Ma main était restée suspendue en l'air. Le temps s'était arrêté. Melinda avait baissé son carnet et nous fixait d'un air horrifié. Le sang cognait douloureusement dans mes tempes. Mon rythme cardiaque courrait un marathon.

— On finit notre repas et on s'en va, Melinda.

—PUTAIN, TU VEUX MOURIR C'EST ÇA ? aboya le dénommé Halphas en m'empoignant par le bras, l'égratignant par la même action. Le reste se passa si vite qu'il serait difficile voire impossible de l'expliquer. Je saisis la main de l'homme et la tordit derrière son dos. Il hurla de douleur au moment où je frappais sa tête sur la table.

Le choc fracassa le meuble. Melinda bondit vers l'arrière en poussant un cri. Sa chaise se renversa. Des mains me tiraient vers l'arrière. Mes mouvements étaient restreints. Halphas se libéra de ma poigne. Il m'envoya un crochet dans l'abdomen et un autre en pleine figure. Je me tordis de douleur. Le goût acre du sang couvrit celui des épices et du gin.

Je vis rouge. Je me dégageai des mains qui m'arrêtaient et fonçai sur mon adversaire. La voix de Melinda qui m'implorait de me calmer était devenue lointaine.

Halphas ramassa la chaise de la blonde et la brisa d'un coup sec sur ses genoux. Il voulait jouer au gros bras. Il s'arma du barreau dans une main et du pied arrière dans l'autre. Un sourire malicieux se dessina sur mes lèvres.

J'évitai un coup brutal qui siffla près de mon visage. Un autre frôla ma chevelure alors que je me baissai pour l'éviter. Mes sens étaient en alerte. J'entendais les autres crier et hurler qu'il fallait appeler la police. Il fallait plutôt qu'ils appellent les ambulanciers. Les poulets ne pourraient rien faire quand ils trouveraient un steak entre la vie et la mort.

Alors qu'il avait raté un autre coup, j'en profitai pour me jeter sur lui. Mon genou s'écrasa sur sa hanche droite. Il m'applatit le nez avec son front. Je sentais à peine le liquide chaud qui me coulait sur les lèvres et le menton.

Je ne ressentais plus rien. À cause de cet homme, j'étais très vite retombé dans mes travers. Il profita de mon inattention et me broya l'abdomen avec deux coups de massues. Ma respiration se coupa. Une douleur vive me transperça. Je l'empoignai par le col de son blouson et le fit valser en l'air. Il s'écrasa au pied du comptoir en demi-lune.

Je sentais des mains qui essayaient de m'arrêter dans ma folie meurtrière, mais je les repoussai brutalement. Halphas se releva. Il me lança un regard noir et me dit quelque chose que ma rage m'avait empêché de comprendre.

Il était amoché et ne tenais presque plus debout. Moi aussi j'étais replié sur moi-même. Il devait avoir des côtes fêlées. Les miennes, je ne les sentais plus. Il s'enfuit du restaurant, soutenu par celui qui l'avait accompagné quelques minutes plus tôt.

—Adam...tu es en sang ! cria Melinda. Tiens bon, la police ne va pas tarder, ils vont t'emmener à l'hôpital... sa voix était brisée. J'osais même pas la regarder. Elle devait être dégoûtée de moi, elle devait me détester. Comment pouvait-elle de toute façon m'aimer ! Les gens comme elle, ne peuvent aimer les gens comme moi.

Je sentis sa main se poser sur mon dos et y faire pression. J'essayais de calmer ma respiration. Je ne pouvais pas finir en taule. Je me précipitai dehors. Au moment où nous mettions pied à l'extérieur de l'établissement, les sirènes de la police commençaient à crier au loin.

Melinda surgit derrière moi sans rien comprendre. Je ne voulais pas mêler cette femme incroyable à ma vie merdique...mais c'était précisément ce que je venais de faire. Maintenant, elle était désemparée. Elle risquait de finir sa soirée derrière les barreaux, elle qui n'avait rien demandé à personne. Il me fallait vite réagir.

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