Chapitre 16 - Règlement (de compte)
Dimanche 17 Janvier 1988 :
Les étudiants mirent du temps à se remettre complètement de l'attaque mais c'étaient des enfants : un festin et un discours de Dumbledore plus tard, la plupart avait retrouvé le sourire. Une petite vingtaine d'entre eux était restée allitée à l'infirmerie mais se remettait assez bien des blessures. Les enseignants, en revanche, avaient encore du mal à agir normalement, même trois jours après l'attaque. Nous étions en perpétuelle crainte de se faire attaquer et, si certains d'entre nous parvenaient à relativiser, je faisais partie de ceux qui n'oubliaient pas si facilement. J'avais été incapable de dormir, les images de l'attaque me revenant sans cesse mais surtout, tous mes cauchemars se terminaient de la même façon : Severus Rogue, une baguette braquée sur moi, mettant fin à mes jours dans d'atroces souffrances. Une nouvelle semaine allait bientôt commencer et j'avais une mine affreuse. Pompom avait insisté pour ausculter tous les professeurs et elle avait bandé mes plaies et m'avait donné quelques médicaments contre la douleur. Suite à l'attaque, les cours avaient été annulés les deux jours suivants, ce qui offraient aux élèves comme aux enseignants, une pause des quatre jours, week-end inclu, pour se reposer. Je tentai de reprendre mes habitudes et planchais sur mes cours, ce qui me permit de me sentir normale, au moins pendant les trois heures où je travaillai sans relâche.
Ensuite, Sybille Trelawney, la professeure de divination, nous offrit à tous une tasse de thé, infecte, certes, mais c'était l'intention qui comptait. L'ambiance était plutôt détendue en fin d'après-midi, même quand Sybille se mit à lire dans le fond de nos tasses, prétendant y discerner notre avenir. Minerva était sans conteste la plus sceptique d'entre nous : elle avait du mal à croire à la «torride rencontre» que lui promettait Sybille dans le mois à venir. La pauvre femme ne se rendait même pas compte qu'aucun d'entre nous ne la prenait véritablement au sérieux. Simplement, nous étions trop polis pour dire quoique ce soit et même Minerva affichait une mine mi-amusée, mi-sérieuse. Quand elle s'approcha de ma tasse, une effluve de parfum entêtant me prit les narines et je me concentrai sur le châle qui recouvrait les épaules de la petite femme aux yeux d'insectes, prenant sur moi pour paraître intéressée par ce qu'elle me disait. De ses longs doigts fins, elle entoura ma tasse, la souleva de quelques centimètres et plongea son visage dedans, d'un geste presqu'exagéré. Elle regarda le fond du verre pendant une bonne minute, murmurant des choses que je ne comprenais pas. Puis, elle posa la tasse et dit, d'une voix blanche :
«-Vous allez faire partie d'une alliance inattendue et seule une confiance absolue envers votre nouveau partenaire vous permettera de garder la vie sau...»
Elle n'eut pas le temps de finir sa «prédiction» que la porte de la salle des professeurs s'ouvrit à la volée. Nous nous tournâmes d'un bloc vers l'entrée pour voir apparaître personne d'autre que le professeur Rogue sur le pas de la porte.
Par réflexe, je me levai, tandis qu'aucun de mes collègues ne daigna bouger. Forcément, le regard de Severus Rogue parcourut l'assemblée et s'arrêta quelques secondes sur moi. Nos yeux se croisèrent à peine deux secondes mais ce fut déjà trop : tant de haine dans ses yeux noirs... Je me rassis, sentant le rouge me monter aux joues et Sybille brisa enfin le silence :
«-Une tasse de thé ?»
Son intervention eut au moins pour effet de détourner le regard noir de Severus de moi et il répliqua, d'une voix froide :
«-Je cherche le directeur. Il n'est pas dans son bureau.»
Minerva s'éclaircit la gorge avant de dire, d'une voix peu accueillante :
«-Il doit régler quelques affaires au Ministère, concernant l'attaque qu'il y a eu à Pré-Au-Lard, hier.»
Serait-ce des reproches que je percevais dans sa voix ? Minerva partagerait-elle les mêmes soupçons que moi concernant le Maître des Potions ? En tout cas, son regard était suspicieux et elle ne semblait pas apprécier l'arrivée brutale de Severus dans la salle des professeurs.
«-En tant que directrice adjointe, poursuivit-elle avec une note de défi dans la voix, je me charge de la direction de l'école en son absence. Si vous avez un mot à lui dire, vous n'avez qu'à m'en faire part et je lui ferai passer le message.»
Severus resta un instant silencieux, comme s'il analysait la proposition. Finalement, il claqua de la langue, comme pour marquer son énervement et susurra :
«-Ça attendra son retour.»
Sur ce, il tourna les talons et quitta la pièce, laissant derrière lui un silence morbide.
***
«-Le Ministère de la Magie m'a donné une seule consigne claire sur le sujet : nous devons renforcer la protection de l'école, sans quoi Poudlard sera fermé jusqu'à nouvel ordre. Je doute que la meilleure façon de mettre nos jeunes sorciers en sécurité soit de les renvoyer chez eux. C'est pourquoi il nous faut être vigilant : nous ne vaincrons pas ces suprémacistes en enchaînant les combats. Un vieux dicton moldu disait : «Mieux vaut prévenir que guérir», c'est maintenant ou jamais de le mettre en œuvre !»
La voix calme d'Albus Dumbledore se tut et aucun des professeurs installés autour de la table de la salle des professeurs, faisant alors office de salle de réunion, n'osa dire un mot.
Dès son retour du Ministère, le directeur avait tout de suite invoqué une réunion entre les professeurs, prenant à parti les préfets afin qu'ils s'occupent des élèves. Chacun des professeurs s'étaient alors installés sans un mot autour de la table, attendant les informations venant du Ministère qui n'avaient pas mis bien longtemps à tomber. Ainsi, au moindre faux-pas, l'école devra fermer ses portes. Je ne pouvais pas imaginer une telle catastrophe arriver et je n'étais pas la seule à encaisser le coup : Pomona et Aurora, les deux femmes assises à mes côtés, ne semblaient pas ravies non plus. À vrai dire, tout le monde à la table affichait une mine sérieuse et préoccupée. Je jetai un bref coup d'œil en direction de Severus Rogue, qui avait pris place en dernier, juste à côté du directeur. Il fixait un point droit devant lui et, comme d'habitude, son visage était fermé, de sorte à ce que je ne puisse clairement dire ce qu'il ressentait à cet instant précis. Peut-être s'apprêtait-il à mémoriser notre plan de défense pour mieux en faire part aux Mangemorts par la suite ? Je frissonnai à cette perspective mais ne pus me résoudre à l'admettre entièrement : s'il y avait un traître parmi nous, Dumbledore le saurait, non ?
Ce dernier reprit, toujours sur le même ton, à la fois sérieux et détaché :
«-Nous allons devoir rafermir les règles, bien que ça ne plaise pas aux élèves. Le couvre-feu devra être avancé à vingt heures. Les étudiants mangeront entre dix-neuf heures et vingt heures avec interdiction de quitter la Grande Salle durant cette période. Ensuite, les préfets accompagnés d'un professeur raccompagneront les étudiants dans leur dortoir respectif. La nuit, nous ferons des tours de garde permanente, j'ai demandé à des Aurors d'en faire à l'extérieur mais les effectifs sont tendus. Des propositions ?»
Minerva, installée à côté d'Albus, prit la parole :
«-Peut-être serait-il préférable d'annuler toute activité périscolaire, comme les entraînements de Quidditch, les sorties Pré-Au-Lard - cela va de soi -, ...
-Les cours en extérieur devraient être limités afin de réduire au maximum les risques d'exposition, intervins-je.
-Si nous commençons comme ceci, dit Severus Rogue d'une voix traînante, autant renommer "Poudlard" "Azkaban". C'est ce qu'ils attendent de nous, que nous ayons peur, que nous limitions nos mouvements, que nous les craignions. Que l'on interdise les activités périscolaires est une choses mais supprimer tous les cours extérieurs seraient une erreur.»
Je me retins de le rectifier quand il parla des Mangemorts à la troisième personne du pluriel mais me retins, sachant que mon intervention ne serait pas opportune, d'autant que je n'avais aucune preuve de mes accusations. Ne souhaitant pas lui laisser le dernier mot, je répliquai, acerbe :
«-Je crois que vous m'avez mal comprise, Severus. Je ne souhaite pas annuler tous les cours extérieurs, simplement les réglementer.
-Quelle différence, si ce n'est d'accroître la crainte de nos étudiants ?
-Je...
-Je pense, coupa Dumbledore, que Severus a raison. Nous ne devons pas avoir peur.»
Un rictus mauvais et triomphant s'afficha sur le visage du concerné et cela ne fit qu'augmenter mon amertume.
«-Néanmoins, ajouta le directeur, Miss Lynch fait bien de souligner que les cours extérieurs présentent des risques que nous devons prendre en considération.»
Je vis le sourire de Severus se figer et je me retins moi-même d'exprimer ma satisfaction, me concentrant sur la suite du discours du professeur :
«-Renée, Pomona et Silvanus, vous avez tous trois en charge des cours en périphérie du château. Je ferai en sorte que vous soyez, à chacun des cours, accompagné d'un adulte supplémentaire. Cela devrait réduire les risques d'exposition.
-Peut-être devrions-nous aussi priviligier les cours de Défense Contre les Forces du Mal ? proposa Pomoma, ça me semble cohérent que les étudiants reçoivent un enseignement adapté par rapport au monde dans lequel nous vivons. Ça ne coûtera rien à personne ne laisser dix minutes de cours par semaine pour que chaque niveau bénéficie d'heures supplémentaires de Défense.
-Sauf votre respect, Monsieur, intervint encore Severus sans même jeter un regard à Pomona, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de privilégier cette matière. Mes élèves démontrent, cette année encore, des capacités déplorables en potions et j'ai bien peur que les priver de cours ne fasse qu'accroître leur incapacité à réaliser un breuvage digne de ce nom.»
L'homme pinça ses lèvres en signe de mépris et braqua ses yeux sur moi. Je le soutins sans broncher, espérant que mon regard exprimait assez de défi en retour. Dumbledore, semblant ignorer les tensions palpables dans la pièce, dit :
«-Ne vous inquiétez pas, Severus, nous ne toucherons pas à vos heures de cours. Toutefois, je pense que la perspective d'orienter nos étudiants à être conscient du monde dans lequel ils vont être lâchés est primordiale. Peut-être pourrions-nous instaurer officiellement un cours de duel, durant les heures de libre. Miss Lynch, vous sentez-vous capable d'assurer ces cours ?
-Bien sûr, répondis-je sans hésiter, me concentrant sur le regard cristallin du directeur, tout en tentant d'ignorer le regard froid de Severus Rogue.»
Je crus m'en être bien tirée, jusqu'à ce que Dumbledore ajoute :
«-Je pense qu'il serait judicieux de mettre un deuxième professeur sur le coup. Severus, si ce n'est pas trop demandé pour vos pitoyables élèves ?»
Il y eut un silence, durant lequel je manquai de m'étouffer. Severus Rogue, faire cours avec moi ? Rien ne me semblait plus insupportable. Cependant, je restai stoïque, attendant la sentence, espérant sécrètement qu'il refuse. Bien sûr, il ne le fit pas.
«-De toute évidence, lâcha-t-il d'une voix traînante, son regard insistant ne me lâchant pas une seule seconde.»
Je serrai les dents, pour réprimer un soupir de frustration, tandis que Dumbledore clôturait la réunion :
«-Bien, je pense que nous avons fait le tour du sujet. Si vous avez d'autres idées, n'hésitez pas à passer dans mon bureau. Oh, et dernière chose : je pense qu'il est grand temps d'organiser un bal, histoire de détendre un peu les esprits.»
Les professeurs commencèrent à s'éparpiller, chacun rejoignant ses activités. Minerva parlait activement à Dumbledore d'un sujet qui la mettait visiblement hors d'elle, Aurora et Sybille reprirent leur conversation concernant les mauvaises augures et les alignements de planètes qui seraient la cause de tous les malheurs s'abattant sur le monde sorcier, les autres se remirent à travailler, profitant des derniers instants du week-end pour mettre à jour les cours. Severus, fidèle à ses habitudes, quitta aussitôt la salle des professeurs. Je le regardai disparaître dans un mouvement de cape avant de me décider à le suivre. Je ne savais pas vraiment ce qu'il me prenait, ni ce que j'allais lui dire mais j'étais sûre d'une chose : il fallait que je lui parle. Essayant de ne pas laisser la colère m'aveugler, je partis à sa suite, me repérant aisément dans le chateau, alors qu'il se dirigeait sans surprise dans les cachots. Pas étonnant qu'il ressemble tant à une chauve-souris, il passait sa vie dans l'endroit le plus sombre du chateau ! Il dut voir que le poursuivait car il pressait le pas et je dus moi-même me mettre presqu'à courir pour ne pas le perdre de vue. Quand nous atteignîmes le couloir désert menant à sa salle de classe, je le hélai :
«-Severus !»
Il ne se retourna pas tout de suite mais, au bout de la troisième fois, il stoppa sa marche et fit volte-face, prenant volontairement son temps pour effectuer son mouvement. Je trouvai son comportement exaspérant mais pris sur moi pour paraître calme en face de lui. Je n'allais tout de même pas exploser devant ses yeux, je savais que c'était ce qu'il attendait de moi. Néanmoins, j'avais de plus en plus de mal à me contrôler.
«-Qu'est-ce qui ne va pas chez vous ?»
OK, je n'aurais peut-être pas dû tourner ma question comme ceci mais au moins, ça avait le mérite d'être clair. S'il fut surpris par ma vive répartie, il n'en fit, à ma plus grande déception, rien paraître, et se garda bien de défaire ce masque impassible posé sur son visage. Comme il ne prit pas la peine de répondre, je continuai :
«-Pourquoi faut-il toujours que vous agissiez comme ça ?
-Comme quoi ? finit-il par dire, sa voix étrangement calme me faisant malgré moi frissonner.»
Je cherchai un moment mes mots puis lâchai, la colère ne m'ayant pas quittée :
«-Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Pourquoi est-ce que vous me détestez tant ?»
Il y eut un long silence et je crus qu'il allait simplement partir sans rien dire mais il fit pire encore. Il rigola. Un rire bref et cruel.
«-Vous ne manquez certainement pas de cran pour sortir un truc pareil, dit-il d'une voix grinçante, vous n'êtes pas le centre de l'attention, vous savez. Et je crois que vous êtes à même de comprendre où est-ce que vous avez fauté, si vous faîtes simplement l'effort de ne plus vous considérer comme la huitième merveille du monde et que vous vous rendez compte que vous n'êtes pas aussi parfaite que vous le pensez. Maintenant, si vous le voulez bien, j'aimerai profiter des derniers instants d'oisiveté avant que mes stupides élèves me demandent pour la énième fois comment réaliser une Potion de Ratatinage.»
Sur ce, il tourna les talons et se dirigea vers la porte menant à ses appartements. Encore choquée par ce qu'il venait crûment de me balancer, je mis un certain temps avant de réagir et ma voix était plus aigüe qu'à l'ordinaire quand je dis, froidement :
«-Qu'est-ce qui vous dérange le plus chez moi ? Mes cheveux roux ou mes yeux verts ?»
Il se figea sur le pas de la porte et je vis clairement les muscles de son dos se raidir à ma remarque. Je venais de marquer un point et il n'était pas question que je m'en contente. J'avançai vers lui, sa réaction inattendue m'ayant redonné confiance :
«-C'est étrange comme deux personnes nées à deux moments différents dans deux lieux différents peuvent se ressembler. On appelle cela le hasard génétique. Et ce hasard a fait que, justement, j'hérite de cette couleur de cheveux et de cette couleur d'yeux. Comme Lily Evans. Ou plutôt devrais-je dire Lily Potter.»
A mesure que je m'approchai de lui, je voyais son corps entier se tendre, comme prêt à se rompre. Ses poings se serrèrent automatiquement à l'entente de son nom. J'avais la gorge nouée, et je savais que j'étais allée trop loin mais la fureur qui grondait en moi m'aveuglait. Aussi, je continuai, méchamment :
«-Vous savez, la fille que vous aimiez et qui ne vous aimait pas en retou...
-ASSEZ !»
Il se tourna brusquement, m'empoigna par le col de ma chemise et me plaqua contre le mur du couloir. Ses yeux reflétaient une haine pure mais pas que. Non, il y avait autre chose dans cette couloir noire. De la tristesse. Il souffla, hors de lui, la voix rauque et menaçante comme jamais :
«-NE-PARLEZ-PLUS-JAMAIS-DE-LILY-EVANS-DEVANT-MOI ! C'EST-CLAIR ? Et si jamais vous osez raconter ce que vous avez vu à quiconque, je m'assurerai que vous le regrettiez.»
Il me relâcha aussi sec et s'engouffra dans ses appartements sans me jeter un regard de plus. Visiblement, j'avais le don de mettre hors de lui le Maître des Potions.
☆☆☆
*PetitKoala*
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