XXXI. AMOUREUX DU PASSÉ

En dehors des murs somptueux du château, la vie était morne pour les simples villageois. Ceux-ci était démunis et n'avaient pas de nombreuses ressources d'amusement autre que les rumeurs et autres histoires qui circulaient à propos des nobles qui étaient racontées par des commères sournoises qui travaillaient pour le Prince.

Une semaine, néanmoins, ce que l'on se racontait dans la rue était différent. C'était à propos des villageois, ceux qui avaient quitté leur maison accueillante pour rejoindre les champs de bataille froids et impitoyables afin de préserver le Royaume et ses alliés. Et, alors que la horde de chevaux chevauchées par les survivants pouvaient se voir à l'horizon, les rumeurs des villageois se confirmaient. 

Ce matin là fut rempli d'émotions pour le peuple d'Adwick. Les amoureux réunis sellaient leur amour d'un baiser, les mères prenaient leurs fils dans leurs bras, les veuves cherchaient désespérément leur époux dans la masse. Chaque soldat avait quelqu'un qui l'attendait en pleurant à chaudes larmes, heureux d'enfin les revoir. Ce ne fut cependant pas le cas pour l'un d'eux.

Garrick Wilkins s'était débrouillé seul depuis ses dix-sept ans. Il vivait de tout ce qu'il parvenait à vendre au marché. La seule compagnie qu'il avait était son amoureuse, mais cela ne le surprit pas qu'elle ne soit pas venue le voir. Elle avait cessé tout contact avec lui après son départ. Elle s'était sûrement déjà mariée, ou du moins promise à un autre, étant donnée que Garrick l'avait quitté pour aller se battre il y a très longtemps et qu'il l'avait ainsi laissée seule au village.

Il avait pourtant espéré voir son visage parmi la foule, puisqu'il n'avait jamais cessé de penser à elle durant toutes les nuit où il avait été assez chanceux pour pouvoir dormir. Le jeune homme aux cheveux noirs descendit de son cheval et embrassa sa tête pour le remercier du service qu'il lui avait rendu durant le combat, avant de rejoindre les autres soldats qui attendaient les instructions des Généraux à propos de la cérémonie qui était organisée pour eux par le Prince.

Lena

"Je ne comprends toujours pas pourquoi tu dois travailler pour moi." soupira Lena alors qu'elle observait Lou porter avec mal cinq robes et les poser sur son lit.

"Parce que l'univers fonctionne bizarrement. Un jour tu possèdes tout, et l'autre... Maintenant viens, je veux que tu essaie cette robe."

Lena soupira discrètement, approchant tout de même pour enfiler la robe. Elle ne savait pas pourquoi elle devait choisir une tenue, mais elle en était à un point où elle était trop fatiguée pour poser la question, et se contentait désormais d'obéir à ce qu'on lui demandait, ce qui était quelque chose qu'elle avait fait toute sa vie.

"Qu'est-ce que tu en penses ?" lui demanda Lou une fois qu'elle fut vêtue de la fameuse robe.

Clarissa tourna la tête vers elles alors qu'elle était occupée à plier des vêtements, et redressa son dos pour observer la façon dont la robe épousait les formes de Lena. Elle tourna sur elle-même pour leur montrer le résultat, commençant à apprécier tout le luxe que lui apportait ce séjour au château. Les vêtements étaient sa partie préférée, mais devoir tous les essayer pour choisir une tenue était la pire chose au monde.

Clarissa secoua la tête. "Trop clair pour elle. Garde les robes blanches pour le mariage."

"Pour quoi est-ce que tu penses qu'on devrait opter ?" demanda Lou, ouvrant la penderie pour passer en revue mes vêtements. "J'aime la bleu clair, mais tu as mis beaucoup de bleu clair ces derniers temps."

"Lila ?" propose Lena. "J'aime beaucoup celle-là et je n'ai pas encore eu la chance de la porter."

"Et la champagne avec les manches trois quarts ?" interroge Clarissa en sortant la robe de l'armoire pour la mettre devant Lena pour voir ce que cela pourrait donner.

"Ooh, oui !" s'exclama Lou. "C'est celle qu'il te faut !"

"Je ne devrais donner mon avis ?" demande Lena.

"Lena, chérie, je suis vraiment désolée, mais tu as vraiment des goûts horribles."

Clarissa se mit à rire. "C'est vrai. Même mes goûts sont meilleurs."

Lena leur sourit, secouant sa tête puis elle mit rapidement la nouvelle robe qu'elles avaient choisit pour elle. Une semaine s'était déjà écoulée depuis que Lou était devenue sa dame d'honneur, ce qui leur avait permis de passer presque chaque secondes de chaque journée ensemble. Clarissa restait souvent avec elles, ce qui était plutôt plaisant. Lena était de plus en plus heureuse depuis. Peut-être était-ce avoir la compagnie d'une femme qu'elle appréciait beaucoup ou peut-être que les hormones avaient avoir avec son changement d'humeur étant donné qu'ils avaient augmenté depuis qu'Harry et elle avaient dormi dans le même lit.

Elle s'admira dans le miroir, c'était vrai. Cette robe était vraiment la bonne. Mais il y avait quelque chose... qui la dérangeait à propos de son apparence. Elle commençait à sentir un changement à l'intérieur d'elle, un changement d'humeur comme du bonheur, et il était peut-être aussi temps pour elle de changer physiquement.

"Et maintenant, occupons-nous de tes cheveux." Lou tapa dans ses mains. Elle recula la chaise pour que Lena puisse s'y asseoir, puis attrapa une des brosses qui se trouvaient sur la coiffeuse. Elle coiffa les cheveux doux, passant de temps en temps ses doigts entre eux. Ses cheveux étaient devenus légèrement plus foncés étant donné que depuis ces derniers mois, elle n'était plus autant exposée au soleil qu'avant. "Y a-t-il quelque chose de spécial que tu voudrais que je fasse avec tes cheveux ?"

"Coupe-les." décida Lena, sûre d'elle. Après avoir vu l'expression choquée de Lou dans le miroir, elle se tourna vers elle. "Je sais que tu as coupé tes cheveux toi-même quand que tu as emménagé ici, et moi aussi, je veux me sentir comme une nouvelle personne."

"Je l'ai fait parce que j'étais énervée et triste, Lena."

"J'aurais dû les couper il y a longtemps. Je les veux au niveau de mes épaules."

"Tu es sûre ? Tu ne devrais jamais me faire confiance à propos de trucs dingues comme ça parce que je suis toujours d'accord sans jamais vraiment y réfléchir et je ne veux pas que tu regrettes plus tard. Je ne fais que te prévenir."

"Je suis sûre à cent pour-cents." assura Lena, fermement. Lou soupira.

"Clarissa, tu veux bien me passer les ciseaux ? Harry va me tuer." sourit Lou en attrapant une mèche de cheveux blonds foncés pour évaluer là où elle allait devoir couper. "À propos de ce que j'ai dit tout à l'heure, sur le fait qu'un jour on a tout et l'autre on n'a plus rien ? Est-ce que tu t'es déjà dit ça aussi ?

"Chaque seconde de chaque jour depuis que j'ai été choisie. Je sais ce que ça fait, je sais exactement comment tu te sens. C'est comme si tu étais le personnage principal de l'histoire de ta propre vie et que d'un seul coup tu deviens un personnage secondaire." répliqua Lena.

"Sauf que j'ai été un personnage secondaire toute ma vie. Maintenant, je peux enfin faire mes propres décisions. Au moins pour l'instant. Une fois qu'Harry m'aura trouvé un prétendant, tout redeviendra comme avant et je serais de retour dans la vie oppressante et triste de la femme d'un homme noble. Charmant. Je ne pourrais jamais m'en échapper. Mais toi oui, pourquoi n'es-tu pas partie ? Et ne me dis pas que tu ne pouvais pas, tu es sortie en douce avec moi une fois, tu te souviens ? Tu peux te barrer loin d'ici si jamais tu en as envie, c'est aussi simple que ça."

"Crois-moi, j'y ai beaucoup réfléchi aussi. Mais je ne peux pas retourner chez moi. C'est certainement parce qu'Harry a promis de supporter ma famille et parce que je sais qu'il est leur dernière chance. Mais même si j'en ai beaucoup envie, je ne peux pas. Je suis coincée ici, et je ne sais pas vraiment pourquoi." soupira Lena. Le silence tomba dans la pièce. Louise se concentrait pour ne pas rater sa coupe de cheveux tandis que Clarissa faisait le lit de Lena. Lena racla sa gorge en regardant son reflet.

"Pourquoi est-ce que je me prépare, d'ailleurs ?" demande-t-elle.

"Oh..." rit Lou. "On a complètement oublié de t'en parler, je suis désolée. On a gagné la bataille. Les soldats qui ont survécu sont arrivé ce matin. Harry va donner une cérémonie pour eux et leur remettre une médaille pour leur bravoure. Ça va être énorme, et les bienfaiteurs vont venir aussi. Et après il y aura un hommage pour ceux qui sont morts sur la champ de bataille. C'est très important que tu sois magnifique aujourd'hui et je suis en train de ruiner tes magnifiques cheveux."

"Attends." Lena se retourna abruptement pour regarder Lou droit dans les yeux, alors que les siens se remplissaient d'eau salée. "Es-tu sérieuse ? Tu es sérieuse." Elle commença à rire comme une folle, souriant tellement fort que ses joues lui faisaient mal. "Oh, mon Dieu. Oh, mon cher Dieu, Papa."

"Est-ce qu'elle va bien ?" lui demanda Clarissa depuis l'autre bout de la chambre.

"Je ne sais pas." répliqua Lou. "Ça va, ma belle ? Pourquoi est-ce que tu me fais un câlin ? Tu m'écrases et j'ai une paire de ciseaux dans les mains."

Lena rit, souriant comme un bouffon, ses yeux brillants de larmes. "Désolée, désolée. Continue de couper. C'est juste que ça veut dire que mon père revient aujourd'hui. Je ne l'ai pas vu depuis si longtemps. Il était la lumière de ma vie, il me manque tellement. J'ai tellement hâte de le revoir. Il n'a pas pu voir ma robe pour la Récolte parce qu'il travaillait. Je ne l'ai pas revu depuis ce jour-là et je n'ai même pas pu lui dire au revoir avant de partir."

"Je pensais qu'Harry t'avait emmené les voir ?"

"Oui, il l'a fait, mais mon père était déjà parti à la guerre. Je n'arrive pas à croire que je vais le revoir aujourd'hui."

Son sourire était plaqué sur son visage jusqu'à ce que cela ne soit l'heure de la cérémonie, montrant à tous la joie qu'elle ressentait. Son cou était orné d'un simple mis élégant petit collier de perles, et ses mains étaient glissées dans des gants délicats. Sa toute nouvelle coupe de cheveux ainsi que son sourire brillant la rendaient encore plus magnifique qu'elle ne l'était déjà.

Elle resta en face du miroir un peu plus longtemps et replaça une mèche de cheveux derrière son oreille, attendant que le Prince ne vienne dans ses quartiers pour l'escorter jusqu'à la salle du trône. On toqua à sa porte et les gardes ouvrent les deux portes qui menaient dans la pièce pour révéler le Prince qui portait un costume bleu marine orné de ses médailles sur le côté de son torse.

"Oh, mon Dieu." s'exclama le Prince, couvrant sa bouche avec sa main pour cacher son sourire. Il leva sa main vers les cheveux de Lena. "J'ai failli ne pas te reconnaître. Tu es magnifique."

Lena sourit, gênée, baissant son regard vers ses mains gantées. "Merci, on devrait y aller ?" Elle désigna la porte d'un signe de main.

Ils sortirent de sa chambre et traversèrent les couloirs, Lena accroché à son bras. Elle l'arrêta juste avant d'entrer dans la salle où se déroulait la cérémonie, se tournant vers lui pour ajuster la veste qu'il portait. Elle passa ensuite sa main dans ses cheveux et l'encouragea à sourire avant qu'il n'aille voir la foule. "Montre-leur à quel point tu es génial, mon tigre."

Elle se tenait à côté du trône, avec Lou et Fitz, tandis qu'Harry se préparait à donner son discours devant la salle remplie de gens.

Il remercia les bienfaiteurs d'avoir contribué à la bataille, en particulier un homme appelé Lord Randall Connolly, qui semblait apparemment être celui qui avait le plus contribué. Mais il remercia surtout les soldats pour le sacrifice qu'il avait fait et qui continuerait de les marquer pour le restant de leur vie. Ils devaient cependant porter leurs cicatrice fièrement étant donné que c'était grâce à eux que le Royaume allait pouvoir prospérer.

Lena n'eut pas l'opportunité d'entendre le reste du discours d'Harry. Elle était trop occupée à observer chaque visage dans la salle. Elle pouvait à peine voir tous les soldats, il y en avait trop et elle ne reconnaissait personne. Ils formaient une masse opaque parmi les autres nobles qui avaient été invité à la cérémonie.

Elle resta tout de même calme durant la totalité de la soirée. L'adrénaline qui pulsait dans ses veines était trop pour elle, ce qui fit qu'elle ne s'aperçu même pas que la première partie de la cérémonie était bientôt terminée.

Après que le discours d'Harry soit arrivé à sa fin, les soldats furent tous escortés dans une pièce privée tandis que les nobles les plus influents restèrent dans la salle du trône pendant que le banquet était préparé par les cuisiniers.

Lena saisit cette opportunité pour s'échapper de la foule et quitter la salle afin d'aller se rafraîchir avant la cérémonie mémorielle et le banquet, là où elle était sûre de pouvoir être réunie avec son père.

Alors qu'elle quittait ses quartiers, un des soldats se faufila entre les gardes et la suivit. Elle pouvait entendre les lourds pas s'approcher d'elle rapidement alors que les secondes s'écoulaient, l'homme étant toujours un peu plus proche d'elle. Elle tourna dans un couloir et s'apprêta à faire demi-tour pour confronter la personne qui la suivait, mais on l'attrapa fermement par le bras.

Elle s'écrasa contre un torse dur et se débattit aussitôt pour l'éloigner d'elle. Quand elle réussi à se libérer, ses yeux rencontrèrent d'autres yeux gris. "Quel est votre- Garrrick ?"

Le soldat sourit, enlevant son couvre-chef avant de passer ses doigts dans es cheveux noirs pour les recoiffer. "Lena."

La jeune fille se jeta dans les bras du soldat en riant alors qu'il la souleva dans les airs et tourna sur lui-même. "Tu es en vie." sourit-elle une fois que ses pieds eurent à nouveau touché le sol, des larmes de joie se formaient bientôt sur le bord de ses yeux. Elle frappa son bras avec un sourire joueur, n'étant toujours pas capable de croire ce qu'elle voyait en face d'elle. "Tu m'as tellement manqué. Pourquoi ne m'as-tu pas écrit ? Pourquoi ne m'as-tu rien envoyé ?"

"Quoi ?" demanda-t-il, lâchant la jeune femme. "Je t'ai écrit deux fois pas jours pendant des mois, mon amour. Tu ne m'as jamais répondu."

"Je n'ai jamais rien reçu, Gar. Tu penses vraiment que je ne t'aurais rien envoyé si j'avais eu de tes nouvelles ? Mon Dieu, j'étais persuadée que tu étais mort dep-"

Il l'interrompit en posant ses lèvre sur les siennes, enroulant ses mains autour de sa taille pour le rapprocher de son corps musclé par le combat. Elle soupira par son nez et ferma ses yeux, ivre des souvenirs qui lui revenaient par ce baiser.

Leur moment, cependant bref, fut stoppé aussitôt qu'il eut commencé étant donné que quelqu'un racla sa gorge derrière eux. "Part. À moins que tu ne veuilles que je te fasse décapiter."

Ils se séparèrent de force.

"Alors c'était..." commença Harry.

"Ouais. Je suis désolée." dit Lena en levant ses yeux vers lui.

"Est-ce que tu l'aimes toujours ?" demanda-t-il abruptement.

"Harry-"

"Tu l'aimes ? Parce que si c'est le cas, tu vas devoir quitter ce château immédiatement. Je devrais reprogrammer une autre Récolte l'année prochaine."

Il la regarda droit dans les yeux pendant une miliseconde et lui tourna le dos, commençant à se diriger vers la pièce pleine de gens qui attendaient de pouvoir lui parler. Elle attrapa son poignet. Cela le força à se retourner, se plaçant face à elle.

"Alors c'est ma faute ?"

"Mon Dieu, je n'ai as dit ça."

"Qui aimes-tu alors ?"

"Y a-t-il quelqu'un que tu veux que j'aime ?" l'interrogea-t-elle, baissant son regard vers ses lèvres roses.

Il se moqua. "Non." Il dégagea son bras de sa prise et s'éloigna pour retourner d'où il venait.

Elle le regarda disparaître lorsqu'il tourna dans un coin, levant ses yeux au ciel et mordant sa lèvre avant de faire son chemin jusqu'à sa chambre.

Sa porte fut claquée derrière elle et ses gants furent jetés sur le sol. Elle s'allongea sur son lit jusqu'à ce que quelqu'un ne noque à sa porte à nouveau et qu'on lui dise que le reste de la cérémonie allait débuter.

Le reste ne fut qu'un vage souvenir pour elle. Elle se souvenait être allée au banquet, puis à la cérémonie comémorative en l'honneur des vies qui avaient été perdues.

Elle se souvenait l'avoir entendu appeler une list de noms, une liste très llongue de noms flous et indistinguables. Jusqu'à l'un d'entre eux.

Il s'était interrompu dans son énumération et lui avait jeté un regard avant de poser ses yeux à nouveau sur la feuille qu'il tenait dans ses mains. Il déglutit, puis lu la ligne suivante.