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la chaleur des corps, ou l'absurde


Il passe ses mains dans mon dos, presse nos enveloppes physiques l'une contre l'autre. Hm, je n'ai jamais été très à l'aise avec les embrassades. Comment suis-je censé réagir à ça ? Je n'ose pas le pousser, par peur de le briser. Mais je suffoque, coincé entre sa matière dans l'espace et le mur.

Je glisse ma main dans la sienne. J'éloigne ce corps envahissant du mien avec autant de délicatesse dont je suis capable, le temps de le tirer derrière moi. J'appuie sur la poignée, la porte s'écarte avec un léger grincement. J'entre, Milan sur les talons. La porte se ferme avec un « clac », quelques pas où nos pieds menacent de s'emmêler, et l'on finit par s'étaler lamentablement sur son lit. Sans autre lumière que celle qui parvient à traverser sa fenêtre, celle de la lune et des lampadaires.

Je déplace les oreillers bien alignés pour me créer un dossier, contre lequel je m'assoie. Milan s'échoue le long de mes jambes tendues, la tête au niveau de mon ventre, appuyé contre les coussins, lui aussi. Je cherche, longuement, que dire. C'est compliqué, de trouver les justes mots ; parfois, il n'y a pas de mot juste.

-Au moins maintenant, je comprends ce que tu veux dire quand tu dis qu'ils te détestent.

Il sourit avec un soufflement triste :

-Je ne disais pas ça pour que tu t'apitoie sur mon sort. Je ne sens que de l'antipathie venant d'eux. Ma mère, surtout. De mon père, je ne ressens que du vide.

Il enfouie son visage contre mon ventre.

-Avant, murmure-t-il, avant ce n'était pas comme ça. J'étais tendu et j'avais beaucoup d'attentes sur le dos, mais ce n'était pas comme ça. Puis quand ils ont appris que je n'étais pas hétéro, c'est passé d'un cheveu à basculer à la chute libre. Ils ont changé de visage. Je suis devenu un étranger. Merde quoi, j'ai l'impression de compter si peu. D'être défini plus que par ça et uniquement ça.

Je le laisse se taire et, doucement, réapprendre à respirer. Là, seulement je l'interroge :

-Tu es quoi ?

Il soupire.

-Je ne sais pas, Clovis. J'ai du mal à y réfléchir. Ça me ramène au fait que je ne suis qu'une épave humaine malmenée par ses désirs et ses pulsions, et que je n'ai aucun contrôle là-dessus.

Un ricanement assez misérable.

-Je n'irais pas jusqu'à « épave », je réponds, mais ouais, l'inconscient marche comme ça. Tu es capable de voir la réalité en face et de ne pas rester coincé dans le déni, au moins.

Il rit. Un petit éclat de soleil dans l'obscurité.

-C'est vrai. Je suis lucide. (Il se redresse, plonge ses yeux bruns dans les miens). Et toi, Clovis ? Tu es quoi ?

Je hausse les épaules, ça le remue et il lâche un couinement.

-Je suis obligé de me définir ?

-Non, tu n'es pas obligé. Mais c'est toi qui m'as parfois parlé des mots, de leur importance pour comprendre le monde. Il y a des mots pour tout. Des mots pour aimer les filles, des mots pour aimer les garçons. Il y a des mots pour aimer un corps, des mots pour aimer un esprit, des mots dans tous les sens. Il y a même des mots pour n'aimer rien du tout. Des mots pour parler de soi, ou de son rapport aux autres. Quels sont tes mots, Clovis ?

Avant que je ne réagisse, il ajoute :

-Enfin, tu n'es pas obligé de me répondre. Ça serait hypocrite, de te forcer alors que je n'ai pas cherché à me définir moi-même.

J'inspire profondément. Je laisse l'air pénétrer mes poumons, je sens mon cœur accélérer et ralentir, pulsation légère et fluide sous ma peau, dans mes veines. Je sens les picotements du contact sur mon épiderme, je sens ma langue contre mon palais. Je sens mes paupières, alors que je garde les yeux ouverts même si la nuit qui est tombée m'empêche de dévisager le monde.

-Je ne sais pas, Milan. Je ne pense pas être hétéro, je ne pense pas être gay non plus. Je suis quelque part dans l'immensité. Je suis vivant, peut-être capable d'aimer.

Il hoche la tête, contre mon corps. Puis, il laisse le silence reprendre ses droits, il laisse le silence nous enlacer. Voilà une caresse avec laquelle je suis plus à l'aise, un contact avec le vide. Une approche de nos souffles, des battements de nos muscles cardiaques. Une sensation décuplée de n'être, au final, qu'un esprit coincé dans une réalité physique, lourd corps qui s'enfonce dans un lit.

Une sensation d'être. Je me sens exister, compressé par Milan, compressé par le silence, compressé par l'obscurité. C'est une manière différente de respirer, de trembler. C'est ça, ça que je cherchais à vivre à nouveau. Ça qui m'a fait fuir à tout prix, abandonner mes connaissances, ma famille, abandonner une partie de ce qui faisait de moi un être humain. Une part de vibrations.

Je glisse ma main contre la nuque de Milan, je le sens frissonner. Mes doigts s'aventurent dans ses cheveux ; c'est vrai qu'ils sont un peu longs.

-Ne les coupes pas. Tu es beau comme ça, Milan.

-Ma mère ne me laissera pas faire, répond-il la voix étouffée.

-Ce sont tes cheveux, pas les siens. Tu ne lui appartiens pas.

La pression de son corps contre le mien se fait un peu plus forte. Je continue :

-Je réitère ma proposition de t'intégrer à ma fuite. Même si ton corps ne s'envole pas. Même si tu restes ici, dans cette chambre vide, que tu continues à voir tes parents et tes connaissances. Et si, grâce à toi, j'ai un toit pas trop loin, tu y seras bienvenu, quand tu voudras reprendre ton souffle.

Il ne réagit pas tout de suite. Il gonfle d'air ses poumons, il laisse quelques étoiles se consumer. Après une courte éternité, il répond par un souffle amusé.

-C'est vrai, que tu me trouves beau ?

Je lâche un soufflement de nez.

-A ton avis ?

Il remue légèrement, baisse la tête, de sorte à ce que je ne voie plus que ses cheveux et non son visage.

-Je ne sais pas, je n'arrive pas à te déchiffrer. C'est pour ça que je te demande.

Je laisse mes yeux se promener dans la chambre, caresser les formes des meubles adoucies par le sombre, admirer la voluptuosité des ombres.

-Je te laisse deviner et te faire ta propre réponse, Milan.

Il se redresse sur ses bras, ose me regarder dans les yeux.

-J'ai envie de croire que c'était sincère, m'annonce-t-il doucement.

-Crois ce que tu veux.

L'obscurité monte, engloutit le monde. L'obscurité comme seule loi, seule infinité qui empli notre espace. Je sens mieux ma respiration, je sens mieux celle de Milan. Ambiance lunaire de rendez-vous sur un trou noir d'une extrême lenteur.

Je sens mon corps, je n'en suis pas maitre. Une goutte tremblante, qui glisse contre du vide, une âme en quête de réponses et de sens. Je sens mon corps, j'y suis un désastre.

Milan, beau Milan, si tu savais comme ça m'énerve de ne pas savoir qui tu es. Un corps face au mien, une enveloppe de cellules et d'atomes. Où est ton esprit, pourquoi ne puis-je pas réellement te dévisager ? Je suis nul pour comprendre le monde. Comprendre les autres. Je me demande si tu me vois réellement. Si tu es conscient que j'existe au-delà de ma peau.

-A quoi tu penses, Clovis ?

Une voix, ce n'est qu'un son. Une vibration qui se propage dans l'air. La voix de Milan a une sonorité toute spéciale. Une voix masculine et calme, comme une vague qui s'accrocherait dans le néant pour ne pas aller trop vite.

-Je ne sais pas, Milan. Je suis lunaire, je ne pense à rien d'autre qu'à tout.

-Parfois, tu as une manière étrange de parler. Je ne comprends pas bien, mais c'est beau à entendre, dit-il en s'allongeant plus confortablement.

Il ajoute doucement :

-Je suis épuisé, Clovis.

Il ferme les yeux. Je réalise alors que je suis dans la chambre d'un autre être humain, collé contre moi. Une forme de répulsion grossit comme une vague qui s'enroule au fond de moi, et simple réceptacle de mes émotions, pantin malléable, je me lève. Je veux être seul. Je suis face à l'absurdité de ce que je vis, allongé contre un gars rencontré deux jours avant. Je suis secoué, saturé de rapports sociaux. Laissez-moi seul.

-Je te laisse dormir, dans ce cas. (Je m'approche de la porte et pose ma main sur la poignée). Bonne nuit.

Au moment où je sors, un léger pincement me rattrape. Le souvenir encore nouveau du bouleversement que ses sanglots ont créé en moi me remue. Je me retourne vers son corps étendu sur le lit. Il me regarde, je le regarde, j'hésite à parler. Tant pis, je préfère toujours les regrets aux remords.

-Si tu en as besoin, même au milieu de la nuit, tu peux venir. Dors bien, Milan.

-Toi aussi, Clovis. Bonne nuit.

Je referme le pan de bois sur mon passage. Pas besoin d'attendre plus pour regretter. Depuis quand je suis assez stupide pour aussi facilement me céder aux autres ? Clovis, merde, t'es tellement déséquilibré. Dans le couloir, mon dos échoue contre le mur, et je me laisse descendre jusqu'au sol. Le carrelage est froid, moi aussi. Je me sens froid. Moins vivant. Moins grisé par le contact et par les vibrations, comme un foutu toxicomane en redescente.

Je suis instable. C'est ce que j'avais cherché, non ? Qu'est-ce que j'avais cherché ?

Une forme de néant s'étale dans ma poitrine. Pleinement redevenu fantôme, ectoplasme de chair errant dans les couloirs d'un manoir en marbre, je ne rêve plus que de m'abréger par l'alcool, le silence, la mélatonine, la nicotine. Il ne me reste qu'une seule clope. Une clope spéciale et précieuse, donnée par un bon souvenir. Une foutue cigarette que je ne peux pas me résoudre à fumer, cachée au creux de mon porte-monnaie presque vide. Une pièce, une clope. Un abîme de souvenirs à portée de doigts, auquel je ne veux pas risquer de toucher. Alors à la place, je sors un carnet, et je dessine dans le noir. Des traits aléatoires, comme moi. Des traits distordus, comme moi. Des traits brouillons, inachevés, incomplets. Je me secoue, je pleure.

Et l'encre qui sèche se mélange aux larmes, des larmes de vide. Je me sens mal. Mais si j'en suis conscient, c'est que je me suis senti bien. Alors il ne reste plus qu'à laisser faire, et la nuit m'efface.

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