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le départ, ou l'extérieur


Je regarde d'un œil un peu absent les dernières musiques en cours de téléchargement sur mon vieux mp3. Mon téléphone, baladé distraitement entre mes mains, vit ses dernières heures. En vrac sur le lit : un sac de randonnée trouvé au grenier, quelques vêtements de rechange, une brosse à dent et du dentifrice (parait-il, la base d'une fugue convenable), des stylos bleus neufs, une clope cédée par une personne spéciale, mon porte-monnaie dans lequel la pièce de Gaëlle a pris place dans une pochette à elle, et enfin, mes carnets. Les anciens, ceux couverts d'encre, les nouveaux, les prochains, tous traînant leur histoire et leur nom, un monde entre des pages reliées. J'ai assez d'argent pour me payer un trajet en train, mais au choix, je préfère le bus. Avec le bus, on garde une accroche avec les paysages et le temps qui passe. Le train va trop vite.

Un soupir, un éclat d'ombre. C'est grisant, de préparer une fugue. Tant de choses se croisent, la tension d'être découvert, le désir brûlant d'être déjà partit. Je me sens vivant, pour une fois. L'adrénaline reste prête à forcer la voie. J'ai lavé mes cheveux, en supposant que la prochaine douche ne sera pas de sitôt. C'est étrange, de s'apprêter à sauter dans l'inconnu. On essaye de prévoir des choses imprévisibles.

Une notification me prévient que le téléchargement est fini. Mille-cinq-cent morceaux, gravés sur une minuscule boîte noire, prennent place dans mes bagages. Il est vingt-trois heures quarante-neuf, encore onze minutes. Onze minutes après avoir attendu onze jours, un final assez ironique. La fermeture éclair de mon sac glisse, c'est terminé. Il ne reste plus que mon corps, allongé par terre. Le carrelage est froid. Je gonfle mes poumons de ces odeurs avec lesquelles j'ai grandi. Je me demande si elles vont me manquer. Peu de chances, de toute façon, je ne les sens plus vraiment depuis longtemps. Je sens mon cœur battre, vibrer, ce muscle palpitant et gorgé de sang qui pulse dans ma poitrine. Je sens mon corps prêt à bondir, à se déchainer, à relâcher tout le vide accumulé pendant tout ce temps. Je regarde mes phasmes, perpétuer leur danse lancinante le long des branches enchevêtrées dans leur vivarium. Ils vont me manquer, certainement. Gaëlle aussi. J'espère surtout que je ne lui manquerai pas trop. Ah, ridicule attachement humain, des sentiments, inusables, douloureux.

Mon téléphone sonne, ça y est. L'adrénaline bondit, j'en tremble. Je saisi l'appareil qui continue de brailler, l'éteint. Doucement, je l'écartèle, extirpe de son dos sa batterie et sa carte mémoire, que je glisse dans ma poche. Le téléphone reste ici, la batterie et la carte partent dans un bac à recyclage. L'écran noir ne s'allumera plus.

Je prends mon sac, le met sur mon dos. C'est parti. Ma paume enlace amoureusement le manche de la batte de baseball de mon père, de quand il était plus jeune. Comme une ombre, je me déplace silencieusement entre les murs. Les escaliers, la salle à manger, l'entrée, le garage. La batte s'abat sur le boitier qui gère l'ouverture du garage, aucune voiture ne pourra sortir. Amusant, le bruit est moins fort que je pensais qu'il serait, je suis moins obligé de me presser. La porte à l'arrière est plus petite, plus discrète, tellement peu utilisée que personne n'a remarqué qu'il n'y avait plus de cadenas dessus depuis plusieurs jours, et que les gonds avaient été huilés. Personne n'a remarqué la paire de baskets posée à côté. Mes pieds s'y glissent, j'attrape mon vieux vélo, et extirpe ma carcasse de cette maison. Doucement, je me glisse dans les ténèbres.

La première étape est passée. C'était la plus simple. La moins dangereuse. La moins amusante.

L'air brûlant éclate mes poumons, défonce ma gorge, l'hiver s'accroche au temps et refuse de laisser place au printemps. Puis, la nuit n'arrange pas. Aucun problème, je me réchaufferai en pédalant. Je tire la ferraille de mon bicycle par-dessus le muret, me voilà accueilli à bras ouverts par le goudron et le béton. Et c'est parti, cinq minutes pour sortir de ce dédale de rues de quartier résidentiel, dix minutes pour me fondre dans les artères de la ville la plus proche. Aucun autre son que le vrombissement de rares voitures à être encore en circulation, et ma respiration haletante. L'air chargé d'excitation qui s'échappe d'entre mes lèvres se paye le luxe de se parer de blanc, je laisse derrière moi une ligne de soupirs accrochés dans le vent immobile. Je vis, regardez-moi, je vis. Et ça ne fait que commencer.

Je dévale à toute vitesse l'avenue qui mène à la gare des bus. Je ne sens plus mes doigts, arrachés par le froid. Je ne sens plus ma gorge, arrachée par le froid. Je ne sens plus mes pieds, arrachés par le froid. Mais je sens tout mon corps avec une intensité folle.

Mon vélo s'écrase contre un grillage, je l'attache maladroitement avec le cadenas subtilisé à mes parents. Il se fera certainement voler, quelle importance ? Ce vieux bicycle ne me servira plus, de toute façon, sa carcasse abîmée n'a d'autre destin que de rester ici, abandonnée. S'il se fait voler, il servira à d'autres, et sa vie continuera. Je m'éloigne, avec mon sac. Dans ma poche, mes doigts triturent la clope que m'a passée Gaëlle et la carte de mon téléphone. Devrais-je garder ces attaches hypocrites vers le monde duquel j'essaie de m'échapper ?

Dans les ténèbres, j'ai du mal à déchiffrer les horaires des prochains bus. Le panneau est faiblement éclairé par une barre lumineuse pâle à laquelle il manque trois ampoules sur cinq. Tranquillement, je m'assoie sur un banc, humidifié par l'air chargé de la nuit. Qu'importe, je prendrai le prochain car, de toute façon. Cette gare n'est pas pour les bus régionaux, les cars qui passent ici se séparent, se croisent, partent fourmiller à travers tout le pays. Quel que soit celui que je prends, je pourrai descendre à des heures et des heures de route d'ici. Un avantage, de chercher à aller nulle part précisément, simplement partout qui n'est pas ici. Et qui est assez loin d'ici.

Le temps passe. Je me demande si mes parents se sont rendus compte que je n'étais plus à la maison. Certainement pas, il est quoi, deux heures du matin ? J'ai encore quelques heures avant d'avoir la police au cul. Un bus arrive, s'arrête. Le conducteur descend fumer une clope, je m'approche de lui.

-Salut, m'adresse-t-il avec un signe de main.

Sa voix est grave et imprégnée d'un accent étranger. Il porte une épaisse moustache noire, et une casquette.

-Salut, je lui réponds. Vous avez encore de la place ?

Il hausse les épaules, allume sa cigarette.

-Bien sûr, gamin. Un bus direction le grand nord, en dehors de l'été, ça n'intéresse personne. Tu montes ?

Je hoche la tête, paye ma place. L'argent, quelle donnée ridicule. Payer pour tout et rien, payer pour vivre, payer pour lire, payer pour apprendre. L'argent pourrit toutes les racines. Mais soit, ma carte vers la liberté passe par là, j'accepte ce sort. Je laisse mon corps alourdi et ramolli s'écraser sur un siège, mon sac échoue à côté de moi. Un bus de nuit, la plupart des gens dorment, les banquettes sont vides, si peu de gens voyagent. Le conducteur écrase sa clope par terre et remonte, le moteur vibre et s'ébroue. Et cette énorme masse de fer qui transporte quelques âmes en son sein s'écarte du trottoir. Ça y est, je pensais que ça serait plus dur. Ce n'est rien, mais c'est tellement. Quelques minutes d'excitation, tout redescend, redevient plus moite. Je me demande silencieusement ce qui va m'arriver, après. Imprévisible. Je place dans mes oreilles mes écouteurs, ferme les yeux. La musique mord mes sens et m'anesthésie. Lentement, je sombre. Quand je me réveillerai, je serai loin, loin et seul. Enfin.

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