Maintenant que j'y suis, je le sais. C'est une mauvaise idée. C'est même la pire que j'ai eue. Alors que cet homme crasseux rentre et sort de moi, je ressens petit à petit ma fierté sortir de moi, sans jamais rentrer.

Est-ce vraiment ce que je viens de faire ? Vendre ma fierté pour mille euros ? Et en plus de cela, il faut que je simule. Rester placide alors qu'on se fait pilonner, apparemment ce n'est pas très vendeur.

Derrière la scène, le producteur me fait de grands gestes, se touchant les fesses, la poitrine, m'intimant en silence de me caresser et de montrer un peu plus d'enthousiasme. Je sais qu'il faut que je le fasse. Je dois être à la hauteur. Sinon, adieu la totalité du fric.

— Oh oui, petite salope. rait le gars sur moi. Tu aimes ça, hein. Tu aimes ça. Il accélère le mouvement.

— Oui, oui j'aime ça ! réponds-je, un semblant d'enthousiasme dans la voix. En réalité, je suis morte de honte. Je me demande quel miroir voudra bien me regarder après ça. Continue, mon bel étalon. J'ai dû apprendre mon texte par cœur, et à présent je le récite, sans que le cœur y soit.

— Ouais, ouais...brame-t-il, alors que sa sueur commence à couler sur moi. Je réprime un frisson de dégoût. Comment un homme peut-il transpirer autant un neuf minutes ?

Oui, intérieurement je compte les minutes avant la fin de ce supplice. Tout le long de cette prise, j'ai gardé le visage incliné vers la gauche, pour deux raisons. La première, parce que l'horloge se trouvait par là.

La deuxième, il me fallait à tout prix éviter que mon nez entre en collision avec la bouche de mon partenaire. Son haleine était la pire qui soit. Je n'avais rien senti de pareil, de toute ma vie. Je préférai encore plonger mes narines dans une mare d'égout, que là. Encore heureuse qu'on n'ait pas à s'embrasser.

Neuf minutes et trente-trois secondes.

Le producteur nous donne le Okay pour la partie orgasme de la scène. C'est là que je vais devoir faire appel à tout mon talent d'actrice, talent que je ne suis même pas sûr d'avoir. L'homme au-dessus de moi accélère la cadence.

— Oh oui, crie-t-il. Oh oui, je vais jouir, oh oui. Je retiens mon souffle et le suis dans ses incantations. Je me mets aussi à hurler mon pseudo-orgasme, en faisant tout pour que ça semble réel. En réalité, je n'ai même pas été excitée, durant ces dix minutes.

Le mec se retire brusquement de moi et continue de se branler au-dessus de mon ventre. Je dois a présent faire semblant de me masturber et de jouir, le meilleur orgasme de ma vie, comme l'a recommandé le producteur. Je ferme les yeux et fait tout pour que mon visage se torde, par ce qui doit ressembler à de l'extase.

En réalité, je crains que ça ne fasse plus grimace d'halloween. Je sens un liquide chaud perler sur mon ventre, et s'insérer dans mon nombril. Un autre puis puissant arrive jusqu'à l'auréole de mon sein. Je dois continuer à crier ma jouissance. C'est la chose la plus difficile que j'ai eu à faire de toute ma vie.

Lorsque le réalisateur crie « coupé », j'ai juste envie de m'enfermer dans mes toilettes et, de ne plus jamais en ressortir. J'ai comme la sensation de m'être faite violée, mêlée à celle d'être devenue une pute.

Je repense à mon père. Que dirait-il s'il voyait sa petite sirène maintenant ? Je prends la serviette que me tend la maquilleuse et, m'essuie le torse. Je ressens toujours cependant la souillure m'emplir entièrement, intérieurement et extérieurement.

— Vous avez bien dit la semaine prochaine ? chuchoté-je. En me recouvrant d'un drap. Je viendrais récupérer le fric la semaine prochaine n'est-ce pas ?

Le caméraman éclate de rire. Un mauvais pressentiment m'étreigne instantanément les côtes. Je me tourne vers la maquilleuse. Elle fait semblant de ranger ses outils, et fuit mon regard. Je me retourne vers le producteur. Dites quelque chose.

— C'est bon, nous n'avons plus besoin de tes services maintenant, tu peux t'en aller.