Chapitre 45 - L'histoire du Prince
Mardi 30 Août 1988 :
«-Tu es sûr que c'est ce que tu veux vraiment ? m'assurai-je, les yeux rivés sur le liquide argenté qui remplissait la Pensine devant moi.»
Comme aucune réponse ne me vint, je me tournai vers Severus qui m'adressa un signe de tête approbateur. Alors, je me plongeai dans la bassine, ne sachant pas réellement ce que j'allais y découvrir.
***
«-IL N'IRA PAS DANS CETTE ECOLE DE TARÉS !
-Tu ne peux rien faire pour l'en empêcher !»
J'avais atterri dans une modeste maison aux murs gris et nus et à l'ambiance maussade. Dans le salon, deux adultes - un couple, visiblement - gesticulaient en criant. L'homme, un personnage entre deux âges à la peau pâle et au nez crochu, avait levé une main sur sa compagne pour la faire taire. Cette dernière fit un pas en arrière, se couvrant le visage de ses mains, les membres tremblants, craignant les représailles de son conjoint. Ses longs cheveux noirs de jais tombaient lamentablement sur ses vêtements sombres et elle aurait pu être jolie si la vie n'avait pas tant marqué ses traits et assombri ses yeux.
«-QU'EST-CE QU TU AS DIT ? hurla l'homme en s'approchant de la femme, l'air menaçant, tout en remontant ses manches pour dévoiler ses bras musclés. QU'EST-CE QUE TU AS DIT, EILEEN ?»
La dénommée Eileen voulut s'écarter de lui mais le mur la contraint de s'immobiliser. Le poing de l'homme alla percuter la mâchoire de sa compagne, qui gémit sur le coup et se recroquevilla sur elle-même, comme si elle souhaitait disparaître sous terre. L'homme continua ainsi pendant une minute, émettant de temps à autre des grognements bestiaux, jusqu'à ce qu'Eileen, vaincue, tombe sur le sol, le corps secoué par les sanglots. Puis, il cria, à croire qu'il ne savait pas s'exprimer autrement que par une vive colère :
«-SEVERUS ROGUE, VIENS ICI TOUT DE SUITE !»
Quelques secondes plus tard, un jeune garçon, à l'apparence misérable, apparut sur le seuil de la pièce, la tête basse. De longs cheveux noirs et gras pendaient tristement de part et d'autre de son visage ingrat et cireux. Il lança un regard timide autour de lui et, lorsqu'il vit sa mère sur le parquet, il fit un geste dans sa direction, une lueur de panique envahissant ses yeux, mais son père l'arrêta aussitôt :
«-Ne fais pas un geste, fiston. Cette traînée a eu ce qu'elle méritait.»
Severus parut hésiter un moment, puis se rétracta, son regard de nouveau rivé sur ses chaussures usées et je vis les poings du jeune garçon se serrer.
«-Tobias..., gémit soudain la femme, mais un coup de pied de la part du dit Tobias la fit abandonner toute autre tentative de raisonner son mari.»
Tobias Rogue, donc, se tourna ensuite vers son fils, qu'il dévisagea un long moment, une expression de dégoût emplissant son visage.
«-Rassure-moi, fiston, tu es bien conscient que tu ne vas pas aller dans cette école de tarés ? demanda-t-il d'une voix grondante, parce que ta mère ne semble pas avoir bien compris...»
Le petit serra fermement ses poings, comme animé d'une colère intense, si fort que ses jointures prirent une coloration plus pâle qu'elles ne l'étaient déjà. Il leva les yeux sur son père puis dit, d'une voix ferme - pris d'un élan de courage vain :
«-J'irai à Poudlard, que tu le veuilles ou non ! C'est là-bas qu'est ma vraie pla...»
Le garçon n'eut pas le temps d'en dire plus que son père lui avait déjà bondi dessus. Eileen hurlait à Tobias de laisser son fils en dehors de tous ça. Mais il ne l'écoutait pas. Tobias la haïssait. Tobias haïssait les sorciers. Et son fils ne ferait pas parti de ce monde malsain. Il le frappa. D'abord sur la joue, puis sur la tempe, puis la mâchoire. Severus encaissait les coups sans broncher, jusqu'à ce qu'il ne tienne plus debout. Il s'écroula sur le sol aux côtés de sa mère.
Au delà de son visage tuméfié, au delà de sa paume ensanglantée tant ses ongles s'y étaient enfoncés, une unique larme ruissela sur sa joue, pour finir sa course sur le parquet et s'infiltrer dans le bois sale.
~
La scène changea. Le garçon était maintenant allongé dans l'herbe, les quelques marques laissées par son père dissimuler sous sa tignasse sombre. Il n'était pas seul. Installée à ses côtés, une magnifique jeune fille aux cheveux roux flamboyants parlait avec lui et il ne semblait n'avoir d'yeux que pour elle. Ils parlaient de Poudlard, de magie et jamais je n'avais vu Severus aussi comblé. La rouquine avait le regard rivé sur le ciel dégagé d'été, un petit sourire aux lèvres et lui la dévorait des yeux, ses pupilles remplis d'étoiles et d'espoir.
~
Nouvelle scène. Je ne mis pas longtemps à reconnaître l'intérieur du Poudlard Express, ce train qui conduisait les élèves à l'école le premier Septembre de chaque année. Severus était assis sur une banquette, en face de la même rouquine avec laquelle il avait passé l'été.
«-Ça y est ! s'exclama-t-il, d'une voix que je n'avais jamais entendu aussi enthousiaste. Nous sommes en route pour Poudlard !»
La fille lui rendis un sourire triste et le jeune homme, déjà affublé de sa robe desorcier - qui le changeait radicalement de ces tenues dépareillés qu'il portait jusqu'alors - reprit, rien ne pouvant apparemment entâcher sa bonne humeur :
«-Il vaut mieux être à Serpentard.
-Serpentard ? répéta-t-elle, surprise, n'étant vraisemblablement pas au courant de l'existence des maisons pourtant renommées de Poudlard.»
Ce fut alors qu'un garçon occupant le même compartiment qu'eux - un personnage à l'allure fière et au regard vif et intelligent - intervint dans la conversation, sans toutefois y avoir été invité :
«-Qui a envie d'être à Serpentard ? Moi, je préférerais quitter l'école, pas toi ?»
Il se tourna vers son ami, assis à ses côtés - un joli jeune homme aux cheveux bouclés - qui lui répondit, sans sourire :
«-Toute ma famille était à Serpentard.
-Nom de nom ! jura l'autre. Et moi qui croyais que tu étais quelqu'un de bien !»
-Peut-être que je ferai une entorse à la tradition, espéra son ami, dans un sourire. Où veux-tu être, si tu as le choix ?
-Si vous allez à Gryffondor, vous rejoindrez les courageux ! clama le concerné, faisant mine de manier une épée. Comme mon père.»
Severus émit une petite exclamation méprisante qui firent se retourner les deux garçons.
«-Ça te pose un problème ? dit le jeune qui adulait Gryffondor, d'un air méfiant.
-Non. Si tu préfères les biceps à l'intellect...
-Et toi, où comptes-tu aller étant donné que tu n'as ni l'un, ni l'autre ? railla le deuxième, et sa remarque fut suivie d'un éclat de rire des deux compères.»
La rouqine se redressa alors et fit signe à Severus qu'ils partaient de là :
«-Viens, Severus, on va changer de compartiment.
-Ooooooh ! se moquèrent les deux garçons, alors que Severus et Lily se frayaient un chemin hors de la cabine, Severus devant faire un écart lorsque l'un manqua de le faire chuter.
-A bientôt, Servilus ! cria l'un des garçons, que je ne pus identifier, avant que la scène ne change de nouveau.»
~
«-Lily Evans ! GRYFFONDOR !»
La Grande Salle applaudit la nouvelle, tandis que la jeune fille rejoignit la table de sa nouvelle maison. Severus, encore parmi la foule de premières années qui attendaient fébrilement d'être répartis, la regarda s'éloigner, l'expression neutre. Quelques instants plus tard, ce fut à son tour de se confronter au Choixpeau, qui ne mit pas longtemps à rendre son jugement :
«-SERPENTARD !»
Le jeune garçon, lançant un dernier regard à sa belle, tourna les talons et alla s'installer à la table des Serpents, à l'opposé de celle des Lions.
~
Changement de décor.
«-Dégage de là, Servilus !»
Un groupe de quatre garçons, aux couleurs de Gryffondor, traversa en courant un couloir du château, poussant volontairement Severus qui marchait alors tête baissée, une pile de livres entre ses mains. Le jeune garçon perdit l'équilibre sous l'effet de la surprise et alla s'écraser au sol, tandis que ses manuels s'éparpillèrent sur le marbre froid. Les quatre compères explosèrent de rire et l'un d'entre eux prit soin de piétiner les pages de l'un des carnets avant de s'éloigner en ricanant. Personne ne vint en aide au jeune Serpentard qui, d'un geste lent, récupéra ses affaires, défroissa du mieux qu'il put sa robe et repartit d'un pas rapide dans les couloirs, la tête encore plus basse que d'ordinaire.
~
L'intérieur laissa place à un décor extérieur.
«-Levicorpus !»
Une vague d'exclamations accompagna le sortilège, alors que Severus se retrouvait la tête en bas, au beau milieu du parc, une foule d'étudiants assistant au spectacle. Le sorcier qui avait lancé le sort, un sourire charmeur collé au visage, riait, accompagné de ses deux acolytes, pliés en deux à ses côtés. Le Serpentard, lui, se débattait tant bien que mal, et, dans sa vaine tentative de se libérer du sort qui l'entravait, ses robes tombèrent, dévoilant aux yeux de tous son caleçon sombre. Les rires redoublèrent mais furent surpasser par l'intervention de Lily Evans :
«-Fais-le descendre ! ordonna-t-elle au Gryffondor qui maintenait Severus en l'air.
-Mais certainement, répondit ce dernier d'un ton séducteur.»
Il abaissa sa baguette et Severus tomba lourdement au sol. Gesticulant dans ses robes pour se remettre sur pied, il voulut brandir sa baguette sur son assaillant mais l'un de ses compères fut plus rapide que lui et cria :
«-Petrificus Totalus !»
Le Serpentard, de nouveau immobilisé, chuta une seconde fois au sol, les membres raides. Cette fois-ci, Lily perdit patience et sortit à son tour sa baguette.
«-Ah, Evans, dit le garçon au sourire charmeur, ne m'oblige pas à te jeter un sort.
-Alors libère-le du maléfice.»
Le garçon ne se fit pas prier, ne se gênant pas d'adresser un clin d'oeil à Lily, qui ne le calcula pas une seule seconde.
«-Et voilà, tu as de la chance qu'Evans ait été là, Servilus.»
Le Serpentard reprit lentement ses marques et, une fois qu'il fut de nouveau debout, cracha, d'une voix légèrement tremblante de colère et de honte :
«-Je n'ai pas besoin de l'aide d'une sale petite Sang-De-Bourbe comme elle !»
Son insulte eut l'effet d'une bombe. Le visage de Lily se figea et perdit un instant de sa beauté. Puis, la rouquine dit, froidement :
«-Très bien. Je ne m'en mêlerai plus à l'avenir. Et si j'étais toi, je laverai mon caleçon, Servilus.»
~
Severus était accoudé à un bar, seul. Il tenait un verre de sa main droite, rempli d'une substance douteuse, mais il ne buvait pas. Ses yeux étaient perdus dans le vague et il n'était pas compliqué de déceler une noirceur prédominante chez l'étudiant, désormais devenu jeune adulte. Sa peau était plus pâle que jamais et sa silhouette, maigre, se perdait dans des vêtements trop larges pour lui. Le personnage détonait avec l'ambiance générale qui planait dans le bar - une ambiance de fin d'année, de joie. Ça et là, des étudiants fêtaient la fin de l'année en compagnie de leurs amis, enchaînant les Bièraubeurres et verres de jus de citrouille. La porte du bar s'ouvrit soudainement sur un groupe de cinq étudiants. Deux d'entre eux menaient la marche et ils étaient collés l'un contre l'autre. Il avait fière allure, les yeux brillants et les cheveux en bataille. Elle était magnifique, ses cheveux roux tombant en cascade sur ses épaules. Leur arrivée ne passa pas inaperçue parmi les autres élèves et, alors qu'ils rejoignaient une table au fond de la salle déjà bondée, Severus leur jeta un unique regard, par dessus son épaule. Il s'attarda un instant sur la fine silhouette de Lily mais se détourna bien vite en voyant son joli visage s'approcher de celui de son nouveau petit ami. Cette fois-ci, il but d'une traite le contenu de son verre, dans un élan de rage et de désespoir.
***
Je mis un certain temps avant de me rendre compte que j'avais quitté la Pensine et que j'étais de retour dans le bureau de Severus. Pendant un long moment - bien après avoir pris pleinement conscience de mon retour dans le monde réel, je restai à dévisager le liquide argenté qui emplissait la bassine, incapable de faire le moindre mouvement. Les images que j'avais vues dansaient encore dans mon esprit et je ne pouvais rien faire pour les chasser. Le pire restait encore le visage tuméfié du jeune garçon, âgé alors d'à peine onze ans, et la larme solitaire qui avait taillé un chemin le long de sa joue bleuie par les coups de son paternel. À cette pensée, un goût amer envahi ma gorge et j'eus un haut-le-coeur incontrôlable. Je me détournai de la Pensine, l'estomac en pagaille. Comment pouvait-on faire une chose pareille à son propre fils ? Le regard de profonde aversion que Tobias Rogue avait adressé au jeune Severus restait gravé dans ma tête, aussi poignant qu'un coup de couteau, aussi étouffant qu'un étau. Mes oreilles se mirent à bourdonner et je sentis des larmes s'accumuler au coin de mes yeux. Je secouai la tête, Severus ne voulait sûrement pas que je me montre aussi faible et encore moins que je témoigne d'une quelconque pitié envers lui. Alors que je me sentais envahie par le chagrin, je me repris au dernier moment, inspirant longuement, et chassant mes larmes inutiles.
Calmée - du moins en apparence, je fis enfin face à Severus, bataillant pour ne pas laisser transparaître ma peine. Il n'avait pas bougé depuis que je l'avais quitté et me fixait d'un regard impassible, et je ne sus dire ce qu'il attendait de moi à cet instant. Comment diable faisait-il pour paraître aussi maître de lui dans des moments comme celui-ci ? Ravalant péniblement ma salive, je lâchai, d'une voix étonnamment calme - qui contrastait avec la myriade d'émotions qui tempêtait à l'intérieur de moi :
«-Merci de m'avoir montré.»
Le sorcier ne dit rien, ne bougea pas, se contentant de garder ses prunelles sombres rivées sur moi. Il me fit de la peine. Parce que, désormais, je savais ce qu'il se cachait derrière ce masque d'impartialité qu'il affichait en public ; désormais, je connaissais ses blessures et leurs origines.
Lentement, je m'approchai de lui, guettant une quelconque réaction de sa part. Mais, une nouvelle fois, rien. Il me fixait patiemment, le visage neutre. Je finis par me stopper, une fois la distance nous séparant réduite à quelques centimètres à peine et, cessant de lutter contre mon cœur, j'enlaçai le sorcier, me blotissant contre son torse et déposant mon visage au creux de son cou. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, quelques secondes plus tard, ses bras vinrent se nouer à son tour derrière mon dos, dans un geste ferme - presque désespéré. Je frémis de ce contact inattendu et rafermis mon étreinte, n'ayant soudain plus envie de me détacher de lui. Je fermai les yeux, profitant des frissons que me procuraient la sensation de ses mains sceller contre mon dos et la perception de sa respiration lente et profonde qui venait chatouiller ma nuque...
Severus, sans se défaire de notre étreinte, fit alors la chose à laquelle je m'attendais le moins venant de lui : il se mit à pleurer.
☆☆☆
Hellooo !
Bon, je l'avoue, ce n'est pas un chapitre très joyeux que je vous délivre aujourd'hui, mais toutefois très important pour l'évolution de la relation entre Severus et Elladora.
Certains dialogues sont tirés de Harry Potter et les Reliques de la Mort et donc ne viennent pas de moi, mais je suppose que vous les avez reconnus ^^
Alooors ? Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Et de la fin, pour la moins surprenante ? Qu'attendez-vous dans la suite ?
Merci encore et toujours de votre soutien, je vous love fort ♡
Passez un bon dimanche et une bonne semaine !
P.S. : PLUS QUE QUELQUES JOURS AVANT LA SORTIE DE LES CRIMES DE GRINDELWALD ! J'ai tellement hâte de le voir !
PetitKoala
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