Prologue (2) : Prisoner dictator
Comme diraient certains bilingues français-anglais bien amateurs de jeux de mots et autres puns, la vie c'est du pain. Pourquoi je repense à cette expression maintenant ? Parce que je suis en présence de deux chaos sur pattes et que comme si ça ne suffisait pas, ces deux chaos sur pattes ont tendance à se mettre sur la gueule plus qu'à s'allier, en s'invectivant évidemment dans toutes les langues possibles.
On marche dans les rues seuls depuis une bonne demi-heure. Je n'ai croisé personne, même si quelques traces de vie se démarquent par-ci par-là, comme un supermarché ouvert et des passages de drones. Mais de toute façon notre efficacité est bien diminuée puisque sur nous trois, je suis le seul à prendre un minimum au sérieux notre recherche d'informations.
Emerens et Sachiko discutent avec animation, si animation est vraiment le terme, depuis tout à l'heure en japonais. Je vois Emerens souvent chercher ses mots, mais ça n'empêche pas le ton général d'être très agressif, et vu la pression de Sachiko sur mon bras qu'elle n'a toujours pas lâché, elle est furax. Et autant je veux bien croire que le « nemesis at first sight » puisse exister, autant des fois j'ai l'impression qu'elle crache des malédictions. Et ne pas pouvoir suivre la conversation devient assez soûlant pour moi, au point que si je n'étais pas aussi occupé à prendre au sérieux ma recherche d'indices, je les aurais très volontiers engueulés.
Un nouveau drone passe au-dessus de mon crâne. Cette fois, il est accompagné de plusieurs autres, qui ont l'air assez minuscules ; je ne les vois que parce que l'un d'entre eux a failli me rentrer dans l'œil et qu'il m'a fallu le chasser telle une grosse mouche métallique. Je ne sais pas qi il est contrôlé manuellement par un as ou s'il dispose d'un système anticollision au poil, mais il esquive ma main à la perfection ; par contre, mon cri d'agacement attire l'attention de nos deux belligérants, qui cessent immédiatement de s'invectiver.
«Ça va, Thibs ? Me demande Emerens, qui semble soudainement s'être rappelé de ma présence.
— Mieux maintenant que vous êtes sur de l'anglais, je grommelle. Tu m'expliques pourquoi vous causez en japonais depuis tout à l'heure ?
— Elle m'insulte, je réponds, soupire l'autre. Désolé, je ne savais pas que tu ne parlais pas japonais.
— Oui bah c'est ma première année à Hope's Peak moi. »
Parce que tout le monde n'apprend pas le japonais dans ses loisirs. Je maîtrise l'espagnol et l'anglais en plus de mes deux langues maternelles, je considère ça comme un progrès. J'imagine que j'aurai aussi eu droit au jap en commençant le cursus d'HP, mais honnêtement, je ne sais même pas comment fonctionne l'école mis à part que nous sommes les meilleurs dans nos domaines, puisque j'ai été kidnappé avant. Et on va dire que même sans preuves, si jamais on s'avère être seize prisonniers... Je ne serais même pas étonné ?
« Sachiko, je grommelle, tu veux bien arrêter de râler dans une langue que je comprends pas ? On a plus urgent.
— Pas ma faute si ton chéri a une tête à insultes, » répond assez vertement mais au moins en anglais Sachiko, qui tire la langue à Emerens non sans une certaine expression enfantine.
Ce dernier lève les yeux au ciel mais n'ajoute rien de plus. Sans doute que lui aussi vient de remarquer les drones. Ou alors c'est la fille qui est en train de passer les mains sur sa prothèse de jambe non sans une certaine fascination qui lui a cloué le bec.
A ce stade, je ne suis même plus étonné de rien.
Un silence un peu gêné s'installe pendant que la sans-gêne rouquine examine avec un soin tout particulier la jambe artificielle d'Emerens, qui a l'air... Un peu gêné par la situation. Pas étonnant, c'est comme si on lui tripotait la jambe, le fait qu'elle soit en plastique blanc orné de papillons ne devrait pas changer quoi que ce soit. Mais visiblement elle, elle s'en fout, puisqu'elle vient de tenter de tester l'articulation du genou non sans tarir d'éloges sur la facture de la prothèse.
J'échange un regard avec Sachiko, qui fixe la fille avec un certain intérêt, puis avec Emerens, qui... n'a pas l'air de savoir comment lui dire que ce n'est pas hyper approprié comme comportement. Et j'en conclus que c'est à moi de me dévouer pour chasser l'importune. Bon. Temps d'utiliser ce que ma première mère décrivait comme un certain talent en sel.
« Dis-donc, gamine, on ne t'a jamais dit que ce n'était pas très poli de tripoter les gens ? »
Emerens me jette un regard de remerciement alors que la fille relève la tête de son ouvrage, pour me remarquer et me tirer la langue.
« Tais-toi le roux, je bosse !
— Tu... Tu es encore plus rousse que moi, sans vouloir te vexer.
— Oui, mais moi, au moins, je le porte bien, na ! »
Non mais je rêve ou je viens de me faire roast par une gamine aux airs de gremlin ?!? Et Emerens qui a le culot de pouffer ! J'essaie de t'aider mec ! Bon par contre on va dire que je ne suis pas étonné de voir Sachiko se tordre de rire. Ni de l'entendre s'exclamer d'un ton enjoué :
« Toi, je t'aime bien ! »
Ça a le mérite de distraire la tortionnaire aux cheveux orange de sa mission de tripotage. Elle s'écarte de la jambe d'Emerens en éclatant de rire, avant de se redresser.
« D'abord j'ai jamais vu une prothèse aussi bien faite, je pourrai la démonter un de ces jours ? Ensuite bonjour, homme au trésor, je suis Alannah Hayes, Ultime Ingénieure en Robotique, ravie de te rencontrer ! »
Le ton de sa voix et ses paroles indiquent qu'elle s'adresse à Emerens, mais elle ne le fixe pas du tout. Au contraire, son regard est perdu dans le lointain, et je vois près de ses flancs ses doigts bouger à un rythme effréné. En tout cas ça veut sans doute dire que je dois reprendre le compte des Ultimes : Nous sommes désormais quatre. Au vu du nom et du fort accent en anglais, je dirais que celle-ci est irlandaise. Et non, ce ne sont pas les cheveux roux qui m'ont mis la puce à l'oreille, ce serait très ironique pour moi d'être rouxciste...
« Eh bien... Merci, sourit Emerens après s'être présenté. Je dois avouer que je suis très content de l'avoir, ma prothèse, c'est un excellent ingénieur français qui me l'a conçue après le succès de mon premier roman...
— Oh mais je me disais bien que j'avais déjà entendu ton nom quelque part ! Tu es l'Ultime Romancier, c'est ça, dis, dis ? j'ai adoré ton livre sur cette romance entre une ingénieure et un homme de lettres ! Comment elle s'appelait déjà...
— Une Affaire de Lettres ?
— Oui ! »
On dirait que cette fois encore je suis exclu de la conversation. C'est blessant, mais j'imagine que je le mérite. Emerens n'écrit pas sous pseudonyme visiblement, mais à ma grande honte, je ne me suis jamais trop approché du rayon romance dans les boutiques de livres. J'ai tendance à préférer la fantasy. Les œuvres de Sorasaki par exemple, véritable phénomène du genre... J'ai dû écrire des tas de théories sur ses univers. Lui aussi était à Hope's Peak il parait, mais... Les Tueries, ça change beaucoup de choses.
Sachiko, à côté de moi, souffle, un air agacé sur le visage.
« Ça ne t'agace pas, toi, d'être exclu de la conversation sans savoir de quoi ils parlent ?
— Un peu. Mais bon, je l'ai cherché on va dire, je n'ai rien lu de lui. Et si tu trouves un moyen de les distraire, vu leurs yeux qui brillent... »
Je n'aurais peut-être pas dû parler d'yeux qui brillent parce qu'une lueur mauvaise vient de s'allumer dans les yeux de Sachiko. Et le sourire qui l'accompagne ne me dit rien de bon.
« Oh, je crois que j'ai une bonne idée. Et avec ça de quoi filer une bonne crise d'urticaire à n'importe quel écrivain de ce domaine... »
Je n'ai même pas le temps de me demander ce qu'elle a voulu dire par là qu'elle se détache de mon bras, avant de s'avancer vers le duo et de lancer d'une voix enjouée, presque au comble de l'innocence :
« Oh attends tu es romancier ? Alors ça veut dire que tu as écrit des trucs comme Twilight ! »
.... Really, Sachiko ? Déjà d'où tu connais Twilight mais pas l'emplacement de la Belgique ? Et ensuite bravo, tu as réussi à leur arracher une réaction de la pire manière possible, puisqu'Emerens vient d'éternuer violemment, avant de se retourner vers elle avec l'air le plus outré que je n'ai jamais vu sur un visage.
« Sérieusement ? Tu n'as pas une meilleure référence que cette apologie des relations abusives, pleine de racisme et autres sexisme ? Si j'ai obtenu mon titre, ce n'est certainement pas en faisant une Meyer ! »
J'espère bien. Mais en attendant, même si c'était de manière bien violente, Sachiko vient d'attirer leur attention à tous les deux. Emerens est tellement outré que je crois qu'il est au bord de la réaction allergique. D'ailleurs il vient de se moucher, ça peut autant être à cause du vent froid qui nous titille les narines qu'une répulsion physique à l'égard de cette daube cosmique... D'ailleurs en parlant de vent froid.
« Euh, Alannah. Ces drones, c'est les tiens ? Tu as pu voir un peu où on est ? »
Visiblement j'ai touché juste, puisque les oreilles de chat qui surmontent le crâne de la demoiselle viennent de frétiller. Est-ce qu'elles sont vraies où... Ah non, elle a une télécommande en main. Bref, toujours est-il que c'est vers moi qu'elle se tourne cette fois, bien que ses yeux semblent résolument décidés à ne pas croiser le moindre regard.
« Yup yup yup ! Made in chez moi, de la vraie qualité ! Avec, j'ai pu couvrir une bonne partie de l'endroit où on est, mais ça vous apportera pas grand-chose de plus, nan ? J'veux dire, j'ai vu que des bâtiments déserts et allumés, et une ou deux personnes disséminées à droite, à gauche... »
On en saura donc pas plus. Mais visiblement, le lieu est immense, et nous ne sommes pas les seuls à y être perdus. Je jette un regard sur Sachiko, mais celle-ci ne m'apportera sans doute aucune aide de plus vu comment elle est occupée à asticoter Emerens. Qui prend des notes avec un flegme étonnant. Bon. Autant rester sur Alannah.
« Par pur hasard, est-ce que tu as croisé d'autres personnes ?
— Hmmm.... Moui je crois bien. J'ai vu passer un grand type baraqué arabe et un autre grand type baraqué coréen je crois ? Ils discutaient tranquilou entre eux, j'me suis pas approchée. Et puis après il y avait cette fille avec le sabre... Clairement je faisais pas un pas dans sa direction ! Ah, et, l'Ultime Dictateurice vient de me quitter, iel est parti.e dans cette direction...
— Tu as bien dit l'Ultime Dictateurice ? »
L'expression sur le visage de Sachiko est aux antipodes de celle qu'elle affichait il y a quelques secondes. La trollface qui vient de quitter ses traits a été remplacée par une crispation provoquée par la plus pure inquiétude, et fait notable, elle vient de se précipiter vers nous, avant d'attraper Alannah par les mains et la secouer dans tous les sens.
« Où elle est ?!? Où ? Dis-moi vite, dis-moi vite, il faut que je lae retrouve ! »
Incapable de dire le moindre mot, Alannah n'arrive qu'à désigner de la tête une des rues mitoyennes, l'air au bord de la panique. Ça semble cependant suffire à Sachiko puisqu'elle la lâche et se précipite dans ladite rue sans même nous faire signe de la suivre, sous le regard stupéfait d'Emerens et moi, et celui, complètement perdu, d'Alannah. Qui s'est d'ailleurs mise à frapper dans ses mains, sans doute dans une vaine tentative de se calmer. Sourcils haussés, je me trouve vers Emerens.
« Tu sais quelque chose, toi ?
— Euh... J'imagine que tu le sais, mais l'Ultime Dictateurice est une personne d'une extrême importance dans notre monde actuel, me répond Emerens, en train de rassembler ses pensées. Il s'agit d'Ansgar Kasjasdottir, lae chef.fe suprême de la Fédération du Nord, l'une des dernières grandes puissances à lutter contre les Tueries. Elle va à Hope's Peak depuis 2018. Par contre, ne me demande pas pourquoi Sachiko est aussi paniquée. Justement, avoir la présence de la principale force anti-Tueries dans nos rangs est plus rassurant qu'autre chose... Il n'y a pas plus surveillé.e que luel. Peut-être qu'elle veut nous protéger de quelque chose ? »
Je vois. Mais en vérité, j'aurais plutôt tendance à partager l'opinion de Sachiko. Ansgar Kasjasdottir. Je connais ce nom. Qui ne le connaît pas depuis les années 2018, de toute façon, puisqu'il s'agit de lae plus jeune personne à un poste de pouvoir au monde... Et qui plus est, ce poste de pouvoir, c'est celui à la tête de la plus importante puissance de notre monde actuel. La Fédération du Nord se compose, si je me souviens bien de mes cours, de la Norvège, la Suède, le Danemark, la Finlande et l'Islande. Cinq pays unis sous une même houlette... Et leur chef.fe se retrouve enlevé.e avec nous. Je me demande surtout comment ils ont pu. Et est-ce que c'est vraiment une Tuerie si Ansgar se retrouve ici ?
Pour le savoir, il faut que je lae trouve.
Je pousse un profond soupir.
« On ferait mieux de suivre Sachiko.
— C'est la présence d'Ansgar qui t'inquiète, toi aussi ? Demande Emerens qui visiblement sait toujours aussi bien me décrypter. Certes, il faut qu'on la trouve, mais ne te prends pas trop la tête, Thib'. Iel saura mieux répondre à nos questions que tes pressentiments.
— J'ai jamais de pressentiments, je grommelle. Seulement des théories fondées sur des faits. Et les faits disent que la présence d'Ansgar n'est pas normale. »
Il sourit, avant de passer son bras autour de mes épaules.
« Si tu le dis, je te fais confiance. Allons la retrouver et te rassurer, espèce de boule de nerfs. »
Je préfère ça. Sans décoller son bras de mes épaules, je fais signe à Alannah qu'on part, et cette dernière semble décider de nous emboîter le pas puisqu'elle nous suit, toujours en claquant des mains à un rythme régulier. Et notre très étrange trio, version deux, s'engage dans la rue qu'a emprunté Sachiko, sans dire le moindre mot.
Nous n'avons pas à aller bien loin. Quelques pavés plus loin se trouve notre Chanceuse nationale, cramponnée au torse d'une personne aux courts cheveux blonds armée d'une canne et d'un regard vert glacial, qui ne peut qu'être Ansgar au vu de sa prestance. Et aussi de l'accent suédois dans son anglais, alors qu'elle parle calmement à Sachiko qui semble refuser de se détacher de luel. Et elle qui se plaignait tout à l'heure d'Emerens qui me faisait un câlin, moi j'appelle ça le summum de l'hypocrisie... J'ai presque envie de lui rendre la pareille, mais trop tard, Ansgar nous a déjà remarqués.
« Madame, Messieurs. Mes excuses pour cette situation embarrassante dans laquelle vous me trouvez, mais je me devais d'informer Sachiko sur ma présence en ces lieux. J'imagine que vous êtes tous des Ultimes ?
— Exact, madame Kasjasdottir, lui répond Emerens. Vous avez sans doute entendu mon nom à Hope's Peak mais au cas où, je suis Emerens Van Heel, Ultime Écrivain de Romance. Et les autres, c'est Alannah Hayes, Ultime Ingénieure en robotique, et l'adorable gamin que je garde sous mon bras, c'est Thibault Laangbroek, Ultime Théoricien. »
J'peux le taper ? Parce que je vais le taper. Quand j'aurai fini de rougir. Il était vraiment obligé de faire ça ce con ? Le pire c'est que j'ai même pas envie de m'éloigner pour lui prouver tort, allez savoir pourquoi. Et Alannah qui pouffe dans mon oreille et se permet de me chuchoter « gaaaaaaaaaaaaay » alors que je reprends mes esprits ? Je vais la tuer. J'vais tous les tuer, à la réflexion.
Enfin bon mes envies de meurtre n'empêchent pas que je me dois d'être poli envers quelqu'un qui peut me jeter à la guillotine en un mouvement de doigts. Entre deux grognements à l'adresse de ce crétin d'Emerens, je me tourne vers Ansgar et je la salue d'un signe de tête, trop mécontent pour tenter de dire autre chose que mon agacement. Par chance ce.tte dernier.e ne semble pas s'en formaliser.
« Je vous en prie, appelez-moi Ansgar. Vous me connaissez de toute évidence mais je suis l'Ultime Dictateurice. Et tout comme vous, j'essaie de voir comment je me suis retrouvée ici depuis Hope's Peak.
— Tu... Vous... N'avez pas été enlevé.e chez vous ? Intervient une Alannah surprise. Moi, la veille, j'étais encore dans mon Irlande, je me préparais à prendre l'avion... et puis paf, je me réveille dans ces rues bizarres.
— C'est ce que je disais à Sachiko ici présente mais non, on a profité de ma présence sur le territoire japonais pour me soustraire à mon domicile, soupire Ansgar. Avec moi mon garde du corps, Seo-Jun Yoon, qui ne devrait pas se trouver bien loin au vu de notre situation. J'ai beau avoir pris mes précautions pour sauver mon œuvre, j'ai bien peur qu'ici, je ne sois une personne au même statut que vous : Prisonnière. »
A côté de moi, Emerens grimace, et je sens son bras se refermer sur mes épaules. M'attirant, évidemment, contre son torse. C'était fait exprès ? Je veux pas savoir. En tout cas, je vois très bien ce qui le préoccupe, puisque sa théorie de tout à l'heure, comme quoi Ansgar serait en mesure de nous protéger, tombe à l'eau. Qu'est-ce que j'avais dit sur l'absence de preuves ?
Toujours est-il que ça fait cinq. Et cinq Ultimes dans un endroit inconnu, c'est cinq de trop.
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Du lore et deux personnages, que demander de plus ?
Bah pas grand-chose, ma foi. Surtout pour ceux qui voulaient voir Ansgar. :,)
Je poste avec un peu d'avance parce que j'ai des invités et j'ai besoin d'une excuse pour rester dans ma chambre et faire une activité peu demandeuse en concentration (parce que quand j'ai des invités pas moyen d'écrire sans être interrompu.e quel enfer), à savoir répondre à vos commentaires !
Du coup j'espère que le chapitre vous a plu, à dans quelques jours pour la suite !
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