Chapitre 4
Je geins légèrement, réalisant qui Caleb était en réalité. Un fou furieux. Qui d'autre qu'un fou ferait exploser la moitié de la ville ? Parce qu'aucun doute n'était permis : il était le responsable de cette explosion. Et il n'avait pas même pris la peine de me prévenir. Dans quel guêpier m'étais-je fourré ?
Les battements furieux de mon cœur s'aplanir néanmoins, rassuré par le calme et la confiance qu'il dégageait. La situation ne l'affolait pas outre mesure et même si le combat semblait imminent, il ne l'appréhendait d'aucune façon. Il débordait d'une confiance presque arrogante mais que je savais justifiés. Il ne sous-estimait pas ses adversaires, ni ne se surestimait lui-même, il avait juste tout calculé à la perfection, n'ayant laissé aucun détail. Il commençait donc simplement la finalité inéluctable de son calcul. La victoire.
- Je ne suis pas un gamin, rectifiai-je donc avant de venir attraper la cape que j'avais laissé traîner sur une table.
- Prouve-le-moi, répondit-il dans un regard en coin. Si tu parviens à m'impressionner, je t'appellerais comme tu le souhaites, mais en attendant tu resteras le gamin.
Sans me formaliser autre mesure, je me contentai d'enfiler ma cape, limitant en remontant ma capuche afin de recouvrir le sourire qui venait étirer mes lèvres. Je replaçai correctement mes dagues et jetai un dernier coup d'œil à l'auberge. Juste un au revoir, pas un adieu. Puis mué par l'adrénaline qui commençait à faire bouillonner mon sang, je me retournai vers Caleb, plus assuré que je ne l'avais été ces deux derniers jours.
- Alors prépare toi à m'appeler maître.
Il écarquilla les yeux, surpris par mon arrogance, mais lorsque je franchis le pas de la porte de ce qui était ma maison, ce fut sous son rire rauque.
♜
- Par ici !
Je tirai sur le bras de Caleb qui gronda légèrement, dépréciant probablement l'idée d'obéir à un autre. Surtout à un "gamin" qu'il n'allait plus pouvoir appeler ainsi.
- Par-là ! Gronda une voix furieuse, toute proche.
- Tu fonces tout droit, assenai-je à Caleb. On se retrouve là-bas.
- Qu'est-ce que tu com...
Je ne lui laissai pas l'occasion de terminer sa phrase. Relâchant le poignet que je maintenais toujours entre mes doigts, afin de m'assurer qu'il parvenait à me suivre dans les dédales des rues d'Esmera, tandis que mon pied venait déjà prendre appui sur le mur de droite et me propulsait en hauteur avec habilité. Caleb héla mon prénom et je ne pus que sourire un peu plus. S'il pensait s'être trouvé un gentil petit soldat, il s'était mis le doigt dans l'œil. Et puis il m'avait dit de prouver que je n'étais pas un gamin, n'est-ce pas ?
Habillement et habitué à ce jeu, je m'aidais des murs longeant la rue étroite où j'avais délibérément choisi de l'entraîner et fini par me hisser sur les toits plats des maisons d'Esmera. Une vue dégagée sur l'horizon s'offrait à moi. Aucun espace où se cacher, aucun lieu où disparaître. C'était parfait.
Nous avions déjà affronté une première vague de soldat et j'avais été extrêmement surpris par le niveau plus que médiocre. Rien à voir avec le roi démon. Ni même avec Caleb ou encore un Alhaita. Les désarmés avait été un jeu d'enfant. Mais j'avais été quelque peu vexé que Caleb semble réellement surpris de mes aptitudes à manier autres choses que mes poings.
- Il y'en a un haut ! Les mages d'airs, dépêchez-vous de nous faire monter !
La voix tonitruante qui se trouvait juste en-dessous me satisfit grandement, suivant exactement le plan que j'avais établi à la va-vite. Je maîtrisai le terrain plus qu'aucun d'entre eux, mais celui-ci pouvait également me porter préjudice en offrant bien des échappatoires à nos assaillants. Et il était hors de question que je les laisse sur leur faim. J'allais les titiller, les agacer jusqu'à devenir leur unique obsession. Car il était tout simplement hors de question qu'il parte à la recherche de Jacinthe et des autres villageois.
J'expirai profondément tandis que je m'étais immobilisé, attendant patiemment la venue de mes adversaires. Je fermai les yeux, tâchant de ne pas me focaliser sur leur cri désordonné, témoignant de leur manque d'expérience en tant que groupe. J'inspirai longuement. Les battements de mon cœur ralentir, se laissant guider par le calme que je lui imposai.
Le vent sur ma peau, l'odeur de l'encens, le cliquetis des vieux carillons en métal. Mes doigts glissèrent sur les pommeaux de mes dagues. L'image du désert, du sable mouvent, mélancolique, impétueux et insaisissables.
Et je rouvris les yeux, évitant la lance qui vola au-dessus de ma tête, déstabilisant son utilisateur. Ma dague trancha son abdomen en retour et il geint de douleur avant de se laisser tomber au sol, criant de douleur. Je ne m'alarmai aucunement de ses plaintes, fonçant en avant sans un regard en arrière. Ma prochaine cible était à plusieurs pas en arrière, vers le bord du mur qu'il venait à peine de gravir. Ces crétins ne s'étaient même tous attendus, créant une faille béante dans leur formation. Leur archer n'avait même pas eu l'occasion de saisir son arc entre ses mains que j'étais déjà sur lui, saisissant son arme avant de la projeter au sol, quatre mètres plus bas.
Il voulut riposter, balançant maladroitement un coup de poing dans ma direction. Je reculai d'un pas, et grimaçai lorsqu'il chancela dangereusement. J'attrapai le bord de son col, le ramenant à l'équilibre. Un soulagement réel se peint sur son visage et je le vis presque sur le point d'esquisser un remerciement. Mais il se contenta de blêmir en apercevant le pommeau de ma dague s'abattre sur sa tempe. Il tomba à mes pieds, sous les yeux perplexes de ses compagnons qui n'avaient pas encore esquissés le moindre mouvement.
Je me tournai vers eux, mes yeux cherchant la prochaine cible la plus urgente à neutraliser. La terreur qui tirait leur trait ne me déstabilisa pas dans mon étude méthodique, ne m'interpellant aucunement. Je n'avais qu'un objectif en tête : protéger les miens. Et peu importait qui je devrais terroriser ou qui je devrais tuer pour cela. Je le ferai sans le moindre état d'âme. Surtout envers ceux qui avait choisi de défendre ce monstre de roi démon.
L'un d'eux finit par rassembler son courage, resserrant sa prise sur son épée. Pour la première fois, il témoigna d'une certaine technicité, s'assurant de ses appuis et prenant le temps de m'analyser avant de s'élancer furieusement. Dommage. Il était trop lent pour une attaque aussi frontale. Je me décalai d'un simple pas lorsqu'il fut à ma hauteur et avant qu'il ne cherche à se retourner, le tranchant de ma paume s'abattit dans l'arrière de sa nuque. Il tomba lourdement au sol, rejoignant son compagnon archer.
Définitivement ses hommes n'étaient pas des guerriers, ils n'égalaient même pas les mercenaires qui pullulaient, fut un temps, dans les environs.
- Pas que je m'ennui, messieurs, mesdames, mais... je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il vaut mieux que nous en restions là pour votre propre bien, fis-je donc, recoinçant mes lames dans ma ceinture. Revenez d'ici... quatre ou cinq ans. Avec un bon entraînement, vous pourrez peut-être espérer ramener une petite mèche de mes cheveux à votre chère papa ours.
Ils ouvrirent la bouche dans un très beau synchronisme et je ne pus retenir mon pouffement moqueur. La rage fusa alors dans leurs iris, me faisant sourire plus discrètement. Je n'avais aucunement besoin qu'ils aient peur de moi, en revanche stimuler leur égo et attiser leur haine, oui.
Fonçant droit dans mon piège, ils se ruèrent dans ma direction, probablement rassuré par le fait que je n'avais plus mes armes à la main. Mais à peine franchissaient-ils la moitié de la distance nous séparant, je leur décochai un petit salut de la main et me laissait tomber en arrière.
Habillement, je m'accrochai à une fine ligne tendue pour accrocher les décorations de la ville. Je n'avais aucun espoir qu'elle soutienne mon poids, mais elle suffirait pour ralentir ma chute. Je geins néanmoins lorsque mon épaule gauche rencontra, un peu plus violemment que dans mon esprit, la terre sableuse.
Moins théâtrale la sortie la prochaine fois.
Malgré la douleur lancinante, je me redressai rapidement tandis que les hommes encore présents sur le toit hélaient déjà leurs compagnons restés au sol. Il était temps de déguerpir, j'avais assez exacerbé leurs émotions pour être certain qu'ils n'abandonneraient pas notre trac de sitôt.
Il ne me restait donc qu'à remettre la main sur Caleb. Et, s'il avait bien suivi mes directives, cela ne devrait pas être trop compliqué. Les rues d'Esmera était un labyrinthe pour ceux qui ne les connaissaient pas, mais j'avais suffisamment entamé sa route pour savoir où il avait dû atterrir.
Je me mis donc à courir, regrettant de ne pas pouvoir changer de corps, Tasha étant bien plus rapide et agile que Ash. Mais mes capacités actuelles et mes connaissances seraient suffisantes pour échapper à ces imbéciles. Je bifurquai dans une première ruelle, les pas furieux de mes poursuivants se rapprochant dangereusement. Puis un mètre plus loin, je tournai à nouveau sur ma droite. Puis m'enfilai dans la cour de ce qui avait été, à une autre époque, la guilde des marchands, sachant que derrière ce vieux bâtiment se trouvait une vieille ruelle plus étroite que les autres et qui ne servait de passage que pour les locataires des bâtiments avoisinants. Je l'empruntai sans hésiter, me faufilant avec une habilité qui restait surprenante pour mon mètre quatre-vingts et mes gros bras. A la fin de la ruelle, j'entrais dans une bâtisse abandonnée depuis des années et dont la seconde entrée déboulait droit sur un nouveau dédale. A gauche. Puis à droite. Et encore à droite. Les pas se faisaient désormais échos tandis que les voix braillaient, cherchant à glaner des informations, un visuel potentiel que personnes ne semblaient pouvoir obtenir. Je ralentis quelque peu le pas, me faufilant désormais dans la pénombre des bâtiments.
Après quelques minutes supplémentaires à me faufiler de-ci de-là, je finis par arriver à l'endroit escompté. Sans grand étonnement, j'y trouvai Caleb, assis sur un vieux tabouret en bois, le fourreau de son épée coincé entre ses doigts tandis qu'il avait dû percevoir mon arrivé bien avant de réellement m'apercevoir et de s'assurer que je n'étais pas un ennemi. Je levai mon bras non blessé en signe non-culpabilité.
- Essaye de ne pas me tuer tout de suite, ce serait un peu dommage, soulignai-je avant de rabaisser mon bras. Tu aurais fait tout ça pour ri...
Ma voix mourut dans ma gorge et cette fois aucun instinct n'aurait pu me faire l'éviter. Il y'eut le fracas de son arme contre le sol et je m'étais retrouvé projeté en arrière, acculé à un mur dans un gémissement de douleur. Je voulus me débattre, me libérer de la pression qu'on exerçait soudainement sur mes épaules. C'était douloureux. Infiniment douloureux. La panique enfla dans ma poitrine tandis que je ne parvenais pas à comprendre ce qu'il s'était passé. Quelqu'un m'avait suivi ? On était attaqué ?
Puis le silence s'abattit, tandis que je cessai enfin de gesticuler sans logique. Mes yeux venaient de rencontrer les siens, luisant d'une colère qui me fit serrer les dents. C'étaient ses mains qui serraient si durement mes épaules. C'était lui qui me tenait acculé à ce mur. Et je cessai donc de me débattre, trop conscient que je ne parviendrais pas à me libérer de sa poigne.
- Es-tu complétement fou ? Gronda-t-il, sa voix grave résonnant avec trop de force, m'inquiétant sur l'idée que l'on puisse nous retrouver. Qu'est-ce qui t'a pris d'agir de la sorte ? Nous avions un plan qu'il te suffisait de suivre !
- Et il était bancal ! Grondai-je sans me laisser impressionner malgré la peur grandissante dans mon estomac. Je n'allais pas prendre le risque que ces types ne nous suivent pas ! Tu voulais seulement les effrayés un peu, ils auraient simplement fait demi-tour !
- Je ne t'ai pas demandé ton avis sur mon plan ! S'énerva-t-il en resserrant ses doigts sur le tissu de mon vêtement. Tu devais juste le suivre !
- Alors c'est le genre de leader que tu es, soufflai-je plus faiblement, mon regard fusillant le sien. Tu ordonnes, ont obéis... navré, je suis aussi capable de réfléchir par moi-même et si je pense que ton foutu plan est pourri, je n'hésiterai pas à te le faire savoir.
Caleb m'affronta une longue minute dans un silence plus qu'électrique. Son corps massif recouvrait le mien et dans une autre situation, avec un autre point de vue, la tension palpable n'aurait probablement pas été dû à notre désaccord. Mais, en l'instant présent, je ne pouvais aucunement voire autres choses que ma colère.
Il n'avait pas le droit. Il n'avait pas le droit de décider à ma place, surtout lorsqu'il s'agissait des miens, de ma famille, de mes amis.
Dans un juron, il finit par relâcher mon col, allant ramasser son arme qu'il réinstalla à sa taille tandis que je ne le quittai pas des yeux, quelque peu perdu. Voulais-je vraiment suivre un tel homme ? Certes il avait témoigné d'une efficacité redoutable et possédai un talent bien supérieur au mien... cependant je n'aimais pas ce que je venais de voir. Mais la question était inutile. Je n'avais pas le choix car j'étais désormais persuadé que si je me défilai, il n'hésiterait pas à condamner Jacinthe et les habitants.
- Tu es certain que personne ne t'a suivi ?
Sa voix était d'un naturel plus qu'agaçant car témoignant de son aptitude à dissimuler ses émotions, car il ne me ferait pas croire que sa colère s'était déjà dissipée. Il finit par se retourner vers moi tandis que j'étais resté silencieux, attendant visiblement que je lui donne une réponse.
- Certain, murmurai-je mollement, sans chercher, pour ma part, à dissimuler mon amertume. Ils ne pourront pas trouver cet endroit facilement, il ne nous reste donc plus qu'à patienter jusqu'à la tombée de la nuit.
Il hocha la tête, faisant tomber sa longue tresse devant lui et je lui jetai un regard noir lorsqu'il osa se rasseoir sur son tabouret dans un soupir à fendre l'âme.
- Tu es blessé ? S'enquit-il sans se formaliser.
- Je dois avoir l'épaule démisse, répondis-je malgré mon mécontentement, conscient que cacher ce genre de chose n'était pas une bonne idée. Mais rien de dramatique.
- Viens ici, je vais te la remettre en place.
- Pas besoin de me materner, murmurai-je en me détournant, réajustant mon vêtement encore témoin de la violence de sa réaction. Je peux le faire tout seul.
Ses lèvres se pincèrent, probablement en tentant de refouler son agacement et il haussa les épaules sans pour autant me lâcher des yeux. Sobrement, je retirai ma cape qui tomba sur le sol poussiéreux et je vins tâter mon épaule avec précaution. Elle formait un angle étrange mais net, je supposai que j'aurais dû remercier Caleb de son plaquage qui avait eu le mérite la déplacer définitivement. Je pris une profonde inspiration et dans un geste maîtrisé car habituel, je tirai sèchement sur mon bras endolori. Je serai les dents, retenant mon gémissement face à la douleur vive qui me parcourut, et, une fois celle-ci fut un peu atténué, fis quelques mouvements pour vérifier le retour de mon amplitude.
- Très spartiate comme soin. Tu risques d'avoir des séquelles à agir de la sorte.
- J'ai dû me luxer les épaules une centaine de fois durant ces sept dernières années, affirmai-je. Et me casser un nombre incalculable d'os... je sais gérer mon corps.
- Si tu le dis. Je te ferai quand même voir un médecin une fois que nous serons arrivés.
Ma bouche s'ouvrit mais je la refermai aussitôt, trop conscient que ma petite provocation n'aurait rimé à rien. L'envie était pourtant très forte de lui demander si j'avais le droit de refuser, mais cela serait un peu trop enfantin à mon goût. Je me contentai donc d'acquiescer, acceptant ce qui était un simple acte de gentillesse.
Le silence reprit ses droits et je ramassai ma cape avant de laisser retomber mon dos contre un mur, tout proche d'une des rares fenêtres de la pièce où nous nous trouvions et qui donnait sur une petite place dégagée, seule point d'entrée vers notre cachette rudimentaire. Je jetai un vague coup d'œil vers l'extérieur et constatai, sans surprise, qu'aucuns soldats ne semblaient se trouver dans les environs. Satisfait, je me laissai donc glisser jusqu'au sol, basculant la tête dans un soupir.
- Par quel nom dois-je t'appeler ?
Interrompant instantanément le début du fil de mes pensées, sa voix grave résonna à nouveau. Je redressai la tête, quelque peu perplexe face à son interrogation.
- Si tu m'impressionnais, je t'avais dit que je t'appellerais comme tu le souhaitais, m'éclaira-t-il, percevant mon incompréhension. Je ne peux nier que j'ai déprécié les risques inutiles que tu as pris... mais il faudrait être aveugle pour ne pas reconnaître que j'ai été très impressionné.
Oh. Cette fois, je fus réellement déstabilisé. Était-il sincère ? Et si oui, comment parvenait-il à ignorer aussi bien la colère furieuse qu'il avait ressenti et ressentait probablement encore ? Et dans le cas contraire, pourquoi s'évertuait-il à se montrer bienveillant ? Qu'il le soit ou non ne changerait rien au fait que je le suivrai aveuglément, étant même prêt à obéir à ses ordres si cela garantissait la survie de Jacinthe et ce tant qu'ils ne me paraîtraient pas aller à l'encontre de leur protection.
- Ash, ce sera suffisant, répondis-je après un moment d'hésitation.
- Pas maître alors ? Sourit-il légèrement, tentant visiblement de détendre une atmosphère qui était restée pesante.
Je restai muet, le fixant simplement sans esquisser le moindre sourire. Qu'espérait-il à la fin ? S'attendait-il réellement qu'après m'avoir cloué à un mur, j'allais plaisanter avec lui comme si de rien n'était ? Il me rendit mon regard et finit par lâcher un énième soupir.
- J'imagine que je dois te présenter des excuses. Je suis sorti de mes gonds.
- Pas de problème, assurai-je. Tout comme toi, je préfère savoir à quoi m'attendre.
Les mains croisées et ses coudes posés sur ses genoux, il me fixa intensément. A nouveau son regard se faisait indéchiffrable. Agacement ? Colère ? Inquiétude ? Lassitude ? Je n'avais aucune idée de ce qui pouvait se jouer actuellement dans son esprit torturé.
- Je ne te mentirai pas : j'aime qu'on suive mes ordres, reprit-il, toujours aussi calmement. Et je n'ai pas pour habitude que l'on critique mes décisions. Cependant, je ne suis pas aussi fermé à la discussion que tu sembles le présupposer.
- Vraiment ? Ce n'est effectivement pas ce qui m'a sauté aux yeux.
- Et disons que tu n'as pas vraiment pris la peine de m'exposer ton avis. Tu m'as forcé à accepter ton point de vue et, plus encore, obligé à faire aveuglément confiance à un homme dont je ne savais rien deux jours plus tôt.
Il marquait un point. Lorsqu'il m'avait exposé son plan, j'avais tout de suite été insatisfait et j'avais eu l'opportunité de lui signifier. Mais je ne l'avais pas fait, préférant agir comme je le souhaitais dans la crainte qu'il ne s'oppose à ma version des choses. Je n'avais voulu prendre aucun risque, voulant m'assurer par moi-même que les choses ne tourneraient pas mal. Et si je ne regrettai en rien ma décision, je devais admettre ne pas pouvoir entièrement lui reprocher son propre mécontentement.
- Cela ne se reproduira plus, affirmai-je donc. Je... voulais juste être sûr qu'ils seraient tous en sécurité.
- Et je le comprends, c'est pourquoi je ne te le reprocherai pas plus, approuva-t-il. Cependant, j'espère que tu peux également comprendre ma réaction et essayer de ne pas me condamner juste à cause de celle-ci.
- ... j'imagine que je peux, approuvai-je.
- Bien. Alors maintenant, pouvons-nous essayer d'avoir une conversation plus conviviale ? Nous avons encore une, voire deux bonnes heures à tuer avant le coucher du soleil.
Une brève hésitation où je ne pus m'empêcher de le fixer. Il tâchait d'offrir un sourire avenant mais celui-ci manquait cruellement d'assurance. Alors cette brute épaisse était donc maladroite ? Je finis par sourire presque inconsciemment et ma tête dodelina d'avant en arrière.
Peut-être que la situation n'était pas aussi catastrophique que je ne l'avais craint.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro