Pov Gaby

Nous sommes une semaine avant le départ, j'ai maintenu secrète ma destination. Ma valise est déjà prête et posée dans l'entrée, à côté de la porte. Plus que quelques jours et ma vie prendra un nouveau tournant.  Je sors de chez moi en direction de la boîte aux lettres, les rideaux des voisines se tirent, je suis épiée. Tout est bon pour venir frapper chez moi : « Gaby, j'ai préparé des cookies », « auriez-vous du sucre ? » et j'en passe. Je récupère une grosse enveloppe et je m'introduis à la hâte chez moi. Demain, je dois affronter de nouveau Clay, pour un procès qui n'a ni queue ni tête. Je vais devoir témoigner contre lui en tant que partie civile. J'ai essayé de me dérober, mais l'injonction du juge est claire : si je refuse d'y participer, une escorte de police viendra me chercher.

J'ouvre la grosse enveloppe, il y a un post-it : « Il risque de me tuer pour ça, signé Dany ». Il y a des dizaines de lettres non compostées à l'intérieur. J'ouvre la première en m'installant sur la chaise de bar de la cuisine. Dès les premiers mots, je suis bouleversée. Elles proviennent de Clay. Je lis avec attention, impossible de m'arrêter. Je bois mon café sans quitter des yeux les lettres. Je les lis dans le désordre, certaines ont été écrites il y a peu et d'autres remontent à plusieurs semaines. Il m'aime et je ne sais que faire de ça.

Je ne sais plus si je serai à nouveau capable d'avoir des sentiments en général et de l'aimer lui.

Je range précieusement chacune d'elles, mais les mots tournent en boucle dans ma tête. Tenter de les ignorer, c'est peine perdue. Il m'ouvre son cœur et il n'attend rien en retour. Je compose le numéro de son frère.

— Hey Dany.

— Gaby ! Je suis content de t'entendre.

— J'ai reçu les lettres.

— Ah. Tu m'en veux ?

— Je ne sais pas si j'aurais dû les lire.

— Elles t'étaient destinées.

— Comment va-t-il ?

— Mieux, il est de plus en plus lui-même.

Si je confirme le kidnapping, il risque dix ans de prison. Quand il sortira, il aura la trentaine et pourra refaire sa vie. Mérite-t-il d'aller en prison ? Oui, totalement. Il doit payer sa dette à la société pour pouvoir avancer et se reconstruire.

Le lendemain, j'ai les nerfs à vif, je ne suis plus aussi sûre que la veille, il s'agit de juger l'homme qui fait vibrer mon cœur. Je fais les cent pas dans la salle des pas perdus, mon avocat me donne les dernières recommandations. Nous entrons dans la salle d'audience préléminaire. Le juge doit déterminer s'il y a inculpation pour poursuivre le procès. Clay est impassible dans son box.

— Accusé, levez-vous.

Il se lève, jette un œil dans ma direction et se reconcentre sur le juge.

— Que déclarez-vous ?

Je prie pour qu'il se déclare non-coupable.

— Coupable.

— Je crois qu'il n'y a pas d'intérêt à poursuivre cette audience d'inculpation. Déclare le juge.

Je murmure à l'oreille de mon avocat.

— Votre honneur, ma cliente souhaite être entendue.

— Bien, approchez-vous.

Mon avocat, l'avocat de l'accusé et l'avocat général s'approchent du juge, discutent quelques minutes et reviennent s'asseoir.

— Approchez-vous de la barre. Parlez à haute voix pour que les parties vous entendent.

Je me lève en direction du prétoire : le greffier apporte la bible, je pose la main droite.

— Jurez-vous de dire toute la vérité ?

— Je le jure.
Mon avocat se lève et commence l'interrogatoire.

— Mr Williamson Clay a-t-il commis les faits qui lui sont reprochés ?

Je réfléchis quelques secondes, tout le monde a le droit à une seconde chance, et au fond de moi, je suis convaincue que j'aurais pu m'en aller a n'importe quelle étape de mon « kidnapping ».

— Non.