Chapitre 8 - Cette terrible erreur
Mercredi 1 Septembre 1995 :
«-Severus, attends ! Severus !»
Mes cris résonnèrent vainement dans le ciel, se perdant dans les nuages. Severus continuait de progresser parmi les ruelles du quartier londonien qui abritait le 12, Square Grimmaurd, le pas vif, sans se soucier de mes prières.
Économisant ma salive et ainsi mon souffle, je renonçai à l'appeler et pressai le pas, pour ne pas le perdre du vue. Lorsque nous arrivâmes à l'un des points de transplanage stratégiques que l'Union avait mis au point quand son Quartier Général fut déplacé à Londres, je l'avais presque rejoint. Mon cœur tenait difficilement la cadence effrénée de mes pas et je peinais à reprendre un rythme de respiration normal. Le sorcier ralentit et je compris qu'il allait transplaner. Sachant que, borné comme il était, il n'allait pas prendre la peine de tendre le bras en invitation, je parcourus les derniers mètres qui me séparaient de lui en courant et l'attrapai par la manche. Une seconde plus tard, nous transplanions vers une destination qui m'était inconnue.
Nous atterîmes au beau milieu d'une rue d'apparence sombre, où s'alignaient des cottages aux façades tantôt luxuriantes, tantôt tristes. Severus était à quelques mètres de moi et, d'un geste lent, il tourna sur lui-même, avant de s'arrêter en face d'une habitation. Je levai les yeux sur la maison et manquai de lâcher un cri de surprise.
Le cottage était pour une grande partie encore debout, bravant fièrement la végétation qui tendait à envahir sa façade avant, mais une partie de l'étage supérieur semblait avoir été dévastée par une tempête : les murs porteurs n'étaient plus qu'un tas d'éboulis et de poussière, le toit était fracturé et les poutres de la charpente étaient visibles. Le lieu était aussi désert et silencieux que célèbre. Il s'agissait de la maison des Potter.
Pourquoi avoir transplané à Godric's Hollow ? Dans quel but, si ce n'était d'accroître sa propre souffrance, ses propres remords ?
La gorge nouée par l'émotion, j'avouai, ne sachant pas vraiment par où commencer :
«-Je ne suis jamais venue ici.»
Je m'approchai de quelques pas, doublant Severus, jusqu'à n'être plus qu'à un mètre à peine de la propriété. Comme pour m'assurer qu'elle était bien réelle, et non juste une légende, j'effleurai la porte d'entrée de la main. Au contact, il y eut un mouvement à mes pieds et, en baissant les yeux, je vis un panneau surgir de la terre et s'ériger parmi les mauvaises herbes, un panneau sur lequel avaient été gravés les mots suivants :
«En ce lieu, dans la nuit du 31 octobre 1981 Lily et James Potter perdirent la vie.
Leur fils, Harry, demeure le seul sorcier qui ait jamais survécu au sortilège de la mort.
Cette maison, invisible aux Moldus, a été laissée dans son état de ruine comme un monument à la mémoire des Potter et pour rappeler la violence qui a déchiré cette famille.»
Le crissement des graviers parsemant le seuil du cottage m'apprit que Severus s'était approché, sûrement pour lire l'inscription. Battant furieusement des paupières pour ne pas laisser mes larmes couler, je reculai pour me placer à la hauteur du sorcier et me pressai contre lui, émue.
Je ne connaissais pas assez Harry – et encore moins James et Lily, pourtant je ne pouvais que me sentir attristée face à cette maison, jadis habitée et heureuse, désormais froide, détruite, morte. Les récentes larmes versées par Remus et Sirius en mémoire du couple ne firent qu'augmenter mon malaise.
«-Pourquoi ? finis-je par murmurer. Pourquoi t'être rendu ici ?»
Je sentis le sorcier se mouvoir à mes côtés, puis il répondit, d'une voix presque troublée :
«-Je ne sais pas. Je... cette destination s'est imposée à moi au moment où j'ai transplané.»
Je tournai mon visage vers lui, mais ne pus croiser son regard, ni déceler ses émotions, dissimulés derrière ses cheveux.
«-Tu es déjà venu ?
-Oui.»
Sa voix, bien que maîtrisée, laissa échapper un trémolo qui ne me trompa pas. Je n'osai pas lui demander les circonstances de sa venue antérieure, comprenant qu'il n'en gardait pas un bon souvenir. À défaut de trouver les bons mots, je me collai un peu plus contre lui, pour lui communiquer mon soutien.
Comme il ne réagissait pas, je voulus lui prendre la main mais fus coupée dans mon élan par une nouvelle intervention de sa part :
«-Je les ai tués.»
Je me figeai sur place et une soudaine bourrasque de vent me fit frissonner, bien que la température ambiante avoisinait les trente degrés. Severus se détacha de moi, me laissant seule sur le perron. Passé le choc, je me tournai vers lui et balbutiai, décontenancée par ses paroles :
«-Tu... Ce n'est pas vrai.»
J'aurais voulu que ma voix exprime plus de certitude mais j'en fus incapable. Les accusations de Sirius me revinrent en tête : «James et Lily sont morts par sa faute, merde ! Il les a tués !». J'avais les yeux rivés sur le sorcier, mais celui-ci s'obstinait à fuir mon regard.
«-Ce n'est pas toi, murmurai-je d'une voix chancelante, tout le monde le sait. Tout le monde sait qui a lancé le sort cette nuit, et ce n'était pas toi.»
Les épaules de Severus s'abaissèrent dans un mouvement las et ce fut à ce moment qu'il se décida enfin à lever les yeux sur moi.
«Désolation» fut le premier mot qui me vint à l'esprit à la vue de ses prunelles ébènes. Un spectacle de désolation, un mélange de remords, de colère, de peine.
«-Je me suis enrôlé dans les rangs du Seigneur des Ténèbres dès ma sortie de Poudlard, commença Severus, sans me lâcher une seule seconde du regard. C'était un choix volontaire de ma part. Après Sa chute, de nombreux partisans ont prétendu qu'ils étaient sous le Sortilège de l'Impérium, qu'ils n'étaient pas conscients de leur décision et de leurs actes. Nous étions – j'étais moi-même – pleinement conscients de ce que nous faisions. Pendant quatre ans, j'ai suivi les ordres du plus grand Mage Noir de l'époque, j'étais à peine majeur pourtant, j'étais déjà plongé dans un monde de morts, de corruption, de violence. Je dus être assez doué dans ces disciplines car le Seigneur des Ténèbres me comptait désormais parmi ses plus grands fidèles. Un jour, il m'a assigné une mission, celle d'espionner Dumbledore. Je me suis présenté à lui et il m'a aussitôt promu professeur, non pas de Défense, comme je l'espérais, mais de Potions. Cette tâche a été libératrice car je n'avais plus à supporter les meurtres violents, les crimes sanglants et surtout l'imbécilité sans limite de certains Mangemorts. Pourtant, je n'ai pas renié pour autant mon Maître. En 1979, j'ai suivi Dumbledore jusqu'à La Tête du Sanglier, où il devait rencontrer Trelawney. Durant cette réunion, que j'ai écouté avec attention, dans l'espoir de dénicher des informations pour le compte du Seigneur des Ténèbres, Trelawney a annoncé à Dumbledore une étrange prophétie. Je n'en ai compris que des brides, qui énonçaient l'existence d'un garçon, né à la fin du mois de Juillet, qui serait un danger pour le Seigneur des Ténèbres. Je n'ai pas pu en savoir plus car le propriétaire du bar, me prenant pour un malfrat – un bien petit mot pour désigner ce que j'étais réellement à cette époque – m'a banni du lieu à coup de balais. Satisfait, je me suis empressé de rejoindre mon Maître pour lui faire part de mes découvertes. À l'entente de la prophétie, le Seigneur des Ténèbres n'a pas agi à demi-mesure et s'est mis à rechercher frénétiquement ce fameux garçon qui pourrait porté préjudice à sa toute-puissance. C'est lorsqu'il décida que ce garçon était Harry Potter que je compris ma terrible erreur : je venais de livrer Lily au Mage Noir et je n'allais jamais me le pardonner.»
Severus se tut et je vis une larme solitaire perler le long de sa joue pâle. Je voulus l'essuyer mais fus tout bonnement incapable d'esquisser le moindre geste. Un nouveau souffle de vent fit frémir le cottage et les herbes folles qui l'envahissaient, m'arrachant au passage un frisson incontrôlé.
Jamais il ne s'était ouvert à moi sur cette période de sa vie comme il venait de le faire et je ne savais pas si ses aveux soudains avaient un lien avec la magie à la fois sombre et puissante qui se dégageait du lieu dans lequel nous nous trouvions ou si les accusations de Sirius y étaient pour quelque chose mais une part de moi, bien que terrifiée par ces révélations, était soulagée d'être enfin confrontée à la réalité, aussi terrible était-elle.
«-Alors, si, on peut dire que je les ai tués, conclut Severus à demi-voix, ses yeux se voilant alors qu'il prononçait ces quelques mots.»
Je m'approchai précautionneusement de lui et fis glisser ma main dans la sienne, entremêlant mes doigts aux siens.
«-Ce n'est pas vrai. Tu as fait une terrible erreur en livrant cette prophétie à Tu-Sais-Qui mais tu n'as pas tué les Potter. Tu n'es pas un meurtrier.»
Lentement, je posai mes paumes contre ses joues et braquai mon regard dans ses yeux sombres.
«-Le simple fait que tu éprouves des remords prouve que tu es quelqu'un de bien, continuai-je, tout en explorant l'infinité noire de ses pupilles.»
Comme à chaque fois que je m'y perdais, j'avais l'impression de m'aventurer au fin fond de l'univers, où chaque lueur qui illuminait ou assombrissait son regard était une galaxie, recelant de secrets, de mystères et d'émotions.
Nous restâmes un long moment dans cette position, silencieux, communiquant simplement par nos yeux, partageant nos peines, nos sentiments. Ce fut lorsque le panneau qui informait de la triste destinée du cottage disparut de nouveau sous la terre que nous nous décidâmes à bouger. Le prenant par la main, j'entraînai Severus loin de cette demeure, témoin de son erreur, et laissai mes pas nous guider le long des rues de Godric's Hollow.
Je n'étais jamais venue ici, pourtant, il me semblait connaître la ville sur le bout des doigs et, pas un un moment, j'hésitai quant à la direction à suivre lorsque nous arrivions à un embranchement. Severus se laissait faire sans protester, sa main fermement agrippée à la mienne. Finalement, dix minutes plus tard, nous arrivâmes face à une étroite porte grillagée, sur laquelle s'élevait une simple inscription : «Cimetière de Godric's Hollow». Je clignai plusieurs fois des paupières, étonnée que mes pas nous aient conduit jusque là. Était-ce une simple coïcidence ou... ? Après avoir hésité plusieurs secondes, je finis par presser la poignée et invitai Severus à entrer mais celui-ci ne sembla pas vouloir se résoudre à pénétrer dans le cimetière.
«-Je ne suis jamais entré ici, m'avoua-t-il, d'une voix qui trahissait son émotion.
-Pourquoi ?»
Il sembla réfléchir un long moment à la question.
«-Par manque de courage, je suppose, finit-il par murmurer.»
Je hochai silencieusement la tête, avant de franchir la porte, lui laissant le choix d'agir comme il l'entendait. Je ne fus pas surprise en entendant son pas emboîter le mien quelques secondes après. Lentement, je déambulai parmi les tombes, laissant mon cœur me guider où bon lui semblait.
La pierre tombale dédiée aux Potter était faite de marbre blanc, dans lequel avait été gravé, en ultime hommage au couple de sorciers :
«JAMES POTTER, NÉ LE 27 MARS 1960, MORT LE 31 OCTOBRE 1981
LILY POTTER, NÉE LE 30 JANVIER 1960, MORTE LE 31 OCTOBRE 1981
LE DERNIER ENNEMI QUI SERA DETRUIT, C'EST LA MORT.»
Severus me rejoignit devant la tombe et je le sentis se raidir, certainement en voyant le nom de la femme qu'il avait aimé – et qu'une partie de lui aimait toujours – inscrit sur la pierre d'une blancheur éclatante. Les rayons du soleil filtraient le feuillage de l'unique arbre qui dominait le cimetière – un majestueux saule aux allures de centennaire – et venaient illuminer la tombe du couple devenu tragiquement célèbre. Le spectacle était beau et terrible à la fois, paisible et déchirant.
Soigneusement, Severus s'agenouilla près de la tombe et sortit sa baguette de sa robe. Machinalement, je l'imitai et, alors qu'il lançait un enchantement pour fleurir la tombe, je joignis ma magie et la sienne. Les rayons sortant de nos baguettes respectives se confondirent pour n'en former plus qu'un et une lumière aveuglante en résultat, nous obligeant à fermer momentanément les yeux.
Lorsque nous pûmes les ouvrir de nouveau, deux magnifiques fleurs blanches étaient apparues sur la tombe, pas pour former un bouquet sagement posé là, mais un plant, qui avait pris racine dans la terre et dont les pétales se tournaient désormais vers la lumière.
«-Des lys..., murmura Severus, en caressant d'une main l'une des fleurs nacrées, avec une tendresse infinie et seul le chant des oiseaux lui répondit, tandis que je posai une main sur son épaule, un sourire triste naissant sur mes lèvres.»
☆☆☆
Hellooo guys !
Comment allez-vous ?
Après un chapitre de règlement de compte et de tension, voilà un chapitre sous le signe de regret et des confessions. Et oui, qui a dit que Severus n'avait pas de cœur ? En réalité, je pense sincèrement que le professeur de Potions regrette amèrement ce qu'il a fait et les conséquences qui en ont découlées. Et aujourd'hui, il se confie, plus sincère que jamais. J'espère que vous avez aimé le chapitre, autant que j'ai aimé l'écrire. Qu'en avez-vous pensé ?
Vous êtes toujours plus nombreux à ajouter mon histoire dans vos listes de lecture, à lire, à voter, à commenter et j'en suis extrêmement reconnaissante. Alors merci, encore merci ♡
Avant de vous quitter, je veux juste préciser que les trois derniers chapitres sont désormais dotés d'illustrations, toujours signées de la main de la superbe Lady_PaulaTena98. N'hésitez pas à aller jeter un œil et dire ce que vous en pensez !
Voilà, ce sera tout pour aujourd'hui ! Passez une bonne semaine et à dimanche prochain mes petits Botrucs ♡
*PetitKoala*
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