15. THINKING OF YOU(2)☑
J'étais dans ma chambre, enroulée dans ma couette, essayant d'ignorer la migraine qui tambourinait contre les parois de mon crâne. J'avais allumé l'écran de la télévision, tandis que la voix de la journaliste me parvenait atrocement rauque pour une femme.
Elle parlait encore de moi, toujours de moi. L'incrustation de Lana à ma fête avait fait son effet. Les images tournaient en boucle sur E-News. Certains internautes me reprochaient de l'avoir laissée s'en tirer aussi aisément. D'autres encore louaient mon self-control qu'ils qualifiaient « d'admirable ».
Ma tante quant à elle, avait dû avaler plusieurs calmants le lendemain de la cérémonie, pour ainsi dire, se calmer ! Mon père ne cessait de rouspéter, grogner et jurer dans sa barbe. Je ne pouvais nier que revoir Jack m'avait brisé plus que je ne l'étais déjà. Je mis à fond le volume de la radio qui diffusait Thinking of you d'Elias. Cette musique me parlait tellement, me faisait penser à lui...
Cette nuit-là, j'avais pleuré comme jamais. Je m'étais effondrée sur mon oreiller et j'avais ouvert la fontaine de ma douleur dont le déluge n'avait pas épargné mon arche de fortune. Je n'étais pas prête à la confrontation, je n'étais pas prête à le revoir, à les revoir. Cette nuit-là, j'avais dormi avec Leina près de moi ; à la place que d'habitude, mon meilleur ami occupait quand je l'appelais parce que je me sentais mal, comme hier.
Mais je ne l'avais pas appelé, il ne l'avait non plus pas fait. Je devinai que voir Adam avant-hier lui avait fait un drôle d'effet. Pourquoi les choses étaient-elles devenues autant compliquées ? Je ne tarissais pas de larmes. Mes fans me croyaient forte, brave, à l'épreuve de toutes épreuves. Mais je n'étais rien de tout ça. Je n'étais pas forte comme ils le pensaient tous.
Mes sourires n'étaient qu'une façade. Je passais par beaucoup trop de choses qui me faisaient de la peine. La seule consolation qu'il me manquait c'était qu'après-demain j'aurais un rencart avec mon crush. Cependant, penser à ça ne me laissait pas indifférente. Je ne pouvais m'empêcher de ressentir une boule de stress gonfler dans le creux de mon ventre. Je jouais avec le feu, je risquais des brûlures, et les séquelles s'avèreraient irréversibles.
Je me sentais traîtresse, envers toute la communauté féministe. Adam représentait exactement ce contre quoi nous nous battions. De sortir avec lui, je craignais les retombées désastreuses que cela impliquerait. Pourtant, une petite voix au creux de ma tête, me murmurait à l'oreille, que je pouvais le changer, que je devais le changer. Après tout, rien n'était éternel. Le déséquilibre des sexes encore moins. Avec ou sans lui, nous atteindrions un jour notre objectif ultime.
Néanmoins, j'avais peur de tout gâcher encore une fois. La pire erreur d'un criminel est de retourner sur la scène de crime ; et c'était précisément ce que je m'apprêtais à faire. Partir où tout avait commencé. Aller à la genèse de tous mes problèmes. C'était sans doute la pire erreur que j'allais commettre, mais je n'aurais d'autres choix que de la commettre...
ADAM
Couché sur mon lit ou du moins sur ce qu'il en paraissait, je me tournais et me retournais sans pour autant fermer l'œil. Je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Il devait être deux ou trois heures du mat. La lune, filtrant à travers le feuillage, éclairait une partie de mon visage à travers la petite lucarne de ma chambrette.
Je devais être vraiment taré, cinglé même ! Il fallait être taré pour inviter une parfaite inconnue à dîner dans un restaurant, avec une situation financière aussi instable que la mienne.
Je soulevai à nouveau le fin matelas plastique sur lequel j'étais alité et, m'emparai de l'argent que j'y avais gardé, en occurrence un billet de vingt, un autre de dix et six pièces d'un centime. Trente dollars et six cents en tout... toutes mes économies, tout ce qu'il me manquait pour survivre.
Je m'apprêtais à commettre une folie, c'était certain ! Sachant que le coût moyen d'un repas économique était de quatorze dollars par personne, il me fallait compter au minimum trente dollars pour inviter Melinda. Ensuite, le taxi m'extirperait encore dix dollars, vu qu'on était en fin de saison touristique, ce qui m'amenait à une somme rocambolesque de quarante dollars, somme que je n'avais pas en ma possession.
Résigné, je remis ma fortune dans sa cachette et fermai les yeux en soupirant. J'étais vénère ! Il fallait que je me rende à l'évidence, j'étais fauché ! Je ne pouvais pas inviter la fille qui me plaisait. J'étais au chômage.
Et pour couronner le tout, le maire voulait raser ma maison pour faire passer par ici une nouvelle route. Une nouvelle route ! Il voulait me mettre dehors pour un nouveau sentier malgré tous ceux qui traversaient déjà le parc d'État d'Ecola ! J'en étais malade !
J'étais assis à la même table que lui, à l'anniversaire de l'autre fille là, Meredith. Il était face à moi, les boutons de sa veste blanche tendus par son ventre proéminent. Son cigare toujours en main, sous sa grosse moustache brune frisée. Il ne s'était pas débarrassé de son chapeau, qu'il pensait, dissimulait aux yeux du public sa calvitie naissante.
Je le haïssais de toutes mes forces. Je haïssais tous ceux qui, comme lui, se croyaient supérieurs aux autres parce qu'ils étaient pleins aux as ! Je haïssais Mérédith. L'argent n'était pas censé définir une personne, ou la place qu'il occupait dans sa société ! Pourtant, c'est bien ce qui se passait autour de nous.
Je me levai et enroulai un joint entre mes doigts. J'enclenchai mon petit briquet rouge. La flamme orangée vacillait doucement devant moi. Je la regardais lentement consumer le papier de cigarette. Une fine volute de fumée diaphane s'en éleva, pour se perdre dans l'obscurité étouffante de la pièce.
Mais je ne voyais plus rien d'autre que la lueur qui valsait devant mes yeux. Parfois, il suffisait d'une petite lumière dans l'obscurité pour se sentir mieux. J'aspirai goulûment une dose de shit. L'exhalaison chaude me détendit instantanément. Je me sentais beaucoup mieux.
Je rangeai mon briquet, et me laissai tomber sur mon lit. Je me mis à fredonner la musique Thinking of you d'Elias. Est-ce que j'avais le droit de mêler une fille aussi simple que Melinda dans des problèmes aussi compliqués que les miens ? Devais-je faire d'elle une bouée de sauvetage ? C'était insensé ! Mais j'étais insensé...
Un sourire s'empara de mes lèvres. Cette fille était trop belle ; non mieux, elle était splendide ! Ses traits étaient aussi fins que ceux de la Vénus de Milo. Le blond de ses cheveux resplendissait toujours, et ce malgré les humeurs du climat. Elle avait un regard profond, plus vert qu'une forêt d'émeraudes. Elle était tout simplement splendide.
Et même si on disait que l'herbe empêchait d'être lucide, je n'avais jamais été autant lucide. C'est elle que je voulais, c'est elle que je voulais inviter. Et même s'il me fallait m'endetter pour avoir un rencart avec elle, je le ferais...
S'il me fallait voler pour un moment avec elle en tête à tête, nul doute que je le ferais.
∅∅∅
PUBLICATION TOUS LES JOURS
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