— Qu'est-ce que tu fais là Zayne ? chuchotai-je, penchée sur le rebord de la fenêtre, mes cheveux bruns tombant en cascade de parts et d'autres de mon visage. Évidemment, il se contenta de faire des gestes avec ses mains, pointant en direction de la plage. S'il parlait, avec sa voix si grave, il ne fait aucun doute que mon père nous aurait grillé !

Le souci, c'était que je ne saisissais rien à son langage de mimes. «De quoi parles-tu ? je suis privée de sortie je te signale !» susurrai-je sur le même ton bas. Il continua de faire des gestes qui pour moi, n'avaient aucun sens. «Zayne ! tonnai-je. Tu vas t'attirer des ennuis, et à moi aussi ! papa a déjà une dent contre toi, inutile d'en rajouter !»

Derrière sa casquette blanche et ses lunettes de la couleur opposée, je devinais un « qu'est ce qui m'empêche de t'étrangler ! ». Il saisit une branche morte de Magnolia presque enterrée dans le sable et rédigea en gros caractère les mots : « SUMMER DAY »

Mais oui, bien sûr ! Comment avais-je pu passer à côté ? Aujourd'hui c'était le premier Août ! Et chaque premier Août à Cannon Beach, on célébrait le Summer Day, la fête de l'été. C'était une fête traditionnelle d'ici, organisée par les adolescents de Canon Beach. C'était de surcroît, ma fête préférée ! Je me surpris à me maudire, de ne m'en être pas souvenue.

Zayne me fit signe de descendre par la baie entrouverte. Je le fixai, incrédule. Me demandait-il réellement de faire le mur ? Je lui fit un grand signe de négation de la tête. Il continua d'insister.

Je ne voulais pas désobéir à mon père. Mais d'un autre côté, je ne me voyais pas rater le Summer Day. C'était la fête de l'année. La plage était animée. Même Dame Nature revêtait la mer du plus magnifique bleu sur la terre pour l'occasion. Zayne savait que ce n'était qu'une question de temps, avant que je ne me décide à enjamber la fenêtre.

Je posai le pied sur une branche de magnolia suffisamment solide, et facilement accessible. L'arbre facilitait mon échappement, avec ses branches disposées à la manière d'un escalier en colimaçon. Je pris la main de Zayne, et nous nous éloignâmes en courant du chalet en bois blanc, les pans de ma robe turquoise flottant derrière moi.

Quand nous nous fûmes suffisamment retirés, je m'arrêtais pour reprendre mon souffle. Ce Zayne était vraiment une mauvaise influence pour moi ! Et pourtant, je ne lui en voulais pas le moins du monde pour ça.

— Zayne, tu sais bien que je ne peux pas aller sur la plage ! Je suis une star, je vais me faire bousculer par une horde de fans et gâcher la fête ! Et en plus, papa finit ses entraînements de danse dans deux heures pile !

Tout en parlant, je réalisai qu'en un an, tellement de choses avaient changé. Avant, je pouvais aller au Summer Day sans me soucier d'être harcelée. Mais ça, c'était avant ! Avant de devenir une idole du country et des jeunes. Mon meilleur ami extirpa de son sac à dos que je venais à peine de remarquer, une paire de lunettes de soleil semblable à la sienne, une perruque d'un blond doré, et un maillot de bain noir, qui j'étais sûre, était parfaitement à ma taille !

— En attendant ma petite star, mets ceci. Il est hors de question que j'y aille sans toi ! On aura qu'à revenir avant deux heures ! opina-t-il comme si pour lui, c'était tout à fait commode de faire ça. La vie est bien trop courte, il faut s'amuser !

— Mais c'est pas ma taille ça, Zayne ! Ce soutien-gorge est beaucoup trop petit ! le taquinai-je en me dévêtant.

— Oh si, c'est bien ta taille poupée, du 80C ! ricana-t-il, ce qui lui valu une petite tape de ma part.

Après avoir troquée ma robe en mousseline de soie turquoise et mes sous-vêtements contre l'ensemble de bain noir, je me sentais comme quelqu'une d'autre. J'étais super heureuse de pouvoir aller à la fête. Pour rien au monde je n'aurais voulu la manquer... franchement, qu'aurais-je fait sans Zayne ?

Nous filâmes sur la rive sableuse, accueillis par le rythme irrésistible de la fête qui battait son plein. Un gars nous tendit deux canettes de cocktail. Il m'appela « jolie demoiselle » ce qui signifiait qu'il ne m'avait donc pas reconnu; mon déguisement était réussi.

Je pouvais me détendre, profiter pleinement de la matinée ensoleillée à souhait, et faire l'effort de rentrer avant que mon père ne termine ses entraînements de danse. Je parcourus du regard le monde qui s'amusait, les pieds dans l'eau ou dans le sable, bronzant sous le soleil estival de ce début de mois.

C'est là, que mon regard croisa le sien...

Un regard qui allait chambouler toute mon existence...

∅∅∅

PUBLICATION CHAQUE JOUR