2. I DON'T WANT YOU BACK (1)
— C'est quand même fou ça, qu'on se retrouve dans la même ville après quoi...trois ans ?
— Quatre ans, réponds-je à brûle-pourpoint, alors que nous sommes sur un pont, avec pour seuls témoins la lune et la myriade d'étoiles. Quatre ans que tu as disparu sans laisser de traces, alors qu'on était censé sortir ensemble.
Devant nous, les lumières multicolores de la ville se reflètent sur le Main, un spectacle que je trouve très relaxant, un semblant de magie dans ce monde obscur.
— Mon père, réplique-t-il le regard perdu sur l'immense étendue d'eau curviligne devant nous. Mon père a dû déménager ici pour le boulot. On devait être en troisième c'est ça ?
Une bourrasque de vent s'introduit entre nous, et les eaux de la rivière s'agitent légèrement. Les bateaux de plaisance en dessous de nous tanguent.
—Nous sommes partis à la hâte, je n'ai pas eu le temps de te dire au revoir. Ce n'est pas de ma faute. Mes doigts se crispent sur la rambarde glacée du pont. Derrière nous, quelques passants pressent le pas, sceptiques quant au tempérament capricieux du climat.
— Bien sûr que ce n'est pas de ta faute...après tout, ça ne peut être que la mienne a moi, Meredith May...banale et collante comme pas permis, qui peut bien vouloir rester avec moi ? lâché-je de ma voix éraillée.
Je cherche son regard, mais celui-ci demeure obstinément rivé sur l'eau colorée, telle une toile noire sur laquelle les couleurs des lumières de la ville se reflètent.
— Tu sais bien que tu n'as jamais rien été de tout ça. D'ailleurs, j'ai entendu qu'après mon départ, tu as lâché le lycée et tu es quand même devenue une très grande star, l'étoile divine de Cannon Beach.
— C'est de l'histoire ancienne, tout ça. ricané-je nonchalamment avec un soupçon d'amertume sur la langue. Il n'y a plus rien de divin en moi. Et je n'étais pas quand même une grande star, j'étais l'une des meilleures qui soient.
— Tu sais que je n'ai jamais cessé de croire en toi...de t'aimer...
— Je t'en prie, Igor, le coupé-je sans cérémonie. Ne complique pas les choses. J'ai déjà fait un trait sur nous. Je n'ai plus besoin de toi. Je ne veux plus de ces putain d'histoire d'amour à la con, qui t'envoient au septième ciel pendant un instant et, la minute d'après d'expédient six pieds sous terre. Tout en parlant, ma voix se brise et je dois m'arrêter de parler, pour ne pas craquer.
— Qu'est ce qui t'est arrivé, Mérédith ? s'inquiète le géant près de moi, en tournant enfin le visage vers ma direction. Tu as beaucoup changé.
J'inspire un grand coup, et ferme les yeux. Une odeur indescriptible flotte dans l'air, étouffante et oppressante, provenant assurément des industries à proximité. À moins que ce soit celle de mon ressentiment. Je ne sais pas si je suis prête à en parler.
Igor est l'une des premières personnes à qui j'avais ouvert mon cœur, alors que je n'étais qu'une enfant. Et la première personne qui semble réellement s'inquiéter de mon état, depuis que je suis arrivée à Francfort. Avant lui, j'étais plutôt ignorée, personne ne se souciait de ce que je faisais, et c'était très bien comme ça.
Du moins, jusqu'à ce que je commence à me sentir seule, dépaysée, mal dans ma peau et que ma grossesse devienne contraignante. Je me suis entièrement coupée du monde. Aucun ordinateur, aucun téléphone, j'ai envie d'être loin de tous ces trucs qui circulent sur la toile.
Loin de la vérité.
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