21. FIX YOU(2)☑
Le lendemain, alors que les oiseaux s'appelaient déjà dans l'aube paisible de Cannon Beach et l'odeur suave du magnolia envahissait l'air, j'étais au studio pour travailler sur la bande-son de ma nouvelle musique, Lovers of Renewal, sous le regard perspicace de mon coach Richard Spencer. Derrière ses lunettes convergentes, il me fixait sans ciller, de l'autre côté de la vitre insonorisé, sa mains grattant sa barbe.
—Non, non ça ne va pas ça ! c'est de l'énergie morte que tu nous fournis là ! s'écria-t-il en balançant son casque stéréo, avant que je n'entame le deuxième couplet. Alors ! Je m'absente pour trois semaines à Palm Springs et voilà le résultat ! c'est nul ça, recommence ! hurla-t-il sous sa moustache noire de jais.
Je pris une grande inspiration et recommençai. Mais encore une fois, tandis que les notes s'envolaient dans toute la salle d'enregistrement, mon esprit ne pouvait s'empêcher de les suivre dans leur danse folle et perdue.
Il m'était impossible de me concentrer. Ma nuit n'avait été ponctuée que de cauchemars dont le seul protagoniste, Adam succombait à chaque fois vidé de son sang. Comment pouvais-je me concentrer ? Comment pouvais-je chanter et prétendre que tout allait bien ? Comment pouvais-je faire des vocalises insensées, sur ces deux amoureux qui dansaient sur la lune en buvant du coca-cola, alors qu'Adam était coincé dans cette chambre empestant alcool et formol ?
J'avais peur bon sang ! Pourquoi personne ne comprenait ça, sapristi ! Je vivais dans la peur depuis cet instant ou Halphas était entré dans le restaurant. J'avais peur pour Adam, mais aussi pour moi ! Que deviendrais-je dans un monde où il serait absent ?
L'absurdité de la situation m'arracha un rire, que Richard vit d'un très mauvais œil. Un homme, un homme que je n'avais rencontré que depuis un mois, un homme que je ne connaissais qu'à peine ! Un monde sans lui était certainement plausible, mais je ne voulais pas savoir à quoi ce monde ressemblait.
Trois jours après, quand enfin je vis se creuser un vide dans mon agenda, je sautai dans le premier taxi en direction de l'hôpital. Le rétroviseur me renvoya une image si pâle que j'en frissonnai. Mes cheveux blonds semblaient avoir terni et des cernes gris soulignaient mon regard fatigué, derrière mes lunettes cirées.
Je crispai les lèvres et réprimai un juron lorsque je me rendis compte que je n'avais plus aucun ongle à ronger. Le temps était frisquet et une sorte de vapeur diaphane avait embué les vitres du véhicule jaune. Je regardai le paysage défiler mais je ne voyais rien. Je ne voyais ni les passants pressés, ni les touristes envoutés, ni même les immeubles solennels.
Même quand je sortis du taxi, je ne vis pas les patients qui me dévisageaient avec ma grosse veste de fourrure bordeaux, ni les médecins trop pressés pour remarquer quoi que ce soit. Je ne vis pas cette femme au visage criblé de piercing qui me tamponna au couloir et s'en alla s'en s'excuser et je ne vis non plus l'infirmière qui ressortait de la chambre d'Adam avec du bandage usé et souillé de sang.
Je ne vis que lui. Lui, couché sur ce lit qui devait être tout sauf confortable. Lui, dont le regard s'agrandit lorsqu'il me reconnut. Lui, dont je crus apercevoir un semblant de sourire à travers le masque à oxygène qui lui entravait le visage.
Il essaya de se relever, mais je l'en empêchai immédiatement en m'asseyant à son chevet. Instinctivement, nos mains se cherchèrent et se lièrent ; et bon Dieu...c'est fou comme elles s'engrenaient parfaitement, comme si elles avaient été créées ainsi, puis séparées par les caprices du destin.
Mon regard s'encra dans le sien. Sans m'en rendre compte, je commençai à fredonner la chanson Fix You de Coldplay. Les larmes me montèrent aux yeux. J'aurais réellement voulu avoir des supers pouvoirs pour le guérir, le remettre sur ses pieds démiurgiques, continuer où nous en étions.
Ce qui nous arrivait était féerique. C'était au-delà des mots, des larmes et de notre différence. Je n'avais jamais été aussi bouleversée, que je l'étais à cet instant. Et cela me fit encore plus peur.
Je me rendis compte à ce moment précis, de combien j'allais souffrir de cette relation, d'être proche de lui, de le désirer autant que je le désirais. Car nos mains avaient beau être faites pour être ensemble, nos âmes avaient beau être liées par un phénomène qui dépassait notre entendement, jamais les fils de nos destinées ne tisseraient un lien assez solide sur la trame du destin, que le temps et l'avenir n'aient le pouvoir d'user.
—Comment vas-tu ? gémis-je en essayant de maitriser l'émotion dans ma voix. Il me sourit à peine et essaya de se défaire de son masque à oxygène, probablement pour répondre à ma question. Oh non Adam ! m'affolai-je, ne fais pas ça ! T'as pas besoin de parler tu sais ? Mais malgré mes protestations, il réussit quand même à baisser le masque translucide qui était censé l'approvisionner en ce gaz vital.
—Melinda s'il te plait, répliqua-t-il sur sa voix éraillée en me serrant plus fort la main, Melinda, sors moi d'ici... j'en peux plus... je me retournai vers lui d'un air horrifié.
Bon sang, de quoi parlait-il ?
∅∅∅
PUBLICATION TOUS LES JOURS
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