La voix de Zayne me fait sursauter. Merde, j'avais oublié sa présence. J'essaie tant bien que mal d'essuyer mes larmes, mais à chaque mouvement, la corde me brûle les poignets, et je me résigne à bouger.

— Tu es...tu es réveillé...

— Qu'est-ce qu'il y a Adam ? me demande-t-il en retournant péniblement sa tête vers moi. J'avais déjà...remarqué tes accès de mélancolie et...les traces de brûlures sur...tes paumes de main...qu'est-ce que tu caches ? je secoue négativement la tête, en reniflant bruyamment.

— Emprisonner un grand monstre dans un si petit corps...tu vas te tuer. Libère-le, je t'en...prie...

Je levai les yeux vers Zayne. Ça se voyait qu'il souffrait, de me voir souffrir. Je n'avais jamais raconté mon histoire avec Allen, ni à Black, ni à Mérédith. J'avais toujours été réticent à le faire. Pourquoi donc avec cet homme, je me sentais près à me jeter ? Qui était Zayne pour moi ? Un ami comme je voulais tant le prétendre ? Ou bien plus encore ?

Pourquoi sentais-je qu'il ne me jugerait pas, qu'il me comprendrait ? Je ne pouvais l'expliquer, moi-même ça me dépassais.

— Avant Mérédith...j'étais amoureux. Il y a une personne que j'ai aimé de tout mon cœur, de toutes mes forces, et au-delà du raisonnable. J'étais encore jeune, je ne connaissais rien de la passion, du désir, et du sexe...c'est avec lui que j'ai découvert tout ça...

— Lui ?

— Il s'appelait Allen. Je laisse un moment de vide, pendant lequel j'ai l'impression que mon premier amour me regarde, du haut du paradis, avec un sourire fier sur le visage. C'est son sourire...qui a fait de moi qui je suis.

— Continue.

Je lève les yeux vers Zayne, et réprime une nouvelle vague de larmes. J'ai eu raison de le faire confiance, et de croire qu'il ne me jugerait pas. Et rien que pour ça, je lui dois toute la vérité.

— Allen était un flic. Très gentil, très drôle aussi. Je me souviens d'un jour ou il m'a fait courir dans tout le parc d'Ecola, la bite à l'air. Zayne s'esclaffe, avant de grimacer de douleur.

— Pourquoi vous êtes-vous séparés ? je regarde Zayne, d'un regard vitreux de larmes. Mes lèvres tremblotent sous le trop plein d'émotions.

— Il est...il est mort...il a été tué lors d'une fusillade... j'éclate encore en sanglots. Il m'avait demandé de fuir avec lui, de partir loin de Cannon Beach. De voyager dans toute l'Europe, à ses côtés. Et...j'ai refusé, Zayne...je lui ai dit que je ne pouvais pas abandonner ma cabane, que c'était...le seul souvenir de mon père...mon seul héritage familial...si j'avais accepté...

— Ce n'est pas de ta faute, balbutie l'albinos, alors qu'une perle glisse sur sa joue.

— Bien sûr que si. Il ne voulait pas partir sans moi, alors il est resté...et il est mort...si j'avais accepté...si j'avais accepté Zayne... je détone en pleurs.

Je n'avais jamais autant pleuré sa mort, jusqu'à aujourd'hui. J'ai l'impression de ne plus jamais pouvoir m'arrêter. Enfin, j'ai les couilles de voir la vérité en face. J'ai les couilles de me l'avouer à moi-même...

Je commence à chanter la chanson Regrets, de Julie Anne San Jose. Voilà tout ce que j'ai sur le cœur, des regrets. Tous mes choix ne sont qu'une succession de regrets. Je regrette d'avoir décliné sa proposition, je regrette de n'avoir pas pu lui dire au revoir, je regrette même qu'il ait fallu un au revoir...pourquoi, bon Dieu ? pourquoi ?

— Adam tu n'y pouvais rien...arrête de te faire du mal, je t'en prie. Dans un accès de colère, je hurle à gorge déployée.

— BIEN SÛR QUE SI, JE L'AI TUE, MERDE !

Un long silence s'établit. Zayne me regarde avec les yeux ronds. On entend au loin, l'écho des clapotis de pas qui s'approchent de nous. J'ai tellement entendu Leïla entrer ici, que je saurais reconnaitre ses pas entre mille. Mon cœur s'arrête. Je déglutis avec peine. Je crois que c'est à cet instant précis, que je réalise que la mort n'a jamais été autant proche de moi.

Autant proche de nous...