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le paysage défile, ou la translation


Un rayon de soleil comme une balle de fusil dans mon œil. Je grogne, me retourne, mon sommeil s'est fait écarteler par l'astre du jour. Décevant, comme premier contact avec le monde. Le bus roule toujours, j'ai atrocement mal au cou. Aucune position n'était possible sur ce fichu siège.

Je me frotte le front, essayant de me sortir de la torpeur.

-Hey, mec. T'as un truc à manger ? J'ai super faim et rien à bouffer !

Je lève la tête, soûlé par mon réveil. Un garçon châtain a la tête entre les deux sièges devant moi. Il est ridicule. Je monte le son de ma musique.

-Même pas un tout petit truc ?

Je lève vaguement les yeux, plante sèchement mon regard dans le sien. Il est beau. Je souffle du nez et change de musique.

-T'es pas très bavard, continue-t-il. Tu voyages seul ?

Il va monologuer longtemps avant de saisir le concept de laisser les gens tranquilles ?

-Tu vas où, toi ?

Je fais tomber sur mes épaules mes écouteurs, et change de position. Je finis par répondre d'un trait en prenant garde à articuler suffisamment pour ne pas avoir à me répéter :

-Je vais nulle part, n'importe où, tant que c'est ailleurs, je voyage seul et je n'ai rien à bouffer parce que je suis stupide et que j'ai pensé à la brosse à dent mais pas à la nourriture pour cette foutue fugue.

Il sourit.

-La prochaine fois qu'on s'arrête à une aire d'autoroute, je nous prends un truc à manger, à condition que tu me laisses m'asseoir à côté de toi !

Je fronce les sourcils. Je vibre de l'intérieur, je suis impassible de l'extérieur. Parler aux autres n'est pas simple, au contraire, c'est une épreuve, surtout quand ce n'est pas moi qui ai choisi le contact. Une épreuve pour garder mon univers alors qu'on me déconcentre. Je suis pris au dépourvu. Je ne veux rien laisser paraître. Laisse-moi en paix, idiot, j'étais bien avec ma musique.

-Plutôt crever de faim.

Il affiche une moue déçue.

-Hmph, finit-il par prononcer, je te prendrai un truc quand même.

Il se retourne. Enfin. Le bus roule, roule, les gens s'éveillent peu à peu, comme des zombies secoués dans leur repos éternel. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, se repérer sans téléphone n'est pas une mince affaire. Il doit être quelque chose comme... neuf heures, quand le bus sort de l'autoroute pour s'engager sur une aire. Machinalement, j'articule sans voix les paroles de la chanson que j'écoute en boucle. Il va bien falloir que j'aille boire et vider la poche ventrale qui me sert à stocker mon urine produite par la dégradation de composants organiques et minéraux.

Le regard vide, je me lève. Où suis-je ? Aucune idée. Ais-je bien fait de fuguer ? Bien sûr, ne commence pas à douter. Je sais que je ne doute pas réellement, je sais que j'ai fait la bonne chose, que j'aurais fini par me laisser crever en silence si je ne m'étais pas extirpée du vide. Je me sens vide. Pas de remords, pas de regrets, je ne suis plus coincé dans la mélasse morne de la répétition infâme des mêmes journées, je suis plutôt balancé comme un petit bout de plastique dans l'océan. Un minuscule écart, une donnée ridicule, au milieu des flots.

Mon corps abandonné et plus lourd que jamais après cette nuit sans vrai sommeil échoue hors du bus, porté par le courant des autres créatures qui descendent se dégourdir les jambes, pisser, ou fumer une clope avant de repartir.

Je transporte ma carcasse vers le magasin-cafétéria du coin. Sans aucune étincelle de vie, je parcours les rayons et attrape une bouteille d'eau. M'hydrater, voilà un concept qui me plait bien, dans l'immédiat. Je n'ai pas trop fait gaffe à la quantité d'argent que j'amenais avec moi, en partant, mais je dois bien avoir de quoi payer une bouteille. En ouvrant mon porte-monnaie pour payer, je constate que j'ai effectivement de quoi faire ça. Pas beaucoup plus.

Ma bouteille en main, je me dirige vers la sortie, quand une voix masculine m'interpelle.

-Tu préfères sandwich thon ou poulet ?

Je me retourne vers lui, lui et ses cheveux châtains en bataille comme s'il avait fait exprès de les secouer. Je n'avais pas remarqué dans le bus, il a la mâchoire très carrée, on dirait qu'il l'a taillée au rasoir. Je soupire, ouvre ma bouteille, en prends une gorgée, la referme, puis sors de la boutique.

Je m'éloigne un peu, avant de me laisser chuter comme un mégot qu'on fait tomber par terre : lamentablement. Quelques gorgées, ma gorge me fait un peu mal. Le soleil réchauffe amoureusement ma peau et embrasse mes lèvres, je voudrais m'endormir.

-Je ne savais pas si tu préférais sandwich poulet ou thon, alors j'ai pris les deux. Mais tu dois préférer poulet, non ? Je n'ai jamais croisé quelqu'un qui préfère le thon.

Epuisant. Je reste allongé. Ma main parcoure mon cuir chevelu sans que je n'y prête réelle attention. Je me sens perdu dans l'immensité, et c'est en quelques sortes vachement grisant, d'avoir de l'attention alors que je devrais être parfaitement transparent. L'habitude d'être un fantôme, je suppose. J'ouvre la bouche, ma voix est craquelée et entaillée par le silence que je gardais, et l'eau qui a dévalé le long de ma langue.

-Franchement... pourquoi tu me parles ? Mec, je suis froid avec toi depuis les premiers mots que tu m'as adressés.

-Je ne sais pas vraiment. C'est attirant, un beau garçon seul dans un bus, comme un vagabond. Tu as... attisé ma curiosité ! Tiens, tes sandwichs (Il lâche deux plastiques dans lesquels sont emballés des bouts de pain peu fournis). Je m'appelle Milan, ça s'écrit comme Milan mais ça se prononce comme mille ans, genre mille années, tu vois. Et toi ?

-Clovis. Ça s'écrit comme Clovis mais ça se prononce comme Clovis.

Un gigantesque sourire illumine son visage.

-Comme le premier roi de France ! C'est un nom sympa, un personnage historique. Le mien donne l'impression d'être super vieux.

Je hausse les épaules.

-C'est un des rois dont on connaît le moins le règne, on a quasiment aucun document fiable et les seules vraies infos ont été écrites trois générations après lui. C'est franchement pas dingue, comme personnage historique. En plus, c'est pas discret, au moins Louis, Henri ou Charles c'est passable. Clovis on te saute à la gorge.

Il rigole.

-Mais c'est rare, ça participe à faire de toi une personne singulière.

Je déchire un des sandwichs, et croque dedans. Je ne pensais pas avoir aussi faim, mais le fait de les avoir sous le nez a fait prendre conscience à mon système digestif que mon dernier repas avait eu lieu assez d'heures auparavant pour que mon corps d'européen habitué à trois repas complets par jour vienne à manquer. C'est le sandwich au thon. C'est décevant.

-Je m'en fous d'être singulier, je finis par répondre. Ça aide pas à exister.

Il me regarde bizarrement. Bienvenue dans les méandres de mes failles, Milan, tu vas probablement aller t'installer à l'autre bout du bus maintenant que je t'ai parlé. Ça sera pas plus mal, je pourrai appréhender tranquillement la suite : où et comment dormir. Certainement dans la rue.

-C'est pour ça que tu as fugué ?

Je suis surpris. Surpris qu'il ait fait le lien. Qu'il se souvienne de ce détail ridicule : je suis actuellement en fuite.

-Ouais, pour ça. Précisément. J'en avais marre de ne pas exister. Pas seulement à cause de mon nom. Juste, j'en ai eu marre d'être tellement vide.

Il ferme les yeux et hoche la tête.

-Je suis parti pour un peu la même raison, finit-il par dire. Mais je ne l'aurais pas dit pareil.

-Pourquoi es-tu parti ?

Je ne sais pas trop pourquoi je pose cette question. Pourquoi j'ai envie de continuer la conversation.

-Oh, je... hmm, j'arrivais pas à être libre et détaché des étiquettes qu'on m'a toujours collé dessus. Mes relations étaient vides, mes parents me voyaient comme un étranger. Puis ils ont, ouais, apprit que je ne suis pas « parfaitement hétéro », tu vois ? Donc je me suis éloigné, pour que la pilule passe et pour pas me faire engloutir. C'est mieux comme ça.

Un silence, calme. Enfin mes oreilles se reposent et je peux penser sans réfléchir, sans chercher le sens des mots, sans plonger dans mes connaissances en communication humaine pour trouver une réponse adaptée aux attentes sociales.

-T'aurais une clope à tout hasard ?

Je ne sais pas pourquoi j'en ai envie. Je ne suis pas un fumeur invétéré, loin de là, je n'ai jamais fumé qu'avec Gaëlle ou quelques potes. Mais là, la tension se fait dans mon estomac, dans mes tripes, mes poumons appellent à la destruction et à l'apaisement par la nicotine. Je veux m'abréger par la fumée. Milan fouille dans ses poches, en sort un paquet presque vide.

-Tiens, prends-en une (il replonge dans sa poche et en sort un briquet) j'ai ça, aussi.

-Merci.

Je glisse la cigarette entre les lèvres. A côté de moi, je le vois faire de même. Le briquet flambe, la flamme vacille et mord le tabac, qui s'incendie et tombe en cendres. Mes poumons s'écartent, la fumée me pénètre et fait exploser de satisfaction mes alvéoles. Je voudrais rester dans cet état, libéré de la pression, du vide, de mes pensées noires et dévorantes. Juste un homme, ou plutôt, un fantôme, qui se démonte à coup de clope.

Milan souffle un nuage immaculé qui s'accroche quelques secondes à ses lèvres. Ses cheveux sont trop longs et retombent devant ses yeux. Enroulé dans sa veste brune, il soupire, respire à travers le tabac. Il ferme les yeux, semble rêveur.

-Dis, Clovis, dit-il après quelques minutes de silence troublées seulement par nos souffles. Est-ce que je pourrai m'asseoir à côté de toi, pour le reste du trajet ? Je ne veux pas te soûler avec ça, mais j'aime trop la compagnie. Et j'ai envie de continuer de parler avec toi.

Je ne réponds rien. Le chauffeur du bus appelle les passagers à remonter. Milan se lève et frotte son pantalon pour retirer les brins qui s'y étaient accrochés.

-Tu viens ?

-Ouais, j'arrive.

J'écrase le cadavre calciné de ma cigarette. Mon corps se soulève, se déplace, se hisse dans le bus. Au moment où je m'écrase contre mon siège, je déplace mon sac au niveau de mes pieds. Je regarde Milan, qui s'assoit élégamment à ma gauche, tout content.

-Merci beaucoup, murmure-t-il.

Je hausse les épaules. C'est bien parce qu'il est beau.


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"T'inquiète si je publie à 23:57 le jeudi soir on est toujours jeudi ça compte quand même"

Mélo - 02/02/2023

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