Chapitre 19 - Entre chagrin et whisky
Dimanche 1 Septembre 1996 :
Ce fut un fulgurant mal de tête qui me tira d'un sommeil sans rêve. J'ouvris lentement mes paupières pour les refermer aussitôt, tant la lumière du jour était intense. Dès l'instant où je retrouvais la pénombre apaisante offerte par mes yeux fermés, les péripéties de la veille me revinrent à l'esprit, avec violence. J'eus beau pressé mes paupières pour les chasser, les souvenirs ne s'envolèrent pas ; au contraire, ils prenaient à chaque seconde plus de vigueur. Les larmes qui s'accumulèrent alors au coin de mes yeux m'obligèrent à affronter une bonne fois pour toute la lumière extérieure et, cette fois-ci, je ne refermai pas mes paupières.
Le spectacle qui s'offrit à moi stoppa momentanément mes pleurs. Severus était assis à côté du lit dans lequel j'étais allongée, les épaules basses et la tête entre ses mains. Sa posture raide laissait sous-entendre qu'il avait passé la nuit - du moins, le temps où je dormais - à mes côtés.
Je remuai légèrement dans les draps et cela le fit lever la tête. Je manquai de m'étrangler en voyant son visage tuméfié de toute part. Et tout ça, par mes propres coups. Je me revis alors distinctement dans la ruelle, mes poings allant sans cesse frapper la moindre parcelle de peau que je pouvais atteindre. Comme pour me confirmer la véracité de ces images, mon poing droit m'élança soudainement et je le portai près de mes yeux pour voir qu'un bandage épais avait été placé autour.
Je laissai échapper un sanglot, puis un autre. Et bien vite, mon corps entier fut secoué de spasmes de tristesse. Severus s'approcha de moi et voulut m'enlacer mais je le repoussai faiblement.
«-Non..., balbutiai-je, entre deux pleurs. Je... ne veux pas... te faire encore... du mal...»
Rien que la pensée de moi entrain de le frapper avec colère me donnait des nausées. Comment avais-je pu faire une telle chose ? Severus secoua la tête.
«-Arrête de dire des bêtises, murmura-t-il. Tu ne me feras pas de mal.
-J'ai... failli te tuer...
-Tu ne te contrôlais plus, ce n'est pas de ta faute.
-Regarde... ce que j'ai fait, couinai-je, en montrant son visage bleui.»
Il balaya mes paroles d'un geste de la main.
«-Ce n'est rien. Ne t'en fais pas pour moi, j'en ai vu d'autres.»
Je n'ajoutai rien et, ne pouvant plus résister à l'appel de ses bras, je le laissai finir son étreinte et me collai contre son torse. Il gémit et je me rappelai que je l'avais également frappé à la poitrine, laissant certainement des traces. Je voulus m'écarter mais ses bras m'en empêchèrent.
«-Non, reste ici, m'intima-t-il doucement.»
Je lui obéis, mais fis néanmoins attention de ne pas trop presser mon visage contre lui. Les tendres caresses qu'il prodiguait à mes cheveux me calmèrent légèrement, bien que les larmes coulaient encore le long de mes joues.
Quand mes sanglots s'atténuèrent, Severus murmura :
«-Je vais aller te chercher une potion calmante, tu en as bien besoin.»
Lentement, sans me brusquer, il s'écarta de moi, déposa un baiser contre mon front et quitta la pièce, après avoir ajouté :
«-Je reviens.»
Je restai un moment immobile avant de contempler les lieux : je me trouvai dans l'appartement de Severus qui se situait lui-même à Poudlard.
Ce fut alors que je me souvins de la date d'aujourd'hui : nous étions le premier septembre, soit le jour de la rentrée des classes ou encore... celui de mon anniversaire. Une nouvelle fois, la réalité me frappa de plein fouet, comme une violente baffe : jamais, plus jamais mes parents ne me souhaiteraient mon anniversaire.
Ils étaient partis à jamais.
Cette vérité, cruelle, me fit de nouveau sombrer et je me laissai tomber sur le matelas, ignorant les douleurs multiples qui tenaillaient mon corps. Pour le moment, c'était mon cœur qui souffrait plus que tout.
Quelques minutes plus tard, Severus me retrouva allongée sur le lit, et continuant de déverser ma peine à coup de petites gouttes salées. Avec précaution, il me mit en position assise puis me tendit une fiole :
«-Bois ça, ça te fera du bien.»
D'une main tremblante, je m'emparai du récipient et aidée par Severus, bus l'intégralité de la potion dont la saveur était plutôt agréable.
Alors que je me sentais tomber de fatigue, je demandai, d'une voix blanche :
«-Ils ne reviendront pas, n'est-ce-pas ?»
Mes paupières étaient lourdes et se fermaient d'elles-mêmes. La dernière chose que j'entendis avant de me laisser emporter par les bras accueillants de Morphée fut la réponse de Severus, lointaine :
«-Non, Elladora, ils ne reviendront pas.»
***
Lundi 2 Septembre 1996 :
Cette fois-là, ce furent des voix qui me tirèrent de ma somnolence.
«-... besoin de moi !
-Tout comme vos élèves ont besoin de vous, Severus.
-Je ne veux pas la laisser toute seule, elle est encore trop faible !
-Elle est plus forte que vous ne le pensez.»
Désormais parfaitement réveillée, je reconnus sans aucun mal des voix de Dumbledore et Severus - respectivement calme et énervée. Ne sachant pas si les deux hommes se trouvaient dans la même pièce que moi, je décidai de garder les yeux fermés et écoutai la suite de leur conversation :
«-Elle ne risque rien ici, Severus. Vous savez mieux que quiconque qu'au sein de ses murs, elle ne peut être plus protégée. Et je pense aussi qu'elle a besoin de rester seule, pour digérer la perte de ses parents.»
Je manquai de laisser échapper un sanglot. L'entendre prononcer de vive voix la vérité m'était insupportable. Severus ne rétorqua rien - ou du moins, je n'entendis pas sa réponse. Puis Dumbledore reprit :
«-Vos élèves vous attendent, Severus. Vous feriez mieux de ne pas être en retard.»
Le directeur de Poudlard partit et j'entendis la porte de la chambre s'ouvrir. Je gardai les yeux clos, tandis que les lèvres de Severus se déposèrent sur ma joue. Puis, il quitta les lieux à son tour et sa démarche rude laissait clairement suggérer son mécontentement.
Je restai un long moment sans bouger avant de me décider d'affronter la luminosité de la pièce. Mes yeux, bouffis d'avoir trop pleuré, mirent du temps à s'acclimater à l'environnement qui, pourtant, était relativement sombre comme je me trouvais dans les cachots de Poudlard. Seules quelques lucarnes donnant sur le Lac Noir éclairaient la pièce d'une lueur verdâtre.
Au loin, je pouvais entendre les brouhahas provenant de la classe de Potions. Cela me rappela ma propre année d'enseignement ici - c'était il y avait si longtemps... Je soupirai. Tout était simple, avant. Et surtout, ils étaient encore en vie. Je roulai sur le côté et, sentant les larmes me monter encore aux yeux, je me recroquevillai en position fœtal. Parfois, je rêvai de revenir en arrière, quand les dangers n'étaient pas omniprésents et quand ceux qui comptaient pour moi étaient en sécurité.
Je restai dans cette position une heure, deux peut-être - j'en avais perdu la notion du temps. Puis, lorsque mon corps n'eut plus assez de larmes pour pleurer, je me décidai de me lever.
Mon corps endolori et mon allongement prolongé me firent tituber et je mis une bonne minute à trouver mon équilibre. Le cœur lourd, je traversai la chambre pour regagner le salon, où j'eus le malheur de croiser mon reflet dans la vitre d'une armoire. J'étais dans un piteux état : le teint pâle, les joues creuses, les yeux bouffis et cernés - on aurait dit que j'avais passé une semaine enfermée dans une cellule à Azkaban. Horrifiée par cette vision, je me hâtai de détourner le regard et m'affalai sur le canapé de Severus, totalement découragée.
Qu'allait-il se passer maintenant ? D'abord Sirius, ensuite Emmeline et maintenant mes parents ? Qui d'autre ? Remus ? Severus ? Je ne supporterais pas une mort de plus, et certainement pas celle de Severus.
J'en étais à là des mes macabres pensées quand un éclat non loin de moi attira mon attention. N'ayant rien de mieux à faire, je me levai et me dirigeai en direction de l'endroit où un objet avait capté mon regard. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant sous mes yeux la réserve d'alcool personnelle de Severus ! Du Whisky Pur Feu, du vin, de la vodka - tout y passait ! Je ne savais pas qu'il était un amateur...
Une idée me traversa l'esprit. Quelques verres pour oublier un moment mes malheurs ce ne serait pas de refus, non ? Au point où j'en étais...
D'un geste tremblant, je pris la première bouteille qui se trouvait sur mon chemin et la débouchai. Une odeur âcre d'alcool m'emplit mes narines et m'arracha une grimace de dégoût. Je n'étais pas fervente de ce type de boissons, loin s'en fallait. Mais, à l'instant, rien ne m'importait plus que d'offrir à mon esprit un peu de calme et de sérénité. Et quoi de mieux qu'une bonne dose d'alcool pour alourdir mes sens ?
Sans plus hésiter, je portai le goulot de la bouteille à ma bouche et ingurgitai une gorgée du liquide. Je manquai de tout recracher tant le goût m'était désagréable. Pourtant, je pris une nouvelle portion, puis une autre et encore une. Au final, je finis la bouteille en moins de dix minutes.
***
«-Elladora, c'est moi !»
J'entendis faiblement la porte s'ouvrir puis se refermer et des bruits de pas s'approcher. Affalée sur le canapé, plongée dans un semi-coma des plus plaisants, je redressai la tête en grognant.
Reconnaissant après quelques secondes de blanc la voix de Severus, je me levai, titubai, manquai de trébucher sur les bouteilles vides au sol, puis avançai d'un pas incertain dans sa direction. Quand il fut dans mon champ de vision, je vis son expression osciller entre plusieurs émotions : de la surprise, du soulagement, de la crainte. Je gloussai - c'était drôle comme ses sourcils se fronçaient quand il était étonné.
«-Elladora ? Est-ce que ça va ?»
Et sa voix... elle était si sensuelle... Je me mordis les lèvres pour ne pas laisser une nouvelle fois échapper un gloussement. Severus s'approcha de moi et, heureusement qu'il était là, car au même instant, je perdis l'équilibre. Il me réceptionna sans aucun mal et plongea son regard dans le mien. Merlin, quels jolis yeux il avait ! Je me mis à rire gorge déployé : comment pouvait-on avoir de si jolis yeux et laisser de si tristes émotions les envahir ?
-Elladora, tu... sens l'alcool ! Qu'est-ce que...»
J'approchai mon visage du sien pour observer de plus près ses belles prunelles... et pourquoi pas atteindre ses lèvres.
Le sorcier me repoussa d'un geste ferme mais contrôlé, de sorte à ne pas me faire tomber, puis lança un regard circulaire autour de lui. Ses yeux - ses très beaux yeux - tombèrent sur les bouteilles au sol.
«-Par Merlin ! s'horrifia-t-il. Combien en as-tu bu ?»
Je rigolai devant son air terrifié.
«-Un peeeeeu, répondis-je en haussant les épaules.»
Ce n'était pas une question intéressante. Pourtant, il avait une tête à poser des questions intéressantes.
Se mettant à grommeler - contre lui-même apparemment - il ramassa les restes d'alcool et les rangea dans sa réserve, avant de fermer celle-ci d'un coup de baguette.
«-Maaais, me plaignis-je, tu n'es pas très drôôôle !»
Il me prit par le bras, l'air à la fois inquiet et sérieux :
«-Arrête ça, Elladora ! Tu n'aurais pu dû toucher à ça !»
Il ajouta, plus bas :
«-Et je n'aurais pas dû laisser ceci à ta portée... quel con !
-Arrêêête de froncer les sourcils, tu es plus beau avec le visage détendu, gloussai-je, ignorant ses reproches.
-Viens par là, dit-il en me conduisant dans une pièce adjacente qui s'avéra être la salle de bain. Tu vas prendre une douche, ça te fera du bien.»
Il me déposa au centre de la pièce, puis expliqua :
«-Je vais te préparer une potion en attendant. Essaye de faire attention.»
Je ne bougeai pas. Qu'il pouvait être agaçant ! Je voulais m'amuser et lui ne voulait rien entendre. Non mais rabat-joie !
«-Elladora, s'il te plaît.»
Pour toute réponse, je me pliai en deux et vomis sur le sol.
Je l'entendis jurer puis il s'agenouilla près de moi. Alors que je me mettais à sangloter, toute joie m'ayant brutalement quitter, il nettoya d'un sort ce que j'avais recraché puis il me fit assoir sur le bord de la baignoire. Là, il entreprit de me retirer mon haut, puis mon soutien-gorge et enfin, le reste de mes vêtements. Il m'aida et monter dans la baignoire, avec des gestes patients et doux. Je continuais de pleurer, l'esprit encore trop brumeux pour agir.
L'eau qu'il fit couler sur mon corps me fit du bien et parvint à calmer mes sanglots. Quand il eut fini, il me prit dans ses bras et m'entraîna jusqu'à la chambre. Il glissa sur ma peau propre un large vêtement qui lui appartenait, d'après l'odeur caractéristique qui s'en dégageait puis m'installa dans le lit, avant de rabattre le drap jusqu'à mon cou.
Une minute plus tard, je m'étais endormie.
***
Mardi 3 Septembre 1996 :
«-Avada Kedavra !»
Il y eut des cris de terreur, puis le silence, accompagné d'une lueur verte aux reflets terribles. Ensuite, un ricanement - horrible, sadique et terrifiant.
Enfin, c'était comme si j'ouvrais les yeux. Les ténèbres laissèrent place à un lieu sombre, sans couleur. Mon regard parcourut lentement les ombres qui m'entouraient, et je reconnus sans mal l'intérieur de l'appartement de mes parents.
Je savais ce que j'allais découvrir si je baissai les yeux au sol. Et je ne voulais pas, je ne pouvais pas. Pourtant, ma tête s'anima toute seule et mes yeux, instinctivement, se posèrent sur le parquet.
Mes parents. Tous les deux là. Immobiles et leurs visages tournés vers moi.
Sans vie.
Je hurlai.
Encore et encore. Je criai à m'en déchirer les cordes vocales, je laissai soudain échapper tout ce que les larmes versées n'avaient pas suffi à soulager - mon chagrin immense, ma peine incommensurable, ma douleur atroce.
Mon cri fut bien vite englouti par les sanglots et, entre deux pleurs, j'entendis Severus faire irruption dans la chambre, apparemment paniqué par mon réveil brutal :
«-Elladora ! Par Merlin, qu'est-ce qu'il y a ?»
Il s'arrêta à quelques mètres du lit, dans lequel je venais d'être tirée d'un sommeil agité. Les images de mes parents, sauvagement tués dans leur appartement, ne quittaient désormais plus mon esprit et je ne parvins pas à prononcer une phrase qui ait du sens :
«-Je... mes parents... ils... cauchemar...»
Il dut comprendre car il s'avança jusqu'au bord du lit, prit ma tête entre ses mains et déposa son front contre le mien. Je fermai les yeux, tâchant de calmer au mieux mes sanglots.
«-Chuuut, souffla Severus. Ça va aller, ça va aller. Je suis là.»
Je laissai sa douce odeur m'envahir et le contact tendre avec ses mains me bercer jusqu'à ce que je sois de nouveau capable de respirer normalement. Puis, je relevai la tête et demandai, d'une voix rauque :
«-Embrasse-moi.»
Severus sembla hésiter un instant, pas certain que je sois pleinement consciente de moi-même. Pourtant, malgré le fulgurant mal de tête qui me guettait, j'avais l'esprit parfaitement clair et savais ce que je voulais. Et à cet instant, je désirai simplement sentir ses lèvres contre les miennes. Juste un instant.
«-S'il te plaît, ajoutai-je dans un murmure en plantant mon regard dans le sien.»
Le sorcier approcha alors lentement son visage du mien et s'empara de mes lèvres, d'abord juste en les effleurant, ensuite en approfondissant plus clairement le baiser. Je laissai un instant de côté les multiples émotions que je ressentais pour me focaliser sur la sensation douce que ce contact me procurait.
L'effet fut immédiat : mon cœur parut moins lourd, mes poumons respiraient de nouveau et mon corps entier reprit vie. Malheureusement, à peine eut-il rompu le contact pour reprendre son souffle que le fardeau revint peser sur mes épaules - quoique peut-être moins lourdement.
Je ne sus pas expliquer pourquoi les images de mon cauchemar revinrent à cet instant précis. Peut-être le baiser avait-il su faire le tri dans mon esprit. En tout cas, un détail s'imposa à moi, sans que je puisse m'en défaire.
Ce rire - atroce et diabolique.
Une évidence me frappa alors. Je me tournai vers Severus et lâchai, sans préambule :
«-Mes parents... ils étaient les cibles des Mangemorts.»
☆☆☆
Coucou les Botrucs, vous allez bien ?
Voilà un nouveau chapitre, où Ella se remet difficilement de la mort de ses parents... heureusement que Severus est là ! Mais ne vous en faites pas, elle ne va pas rester dans un état aussi déplorable jusqu'à la fin de l'histoire, d'autant qu'elle commence à comprendre ce qu'il s'est réellement passé...
Comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Que pensez-vous qu'Ella va faire maintenant qu'elle a compris qu'elle était visée par les Mangemorts ? La suite, la semaine prochaine !
Passez une bonne semaine,
PetitKoala
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