- Bien, si nous sommes tous satisfait, pouvons-nous continuer ?

La question m'était uniquement destinée, son regard rivé sur moi entre amusement et accusation à peine dissimulée. Je restai impassible, décidé à ne pas réagir à ses provocations.

- Je n'ai plus aucune objection, répondis-je néanmoins alors qu'il semblait bien décidé à ne pas reprendre sans mon intervention.

- Parfait. Passons donc à l'essentiel : pour lui faciliter la tâche, présentez-vous tous ainsi que vos bras droits. N'oubliez pas de lui donner votre rôle au sein des cendres mais soyez bref. Oreina tu ouvres la danse.

- Avec grand plaisir ! Se pâma le jeune homme. Oreina Cervalya, chef de l'équipe verte... nom peu original me diras-tu mais comme tu peux le constater j'ai un léger penchant pour cette couleur.

Je souris en coin, réellement amusé. Effectivement, il était impossible de ne pas le remarquer : de sa couleur de cheveux, en passant par sa tenue ou ses accessoires, tout ce qu'il portait était de cette même couleur.

- Je suis un chef d'équipe légèrement particulier puisque je suis également le bras droit de Caleb et suis donc peu amené à le quitter contrairement aux autres qui sont souvent envoyés en mission. J'ai une fonction... disons de support que ce soit en combat ou sur le camp. Ici je suis celui qui veille aux bonheurs de chacun et joue le grand-frère toujours à l'écoute des doléances.

Ce rôle lui collait à la peau et il semblait réellement heureux de le tenir. J'acquiesçai donc sobrement.

- Et je te présente donc mon bras droit, Amariel. Si tu n'arrives pas à me mettre la main dessus, trouve là, elle sait toujours où je me trouve.

La jeune femme assise légèrement derrière lui, me salua d'un bref et respectueux signe de la tête, faisant tomber ses mèches blondes dont l'extrémité étaient décolorés dans un vert identique à celui d'Oreina. Je lui rendis donc poliment son geste.

- Dunor enchaîne, somma Caleb.

- Dunor Madrigal, je suis le chef d'équipe des Tortues. Je me charge principalement de gérer les défenses que ce soit en combat ou sur le camp. J'aurai également l'honneur de devenir ton précepteur à partir d'aujourd'hui.

- L'honneur est pour moi, affirmai-je. J'espère ne pas vous décevoir.

- Nous verrons bien, trancha-t-il cinglant. Et mon bras droit est actuellement absent mais tu auras l'occasion de le rencontrer durant nos leçons, tu sauras donc qu'il se nomme Brathos.

Au moins, les choses étaient limpides : Dunor Madrigal n'était pas là pour plaisanter et mes leçons promettaient d'être des moments auxquels je voudrais m'échapper.

- Zorya.

- Oui, souffla la femme sirène. Zorya Akilaine, je suis la chef d'équipe des Marais. J'ai pour principale fonction de gérer toutes les missions maritimes... mais sur le camp j'ai aussi la charge de veiller aux respects des règles et de la bienséance. Mon bras droit est Thalysia, ici présente.

Sèche, concise, n'appelant pas à l'échange. Je n'avais donc pas convaincu la totalité de mon assemblé, à n'en pas douter.

- À mon tour, piailla le jeune garçon en attirant mon regard sur lui, un peu surpris qu'il ne soucie pas que Caleb lui donne la parole. Je m'appelle Zephyr mais tout le monde m'appelle Zef. Je suis le chef d'équipe des Aiglons depuis un peu moins d'un an et suis donc ravi de voir un autre petit nouveau parmi tous ces vieux ronch...

- Zephyr.

Le petit oisillon grimaça légèrement au rappel de Caleb qui n'avait pas même eut besoin d'hausser la voix pour lui faire comprendre qu'il dépassait les bornes.

- Bref, reprit-il donc dans une moue boudeuse. Comme tu t'en doutes je gère les combats aériens et l'entraînement de tout ceux possédant la capacité de voler. Mon bras droit se nomme Filomène mais il préfère Filo.

- Enchanté, lui souris-je, un peu attendri par son jeune âge.

Aussitôt, toute moue boudeuse disparut et il m'offrit simplement un sourire resplendissant de sincérité. Au moins, j'avais peut-être un allier dans cette arène.

- Puis-je enchaîner ?

- Je t'en prie, concéda Caleb au nouvel interlocuteur.

Le dernier que je n'avais pas encore épié et que je devinais être celui dont Raël m'avait mis en garde. Azrin. Et le sourire glaçant qu'il me décocha lorsque nos yeux se croisèrent, ne pus que me le confirmer.

- Azrin Melanear, et mon second, Iridorn.

Je ne sais pas qui était le plus effrayant des deux. Le premier avait le sourire d'un fou, des cheveux violacés en bataille et des iris d'un noir intense. Le second avait le bas du visage recouvert par un masque. Non. Ce n'était pas le bon mot pour désigner ce qui dissimulait ses traits. Cela ne m'aurait pas choqué, les Alhaita étant les premiers à s'en recouvrir, chacun d'entre eux possédant son propre masque qu'ils conservaient toute sa vie.

C'était plus proche d'une muselière.

- Je suis le chef d'équipe des Sorciers, continua-t-il en ne cessant de me dévisager trop avidement pour que cela ne me perturbe pas. Nous avons pour vocation de créer... des choses pouvant nous aider durant les combats.

- Des choses ? Répétai-je, intrigué.

- Des objets magiques, intervins Caleb alors que le regard d'Azrin s'animait d'une folie qui fit frissonner mon corps tout entier. Ils ont notamment mis au point, récemment, une bague capable de générer un petit bouclier magique.

- Impressionnant.

Enfin. En théorie. Sa prise de parole brusque me laissait deviner que ce genre d'invention n'était pas la seule chose qu'Azrin fabriquait.

- Nymerra, Rhaziel, je vous laisse vous présenter.

Le couple acquiesça dans un même mouvement avant de se tourner vers moi.

- Je suis Nymerra Anare, et voici mon époux Rhaziel Anare, me sourit-elle la première. Nous sommes, respectivement, les chefs des équipes des Sables et des Plaines. Je gère personnellement tout ce qui concerne les provisions, stocks et autres agréments que tu peux trouver au camp. J'ai également en charge nos relations avec l'extérieur et entretien nos liens avec les villes voisines. Ma seconde est Elaris, elle est ma protectrice n'étant pas une guerrière.

La jeune femme aux cheveux d'un rouge aussi vif qu'une flamme et au corps recouvert d'épais tatouage noir, me dévisagea avec froideur avant de fermer les yeux, visiblement assez indifférente face à ce qui se passait. D'accord. Je comprenais bien le message : elle n'était pas comme Nymerra et ne faisais pas dans le social.

- Pour notre part, enchaîna Rhaziel. Les Sables sont des éclaireurs. Nous nous chargeons de la surveillance autour du camp mais sommes également ceux envoyés pour vérifier la viabilité d'une information ou simplement établir les forces d'un ennemi. Ma seconde est actuellement en ronde mais tu l'as reconnaîtra aisément par sa peau violette. Elle se nomme Lunithra.

Violette ? J'étais curieux de voir cela. Tant d'espèces différentes existaient en Andora que j'étais certain que même dans dix ans, je découvrirai encore des choses sur les peuples de mon monde.

- Et nous terminerons avec Vaelira.

La femme guéparde à ma gauche hocha lourdement la tête, et reposa son regard sur moi comme à son arrivée.

- Vaelira Minaoka, débuta-t-elle. Je me charge de la supervision de l'équipe des Crocs d'acier. Nous nous occupons de l'entraînement des troupes et de leurs gestions durant le combat. Mes crocs et ceux de mon bras droit, Calrion, seront toujours à ton service.

A mon service ? Celle que je pensais la plus réfractaire à ma présence se révélait finalement peut-être celle ayant le moins de réticence à me voir me tenir à leurs côtés. Était-ce juste parce que Caleb l'avait réclamé ? Où était-ce plus que cela ?

Et je compris. Une brève seconde, elle avait posé les yeux sur quelqu'un d'autre. Sur quelqu'un qui était quasiment vautré sur moi maintenant. Raël. Elle et lui étaient amis, à n'en pas douter.

- Bien. Je te présenterai Nexion et son apprenti Aenor quand ils seront rentrés de mission, conclut Caleb. Quelqu'un souhaite-t-il profiter de cette réunion pour aborder un sujet quelconque ?

- J'aurai une demande, si tu le permets, approuva Nymerra.

- Je t'écoute.

- J'ai eu vent de ton envie de partir pour Ravanel dans les plus brefs délais, pourrions-nous en connaître la raison ?

- J'ai appris récemment qu'une tour enfouie s'y trouverait, elle pourrait nous donner de précieux indécises sur la lignée des anciennes familles d'Andora, expliqua sommairement Caleb, me surprenant en évinçant que l'informateur en question n'était autre que moi-même.

- Je vois, il est donc extrêmement important de s'y rendre, admit-elle. Néanmoins... si je puis me permettre, tu ne devrais pas t'y rendre en personne et plutôt envoyer l'un d'entre nous.

- Pourquoi cela ?

- Parce que Ravanel est actuellement en grande partie sous l'autorité du roi démon. Elle est très encadrée et on ne peut y entrer aisément sans passer par les contrôles des gardes... Ton visage est bien trop connu pour que nous parvenions à t'y infiltrer.

- J'entends, approuva Caleb. L'un d'entre vous se porte volontaire ?

Toutes les mains se levèrent. Enfin. Toute sauf la mienne. Ils braquèrent tous leurs regards sur moi, accusateur et je me contentai de soupirer. J'avais été agréablement surpris par l'échange, Caleb écoutant ce qu'on lui disait. Mais encore une fois, je ne pouvais que constater que je m'enthousiasmai toujours un peu trop précipitamment.

- Ne serait-il pas plus prudent d'attendre le festival des lanternes ?

- Le festival des lanternes ? S'enquit Caleb, peu vexé pour sa part par ma non-dévotion.

- Une fête traditionnelle de Ravanel... c'est une cérémonie qui veut célébrer les morts et les aider à travers l'au-delà. Et même si la ville est sous le joug d'Azrealith, il a toujours eu tendance à permettre ses festivités.

- Effectivement, il a toujours lieu, approuva Nymerra. Cependant, je ne vois pas en quoi cela serait plus prudent. Le roi Azréalith aime se rendre à ce genre de festivité et tous ses sbires seront collés à lui... cela deviendra juste impossible d'entrer en ville.

- Au contraire, désapprouvai-je. Le fait d'avoir une telle concentration d'inconnus rendra les gardes de la ville plus susceptible de commettre des erreurs. Sans parler du fait que la présence du roi en personne rendra tout le monde moins méfiant... car après tout qui aurait la folie de venir se faufiler ici alors qu'il se trouve en ville ?

Personne ne contesta mes propos mais je ne m'en satisfaisais guère, restant songeur. Ce plan restait infiniment risqué car si, par malheur, les gardes réalisaient la supercherie, toutes personnes envoyées mourraient dans la seconde, là où à une autre période il aurait peut-être un espoir de s'échapper.

Alors il fallait choisir habillement celui qui s'y rendrait. Cela devait être quelqu'un capable de se débrouiller seul ou avec un unique accompagnant. Nymerra, Azrin et Zephyr étaient donc éléminés. Dunor était trop connu de tous pour pouvoir se faufiler, il était donc également exclu. Restait Zorya, Rhaziel et Vaelira. J'éliminai les deux femmes, leurs apparences étant trop remarquable pour passer inaperçu. Restait Rhaziel. Après tout, il avait dit être un éclaireur, cela pourrait convenir... à un détail prêt.

Il ne connaissait pas l'endroit exact où se trouvait la tour. Même si je lui indiquai, je doutai même qu'il puisse en franchir les portes. Je soupirai, basculant la tête en arrière dans un dépit profond.

- Je me rendrais là-bas à ce moment.

- Tu n'avais même pas levé la main, protesta aussitôt Zorya. Et ce n'est pas à toi de prendre cette décision, Caleb est seu...

- Pourquoi souhaites-tu t'y rendre par toi-même ? L'interrompit froidement Caleb.

Zorya pâlit légèrement, inclinant vivement la tête alors qu'elle devait estimer avoir dépassé les bornes.

- Je suis probablement celui dont l'apparence est la moins connu par les hommes d'Azraelith et par n'importe quel garde, débutai-je développant calmement mon point de vue. J'ai également déjà été à Ravanel et saurais m'y déplacer naturellement. Et puis, j'ai un atout de choix dans la manche.

Comme s'il avait pressenti où je voulais en venir, Raël était venu se vautrer dans mon dos, son bras passé autour de mes épaules.

- Je pourrais facilement le faire entrer et sortir, assura-t-il. Et puis si nous profitons des festivités, je doute que quiconque nous remarque.

Caleb nous contempla une longue minute, cherchant probablement à peser le pour et le contre sans que la balance ne semble parvenir à pencher suffisament vers l'un ou l'autre.

- Quand aura lieu ce festival ? S'enquit-il, interrogeant Nymerra du regard.

- Dans un peu plus d'un mois.

- ... Cela devrait être suffisant pour te mettre à niveau, soupira Caleb. Bien. Tu iras avec Raël.

Si Raël piailla de satisfaction, je me contentai d'hocher la tête sobrement, trop conscient qu'il y avait une chance, même infime, que je me retrouve à nouveau face à cet homme. L'angoisse me tordit l'estomac mais je me contentai de sourire lorsque Raël me demanda s'il j'étais enthousiaste à l'idée de réaliser ma première mission à ses côtés.