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errance dans le vide, ou la recherche


J'ai peu dormi. Allongé comme un cadavre dans un lit immense, je fais défiler les pages de mon carnet, celles que j'ai couvertes d'encre noire pendant la nuit. Aucun sens, aucune idée, des traits, à peine des visages ou des motifs. On dirait l'œuvre d'un fou.

Peut-être ai-je été fou, ouais. Une distorsion, j'ai perdu pied. Je me sens plus stable, maintenant. Les larmes ont emporté une partie du vide, et même si le néant gronde toujours qu'il n'est pas rassasié, il ne me dévore plus. Il attend.

Et moi aussi, j'attends. Je ne sais pas précisément quoi, simplement que le temps passe, et que la chose malléable que je suis se fasse avaler, une fois de plus. Que le monde me fasse bouger, que les évènements s'enchainent. Ils ne font que ça, depuis que je suis partit. Et c'est bien pour ça que j'ai déguerpi, pour ne plus revoir en boucle les mêmes évènements dans les mêmes rues, les mêmes couloirs.

J'ai mis mon vieux mp3 à charger, pendant la nuit. Maintenant, j'en ai pour quelques heures de marge avant d'être rattraper par le manque d'énergie musicale. Casque sur les oreilles, je repasse en boucle les mélodies pianistiques que Gaëlle m'a envoyé, parfois. Elle aimait partager ses créations, avec moi. Je ne crois pas avec d'autres, elle disait que j'étais privilégié, qu'elle me faisait confiance. Est-ce que j'ai brisé sa confiance, en partant ? Je ne l'ai pas prévenue, elle m'aurait retenu ; or, je veux être libre.

Je n'ai pas touché à la clope qu'elle m'a donné. Je ne peux pas me résoudre à la consumer. Consumer cet ancrage à la seule personne qui avait su m'attraper, et plus étonnant, me garder.

Le piano vibre et rempli mon vide de sons délicats. Je me repais de son emprise sur ma pensée, de l'anesthésie psychique et sensorielle que me procure la musique lorsque je daigne m'y plonger.

Enfin, ça y est. Je me redresse. Mon estomac me remue pour que j'aille le saturer de nourriture. Et j'espère, vu la quantité apparente d'argent de cette famille, avoir droit à un petit déjeuner plus noble qu'un sandwich au thon ou une tasse de café artificiel et insipide. En sortant, je constate que la porte de la chambre de Milan est ouverte, et que son lit est fait.

Je n'ai pas très envie de le croiser. Je sais qu'à moins de fuir en cachette je ne peux que continuer au moins un peu avec lui. Je sais aussi que mon sac pèse son poids et que me sortir de ce bled paumé ne peut se faire qu'à pied.

Alors, comme un courant d'air, je me glisse entre les couloirs. Cette maison est immense, et ce n'est pas sans difficulté que je parviens à la salle à manger, qui est vide. C'est bien ma veine. Heureusement, la porte vers la cuisine est ouverte : est-ce que je peux m'y servir ? Aussi fauteur de trouble volontaire que je peux parfois être, je n'ai pas vraiment envie de m'attirer les foudres des parents de Milan. Je ressors, l'estomac en miette, et traîne du pieds à travers les pièces, à la recherche de quelqu'un.

Le carrelage est uniforme, froid et triste. Cette maison entière est triste. J'ai toujours eu un penchant pour les couleurs chaudes, surtout sur les murs. Que tout soit blanc, délavé, carrelé, ça m'horripile. Cette baraque entière me renvoie qu'ici, ce n'est pas ma place. Que je suis plutôt le genre de gars à vivre dans le bordel, et dans une forme de décadence qui ne leur plairait sûrement pas.

Amusé à cette idée, je chemine lentement jusqu'à entendre quelqu'un chantonner. Plus que quelqu'un, cette voix, je la connais. Plus rassuré à l'idée d'entrer en contact avec lui qu'avec ses parents, je me dirige vers la source du son. De l'autre côté de cette porte, hein ?

Je pose ma main sur la poignée et m'apprête à ouvrir la porte mais le bout de métal s'abaisse soudain et je manque de tomber en avant, sur Milan qui lâche un petit cri surpris.

-Oh, Clovis, bonjour. J-je ne t'avais pas vu... entendu... peu importe. Tu vas bien ?

Je hausse les épaules. Le contact social est un poil moins horripilant que ce que j'avais prévu.

-J'ai faim. J'avais réussi à trouver la salle à manger mais il n'y avait rien de comestible.

Il sourit, amusé.

-Viens, je vais te sortir ce que tu veux. Tu préfères quoi, sucré, salé ?

-Hm, la nourriture.

Je le suis dans le sens opposé au chemin que je suivais quelques minutes auparavant, les couloirs sont moins antipathiques avec de la compagnie. Alors qu'il entre dans la cuisine, il s'arrête et m'adresse :

-Si tu veux bien, aujourd'hui, on ira voir s'il y a des appartements qui te plaisent. Il faudrait essayer de faire ça vite, que tu n'aies pas à rester... (il regarde le sol) ici trop longtemps.

Il me passe un bout de pain, que j'engloutis avant d'attendre qu'un quelconque accompagnement y soit ajouté. Il me regarde, ses yeux bruns traversent un bout de mon âme. Je me sens transpercé sans douleur. Comme si une flèche venait d'empaler ma chair mais que finalement, me vider de ma vie n'était pas si grave. Milan sourit, un peu gêné.

-Tu... en veux plus ? finit-il par demander, hésitant.

Je hoche la tête, mes mèches de cheveux me tombent sur le front. Il me tend un autre bout, ajoute avant que je ne l'avale :

-Si tu veux, on a des confitures. On doit avoir mûres, framboise, abricot, des trucs comme ça. Mais on a aussi du pâté ou du fromage si tu préfères. Tu veux que je te fasse du café ?

Je grimace de dégoût à la simple idée de la désagréable amertume dénuée de plaisir que cette boisson provoquerait si elle effleurait mes papilles.

-Non, non merci. Je déteste ça.

Surpris, il lève un sourcil. Ça lui fait un visage un peu tordu et très amusant.

-Je pensais que... commence-t-il, mais il s'arrête de parler et me fixe bizarrement. Enfin, peu importe. Tu veux un thé, un jus.

-De l'eau, s'il te plaît.

Il s'empresse d'aller saisir un verre dans l'une des étagères blanches, parfaitement lisses et modernes. Tout dans cette cuisine est moderne. Tout dans cette maison est moderne. Je ne m'y sens pas à ma place. Mais de toute façon, est-ce que j'ai une place ?

Il me tend le verre, je le bois cul-sec comme si le liquide frai et transparent pouvait m'emporter dans son courant.

-Merci, Milan. Je crevais de soif.

Il émet un petit son qui s'apparente à un rire. Ses lèvres se tendent, ses joues se soulèvent et ses yeux se plissent. Un sourire amusé.

-Il fallait demander, tu en veux encore ?

Je lui rends le verre. Pendant que je m'hydrate et m'alimente, il m'explique :

-J'ai croisé mes parents ce matin, ils sont tous les deux au travail actuellement. Ils sont d'accord pour que tu restes le temps de trouver un endroit ou vivre, à condition que tu « ne squatte pas de manière inconsidérée » et que tu n'aies pas « de conduite à risque et de consommation discutable ». (Il grimace). Désolé, pour ça. Ils sont un peu... ouais. Tu vois ce que je veux dire.

-Hm. De toute façon, je ne compte pas m'éterniser. Cette baraque pompe mon énergie et ma santé mentale.

-Ouais, répond-il. C'est pour ça que je suis parti, j'ai profité d'une période où je n'avais pas cours, à la fac.

C'est vrai, qu'il est étudiant. Il est plus âgé, plus avancé dans le déroulement malléable de sa vie. Il récupère le verre que j'avais posé sur la table, vide.

-Clovis, ça ne te dérange pas si j'utilise ton verre ?

-Fais ce que tu veux. Mais toi, ça ne te dérange pas ?

Alors qu'il y verse de l'eau, il m'adresse un air interrogateur :

-Pourquoi, parce que tu as bu dedans ? Non, ça ne me dérange pas. Et ça évitera de sortir un verre de plus.

Il pose le verre contre ses lèvres, avec délicatesse, d'abord sans boire. Il prend une inspiration, puis vide le contenu cul-sec, comme moi auparavant. Il doit avoir de l'entraînement, pour descendre le liquide à cette vitesse. Milan range distraitement la cuisine avant de m'entraîner à sa suite.

-Viens, on va voir les appartements. Il doit certainement y en avoir, cette région se fait déserter par les habitants, (il ricane), et je les comprends bien.

On chemine jusqu'à sa chambre, où il sort son ordinateur. Je me souviens du texte que j'y ai déposé, « le fantôme de l'ordinateur ». Je suppose qu'il ne l'a pas encore trouvé.

-Alors... tu sais t'y prendre, pour chercher un logement ? Qu'est-ce qu'on est censé taper dans la barre de recherche ?

-Je ne sais pas. (Je me penche au-dessus de lui) commence par chercher une agence immobilière, on verra comment ça avance après.

Après une heure et demie de recherches, on finit par entrer en communication avec un agent immobilier trop sympathique pour être honnête au sujet d'un trois pièces dans la ville la plus proche. Milan s'exclame que l'agent est très agréable, une visite est préparée. Je laisse faire. J'attends. Je suis un point dans l'univers. Inexistant et dérisoire, insignifiant et négligeable. Je laisse tourner, je regarde le néant, une nouvelle réalité impalpable qui ne s'ouvre qu'à ceux qui se détachent de leurs corps. Mon esprit s'échappe, il fait toujours ça quand je m'ennuie. Je ne me rends plus compte que le temps existe et passe, je suis une poupée de chair et de vide.

-Clovis ?

Je me reconnecte brusquement avec la réalité : sensation de chute libre et d'impact. Presque fatal.

-J'ai trouvé d'autres appartements, me dit-il sans se rendre compte qu'il a brisé mon lien au néant. Tu les trouves comment ? (Il fait défiler des photos) Celui-ci a l'air bien, non ? Il est en centre-ville, pas très loin d'ici. Tu penses que ça t'irait ?

Je soupire avec lassitude.

-Prends le moins cher. Je me fiche de la superficie, l'apparence, peu importe. Je veux juste un toit.

Je me lève, Milan me suit des yeux. Ça serait méprisant et hypocrite de le laisser seul s'occuper de me trouver un appartement. Mais il parait que je suis quelqu'un de méprisant et hypocrite. Je n'ai rien d'autre à faire ici que de coller Milan, de toute façon. Alors je préfère être ailleurs. Ailleurs, dans mon propre monde, sans contrainte physique ou morale. Je quitte la pièce, accompagné par le regard de Milan. Je retourne dans ma chambre, récupère le carnet dans lequel j'ai dessiné, cette nuit.

Je décapuchonne un stylo, commence à écrire.

« Froid, marbré, un palais glacial et immobile. Sans âme et sans souvenirs. Quelqu'un est retourné s'y enfermer, je m'y suis enfermé avec. Je dois sortir. Ce n'est pas chez moi, ici. »

J'imite les formes du marbre, à côté. Sous ma bille, l'encre s'incruste dans le papier, chante des formes et des courbes. Je tourne la page, mon esprit s'écoule et s'épure. J'aurais presque pu me penser en transe, mais le détestable son de la poignée qui s'abaisse me brise. Un garçon aux cheveux châtains et à la mâchoire taillée au rasoir passe la tête :

-J'ai... trouvé quelque chose. Tu peux venir voir, si ça te va ?

Masse informe et méprisable, je m'élève et me met à sa suite. Il me monte un lieu en photos qui est certainement bien différent dans la réalité.

-C'est un appartement étudiant, m'informe-t-il, alors il peut être occupé très bientôt. Hem... il a, une estrade ? C'est cool, non ? Il est meublé au minimum, et la location n'est pas chère. C'est ce que tu voulais, non ?

Je me penche vers l'écran, en m'appuyant distraitement sur son épaule. Mouais, ça n'a pas l'air mal. Ce n'est pas trop ridiculement petit, pas abusivement grand non plus. Je me tourne vers Milan, il observe avec attention l'ordinateur. La faible lumière émise blanchit sa peau, et se reflète sur ses cheveux. Il a l'air concentré. Concentré sur quelque chose qui est dans mon seul intérêt, qui va même lui faire perdre de l'argent. C'est aberrant, de me prendre en charge ainsi, alors qu'on se connaît à peine. Ce mec doit vraiment être bonne poire.

-Il sera parfait, je confirme. Tu as raison, les estrades, c'est cool. Et merci pour tout, Milan.

Il sourit, et avance dans la procédure.

-Impeccable, affirme-t-il. Laisse-moi faire le reste, je suis un vieillard alors j'ai le savoir-faire !

Au final, il lui faut dix minutes pour trouver la procédure à suivre. Je le regarde tourner en rond, il râle et insulte la page internet. Au bout d'une heure, il m'invite à aller manger. Dès la fin de ce repas basique de pâtes à l'eau (tout ce qu'il sait cuisiner) dans une salle à manger froide comme une morgue, il s'en retourne me trouver un logis.

Tout ça est aberrant et absurde. Mais je l'ai cherché, aussi. Allez, Clovis, par pitié pose toi un peu, au moins le temps de respirer.

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