Je n'avais pas bougé d'un millimètre. Décidément, être gentille me le rendait bien. Être gentille me le rendait très bien même ! Je venais de me faire insulter et humilier par une saleté de fauché, qui vivait dans une ancienne cabane pour enfants, moi Meredith May.

Je balançai le sac plastique contre sa porte et m'éloignai de la cabane, tout en me demandant à quoi je m'attendais. J'étais vraiment une idiote. Une idiote immature et sûrement amoureuse des pieds d'un SDF aigri.

C'était quoi cette histoire avec le maire ? Je discutais souvent avec le maire de Cannon Beach, mais notre relation n'était pas au point de comploter contre des sans-abris ! Monsieur Bristol Blank était plus ami avec mon père qu'avec moi. Même son fils Denver et moi ne nous entendions pas ! Bon sang, pourquoi fallait-il que je me retrouve dans ce genre de situation ?

Je me sentais humiliée et stupide. Je savais qu'Adam n'était pas un ange. Bon sang, ce gars-là fumait de l'herbe, il ne pouvait pas être bon. C'était un psychopathe dangereux. Un machiste hargneux. J'en avais la preuve formelle, une preuve si nette et irréfutable, qu'elle aurait dû me dégoûter, me répugner au point d'anesthésier mon cerveau de son image.

Mais voilà, cette nuit-là dans mon lit, alors que je me faisais plaisir seule avant de m'endormir, c'est son image qui me fit jouir deux fois.

Une semaine plus tard, la situation ne s'était pas améliorée de mon côté. J'étais toujours folle. Cependant, j'ignorais si j'étais folle de lui, folle pour lui, ou folle à cause de lui. Dans mon esprit embrumé, c'était confus et clair en même temps.

J'avais espéré en venant ici au ponton avec Leina ma guitare, que je trouverais une solution à mes tracasseries. J'amorçai la chanson Crazy, de Gnarls Barkleys. Elle traduisait bien mes états d'âme du moment. J'étais folle, démente, insensée, tarée à l'extrême !

Adam avait indéniablement quelque chose qui m'attirait et me rendait folle. Oui, il était beau comme un Dieu grec et aussi méprisant et méprisable que Hadès. Oui, il avait des pieds qui frisaient presque l'idéal fantaisiste. Mais ça allait bien au-delà de ça, au-delà du dégoût et des principes. Au-delà de la lutte féministe contre sexiste. Adam avait quelque chose enfoui en lui, dont j'avais besoin...Peut-être était-ce cette part de mystère qui forçait ma curiosité ?

Qui était Adam ? D'où venait-il ? Pourquoi vivait-il dans une ancienne cabane qui tombait en ruine ? Et pourquoi le maire voudrait-il l'en expulser ? Après oui, c'est vrai qu'un SDF, aussi bipolaire qu'Adam vivant à l'insu de tous dans les bois, à proximité de randonneurs et promeneurs qui s'amusaient, ça faisait flipper !

Je regardais les paillettes dorées danser sur le bleu cobalt de l'eau. En d'autres circonstances, j'aurais trouvé ce spectacle reposant, idéal pour faire le point sur mes idées. Mais ça ne fonctionnait pas avec Adam. Ce gars transcendait toute rationalité. Il fonctionnait au-delà de la logique.

Le pire c'était que malgré cela, je le trouvais toujours aussi séduisant. Il hantait la moindre de mes pensées, mes rêves, mes illusions, mes fantasmes. C'était le seul dont les pieds faisaient l'objet de mon adoration perpétuelle. Le seul qui m'empêchait de penser à Jack, et à sa tricherie éhontée.

Le scandale faisait toujours autant parler de nous. Des rumeurs avaient commencé à courir sur la toile, sur ce que j'avais dit sur l'affaire, et ce que je n'avais pas dit. Jack lui-même n'avait pas encore réagi. Je n'avais même pas reçu un coup de fil de lui, pas même un simple texto.

J'avais du mal à croire que c'était l'imbécile avec qui j'étais sortie ces cinq derniers mois. Je continuai de gratter les cordes de ma guitare, pour reprendre le rythme que j'avais perdu l'instant où mes pensées avaient dérivé vers mon ex.

Je terminai la chanson avec une pointe d'amertume dans la voix. Au final, je n'étais pas plus avancée. Je ne savais pas si c'était de l'amour que je ressentais envers un sans-abri, ou si c'était le premier homme qui était dans les parages à part Zayne, après ma rupture avec Jack. Pouvait-on parler d'amour après seulement quelques jours ? Bien sûr que non, c'était fou, complètement incongru. J'étais une fervente participante du combat féministe. Et comme si le destin s'ennuyait, le voila qui mettait sur ma route un poison sucré, Adam.

Était-ce le désespoir ? Le besoin de ressentir que je pouvais encore être aimée, désirée, choyée ? Toutes mes anciennes relations amoureuses s'étaient soldées en fiasco. J'en avais vu de toutes les couleurs, de l'homme qui me trompait à celui qui me battait sans oublier bien sûr celui qui avait disparu sans laisser de traces. Avais-je tant que ça besoin d'un homme dans ma vie ? Parce que si c'était ça, c'était complètement raté avec Adam !

En faisant la rétrospective de mes relations amoureuses, je me surpris à me demander qui m'avait le plus fait souffrir. Chacun de mes ex s'en était indéniablement allé, avec une part de mon être. Néanmoins, je me promis une chose à cet instant là, avec pour seul témoin l'océan qui m'observait calmement. Je me promis qu'Adam n'emporterait rien de moi. Je ne lui laisserais pas cette chance.

Jamais de la vie...

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