Chapitre 12 :
A mon grand étonnement, ce fut Robert qui passa a la réception en fin de journée afin de me donner la facture pour ma nouvelle pompe a essence.
Et pourtant, ce n'était pas comme-ci Daniel n'aurait pas pu, car lui et son coach étaient revenus a l'hôtel en plein milieu d'après-midi et n'en étaient pas ressortis depuis.
Avais-je blessé son ego surdimensionné en refusant de diner avec lui ?
Car a moins que sa séance sportive ne l'ait épuisé au point de ne pas être capable de prendre l'ascenseur jusqu'au rez-de-chaussée, je ne voyais pas trop pourquoi il avait envoyé Robb à sa place.
D'un autre côté, et bien que Daniel faisait partit des gens a qui l'on ne refuse rien, j'avais du mal a penser qu'un simple " non " de ma part puisse réellement avoir un impact sur son comportement envers moi.
Ces pensées me trottèrent dans la tête tout le long de mon trajet jusqu'a la maison, me faisant même oublier que j'avais peut être été suivie ce matin et que cela aurait pu a nouveau être le cas ce soir.
Je m'assurai rapidement qu'il n'y avait aucun 4X4 gris dans les environs, puis sortis de ma voiture pour aller récupérer Jayden chez ma voisine adorée.
Alors que j'attendais que Claire vienne m'ouvrir, la conversation que j'avais eu ce matin avec mon frère me revint a l'esprit.
Il allait falloir que j'en parle à ma voisine.
La porte s'ouvrit.
— Coucou ! Me salua joyeusement Claire.
Mais pas aujourd'hui. Elle semblait de bonne humeur, et je savais que mon future déménagement l'attristerait beaucoup.
Je considérais Claire un peu comme la soeur que je n'avais jamais eu, et elle m'avait souvent fait comprendre que je représentais la même chose pour elle.
Même si nous resterions en contact lorsque j'aurais quitté le quartier, notre voisinage allait beaucoup me manquer, a moi tout comme a elle.
— Comment ça va avec les monstres ? Lui demandais-je.
Elle sourit.
— Oh tu sais, parfois j'ai envie de tous les enfermer dans une pièce et de les laisser s'entretuer afin de ne garder que celui qui survit...
— Tant que tu ne fais ça qu'avec tes enfants je n'y vois aucun problème, approuvais-je avec ironie.
Elle secoua la tête en rigolant, puis m'invita a entrer.
J'allai refermer la porte derrière moi lorsque mon regard se posa sur le 4x4 Nissan gris qui passait devant la maison.
Mon sang se glaça.
Non... Ca ne pouvait pas être possible...
Et pourtant, j'étais sûr que la plaque d'immatriculation du véhicule était similaire a celle qu'avait le véhicule de ce matin.
Je sentis mon rythme cardiaque s'accélérer, et refermai rapidement la porte d'entrée de peur que le conducteur m'aperçoit.
Peut être était-ce idiot de ma part, après tout, ma voiture était garée devant ma maison, il savait donc désormais ou j'habitais. Mais qu'aurais-je pu faire d'autre ? Les vitres du 4x4 étaient teintées, je n'aurais pas pu voir son visage. Courir derrière la voiture ? Et ensuite, que ce serait-il passé ? Je ne savais absolument pas ce que me voulait cette personne, ni si elle était dangereuse.
J'avais toutefois retenu sa plaque d'immatriculation et je pouvais allez la signaler a la police.
Mais malgré cela, serais-je en sécurité cette nuit, chez moi, avec mon fils ? Il y avait peu de chance que les flics acceptent de surveiller ma maison à cause de ce qu'ils qualifieraient probablement d'une " coïncidence " ou bien d'une " hallucination visuelle ".
Mon angoisse se fit de plus en plus grosse.
— Nikki ? M'appela Claire.
Je sursautai.
— Tout va bien ? S'enquit-t-elle en se penchant vers moi, tu es toute pâle....
— Euh oui... J'ai juste eu une grosse journée, mentis-je afin de ne pas l'inquiéter.
Même si elle ne paraissait pas dupe, elle fit tout comme et me fit signe de la rejoindre dans le salon.
J'aurais pu me confier a Claire. Mais si je le faisais, elle remarquerait sans aucun doute a quel point le fait que quelqu'un me flique me terrorisait, et elle aurait essayé de chercher a savoir pourquoi. Bien évidement, je ne pouvais pas lui parler de mon passé, ni de Thomas.
Seule Emily était au courant pour le père de Jayden, et je ne souhaitais pas déballer a nouveau le gros sac qui contenait mes lourds secrets.
D'ailleurs, Emily ne savait pas énormément de choses sur mon passé, ni sur Thomas, mais elle en savait suffisamment pour respecter ma décision de ne jamais évoquer son nom dans une discussion, ni de parler de lui sans mon accord.
Très honnêtement si j'avais rencontré Claire avant Emily, je me serais probablement confié a ma voisine.
Lorsque j'étais arrivée à Melbourne avec Jayden quelques mois plus tôt, et que j'avais postulé pour le travail d'hôtesse-réceptionniste, c'était grâce a Emily que j'avais obtenu le job. Lorsque j'avais mis les pieds dans l'hôtel pour la première fois, accompagnée de Jayden, elle m'avait tout de suite adorée, et mon fils encore plus. Elle s'était même porter volontaire pour surveiller Jayden durant mon entretient de recrutement, et une fois fini, elle était aller voir Luke et avait insister pour qu'il me donne le job malgré mon inexpérience dans l'hôtellerie et les cinq autres candidates qui avaient postulé et qui semblaient bien plus compétentes que moi.
Après avoir été engagée, Emily m'avait fait visiter la ville tout en me parlant d'elle et de sa vie, puis en apprenant que nous logions dans un hôtel miteux depuis notre arrivée à Melbourne, Emily m'avait proposé de m'héberger gratuitement chez elle avec Jayden, le temps que je trouve une maison et que je m'y installe.
Alors que je me trouvais seule avec mon fils, dans une ville que je ne connaissais pas, Emily avait été la seule a avoir été aussi généreuse avec nous.
Et avec tout ce qui s'était passé dans ma vie a cette période, j'avais éprouvé le besoin de raconter mon histoire et la raison de ma venue soudaine dans l'Etat de Victoria a quelqu'un. Et il m'était paru tout a fait logique, qu'après tout ce qu'elle avait fait pour nous, qu'Emily soit ce quelqu'un.
Mais même si ma meilleure amie était une personne incroyable, Emily avait cinq ans de moins que moi. Et cette différence d'âge, bien qu'infime, se faisait malgré tout ressentir quelque fois.
Emily adorait faire la fête, s'amuser avec les hommes et profiter de la vie.Moi j'étais déjà mère et je devais m'occuper de Jayden. Nous n'étions pas toujours sur la même longueur d'onde, que ce soit dans nos types de vies respectifs ou dans nos propos.
Claire en revanche, qui avait également vingt huit ans, était mère également, et avait les mêmes responsabilités que moi.
Je savais que si je lui parlais de cette histoire de 4x4, elle la prendrait probablement avec beaucoup de sérieux.
Ce qui n'avait pas été le cas d'Emily qui m'avait assuré que cela lui arrivait souvent de croire qu'une voiture la suivait, et qu'une fois une Ford l'avait suivie pendant quinze minute jusqu'au parking de l'hôtel, qu'elle avait grave flippé et avait même sortie son gaz lacrymo en sortant de sa voiture, mais qu'au final il s'était avéré qu'il s'agissait seulement de Luke.
Enfin bref, étant donné que je ne ressentais plus ce besoin de parler de Thomas, ni de ce que j'avais vécu avant d'emménagé à Melbourne, j'allais donc devoir me contenter des conseils d'Emily qui se résumaient a : Arrête de regarder des thrillers le soir et tu verras que personne ne te suis.
Malheureusement je doutais que cela soit suffisant.
Je m'appuyai contre un mur du salon et observai mon fils jouer a " Need For Speed " avec Carl sur la Playstation.
Soit il était trop concentré sur sa course et ne m'avait pas encore remarqué, soit il m'en voulait toujours pour notre petite dispute de la veille et m'ignorait royalement.
— Jayden ? L'appelais-je, on rentre ?
— Deux minutes, me répondit-il sans quitter les yeux de l'écran.
Je croisai le regard faussement désolé de Claire, assise sur le canapé, avec Samuel dans les bras.
— Où est Billy ? L'interrogeais-je curieusement.
— A ma plus grande joie, il dort depuis un moment. Et j'aurais bien aimé que Samuel en face autant, soupira-t-elle en faisant sautiller le concerné sur ses jambes pour l'amuser.
Je lui adressai un sourire compatissant, puis sortis mon téléphone de mon sac a main.
Je parcourus rapidement la liste de mes contacts. Autant dire qu'elle n'était pas très longue.
Ne voulant pas que Thomas ne me retrouve, j'avais détruis mon ancien portable en quittant l'Australie Méridionale, et avais coupé les ponts avec tous les amis que nous avions en commun, de peur qu'ils ne lui révèlent ma nouvelle géolocalisation.
Mais, et même si il était hors de question que je reste seule avec Jayden a la maison ce soir, il n'y avait personne chez qui nous pouvions aller.
Mon frère et mes anciens amis d'Adelaïde habitaient bien trop loin, et il était hors de question que je retourne avec Jayden dans la ville ou se trouvait probablement encore Thomas.
Je ne pouvais pas non plus demander a Claire de rester chez elle cette nuit sans lui expliquer pourquoi, d'autant plus qu'elle m'aidait énormément au quotidien en s'occupant de Jayden et que sa maison était déjà bien remplie avec son mari et ses trois enfants.
Emily avait quelque chose de prévue avec des amis ce soir, et je n'étais pas assez proche de Mia, ni de Luke, pour leur demander ce genre de chose sans leur donner d'explications en échange.
Il ne nous restait donc plus que l'hôtel, mais avec notre futur déménagement, il allait m'être vital d'économiser le plus d'argent possible pour payer le loyer.
Je rangeai mon portable dans mon sac en soupirant, et mes doigts effleurèrent un bout de papier.
Qu'est ce que...
Je sortis la carte de mon sac et reconnus le petit mot que m'avait laissé Daniel Anderson après avoir réparé ma voiture.
— Qu'est ce qui te fais sourire comme ça ?
Je tournai aussitôt la tête vers Claire qui me fixait avec un mélange de curiosité et d'amusement.
Avais-je réellement souris sans m'en rendre compte ?
— Euh, rien..., mentis-je.
— Ca ce n'est pas rien, répliqua-t-elle en me désignant la carte d'un signe de tête.
Je la rangeai aussitôt dans mon sac en secouant la tête et appelai une nouvelle fois Jayden pour rentrer.
Mon fils râla, mais il posa malgré tout sa manette sur la table basse.
— A demain Carl, a demain Claire ! Leur dit-il en quittant le salon en premier.
Je saluai également mon amie, puis suivis mon fils vers la sortie.
— Nikki ? M'arrêta Claire avant que je ne sorte.
Je me retournai pour lui faire face dans le couloir.
— Tu sais que je suis là si tu as besoin n'est-ce pas ?
J'acquiesçai.
— Merci Claire, a demain.
J'ouvris la porte et m'assurai que le 4x4 gris ne rôdait pas dans les parages avant de sortir dans la rue et de regagner la maison avec mon fils.
Peut être que ce n'était qu'une grosse coïncidence après tout... Peut être même que mon esprit m'avait joué des tours et qu'il ne s'agissait pas de la même plaque d'immatriculation. Mais....
— Maman je peux allez regarder la télé ? Me demanda Jayden en retirant ses baskets.
Je m'apprêtai à lui dire d'aller préparer un sac pour aller dormir ailleurs ce soir, mais ne trouvais aucun mensonge valable qui ne l'inquiéterait pas.
Contre toute attente, je me résolvais finalement a ne pas fuir.
C'était le moment ou jamais d'affronter mes peurs.
J'allais fermer toutes les portes a clés et rester éveillée toute la nuit, portable a la main prêt a appeler les flics au moindre bruit, quitte a être morte de fatigue demain au travail, mais nous allions rester ici.
— Tu as fais tes devoirs ? Interrogeais-je Jayden en posant mon sac sur le petit meuble d'entrée.
— Oui maman, m'assura-t-il d'une voix légèrement agacée, alors c'est bon je peux y allez ?
— Va prendre ta douche d'abord, lui répondis-je.
Jayden soupira, mais s'exécuta quand même.
Tant mieux.
J'attendis qu'il soit dans la salle de bain pour me mettre aux fourneaux et préparer son gâteau préféré : Le Lamington.
Après m'être assurée que l'eau coulait toujours dans la douche, je profitai du temps de cuisson du gâteau pour faire cuire des pâtes et passer un coup de fil a l'agent immobilier qui m'avait vendu la maison.
Nous fixâmes un rendez-vous pour samedi matin afin qu'il passe prendre des photos de la maison pour la remettre en vente.
J'allais donc devoir mettre rapidement Jayden au courant de la situation.
Mais pas ce soir. J'étais en mission réconciliation.
Lorsque Jayden me rejoignit dans la cuisine, vêtu de son petit pyjama rayé, il sourit en m'apercevant faire le glaçage du gâteau.
— Je te préviens, on mange d'abord les pâtes ! Lui dis-je.
Jayden hocha la tête, puis vint m'aider a rouler les morceaux de gâteaux dans la noix de coco.
— Pourquoi tu l'aimes...Le pilote ? Me questionna soudainement Jayden.
Ok, il avait clairement compris le but de mon plan.
— Chéri, je....
— Moi je ne l'aime pas, me coupa-t-il, mais... Si je te promets d'être gentil avec lui, est ce que je pourrais revoir papa un jour ?
Il me fit son adorable et suppliant regard d'enfant...
J'avais perdu d'avance.
De toute façon, je savais que je ne pourrais pas empêcher Jayden toute sa vie de revoir son père, mais je le pouvais au moins jusqu'a sa majorité. C'était mon devoir de mère de le protéger jusque là.
— Dans quelques années, si tu en as toujours envie...
— Bien sur que j'en aurais envie !
— D'accord... Alors je te propose un marché... Si tu me promets d'attendre tes 18 ans, je te dirais ou ton père habite et tu pourras aller le voir.
Mon fils sembla réfléchir.
— Je veux rajouter une condition, dit-il d'un air sérieux.
J'haussai les sourcils, surprise par son sens des affaires.
— Je t'écoute.
— Je veux un Lamington chaque semaine.
— J'accepte pour t'en faire un toutes les trois semaines, lui répondis-je.
— Deux semaines.
M'étais-je complètement fait avoir ?
— Marché conclu, cédais-je.
Jayden me tendis sa main que je serrai pour clôturer notre accord, puis nous nous remîmes à la cuisine.
— Ou as-tu appris a négocier comme ça ? Lui demandais-je curieusement.
— C'est Claire, me révéla-t-il, je lui ai dis que je ne voulais plus te parler tant que tu ne me laisserai pas voir papa, et elle m'a dit que je pouvais essayer de trouver un accord qui nous arrangerait tous les deux en mettant des conditions.
Je me raidis.
Alors Claire était au courant pour Daniel... Et aussi pour Thomas.
— Qu'est ce que... Tu lui as dis d'autres sur ton père ?
— Bah... Juste que tu m'empêchais de le voir... Et qu'il me manque beaucoup.
Sa voix attristée me fit monter les larmes aux yeux.
Je sais qu'il te manque mon trésor... Je sais...
— Bon, on va manger les pâtes ? Fis-je pour changer de sujet.
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