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une nuit à l'abri, ou l'hôtel

Ma tête pèse une tonne. Réfléchir, c'est trop lourd. Je suis flottant, morceau dans l'immensité, mon corps se fait déplacer sans effort par le monstre de métal qui sillonne l'autoroute. Aussi étonnant que cela puisse paraître, une autre âme, un autre morceau flottant s'est calé à côté de moi, et a eu le culot de se laisser somnoler sur mon épaule. Il n'a aucune notion de savoir-vivre ou de respect des autres, c'est dingue.

Heureusement, les notes qui vrillent mes tympans me tiennent éloigné de la réalité physique des contacts humains, de mon corps vagabond. Je n'existe plus qu'à travers les vibrations qui serrent mon cœur et mon crâne. La musique : voilà un univers où j'aurais voulu entièrement exister, sans autre réalité que celle des sonorités. Un amour partagé avec Gaëlle.

Je me demande où elle en est, avec son groupe, les dernières nouvelles que j'en ai eu datent du jour où je suis allé à un des concerts de rue qu'elle donnait, avec sa pote blonde. Je suppose qu'elle ne sait pas encore que je suis partis si loin d'elle, elle doit penser que je me contente de sécher les cours. Pas cette fois, cette fois j'ai changé toutes les données, j'ai balancé la monotonie de l'automatisme hors de moi. Je suppose que je n'ai jamais été très bon pour vivre au présent tant qu'il n'est pas incertain.

Milan remue, me déconcentre. Je regrette de l'avoir laissé s'asseoir à côté de moi. Il prend beaucoup trop de place dans mon espace vital. Je retire mon épaule de sous sa tête, il manque de se fracasser et rattrape maladroitement son équilibre.

-On est arrivés ? demande-t-il distraitement, la tête dans les nuages.

Je lâche sèchement un « non » avant d'ajouter :

- On roule toujours. T'étais trop lourd. C'est tout.

Ouais, lourd, c'est le mot. Je déteste sentir sa jambe toucher la mienne quand il remue pour attraper quelque chose dans son sac, c'est juste horripilant. Ce trajet est interminable, je ne pensais même pas que c'était possible de rouler autant. Ça doit faire quoi, une douzaine d'heures, que j'ai quitté mon village ? Hm, ce n'est pas plus mal, de s'éloigner toujours plus. Chaque tour de roue m'extirpe un peu plus de mon vide étouffant. Mais tout de même, j'ai terriblement mal au cul et aux genoux, bloqué dans cette position assise très peu confortable.

-On est vers où ? s'interroge Milan à voix haute. On a dépassé Rennes ?

Je hausse les épaules.

-Aucune idée.

Il se lève et va demander à un autre passager. Merde, il a vraiment aucune gêne. Il revient vite vers moi tout sourire :

-On arrive bientôt là où je descends ! On rentre dans Rennes dans une demi-heure, heureusement que tu m'as réveillé !

Il va falloir que je pense à descendre, moi aussi. Le bus m'a vidé de mon énergie, mais il reste tant à faire. Trouver de quoi survivre seul, un abri, de la nourriture, probablement un petit boulot pour joindre les deux bouts en attendant de rassembler mes affaires pour déguerpir à nouveau. Tout un programme.

-Ou est-ce que tu t'arrêtes, toi ?

-Je ne sais pas.

Ma réponse est machinale. Mon regard est perdu de l'autre côté de la fenêtre, dans la grisaille. Ma tête est bouillante et lourde, mes jambes saturées d'être trop restées dans la même position. Comme si mon sang stagnait et que bouger était impossible. Le ciel est gris et morne. Rennes, le nord-ouest, un sacré trajet. On a dû faire beaucoup de détours. C'est comme si je n'étais pas vraiment là. Ouais, je voulais partir, et ça m'a sauvé. Pour autant je ne réalise pas que je suis si loin. La distance, simple donnée, ma réalité physique qui se balade dans l'espace est tellement insignifiante.

-Tu ne sais pas où tu descends ?

-J'ai pas prévu où j'allais. J'ai même pas regardé où ce bus se dirigeait.

-Oh, et bien, il va jusqu'à Bruxelles en longeant la côte. Il va passer par Caen et Rouen, et j'ai pas fait attention à la suite parce que je descends avant. (Il se tait pendant quelques secondes). Comment tu vas faire, une fois à destination ?

Je soupire.

-Je ne sais pas, Milan, je ne sais pas. L'idéal serait qu'il n'y ait pas de destination et que je finisse de crever tout de suite dans ce bus.

-Ah non, certainement pas ! T'as pas fait tout ce chemin pour rien. Viens avec moi, descends à Rennes.

Et c'est comme ça que je me suis retrouvé avec mon sac, engourdi et debout sur un trottoir humide, sous un ciel grisâtre et triste, au milieu du bruit des voitures. Milan s'agite à côté de moi sur son téléphone, avec son énorme valise. J'ai froid, ma gorge est bouffée par la fumée noire qui s'échappe du bus à l'arrêt. Je me sens sale et absent. Le chauffeur qui est sorti fumer sa clope pour profiter de la pause m'adresse un sourire et un geste de main. « Au revoir, gamin ! »

Milan finit par se tourner vers moi, pose une main sur mon épaule et place l'écran de son portable sous mon nez, histoire de ne pas me laisser le choix de regarder ailleurs.

-J'ai trouvé un hôtel, pas loin ! On pourra y passer la nuit, demain on louera une voiture pour finir le trajet. Enfin, à part si tu veux rester à Rennes.

Je ne retiens qu'une partie de ce qu'il me dit.

-Un hôtel ? T'es complètement dingue, c'est beaucoup trop cher.

-Je m'en fous, j'ai largement assez d'argent pour vivre un mois dans une chambre de cet hôtel. On cherchera où te loger plus tard. (Il soupire) Où nous loger, je n'ai vraiment pas envie de retourner chez mes parents.

Bon. Non pas que l'idée de devoir loger avec cet idiot irrespectueux m'enchante, mais je ne vois pas l'intérêt de refuser pour ce seul inconvénient un logement. D'autant plus que le temps à l'air de vouloir sacrément se dégrader.

Il attrape mon bras d'un côté, sa valise de l'autre, et nous tire tous les deux le long du trottoir. Je finis par réussir par me dégager en marmonnant que je sais encore marcher tout seul, tandis qu'il hèle un taxi, qui s'arrête. Le conducteur baisse la vitre, il a une calvitie très prononcée et une chemise blanche qui a probablement bruni au lavage.

-Bonjour ! Est-ce que vous pouvez nous amener à l'hôtel Lecoq Gadby, s'il vous plaît ? demande Milan avec un grand sourire.

-Bien sûr, montez !

Et hop, de nouveau le long des routes. Par chance, le trajet ne dure qu'une petite dizaine de minutes, où Milan et le conducteur discutent joyeusement et où je n'écoute pas un seul mot. On se fait déposer dans une rue de quartier résidentiel, devant ce qui ressemble à s'y méprendre à une maison banale.

-Merci beaucoup, remercie Milan en payant. Bonne continuation !

Je n'écoute rien de plus, je me contente de le suivre. Il entre, se fait accueillir par la réception, puis revient vers moi. J'ai l'impression d'être un gosse baladé par ses parents, qui a besoin qu'on s'occupe de lui parce qu'il ne sait rien faire seul.

-Et voilà, j'ai les clefs ! s'enthousiasme-t-il en brandissant une carte magnétique sous mon nez. Tu viens ? On va découvrir notre palace !

Avec un haussement de sourcil, je continue ma route de carcasse échouée à la suite de mon guide. On finit par entrer dans une chambre spacieuse aux murs bruns, et je constate avec une énième once d'épuisement qu'il n'y a qu'un seul lit, sur lequel Milan se jette.

-Ah, enfin posé ! C'est le meilleur moment du voyage, quand on s'arrête dans une chambre d'hôtel avec un beau garçon après un trajet pire qu'interminable.

-Ça t'es souvent arrivé ? dis-je avec un rictus.

-Non, c'est la première fois. (Il écartèle sa valise et en sort des vêtements) je vais me doucher, je me sens dégueulasse après tout ce temps à mijoter dans ma sueur.

-Grand bien t'en fasses, je réponds en hochant vaguement la tête. Je ferai pareil après toi.

Milan, une tenue bien pliée entre les bras, entre dans la salle de bain. Merde, cet hôtel doit être sacrément cher. La chambre est plutôt vaste, et le foutu seul lit est très spacieux, ce qui le sauve un peu. Je commence à chercher dans mon sac pour trouver un carnet en cours, écrire mon voyage, dessiner la chambre, dont certains aspects de la décoration me plaisent. Plongé au milieu de mon bazar, je ne remarque pas Milan qui revient et se glisse derrière moi. Je sursaute violemment quand il annonce bruyamment :

-Mec, la salle de bain est dingue !

Mon cœur complètement drogué à l'adrénaline pompe mon sang beaucoup trop vite. Il ne remarque rien. Encore heureux, il n'est pas sorti déshabillé, il n'a retiré que son sweat et se promène en tee-shirt.

-Il y a un SPA dans l'hôtel, tu voudras venir ?

Je hausse un sourcil.

-Non merci, je me contenterai de la douche.

-Ok, pas de soucis, j'y irai seul alors.

Il me sourit, et s'éclipse derrière la porte. Quelques secondes, puis j'entends l'eau couler. Cette fois, c'est bon, je suis tranquille. N'empêche, il a du cran, pour pas me détester. Je suis assez détestable, à ce qui paraît, mais ça doit participer à faire de moi un fantôme. En y pensant, un léger sourire apparait au coin de mes lèvres, tandis que je dessine en quelques coups de stylo bleu le bouquet de fleurs séchées posé sur ma table de nuit. Ouais, un fantôme détestable, c'est tout moi. Même Gaëlle le disait parfois, en levant les yeux au ciel.

Bon sang, faut que j'arrête avec ça, plus de Gaëlle, plus de passé, je vais finir par culpabiliser et manquer des personnes que je côtoyais. De toute façon, je sais que Gaëlle va me manquer. Je l'aimais bien, et elle faisait partie des personnes que je n'avais pas envie de quitter. Mais quitte à partir, plus d'attache, juste le vide et l'imprévu. Allez, c'est le début le plus dur, je vais m'habituer, c'est ce que je voulais, après tout. Tch, c'est ridicule, de s'attacher aux relations humaines.

Oppressé par le silence et le seul bruit de la douche de Milan, je repose ma musique au sein de mes oreilles. Mieux. En tailleur sur le lit, je décris en quelques mots le trajet. « Long, ennuyant, musique, ciel gris, rencontre, sandwich au thon, lointain, Rennes », un résumé synthétique. Quelques mots qui dans le futur ramèneront les souvenirs de cette interminable fuite. Le train aurait finalement été préférable. Mais en train, je ne me serais pas fait payer un hôtel certainement cher par un gosse rencontré par la magie du hasard.

En parlant de lui, l'eau finit par s'arrêter, et quelques minutes après, il sort, ses cheveux plus en désordre que jamais.

-C'est bon, tu peux y aller !

J'attrape aléatoirement un sweat et un pantalon, et m'échappe. Les murs de la salle de bain sont noirs, un large miroir permet de s'admirer pleinement jusqu'à la taille, chose que je ferais peut-être si j'accordais de l'importance à mon physique. Mes vêtements tombent au sol. Simple corps nu translaté du carrelage à la douche, j'allume l'eau, laisse les gouttes s'écraser sur mon épiderme. Une carcasse noyée dans le morne qui voudrait que l'eau emporte tout. Tout, ma peau, mes os, mon âme, prends tout, disparais à travers les tuyaux.

Parfois, ouais, je voudrais disparaître, ça demanderait tellement moins d'efforts et d'énergie. Mais je suppose que je finirais par regretter d'avoir disparu, sur le long terme. Heureusement, je ne fais que très rarement attention au long terme. Laissez-moi disparaitre, maintenant.

Je caresse ma nuque, mes omoplates, mon torse, sentir par le contact mon corps être pour m'aider à mieux y exister. C'est compliqué, d'habiter son propre corps. Ou peut-être est-ce seulement moi ? C'est aussi le principe d'un fantôme, de ne pas avoir de corps.

Finalement savonné et rincé, je m'extirpe de la douceur bienveillante et apaisante pour retourner à la violente réalité du monde. La parenthèse de la chaleur amoureuse est toujours trop courte. Sec, je me glisse dans mes vêtements. Seulement nu sous un sweat et un pantalon, c'est comme ça que je me sens le mieux. Simple organisme vivant, avec une seule protection qui me sépare de la morsure du monde autour. En l'occurrence, du froid qui s'engouffre dans la pièce aussitôt que j'ouvre la porte. La vapeur m'avait enveloppé d'un cocon, je ne m'en rends compte que lorsqu'il est brisé.

Sur le bord de la pièce, une fenêtre descend jusqu'au sol. Milan s'est assis à même le sol, devant, une clope entre les lèvres. Il doit être fumeur régulier, les poumons dévorés pour être apaisés par la nicotine. Je récupère le carnet dans lequel j'avais commencé à transmettre ma mémoire, et m'assoit en face de lui.

-Ça fait vraiment du bien, de se laver, tu ne trouves pas ? C'est comme si on se débarrassait d'une partie de la longueur du voyage.

Il a une voix plutôt grave, expressive, une voix qui s'accorde bien à son visage.

-Encore désolé, ajoute-t-il, d'avoir un peu forcé la main pour être à côté de toi. Au final j'ai surtout dormi.

Je hausse les épaules. Ouais, t'as intérêt à être désolé, t'as sacrément empiété sur mon espace vital, c'est ce que je voudrais lui dire. Mais au lieu de ça, je finis par répondre :

-Pas grave. Au moins je suis dans un hôtel au lieu de dormir sous un pont.

Je suppose que je n'ai pas non plus envie d'être parfaitement détestable. En silence, il aspire le tabac. Je ne suis peut-être pas le plus doué pour sentir les émotions des autres, mais je sens qu'il cherche à s'exprimer. Il finit par éloigner son mégot de ses lèvres, expire la fumée.

-Je... je sais qu'on ne se connait pas, qu'on s'est rencontrés il y a quelques heures, et que c'est super bizarre qu'on partage une chambre d'hôtel alors que je t'ai dit que je ne suis pas hétéro. Je, hm, et bien j'ai tendance à être un peu... spontané ? Un peu trop. Désolé pour le lit, j'ai pas trop fait gaffe. Si ça te gène, je peux te payer une autre chambre à part, je comprendrais.

Je le regarde. C'est culotté de me proposer ça alors que je n'ai aucune thune et que le confort de ma nuit dépend déjà entièrement de lui.

-Tu le ferais ?

-Bien sûr, répond-il immédiatement. Tu voudrais ?

Je ricane nerveusement. Il est complètement fou, je me sens obligé par mon confort de dire oui, et condamné à dire non.

-Mec, tu rends la chose encore pire. Garde ton argent, c'est déjà chaud que tu payes une chambre alors que moi j'ai à peine de quoi me payer un menu enfant dans un fast-food. Je dors dans un lit au lieu d'un trottoir, pas besoin de plus.

Il affiche une moue nerveuse.

-Je ne veux pas te forcer.

-Trop tard, fallait y penser avant, finis-je avec un rictus.

Un petit éclat de rire. Ouais, j'ai évité la discussion, plus simple que devoir assumer de se faire offrir du luxe pas spécialement demandé. Le silence reprend doucement l'espace, il n'ose pas le troubler, apparemment bloqué par la puissance éphémère de l'absence de bruit. Tant mieux, ça laisse mon esprit s'anesthésier par le papier. « Milan fume devant la fenêtre. Il a presque terminé sa clope, va-t-il en reprendre une ? »

-Dis, Clovis ?

C'est étrange, d'entendre mon prénom sortir de sa bouche, porté par sa voix. La voix de quelqu'un d'autre, une part de mon identité manipulée par une créature qui n'est pas moi. Je lève les yeux vers lui, il me dévisage.

-Qui es-tu ?

Je change de position, inspire. Question à la fois ridiculement simple et terriblement difficile. Idiot, si seulement j'avais moi-même la réponse. Mais je ne me connais pas.

-Je suis un spectre, hypocrite et inutile.

Milan sourit, et rétorque :

-Ma prof de philo disait toujours qu'être inutile, c'est être libre.

-Je ne suis pas sûr que les profs de philo soient les gens que j'ai le plus envie d'écouter.

Il hausse les épaules, une volute de fumée arraché au petit mégot s'échappe d'entre ses lèvres.

-Pourtant, elle disait des choses vachement intéressantes. Pas toujours, bien sûr. Mais j'aimais bien l'écouter. Elle parlait d'humanité et je faisais des dessins dans le coin de mes copies, c'étaient des cours apaisants.

Je souffle du nez, amusé.

-Je les ai tous séchés. Ça ne m'intéressait pas, d'écouter un prof me faire la leçon sur un domaine que je préfère explorer seul.

-Tu t'intéresses à la philosophie ? me questionne-t-il avec un grand sourire et des étoiles dans les yeux.

-Vaguement. J'aime réfléchir sur le monde et sur les hommes, mais à ma manière, je déteste qu'on veuille m'inculquer une méthode et une pensée fixe qui ne vient pas de moi. Si je veux apprendre, j'apprendrai seul. C'est ce que j'ai toujours fait et ça ne m'a jamais empêché de passer au niveau suivant.

Il sourit doucement, le regard dans la vague. Son ombre s'étend sur le sol comme un spectre, impalpable, découpe au scalpel de son visage et de son corps dans un morceau de lumière. Mon stylo bleu entre les phalanges, je fais courir la bille sur mon carnet, dessine son visage, sa mâchoire anguleuse, le long de son nez, de ses pommettes, la forme en amande de ses yeux bruns tournés vers le ciel morne. Je suis en train de tracer ses sourcils quand il se tourne vers moi.

-Tu es courageux, de vouloir apprendre par toi-même. Moi, ça me ferait peur. Je ne suis pas à fond partisan du système scolaire, mais je m'en suis toujours bien contenté.

Hm, il n'a pas dû remarquer que je volais un bout de son image pour la graver en bleu dans mes carnets. Il se lève, bouge ses articulations et étire ses muscles.

-Tu es un fantôme, donc. Enchanté, monsieur Clovis le fantôme, moi je suis Milan l'alien. On était faits pour se rencontrer.

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