Chapitre quinzième
-Père ! Père ! Regardez ! J’ai-
-Écarte-toi !
La silhouette imposante d'un vampire le repoussa contre le mur en passant sans pendre en compte les larmes du jeune garçon aux os noirs et aux pupilles d’or et de rouge. Dans ses mains il y avait une petite marionnette de bois et de ficelles, peinte délicatement, qu’il serra contre lui en se relevant maladroitement et en liant s’enfermer dans sa chambre.
-Fallacy, tiens-toi droit ! Ne prends pas cet air condescendant et montre-toi ferme ! Un prince ne laisse jamais transparaître ses émotions.
-O-Oui, mère...
Le jeune vampire, devant une cour remplie d’aristocrates, et un condamné, dont la tête reposait sur une pique. Un léger malaise et un regard noir de son père avait suffit à le calmer.
Une dizaines de poupées et de marionnettes gisaient par-terre, brisées et jetées là négligemment. Assis contre le mur, les genoux contre la poitrine, le jeune prince pleurait de toute son âme, les mots de ses parents restés gravés dans sa mémoire comme une marque brûlante.
-Une erreur, voilà ce que tu es. Tu n’es pas notre fils.
La pièce sombrait dans les ténèbres alors que les pleurs se mêlaient aux insultes et autres rires méprisants, tournant encore et encore en un macabre charivari.
L’horloge venait de sonner les cinq coups de la journée lorsque Fallacy se réveilla en sursaut, tremblant et de discrètes larmes aux coins des yeux.
Un cauchemar mêlé de souvenirs amers, de souvenirs qu'il gardait au plus profond de son âme tant ils étaient une hantise abominable. Sa respiration saccadée lui fit presque mal, alors qu'il se levait sans bruit pour se rendre dans la chambre de son fils.
À cette heure-ci de l’après-midi, tout le monde dormait, éprouvé par la soirée précédente, exceptés Simon et Orion qui avaient été autorisé à rester et qui étudiaient dans la bibliothèque.
En voyant Jasper, les joues rougies de fièvre et la respiration difficile, le roi des vampires sentit son âme battre plus fort, coupable. Puis, dans un besoin d’affection et de chaleur, il se mit sous la couette avec son fils, le prenant contre lui en lui caressait doucement le crâne comme dans une demande muette d’excuse à son conportement.
Le sommeil n’en fut que plus agréable, car son âme comprit qu'un enfant n’est rien sans son père.
******
Encre se sentait de plus en plus mal à l’approche des fêtes et de sa prochaine entrevue avec Adrian.
Il croyait Fallacy, il le voyait dans ses yeux. Cet homme avec des yeux d'un violet froid, qui avait une volonté de tuer si inhumaine pourtant, lui cachait beaucoup de choses. Trop pour qu’il continue de lui faire confiance.
C’est donc avec l’âme serrée qu'il se rendit de nouveau chez le maître du village, la gorge nouée et l’inquiétude grandissante. Adrian l’attendait comme à son habitude dans le jardin d'hiver, en train de lire. Chose étonnante, il ne sembla pas accorder la moindre attention au peintre qui s’assit calmement en face de lui.
Une minute passa, puis une autre, et ainsi de suite, le squelette aux os blancs sentait son âme battre à une vitesse folle en se demandant bien à quoi était dû ce changement d’attitude si soudain.
-Dites-moi Encre, que pensez-vous des vampires ? interrogea soudainement le jeune homme en tournant distraitement la page de son ouvrage.
-M-Moi ? bégailla le peintre en levant les yeux. P-Pourquoi donc ?
-Vous connaissez mon point de vue sur cette histoire, exprimez le vôtre.
La désinvolture du jeune homme le surprit de nouveau et il tenta de trouver une explication qui lui plairait.
-J-je suis du même avis que vous ! Ces monstres sont une menace pour nos vies et familles, ils doivent donc être éliminés...
Il n’eut pas plus de réponse et Adrian continua sa lecture. Il ne dit d’abord rien avant de se montrer ferme, décidé à ne plus se laisser mener à la baguette comme un simple pantin.
-Non... Je suis contre toutes ces insinuations ! Comment avez-vous pu condamner un vampire sous prétexte que sa nature était un danger ? Vous avez tué un ami, une personne aimée qui n’avait comis aucun crime ! Ils sont des créatures comme les autres, nous n’avons aucun droit sur leur vie ou leur mort ! Ils...
-...''pensent comme n’importe quels êtes doués de raison. Ils ne sont pas des meurtriers froids et sanguinaires mais sont doués de sentiments. Qu’importe ce que l’on peut me dire de nouveau, c’est Fallacy que je veux croire, car ses yeux ne mentent pas.'' Fascinant ouvrage, vous ne trouvez pas ?
Encre sentit son âme se glacer. Ces mots, c’était... Son regard fut attiré par la couverture de cuir brune du journal que le seigneur avait dans les mains.
-N-Non...
-Si, j’en ai bien peur, soupira Adrian en le refermant d'un geste de la main. Vous avez décrit avec un talent admirable les différentes facettes de la nature d'un vampire, même si votre ami a omis volontairement de mentionner les menaces dont sont victimes la plupart des gens tels que moi... Vous savez, je pensais que vous seriez un habitant comme les autres, sensible à ma voix, à mes charmes... Mais vous avez quelque chose en plus, que ces idiots n’ont pas...
Encre se leva en reculant tandis que son interlocuteur fit de même en s’avançant vers lui, un étrange serpent blanc sifflant derrière lui. Le peintre voulut se retourner et courir vers la sortie mais déjà Adrian était derrière lui, plaçant ses mains sur ses épaules et l’empêchant de bouger.
Sa voix semblait plus mielleuse encore, mais d'une manière horrible, trop sensuelle pour être bienveillante.
-Une volonté, sussura-t-il à la tempe du squelette en désignant un miroir d’un signe de tête.
Lorsque Encre vit les yeux de reptiles d'un violet pur, et les légères canines saillantes sous les lèvres, il tenta de nouveau de se dégager.
-L-lâchez-moi ! À-À l’aide !
Un léger rire répondit à son cri alors qu'il sentait une violente morsure aux cervicales, le faisant hurler de douleur. Il le sentait, et il reconnaissait cette sensation de quelqu’un lui prenant son sang et sa magie. Mais, contrairement à Fallacy qui se contrôlait un minimum, cette fois il crut qu’on lui brisait la nuque.
C’était trop sauvage, trop animal, trop... juste trop violent.
Sa vision devint plus sombre, sans qu’il ne distingue plus les formes autour de lui, et ses gestes frénétiques devinrent de simples tremblements inutiles, glissant lentement dans les bras de son agresseur. Bientôt, ce ne fut plus qu'un corps immobile et épuisé qui reposait contre Adrian, inanimé.
-Aaahh~ Je comprends tellement l’amour de ce vampire pour ton sang~ Mais ne t’inquiète pas, nous allons bientôt lui rendre visite~
Le petit carnet tomba à terre en laissant voler une feuille de papier, une esquisse d'un squelette aux os noirs et aux yeux or et rubis marqués de bleu.
******
Lorsque Suave prit son service cette soirée-là, il fut on ne peut plus surpris de trouver son maître et son jeune maître dans les bras l’un de l’autre, paisibles. Il s’autorisa un sourire tendre avant de descendre préparer le petit-déjeuner, souriant de nouveau en voyant Orion dormir sur les genoux de Simon, tandis que le professeur lisait à la lumière des bougies.
-Bonsoir professeur, salua le majordome en commençant à mettre la table. La journée a été agréable ?
-Orion n’a pas réussi à tenir jusqu'à ce soir, sourit le savant. Et Jasper ? Comment va-t-il ?
-Il semblerait qu’il aille mieux encore que lorsqu’il était en pleine santé... Maître Fallacy était à ses côtés ce soir, je n'ai pas eu le coeur à les réveiller.
-C'est un brave homme votre maître, acquiesça Simon en se levant avec précaution. Il suffit de voir sa réaction lorsque j'ai soigné son fils. Il ne montre pas ses sentiments et cela le ronge de l’intérieur... C’est une bonne chose que ces deux-là apprennent de nouveau à se connaître...
Le majordome sourit de nouveau en invitant le scientifique à s’asseoir, ce qu'il fit en le remerciant.
Dans la chambre du jeune vampire, Fallacy caressa la joue de son fils avant de se diriger vers la fenêtre pour prendre sa forme de chauve-souris et voler en direction du village.
Dans la chambre voisine, Macabre attendait minuit avec impatience.
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