Si dans mon cœur entaillé les battements s'étaient emballés, si dans mon âme empaillée mon peu d'espoir s'était caillé, mon visage n'en montra rien. Je remis la tablette à ma tante et avalai le reste de champagne au goulot. Ma tante me regarda, consternée.

— Tatie, on règlera ça plus tard. Je ne veux plus en parler...

— Mais nom d'une montre en retard, Mérédith ! me violenta-t-elle, tu ne réalises pas ce qui se passe ? Ton père t'a abandonné. Il s'est installé avec cette pétasse, qui est enceinte de cinq mois ! Cinq mois Mérédith... regarde les sur ces images, ils achètent déjà les vêtements de leurs futurs enfants, celle avec laquelle il va te remplacer ! Et à ton avis, tout cet argent... tu penses qu'il l'a prit où ? hein ?

— Tatie, plus tard s'il te...

— Ton argent Mérédith ! Ton fric ! Il s'amuse avec sa future femme avec le fric de tes nuits blanches, le fric de ton travail ! Son mariage, il le sponsorise avec ton fric ! Remarque, il n'a jamais épousé ma sœur, il doit être super heureux à l'idée d'avoir une véritable famille !

— S'il te plait, arrête... je me pris la tête entre les mains, alors que la voix de ma tante continuait à chahuter dans tous les coins, y compris dans ma tête. J'avais besoin de temps pour assimiler, d'un temps supplémentaire pour encaisser et, de l'éternité pour m'en relever.

Quand je venais ici à Montréal, c'était pour que papa me donne une explication, qui m'empêche de le détester. Mes aspirations changèrent dès que je posai le pied hors de l'avion. Je voulais à présent une explication qui m'empêche de me casser hors de sa vie. Et ça allait être très difficile pour lui, vu toutes les preuves accablantes qui témoignaient contre lui.

Dans le taxi qui nous conduisait au lieu que le détective avait communiqué a Tatie, je faisais de mon mieux pour retenir mes larmes. J'ouvris le journal de ma mère, consciente que j'allais plonger dans des eaux inconnues, a des profondeurs encore inexplorées sauf peut-être par ma tante. Il fallait que je plonge. Je ressentais résonner en moi l'appel de ces profondeurs.

Je sentais lentement la voix supplicatrice de ma mère remplacer celle de mon père. L'amour que je ressentais pour lui se métamorphosait, particule après particule, en une sorte de haine qui électrocutait tous mes membres et paralysait mon cœur.

02 Mars 2001,

Il m'a demandé de disparaitre.

Je suivis lentement les traces d'encre noire sur la dernière page du journal. Mon cœur se noua en une sorte de cordeau emmêlé, un nœud coulant que je m'imaginais enserrer sur son cou, celui que je considérais encore comme mon père jusqu'à ce matin.

Les dernières pensées écrites de ma maman... les dernières lueurs d'estime pour lui. Alors, après qu'il ait souhaité que je disparaisse, c'était au tour de ma génitrice ! Je ne m'étais jamais dessiné cette facette de lui dans mon esprit. Elle me semblait tellement insensée, comme si dans ma tête elle ne pouvait être intégrée dans l'équation.

Les aiguilles de ma montre défilaient avec une lenteur délicieusement douloureuse. Lorsqu'arriva le moment fatidique ou je devais entrer dans cette chambre qui, selon le détective de Tatie, leur servait de planque comme la cabane pour Adam et moi, je n'hésitai pas avant d'ouvrir la porte à la volée.  

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