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08. Le Juif errant

« Mais celui qui n'ose pas toucher les épines ne devrait jamais désirer la rose. »

↳ Alfie Solomons ↲


Camden Town

Thomas Shelby n'était pas le seul à être capable de faire des entrées théâtrales, chose que les employés à la distillerie de rhum de Camden Town avaient appris bien trop tôt en ce matin de bonne heure, quand les portes de la fausse boulangerie s'ouvrirent et que Rose Salvage et Kaya Yende apparurent devant leurs yeux fascinés comme des apparitions divines. Aucun d'entre eux n'avait jamais pensé voir le jour où deux femmes entreraient dans cet endroit étouffant et bruyant, et encore moins deux femmes agissant comme si elles n'avaient pas le temps d'avoir peur, comme si un tel sentiment était trop lent et indigne de marcher à leurs côtés.

La vision inattendue des deux dames dans cet espace sombre et moite rendit le rhum plus sucré et l'air plus frais presque immédiatement, le tout avec les hommes arrêtant leur labeur pour les siffler et les lorgner, et Rose et Kaya auraient pu ressentir de la peur, mais elles avaient ôté ce mot de leur vocabulaire il y avait bien longtemps, car la peur était ce dont les hommes comme Thomas Shelby ou Alfie Solomons se nourrissaient. Et ni Rose ni Kaya n'avaient l'intention de continuer à rassasier leur appétit.

Mademoiselle Salvage, nous ne vous attendions pas, déclara l'assistant d'Alfie en l'approchant, qu'est-ce qui vous amène par ici ?

J'ai pensé que j'achèterais bien un peu de ce pain délicieux que vous faites ici, vous savez que nous, Français, adorons notre pain. Ollie, allez chercher Alfie pour moi, je vous prie.

Pas besoin, pas besoin, s'empressa de répondre l'homme avec des cicatrices sur le visage qui était sorti de son bureau et s'avançait vers eux, et le rhum redevint aigre et l'air renfermé.

Avec ses emportements imprévisibles, Alfie Solomons était l'un des hommes les plus terrifiants que Rose ait jamais connus, et pourtant il venait à leur rencontre le dos courbé, comme pour se rapetisser. Alfie, comme Rose, jouait de la sous-estimation des gens à son sujet, et c'était peut-être pourquoi elle en était venue à le considérer comme un ami, si tant est qu'un homme comme lui puisse en avoir aucun.

Je pensais qu'il serait plus grand, murmura Kaya en l'observant. Et plus effrayant.

Laisse-lui du temps, marmonna Rose en retour, regardant avec amusement Alfie se promener parmi ses employés comme un prophète parmi ses disciples.

Bon, si les enculés que vous êtes avez suffisamment reluqué ces dames, peut-être pourriez-vous retourner au travail, bordel de merde ? Les yeux sont faits pour voir, pas pour niquer, grogna-t-il de sa voix traînante et endormie trempant dans un accent qui faisait Rose souhaiter qu'elle soit accompagnée de sous-titres, ou au moins d'un mode d'emploi.

Elle doutait que quiconque ait jamais été capable de le percer à jour, et elle priait pour l'âme de la personne qui le ferait un jour.

Ah, Rose ! Je me disais bien que c'était toi, ça sentait beaucoup trop la putain de France ici, dit-il en s'arrêtant juste devant eux, inspectant Rose de son monocle avant de jeter un œil à Kaya. Les Français ont un parfum bien particulier, tu n'es pas d'accord, chérie ?

Je serais incapable de le dire, vu comme ça sent la pisse de chien et la merde de cheval là-dedans, répondit froidement Kaya.

C'était la première fois qu'elle le rencontrait et elle n'avait pas l'air intimidé le moins du monde par ses mots déroutants, et c'était exactement ce pour quoi Rose l'avait emmenée avec elle. Elle espérait juste que l'audace de Kaya n'allait pas leur causer de problèmes, car elle était autant une bombe à retardement que lui.

C'est sûrement plus moi que cet endroit, rétorqua Alfie en faisant volte-face avant de s'en aller en titubant, faisant des gestes de la main aux alentours, en direction des bouteilles de rhum. Ton amie a-t-elle déjà goûté mon « pain », Rose ?

Oui, je le crois bien, nous le vendons dans nos bars.

Eh bien, elle devrait s'en servir un nouveau verre. Pendant ce temps, tu entres à l'intérieur, O.K. ? ordonna-t-il en pénétrant dans son bureau sans attendre de réponse. Rose échangea un bref regard avec Kaya avant de le suivre et s'assoir en face de lui. Alors, Rose, file-moi un coup de main, tu veux ? Parce que j'ai aucune putain d'idée de pourquoi diable une délicate rose anglaise comme toi déciderait de me rendre visite dans cet humble trou à rats.

Pour la même chose que d'habitude, Alfie, les affaires. Et s'il y a une rose anglaise ici, ce n'est certainement pas moi.

J'espère qu'on ne te coupera jamais la langue, ça serait du gâchis, répondit Alfie en adossant son dos à la chaise et posant ses mains sur son ventre, son regard scrutateur faisant Rose avoir l'impression qu'elle était arrivée au jour du Jugement dernier avant même d'avoir eu le temps de vivre. Les affaires, tu dis ? Comme la première fois que tu es venue ici, hein, avec ton putain de sniper sur le toit en train de me viser juste pour me faire passer peu importe lequel de tes marchés de merde.

Rose sourit à ce souvenir d'il y avait des années de cela, à comment Nicolas avait accepté son plan sans sourciller ; ils savaient alors que le seul moyen de convaincre Alfie de négocier avec un nouveau gang était de menacer sa vie.

Eh bien, ça a marché, non ? Nous avons fait un bon marché. On peut donc dire que l'eau a coulé sous les ponts.

Ouais... Bon, la seule autre personne qui a été assez folle pour monter une telle combine à mon encontre, c'est ce connard de Birmingham qui a failli tout faire sauter.

Tu parles de Thomas Shelby ?

Oui, cet enculé. J'ai entendu dire que tu as récemment fait sa connaissance, c'est vrai ?

Malheureusement, opina Rose du chef. Je ne suis pas là pour parler de lui. Comme tu le sais, je contrôle un nombre considérable de ports sur la côte nord de la France. Je veux vendre ton rhum en France et que tu vendes mon absinthe dans tes pubs, ici en Angleterre, en échange.

Et pourquoi diable voudrais-je vendre ton absinthe dans mes pubs, chérie ? Cette merde a le goût de tabac liquide.

Rose sourit derechef, trop habituée aux techniques déstabilisantes d'Alfie pour se sentir offensée par ses mots.

Pour toi, peut-être, mais les clients pensent différemment. Tu sais que ça se vend bien. Mon absinthe dans tes pubs et ton rhum dans toute la France ; il me semble que tu as le plus à gagner de cet échange.

Ouais, lâcha Alfie en se penchant en avant, posant ses mains croisées sur le bureau qui les séparait, et Rose se prépara à ce qu'il se passe quelque chose d'insensé qui avait pourtant une signification. C'était toujours le cas avec Alfie ; Rose n'avait jamais rencontré quelqu'un qui puisse dire autant de vérités crues dans tout autant de charabia. J'avais un jardin à une époque, Rose, tu vois ? Un jardin adorable plein de putain de belles fleurs. Et j'avais l'habitude d'emmener mon chien pisser ici, hein, et il pissait là, pendant des heures et des heures, sur chaque rose de ce putain de beau jardin. Sauf sur une, pas vrai, parce qu'il y avait toujours cette putain de rose qui pointait un flingue sur la tête de mon pauvre chien. Du coup, c'était la seule rose sur laquelle il ne pissait pas.

Je ne pointerais pas de pistolet sur ton chien, Alfie ; si je devais viser quelqu'un, ce serait toi. Avons-nous un accord, oui ou non ? J'aurais pu aller voir les Sabini ou les Shelby ou n'importe quel autre gang dans le coin, mais je t'ai choisi, Alfie, parce que tu es mon préféré. Et je sais que tu n'aimes personne, mais tu m'aimes bien, moi. Tu trahis tout le monde, sauf moi. Parce que, parfois, deux couteaux se rencontrent et décident de poignarder leurs propres dos au lieu de celui de l'autre. Je voudrais continuer dans cette voie.

T'es une femme, Rose, c'est putain d'évident, n'est-ce pas ? s'enquit le Juif errant, comme il se surnommait lui-même, en faisant un signe vers sa poitrine sans gêne, comme un écolier. Mais je te le dis, tu as les plus grosses putain de couilles que j'ai jamais vues.

Rose pouffa. Discuter avec Alfie, c'était comme marcher sur une corde raide balançant entre amusement et absurde sans équipement sécurisé ou endroit où atterrir. Elle devait simplement jouer le jeu.

Plus grosses que celles de Thomas Shelby ?

Ouais, plus grosses que les siennes aussi. C'est le meilleur compliment que je puisse faire, chérie. Maintenant va et appelle ton amie, d'accord ?

Pourquoi ? demanda Rose, et son cœur n'en était plus un, il n'était plus qu'un défouloir sur lequel les ordres d'Alfie et sa volonté de protéger luttaient ensemble jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien dans sa poitrine si ce n'est un bain de sang.

Parce que t'es une putain de fleur, chérie, mais cette femme là, c'est le putain de jardin entier.

Rose fit la moue mais agit comme il lui demandait, rentrant de nouveau dans le bureau accompagnée d'une Kaya silencieuse dont les yeux avaient été remplacés par des signaux d'alarme.

Alors, chérie, ça sent mieux par ici ? questionna Alfie, sa main fourrageant dans sa barbe comme s'il s'attendait à y trouver un trésor caché.

Légèrement, commenta Kaya, regardant autour d'elle. Je recommanderais toujours de prendre un bon bain et une grosse dose de parfum après ça.

C'est un putain de prérequis pour entrer dans ton gang, le fait d'être aussi effronté ? demanda-t-il à Rose sans détacher son regard de Kaya.

Les langues acérées ramènent des pièces argentées, acquiesça Rose d'un modeste hochement de tête.

40%, se décida-t-il finalement. Je veux 40% de n'importe quel profit tu fais en vendant mon rhum dans ton satané pays.

Les ports m'appartiennent.

Mais c'est moi qui produit le rhum, chérie.

20%, plaida Rose d'un ton indéfectible que même un tremblement de terre ne ferait pas vaciller. Hélas, Alfie était plus puissant qu'un séisme.

30%, contra-t-il, d'une voix qui empêcha Rose de répliquer à moins d'en finir avec les yeux arrachés pour l'une ou les testicules coupées pour l'autre. Et un rencard avec ta charmante amie que voilà.

Un rencard ?

Un rendez-vous, oui, tu sais, quand deux personnes vont quelque part, en général un restaurant élégant ou...

Je sais ce qu'est un rencard, Alfie.

Donc, un rencard. Sinon, pas de marché.

Rose serra les dents ; elle détestait devoir placer Kaya entre le diable et l'océan bleu profond sans savoir qui était le Diable en premier lieu. Elle n'osait pas regarder Kaya, qui était anormalement silencieuse, comme le calme avant la tempête.

Marché conclu.

Parfait, tout est réglé alors, dit-il, et il la regarda d'une telle manière que Rose se demanda s'il était capable de convoquer Dieu dans ses yeux. Ça fait un moment que je fais ce rêve à ton sujet, tu vois. Tu es dans ce grand champ de fleurs, hein, et tu en es la seule rose morte. Puis le vent souffle et t'emportes ailleurs. Et seuls les pétales cramés restent.


***


Sérieusement, Rose ? s'exclama Kaya en secouant la tête dès que les deux femmes furent hors de la distillerie et de nouveau dans des eaux calmes. Voilà qu'arrivait la tempête. Tu es juste comme Thomas. Pour toi, les gens ne sont que des moyens pour atteindre une fin que tu penses stupidement avoir besoin de réaliser. Tu devrais faire attention à ne pas finir comme lui, un homme avec beaucoup d'argent mais pourtant peu de richesses.

Quand Kaya se transformait en tempête, Rose ne réagissait pas pendant un moment, digérant ses mots. Puis, elle lui courait après et attrapait son bras, parce qu'elle ne supportait pas d'avoir le portrait aussi sombrement peint par une amie qui avait toujours pensé à elle avec des couleurs vives.

Kaya, non, je ne suis pas comme lui. Si tu ne veux pas aller à ce rendez-vous idiot avec Alfie, tu n'iras pas. Je trouverai une excuse.

Tu as donné ta parole, Rose, et ce n'est pas moi qui vais te faire te parjurer. Juste... A partir de maintenant, aie un peu plus de considération pour les sentiments des gens, d'accord ?

Mais c'était déjà le cas. Tout ce qu'elle avait fait, son empire, sa fortune, c'était pour les gens. Les Français, pour qu'ils n'aient jamais à connaître la misère comme ce fut autrefois son cas, et les Britanniques, du moins ceux qui comptaient pour elle.

Mais peut-être qu'agir pour les gens n'était pas la même chose qu'agir pour leurs sentiments. 


***


A Londres, le seul endroit dans lequel Raphael De La Cour se sentait comme à la maison était sur le ring, où les actions qu'il devait faire et les sensations qu'il y vivait étaient les mêmes qu'en France. Entre ces quatre cordes, ses pensées s'alignaient normalement sans qu'il n'ait à s'embrouiller à trouver les bons mots pour les traduire – il pouvait être lui-même aussi longtemps que ses poings parlaient pour lui.

La boxe lui donnait une perception de lui-même qu'il ne trouvait nulle part ailleurs, mais qui rapportait aussi une source stable de revenus pour les French Kissers ; quand les autres gangs se battaient les uns contre les autres autour de circuits de course et de paris équestres, ils avaient tournés leur bookmakers vers le football et la boxe, où Raphael jouait un rôle crucial. C'est pourquoi il était si absorbé par son entraînement ; et c'est aussi pourquoi il ne remarqua pas le jeune homme aux boucles brunes entrant dans la salle de sport et s'asseyant sur un banc pour écrire tout en risquant furtivement un ou deux regards dans sa direction.

C'est seulement quand Raphael arrêta de s'entraîner qu'il le remarqua, et son cœur se renversa dans sa poitrine comme une pièce tirée à pile ou face. Cela lui arrivait parfois, quand Raphael voyait un homme particulièrement agréable à regarder ou intéressant, mais il n'y avait jamais trop réfléchi. Les femmes occupaient son esprit la plupart du temps, et il n'avait certainement pas la place pour les deux ; c'était généralement soit l'un soit l'autre.

Hey, appela Raphael, souriant un peu quand l'homme aux yeux marrons releva la tête, stupéfait qu'on lui adresse la parole. Tu veux venir et t'entraîner un peu ?

Non merci, répondit le gars en lui rendant son sourire, et le cœur de Raphael y réagit d'une telle manière qu'il sut qu'il n'aurait pas dû, d'une manière que la société ne permettait pas. Parce qu'il y avait aussi des lois du cœur, des lois qui l'avaient forcé toute sa vie à s'y soumettre et que cet étranger menaçait de briser. J'ai toujours préféré écrire sur les choses que les faire.

Ah, tu es un écrivain ? questionna Raphael, reposant ses bras sur la corde en l'observant avec intérêt. Il ne manqua pas de remarquer comment le regard du type glissait sur son torse nu avant de retourner à ses yeux avec timidité.

Oui. Du moins, j'essaie de le devenir.

C'est un bien étrange endroit pour écrire. La plupart des écrivains n'écrivent-ils pas dans des parcs ou des cafés ou ailleurs ?

Les mots anglais, qui avaient été un véritable combat pour Raphael, s'écoulaient désormais de sa bouche librement, comme si ce garçon méritait qu'on se décarcasse à lui parler dans une langue étrangère.

Eh bien, oui, mais je suppose que je suis différent. Je suis plus inspiré ici.

Tu sais, dit Raphael en se penchant pour passer entre les cordes et sauter au sol, si tu es en train d'écrire une histoire sur moi, tu devrais me le dire.

Ce n'est pas ce que je fais ! réfuta le Britannique, ses joues devenant aussi rouges que les cerises que Raphael et Andrea avaient l'habitude de cueillir dans les chaudes soirées d'été de France.

Peut-être que tu le feras un jour, rétorqua Raphael en lui faisant un clin d'œil, juste pour le plaisir de voir ses joues rougir encore plus. Tu sais, si tu changes d'avis, je serais ravi de t'apprendre une chose ou deux sur le ring.

Vraiment ? fit le gars en inclinant sa tête de côté, le sourire sur son visage balançant comme un bateau à la dérive, un que Raphael aurait voulu guider vers le rivage, même s'il ne savait pas pourquoi ou comment. Je vais certainement accepter cette offre un de ces jours, qui sait, je suis peut-être un prodige qui s'ignore.

Raphael rit, mais son rire fut interrompu par des pas pressés et résolus qu'il avait déjà bien longtemps appris à associer à la force de la nature qu'était Rose.

James ! s'écria-t-elle, attrapant son visage et l'embrassant sur chaque joue. L'action n'avait vraisemblablement pas le même effet sur lui que sur les autres hommes, chose qui fit le cœur de Raphael se retourner de nouveau, le remettant dans le bon sens. Ça fait longtemps !

Oui, depuis que tu m'as envoyé vivre chez Ada Shelby pour que je te transmette tous les ragots sur sa famille, déclara James sans pour autant avoir l'air de lui en vouloir.

Eh bien, je suis certaine que ça t'a fait gagner de la matière intéressante pour tes histoires, non ? Je suppose que rencontrer Thomas Shelby et l'aider à piéger Alfie Solomons devait être une sacrée expérience.

Oui, ça m'a presque envoyé à l'hôpital pour cause de crise cardiaque, mais au moins j'aurai de l'inspiration et des idées pour le restant de mes jours. Ce sont des types très intenses.

C'est le cas de le dire, gloussa Rose, et son regard passa sur Raphael comme une fumée qui voyait ce que les autres ne pouvaient pas et allait là où les autres ne voulaient pas. Tu sais, si tu cherches un nouvel endroit où vivre, j'ai un appartement libre juste à côté de chez Raphael. Il est à toi si tu veux.

Rose...

Assure-toi simplement de me dédier une histoire quand tu seras connu, d'accord ? l'interrompit-elle, l'embrassant encore sur la joue et faisant un clin d'œil à Raphael avant de s'en aller.

James avait été une source d'information précieuse sur les Peaky Blinders pendant quelque temps, mais après avoir découvert que Thomas l'avait utilisé dans un complot pour négocier avec Alfie, elle avait estimé qu'il était trop dangereux de le laisser dans une telle position et l'avait dispensé de continuer sa mission.

As-tu décidé ce que tu vas faire ? s'enquit Renée quand Rose arriva à l'entrée de la salle de sport où une partie du gang était rassemblée. Quant à l'offre de Thomas ?

Je n'ai pas vraiment le choix, si ?

Réfléchis bien, Rose, conseilla Nicolas, chaque ligne s'inscrivant sur son front comme un testament d'inquiétude pour elle. Il est tout seul dans cette grande maison, sa famille est en prison, bien-sûr qu'il voudrait un peu de compagnie, surtout si elle est aussi agréable que la tienne. Je dois admettre que je hais l'idée de te savoir seule avec Thomas Shelby, dans cette maison ou n'importe où ailleurs.

Tu crains qu'il me fasse du mal ? demanda Rose en relevant un sourcil. S'il y avait bien une personne qui savait ce dont elle était capable, c'était lui.

Je crains qu'il te mène dans son lit, parce que c'est ce à quoi pensent tous les hommes quand ils te voient.

Je dois accepter cette offre, je dois trouver ce qu'il sait sur mon implication dans l'affaire des Allemands. Le sac à main était un avertissement, et Finn aussi. Il vient tout juste de débarquer sur mon territoire, dans mon café, et m'a posé une question silencieuse. Je ne peux pas le laisser sans réponse, sinon il va se faire la sienne. Je dois découvrir s'il sait qui je suis et trouver quelque chose à faire si oui. Et le surveiller dans le cas contraire, pour qu'il ne sache jamais.

Les Russes ont un dicton, tu sais, dit Angeline du même ton qu'Alfie utilisait quand il était sur le point de prononcer l'une de ses prophéties. « Si tu as peur des loups, ne vas pas au bois ». Je crois que l'équivalent en anglais est « Si tu ne supportes pas le feu, tiens-toi hors des fourneaux ». Es-tu capable de supporter le feu ?

Rose ricana, un sourcil parfaitement arqué par les années qu'elle avait passé à défier les gens et les systèmes.

En est-il capable ?


***


Bibliothèque de Londres


De toutes les sœurs de Rose, Thomas avait rapidement compris qu'Audrey, avec sa tête dans les nuages et ses pieds rarement sur terre, était la plus impressionnable, et c'est pourquoi il se retrouvait à se promener dans une bibliothèque et ignorer les yeux des autres sur lui, son regard uniquement fixé sur la fille qui pouvait lui donner tout ce qu'il voulait.

Audrey, perdue dans un monde de mots et d'idées, ne remarquait pas les chuchotements autour d'elle et ne réalisa sa présence impressionnante s'imposant à elle que quand son ombre se déversa négligemment sur les pages de son libre ouvert.

Hmm hmm, se râcla-t-il la gorge et Audrey releva les yeux, déglutissant devant la page blanche qu'elle lisait sur son visage. Elle n'aimait pas quand les gens n'avaient pas de mots sur leur peau ; c'était comme s'ils n'avaient pas de vie. Alors elle se demanda s'il y aurait jamais quelqu'un capable d'écrire quelques mots sur lui, de lui apporter de petits bouts d'émotion qui lui donneraient l'air plus humain et moins la machine qu'il avait été forcé à être pendant la guerre. Mais peut-être était-ce là la clé du problème : les hommes pouvaient quitter la guerre, mais la guerre, elle, ne les quittait jamais. Cela vous dérangerait-il de me rendre service ?

Pas de problème, dit Audrey, se levant et rangeant le livre sur l'étagère. Vous êtes là pour emprunter un livre ?

Pas vraiment, répondit Thomas en attrapant la boîte dans sa poche qui lui rendait toujours une part de lui-même, jusqu'à ce qu'il se souvienne qu'il était dans une bibliothèque et décida de se raviser. Vous entretenez de bonnes relations avec votre sœur, n'est-ce pas ?

Laquelle ? s'enquit Audrey, même si elle savait de qui il voulait parler. Depuis que leurs mondes étaient entrés en collision, il n'y avait pas un jour où leurs orbites n'avaient pas gravité l'un vers l'autre.

Rose, déclara-t-il, et il y avait plus d'émotions dans cet unique mot que dans n'importe quelle phrase qu'elle l'ait jamais entendu prononcer auparavant, même si cette émotion provenait de derrière un voile, inatteignable même pour lui-même.

C'est effectivement le cas. Elle est comme une deuxième mère pour moi.

Bien. Vous savez que je veux qu'elle apprenne comment jouer du violon à mon fils. Qu'en pensez-vous ?

Je pense que c'est une bonne idée. Les enfants devraient être exposés à la musique classique le plus tôt possible, non ?

Oui, mais comme elle ne semble pas partager cette opinion, je veux que vous m'aidiez à la convaincre.

Mr. Shelby, répondit Audrey en secouant la tête, les bras croisés sur sa poitrine d'un geste taquin, vous êtes sérieusement venu jusqu'ici pour me presser de persuader Rose d'accepter votre offre ?

Comme vous l'avez dit, c'est une bonne idée, mais malheureusement, elle ne le voit pas de cet œil. Vous pouvez y remédier.

Quand Rose s'est faite à une idée, ce n'est pas facile de lui faire changer d'avis. Peut-être avez-vous l'habitude des gens vous disant « Non » pour dire « A voir », mais je vous assure que Rose dit « Non » comme dans « Hors de question ».

Thomas étouffa un rire, les coins de ses lèvres luttant pour produire l'expression humaine la plus simple. Audrey se demanda ce qu'il fallait pour le faire réellement sourire ; peut-être que c'était une chose que seule sa mémoire pouvait faire désormais.

Je suis au courant. Mais je suis sûr qu'elle écoute ses sœurs.

Votre sœur vous écoute-elle ?

Bien vu. Vous connaissez Ada ?

Oui, elle travaillait ici, fut un temps. Dites-moi, où est-elle à présent ?

Aux Etats-Unis, elle s'occupe de la branche américaine de la Shelby Company. Vous êtes une de ses amies ?

Oui, c'est difficile de ne pas être amie avec Ada. A tel point qu'on se demande comment diable elle fait partie de la même famille que ses frères.

Thomas ricana de nouveau. La plaisanterie faisait clairement partie des gènes de la famille Salvage.

Est-ce que Rose la connaît aussi ?

Non, je ne pense pas qu'elles se soient jamais rencontrées. Mais encore une fois, Rose ne me dit pas tout ce qu'elle fait. Vous savez qu'elle m'a conseillé de me tenir à l'écart de vous.

Et pourquoi donc ?

Certainement pas pour vous avoir rien qu'à elle, le taquina Audrey.

Certainement pas, acquiesça Thomas, d'un genre de voix si neutre qu'elle ne pouvait qu'avoir été forgée avec le temps.

C'est parce que vous êtes un homme mauvais, Mr. Shelby. Un homme mauvais qui a bon cœur.

Si ce n'était pas la manière dont la plupart des gens l'aurait décrit, c'était désormais comment il se voyait lui-même, mais si Rose l'avait peint sous ce jour, il n'aurait pas été celui qui aurait gâché cet image.

Et cela lui fait peur ?

Oui, cela lui fait peur. Les hommes mauvais avec des cœurs mauvais, elle sait comment s'en occuper. C'est quand leurs cœurs sont bons qu'elle ne sait pas les gérer.

A-t-elle été blessée autrefois ? Par un homme mauvais avec un bon cœur ? questionna Tommy d'une voix parfaitement entraînée, désintéressée, et pourtant Audrey pouvait percevoir qu'il y avait quelque chose dedans ; parfois les voix les moins enflammées détenaient le plus de passion.

Non. Elle a été blessée par le pire d'entre eux  un mauvais homme avec un mauvais cœur qui prétendait en avoir un bon.

Thomas laissa ses doigts tambouriner sur la table en bois devant lui, son cerveau essayant de digérer l'information que son cœur n'avait pas le cran d'assumer. Son cœur était incapable d'assumer quoique ce soit ; c'est pourquoi il le laissait s'affamer.

Où est-il à présent ?

Très loin, lâcha Audrey vivement, comme si elle en avait déjà trop dit, ce qui était sûrement le cas, car c'était ce pour quoi Thomas l'avait choisie.

Audrey ! résonna la voix de Rose derrière lui, d'une telle façon que Thomas su qu'il ne devait pas se retourner. Elle venait et s'écoulait sur les autres jusqu'à ce qu'elle les entraîne avec elle. Elle venait et ne restait jamais assez longtemps, ne s'arrêtait jamais pour attendre quelqu'un, parce que c'était comme ça que l'océan fonctionnait : il venait, il le faisait toujours. Elle venait et ne donnait jamais sans reprendre, ce qui était loin de ce à quoi Thomas était habitué. Les gens lui donnaient toujours tout ce qu'il voulait sans prendre quoique ce soit en retour. Mais Rose détenait plus de lui que la majorité des gens – il craignait qu'elle ait bientôt plus de lui que lui de lui-même. Et... Thomas.

Il tourna les talons, leurs regards s'écrasèrent l'un contre l'autre, tirant et poussant et soudainement c'était là, les orbites gravitant l'un vers l'autre, les vagues en elle attirée par la poussière en lui. La poussière dont son âme était couverte depuis qu'il l'avait mise à l'écart.

Rose ! Que me vaut le plaisir ? salua Audrey avec un sourire.

Je suis venue emprunter un livre sur comment me tirer une épine du pied, répondit-elle, faisant les lèvres de Thomas moins se débattre pour afficher un sourire en entendant ces mots. Aurais-tu un livre de ce genre ?

Audrey les observa, constata comment leurs regards n'avaient pas dévié l'un de l'autre comme si le premier qui regarderait ailleurs verrait moins bien que maintenant.

Je vais vous laisser, finit-elle par dire, disparaissant derrière les étagères pendant que Rose réduisait la distance entre elle et Thomas.

Vous n'êtes certainement pas venu ici pour manipuler ma sœur, pas vrai ?

Non, pas du tout, il se trouve juste que j'aime les bibliothèques.

Exactement ce dont je me doutais, sourit Rose. Je suis contente que vous soyez là, cependant. Quelle est la pâtisserie préférée de Charles ?

En quoi cela vous intéresse-t-il ?

Eh bien, je ne peux pas arriver chez vous les mains vides, n'est-ce pas ?

Si Audrey avait été là, elle aurait vu le vrai sourire qu'elle n'aurait jamais cru qu'un homme comme lui pouvait esquisser.

Alors c'est un oui ?

En partie. Je veux rencontrer Charles, voir comment il réagit à ma présence, s'il m'aime assez pour commencer les leçons.

Très bien. Apportez-lui quelque chose avec du chocolat. Voulez-vous que je vous conduise chez moi ?

Non, je me débrouillerai.

Encore une fois, l'océan. Il trouvait toujours son chemin vers la terre, peut importe à quel point l'horizon était tentant.

Je vous attendrai, alors.

Je sais que vous le ferez, dit Rose, et il y avait plus de confiance dans ce clin d'œil que la plupart des gens en avaient dans leur corps entier. Je vous apporterai une pâtisserie aussi.


*

DISCLAIMER : ce chapitre est l'œuvre de endIesstars, je ne fais que le traduire en français.

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