jeune était quelque peu irrité depuis la trahison de celle qu'il considérait comme sa fille ainée, ainsi que par sa rupture forcée avec Aethelflaed. Les jours lui semblaient bien sombre, mais il espérait grandement se réconforter dans sa demeure de Coccham.
Aelswith, qui arpentait le camp de fortune qui était en train de se dresser, savait qu'elle n'était guère apprécier parmi ses compagnons de voyage. Depuis longtemps son aversion pour Uhtred était connue et cela même alors que le frère de Ragnar avait livré maintes batailles au coté d'Alfred et avait souvent offert la victoire au Wessex. Cependant, depuis la mort de son époux, la veuve se faisait plus douce et plusieurs remords l'avaient gagnés. Cela avait été l'une des raisons pour laquelle elle avait demandé à Daegan, une presque païenne et fille d'un homme qu'elle ne portait pas dans cœur, de travailler pour elle. Et qu'elle avait ensuite décidé d'offrir une meilleure chance au premier fils d'Edward, Aethelstan, qui n'était destiné qu'à une vie de monastère.
"Quand je serai à Bedwyn j'adresserai des prières de remerciements au Seigneur en votre nom, dit Aelswith en s'approchant d'Uhtred."
Ce dernier se retrouvait seul à la tâche de coupure de bois pour le feu, car Sihtric s'en était vaqué à d'autres occupations après avoir été appelé par Finan. Ce n'était pas une tâche ingrate, bien qu'il s'en serait volontiers passé. Mais au moins, il bénéficiait de la solitude qu'il cherchait, du moins c'était le cas avant que Dame Aelswith ne vienne lui faire la conversation.
"Je ne suis pas certains de vouloir le remercier, répondit le frère de Ragnar sans quitter son travail de l'instant.
- Dieu a agit à travers vous Uhtred, il vous a conduit à faire ce sacrifice.
- Il n'y a pas eu de sacrifice, aucun sang n'a coulé, répliqua t-il en se levant sans prêter attention à la femme avant d'interpeller le seul religieux présent. Pyrlig, silex ! réclama t-il.
- Vous avez néanmoins offert ce qui était le plus précieux pour vous au peuple de Mercie, et je vous en serais reconnaissante jusqu'à mon dernier souffle, continua la veuve.
- On fraternise avec Dame Aelswith, murmura Pyrlig au guerrier en prenant le silex que lui tendait Uhtred.
- Si vous vous tourniez vers le Christ, peut-être serais-je en mesure de vous récompenser comme il se doit.
- Alors tant pis pour ma récompense, je ne compte pas faire semblant d'avoir trouvé la foi, répliqua le guerrier l'air fermé avant de se retourner auprès d'autres branches à briser.
- Bien que je sache qu'il est très peu probable que vous et moi devenions amis..."
Interloqué par de tels mots, le guerrier daigna jeter un regard à la veuve qui se tenait là, droite et les mains jointes devant elle.
"..Je vois désormais que vous pouvez m'être d'un grand secours.
- Voila qui est très touchant.
- Je voulais dire, dans le but d'achever l'œuvre que mon époux a commencé. Je sais aujourd'hui que c'est quelque chose qui vous tiens à cœur. Alors je me disais que si nous allions nos efforts...Nous pourrions peut-être...
- Je ne peux pas m'associer à vos projets, je dois m'occuper de mes propres enfants, j'ai déjà perdu l'un d'eux, je ne laisserai guère cela se reproduire, rétorqua Uhtred alors que Pyrlig s'en revenait vers lui."
Le frère de Ragnar laissa le religieux prendre les quelques bois qu'il avait haché, et tourna son regard sur le jeune Aethelstan. Un enfant qui était déjà tiraillé par des royaumes et des guerres. Il lui rappelait Daegan lorsqu'elle était enfant et qu'elle était encore vêtu de ses guenilles de garçon.
"Qu'ambitionnez-vous pour lui? demanda t-il à Aelswith.
- Rien, je désires simplement élever la descendance d'Alfred comme il sied à son rang. N'est-ce pas souhaitable père Pyrlig?
- Hmm..Si, si, j'en suis pleinement convaincu moi aussi, bafouilla t-il surpris qu'on lui pose une telle question auquel il n'avait guère de réelles réponses, se remettant accroupit il se rapprocha du guerrier pour lui murmuré. Je croyais que ses projets ne vous intéressaient pas?
- Pas le moins du monde, j'en ai déjà bien assez fait.
- Le Tueur de Danois s'est mué en homme de paix? Quel dommage qu'Alfred ne soit pas là pour voir ça, dit la veuve avant de se tourner auprès du religieux qui tentait de s'eclipser. Mon cher époux avait pressentit chez Uhtred des qualités que lui seul pouvait déceler.
- Ma Dame, nous les avions tous décelé, je crois qu'il n'y a guère que vous qui ne l'ayez pas fait, répliqua Pyrlig avant de s'éloigner."
Se sentant insulté par les paroles, mais reconnaissant sa maladresse et son erreur, Dame Aelswith quitta la compagnie du guerrier. Il était à l'évidence vain pour construire un semblant d'amitié entre eux deux. Savourant à nouveau sa solitude, Uhtred reprit sa hache entre ses doigts et frappa son bois. Or, à nouveau, le calme ne fut que courte durée car quelqu'un revint l'importuné. Bien que cette personne était de meilleure compagnie que la veuve d'Alfred puisqu'il s'agissait là de Stiorra.
"C'est encore loin jusqu'à Bedwyn ? interrogea t-elle.
- Avec un peu de chance on devrait y être demain, si on ne s'arrête plus sans cesse pour prier. Ensuite direction Coccham.
- Hmm..
- Ce n'est pas une bonne nouvelle? questionna le guerrier en constatant le visage renfrogné de son enfant.
- Si bien sûr, je tiens vraiment à vivre à tes cotés simplement Coccham c'est tout petit, et sans Daegan ce ne sera plus pareil.
- Mais c'est paisible et dénué de danger, ce que Daegan représente pour nous désormais, dit Uhtred en observant deux chevaux s'approcher à pas tranquille sur le chemin se trouvant juste à coté de leur campement.
- On ne peut pas aller à Winchester? On était heureux là-bas."
Le guerrier se redressa pour observer les voyageurs, il avait au départ compter deux chevaux, mais il en arrivait finalement quatre. Cela n'alarma pas que lui. Dame Aelswith, qui tenait la fragile main d'Aethelstan, s'était approché pour savoir ce qu'il en était.
"Ces hommes nous auraient-ils suivit? questionna t-elle avec une frayeur dans la voix.
- Non, nous sommes sur une voie commerciale, rassura Uhtred en glissant sa machette à son ceinturon."
A quelques pas d'eux, assis dans leur campement de fortune, les hommes du guerrier se mirent à ressentir un étrange sentiment qui leur tordu les tripes. Des oiseaux s'envolèrent faisant claquer leur cri, les arbres frissonnèrent plus qu'ils ne le devraient, et des branches craquèrent sur le sol alors qu'elles n'étaient que silence auparavant. Quelque chose approchait, ils pouvaient tous le sentir, y compris Stiorra ou la veuve.
"Et ces deux hommes? interrogea cette dernière en observant avec inquiétude deux nouveaux voyageurs."
Dans le camp, Finan fut le premier à le voir. Dans les profondeurs de la forêt un homme solitaire commençait doucement à se montrer. L'atmosphère prenait un autre tournant. L'irlandais, imité par Sihtric, attrapa son arme et se mit d'un bond sur ses deux pieds. Les silhouettes se multiplièrent aussi bien dans les bois que sur le chemin. Cela ne faisait plus aucun doute, ils étaient cernés par un ennemi encore inconnu. Séparé en deux groupes, Uhtred, Aelswith, Stiorra et Aethelstan d'un coté, et à quelques pas d'eux, Finan, Sihtric, Osferth et Pyrlig (Eadith s'en était allé chercher des brindilles à la demande d'Aelswith et n'en était pas encore revenue). Les assaillants se firent de plus en plus nombreux, de quoi tortiller les estomacs par la peur et la panique.
"Que nous veulent-ils ? demanda la veuve d'Alfred d'une voix haletante de frayeur tout en serrant le garçon contre elle.
- Nous allons le savoir, répondit Uhtred d'un ton assuré. Restez calme."
L'allure des hommes ne laissaient pas place au doute. Ils étaient tous, sans exception, Danois. Cela se repérait par leur accoutrement, leur barbe et leur odeur nauséabonde.
"Ca sent l'embuscade, dit Osferth l'épée levée.
- C'en est une à l'évidence, confirma Pyrlig."
Des dizaines de Danois avaient envahit les lieux et les avaient cernés sans même qu'ils ne s'en aperçoivent. Trop occupé à monter ce camp de fortune idiot, ils n'avaient guère prêté attention aux alentours. D'autant plus qu'ils pensaient leur ennemi éteint avec la mort de Cnut. Un cheval se décolla des rangs, sur son dos trônait fièrement Haesten. Il était fourbe et parfois malin, ce qui expliqua cette embuscade fort bien menée.
"Uhtred, quelle surprise, j'ai ouïe dire que tu partais au sud mais je n'y ai pas cru, dit le Danois.
- Une fois de plus les Dieux sont avec toi, répondit le guerrier.
- Pour tout te dire, on guettait le passage du Roi, mais on va se contenter de vous, dit l'ennemi en descendant de sa monture.
- Que veux-tu exactement?
- Un présent, pour mes nouveaux seigneurs.
- Et qui sont donc ces pauvres infortunés?
- Sigtryggr et Ivar le jeune, des parents d'Ivar le désossé.
- Ce sont des gamins, sans aucune réputation, se moqua Uhtred.
- La réputation viendra, assura Haesten. Ils ont débarqués d'Irlande et ils veulent que tous les Danois les suivent. Ils ont arrachés Brida aux Gallois, elle les a rejoint.
- Elle avait également rejoint Cnut, et ca a mal fini pour elle.
- Ils ont aussi été rejoint par ta tendre fille, Daegan. Elle est sur le point de se lier à Ivar le Jeune, pour gouverner sur le Wessex. C'est une véritable sauvage à ce qu'on m'a dit, elle n'a laissé aucun répit aux Saxons qu'elle a attaquée."
La mâchoire d'Uhtred se crispa, et ses traits se froncèrent. Il ignorait que le Danois avec lequel fricotait Daegan lorsqu'il l'avait fait suivre, était Ivar. Il avait entendu brièvement parlé de lui. Tous disaient que c'était une bête féroce qui ne connaissait ni la pitié, ni la clémence. L'enfant des rues qu'il avait élevé était désormais allé beaucoup trop loin dans la trahison. Mais il espérait que cela ne lui porte pas préjudice comme Brida avait put y gouter.
"Tu as fais allégeance à des gamins? reprit le guerrier dont les pensées s'emplissaient de colère.
- C'est vrai, ils sont fort jeunes mais cela dit l'un en a là dedans, dit Haesten en pointant son crâne, et l'autre renverserait une armée avec le couteau d'une cuisinière."
Les rangs des Danois se resserrèrent autour d'eux. Il ne pourrait y avoir aucune bataille car les guerriers se savaient d'ores et déjà perdants.
"Pendant que tu jouais les seigneurs et que les Saxons se battaient entre eux, eux de leurs cotés ont prit Winchester.
- Non, souffla Aelswith."
Des mains agrippèrent soudain la veuve, l'enfant et Stiorra pour les écarter du reste.
"Et oui, Dame Aelswith vous rentrez à la maison et la fille avec."
L'enfant d'Uhtred tira de son ceinturon une petite dague, celle là même qui avait appartenue à Daegan lorsqu'elle était petite. Elle était prête à se trancher la gorge pour mourir comme une Danoise plutôt que d'être faite prisonnière entre les murs de Winchester. Cependant, le guerrier l'arrêta dans son geste et la veuve invita à ne point opposer de résistance. Car qu'importe la manière, ils étaient déjà prisonniers. Les guerriers furent désarmés, et les saisis furent conduit à l'arrière d'une charrette pour être conduit à Sigtryggr et Ivar. A nouveau, Uhtred voyait l'un de ses enfants partirent, emmené par des Danois.
"Ah, j'ignorais que tu tenais à ce point à la veuve d'Alfred, se moqua Haesten. Il n'y a pas de mal, comme ça nous sommes quittes. Toi, jadis, tu m'as prit les fils de Cnut. Aujourd'hui c'est moi qui fais des prisonniers."
Malgré leurs armes prisent, les hommes du frère de Ragnar tentèrent de se rebeller pour ne point être tué comme des lâches. Mais les assaillants étaient si nombreux, que l'espoir était déjà vain. Ils appelèrent le nom de leur Chef, espérant qu'il ait un plan, une solution de dernière minute. Mais c'était loin d'être le cas.
"Tiens, tu entends? Des porcs qui couinent, ricana le Danois, pendez les têtes en bas, qu'ils crèvent à petit feu. Sigtryggr et Ivar veulent ta mort.
- Mènes moi jusqu'à tes maitres, je les affronterai avec plaisir, répliqua Uhtred.
- De sorte qu'ils puissent se vanter d'avoir occis le Tueur de Danois? Non. C'est moi qui vais m'en vanter. Et lorsque tu seras mort, je ferai trancher ta tête pour l'offrir à ta fille bien aimée, Daegan. C'est elle-même qui me l'a réclamé. Je dois dire que je me suis trompée sur elle, c'est une vraie Danoise."
Non loin de là, cachée derrière un épais buisson, se tassait Eadith qui avait échappé à l'embuscade. Elle représentait le dernier espoir des guerriers.
The next is coming...
_____________________
Salutation !!
MAMAMIA quel plaisir de vous retrouver !
Et de retrouver Daegan !
Ecrire sur elle est tellement satisfaisant, poursuivre son histoire et vous la faire découvrir en vous la partageant. Bientôt trois ans que j'écris cette fanfiction (entrecoupée de beaucoup de pauses). Daegan est le OC qui me suit depuis le plus longtemps et auquel je tiens le plus. C'est comme si j'avais évoluée avec elle.
Bref, j'espère qu'elle vous plait toujours autant, tout comme l'histoire.
PS : Rip Igor, qui nous ait apparu dans le premier chapitre, sache que tu ne nous manqueras pas héhé.
PSPS : Il était prévu dés l'écriture de la première saison que Daegan tue Igor lorsqu'elle se rallierait aux Danois. Donc j'ai attendue trois ans pour pouvoir écrire cette scène huhu.
Sur ce,
Je vous salue de la main gauche, Saxons et Danois !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro