Lundi midi, je ne touche presque pas à mon repas. Je suis trop occupée à ressasser les événements de vendredi. Mon choix d'études. La cause de mon changement d'attitude. Matéo. Mes pleures. 

Je n'ai pas eu l'occasion de le voir ce week-end. Il a été rendre visite à sa famille qu'il n'a plus vu depuis des mois. Et je n'ai pas pu lui reparler de la bucket list. Ou du fait que je me sois endormie dans ses bras. Chose qui n'était jamais arrivée avant. 

- Vous saviez qu'au Canada, il est interdit de retirer un pansement en public ? Nous informe Ella.

- Pourquoi ? Les canadiens sont trop sensibles au sang ? Oh mon Dieu ! Cachez moi ce sang que je ne puis voir ! Plaisante-t-il avec un accent québécois foireux.

Je ne peux m'empêcher de me taper le front. 

- T'es désespérant, mec. Lui fais je remarquer.

 - Avouez que c'était drôle.

- Non, répond-t-on en même temps.

Il fait la moue et croise ses bras sur son torse. Owen a vraiment le don de se vexer pour un rien.

- Ils font ça pour éviter de proliférer les maladies du sang, reprend sa copine.

- C'est pas bête, grogne-t-il.

Ella rigole et lui tape un bisou sur le joue. Ce qui lui redonne immédiatement le sourire. Je secoue la tête en souriant. Ces deux là sont très beaux à voir ensemble. Pourtant, leur histoire était loin d'être gagnée. En 3e, ils ne pouvaient pas se saquer l'un l'autre. Ils s'envoyaient des piques tout le temps. Il a suffit qu'on parte à Amsterdam pour que ces deux-là se rendent compte qu'ils s'aimaient malgré les apparences. Depuis, il forme un couple complice et épanoui. 

- T'as eu le temps de feuilleter la brochure de Blanche ? Me demande le râleur. 

Je le fusille du regard. Mon ami est lente à la détente et n'a visiblement pas capter que je voulais éviter le sujet. 

- Quoi ? On veux juste savoir si on serait dans la même fac ou pas.

Les deux amoureux ont prévu d'aller en fac de philo et lettres, et étudier les langues en traduction-interprétation. Ella, la langue des signes et l'anglais. Et Owen l'espagnol et l'allemand.

- J'ai pas eu beaucoup de temps. J'ai eu un visiteur surprise.

Ils se regardent tout les deux et haussent les épaules. Ils ne savent pas de qui je parle.

- Matéo est rentré, je leur annonce avec un grand sourire.

- Il était pas au Mexique ? S'étonne mon ami.

- En République Dominicaine, le corrigé-je. Il est rentré hier parce qu'il avait le mal du pays.

- Attends... Le gars a voyagé dans des pays de dingue avec des paysages paradisiaques et il est en manque de la Belgique ? M'interroge Ella, perplexe. 

Je hausse les épaules. Je suis 100% d'accord avec elle. Matéo est parti que dans des lieux de cartes postales : Hawaii, le Mexique, l'Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica, la Jamaïque, Cuba et la République Dominicaine.  Des pays chauds. Avec une mer bleue claire. Tandis que la Belgique est loin de faire rêver. Il pleut 365 jours par an. Notre ville est sale. Et la Mer du Nord a une étrange couleur brune-grise. 

- S'il veut, moi je pars à sa place.

- Pareil pour moi, lance Owen.

- Moi aussi, répondis-je.

C'est vrai que j'ai été jalouse de Matéo. Il n'avait pas trop l'air de se rendre compte de la chance qu'il a eu de partir visiter l'Amérique du Nord et l'Amérique Centrale. Quand il me téléphonait en Visio, il paraissait heureux mais pas entièrement épanoui, comme s'il lui manquait quelque chose. Mais il m'a toujours assurer le contraire. 

- Et si on se faisait un ciné tout les quatre ? Propose Ella.

- Pourquoi pas. Je lui en parlerais ce soir, dis-je.

- Samedi, 18 h ?

- Ca marche

Elle me répond par un sourire que je lui rends. La sonnerie retentit et nous informe que notre pause déjeuner est terminée. Je salue Owen et Ella, et pars en cours de néerlandais.