
Chapitre 6 (7) : And they fall, fall, fall like dominoes
(TW : Mention de suicide de masse)
C'est le dernier jour où je pourrai pleinement enquêter, aujourd'hui.
Le dernier jour, et j'ai tellement de trucs à éplucher, putain...
Le pire, c'est que j'ai même pas vraiment eu l'occasion de faire quoi que ce soit le soir suivant ma rencontre avec Louna. Emerens m'a foutu au lit malgré toutes mes protestations, et m'a même fait l'affront de ne pas rester dormir. Traduction, je n'ai eu personne pour me réveiller, et il est plus de dix heures quand je me plonge enfin dans ce que m'a donné l'Ultime Scénariste.
A commencer par son scénario lui-même.
Et on ne va pas se mentir, il est absolument terrifiant.
Je pourrais presque croire qu'elle l'a écrit après les meurtres, si ce n'est pour quelques minuscules incohérences de dates et d'actions qui n'ont visiblement eu aucune importance. Tout est prévu au jour près. Les meurtres de Sparrow, de Flor, d'Ester, d'Houshang, d'Alannah... Le fait que Ruben ait tenté de me tuer... Qu'Ade ait voulu me tuer, aussi...
Tout y est.
Les exécutions ne sont pas écrites, mais j'imagine que c'est laissé à la discrétion de Monokuma. De toute façon, rien que de la voir relater les meurtres me donne déjà assez envie de gerber, au point que j'ai à peine parcouru le scénario. Je n'en ai juste pas eu la force.
... Elle avait tout prévu. Depuis le début. Depuis le début, on joue son putain de jeu.
Et ma consolation, bien maigre, est que les meurtres étant prévus... Aucun des morts jusqu'au Chapitre 4 ne pouvait être le traître. En tout cas, pas à ce niveau.
Ils ont tous tué pour les raisons qu'ils ont décrites.
Et leur mort... Elle est avérée.
Du moins, jusqu'au Chapitre 5. Le moment où ça se corse. Parce qu'il est écrit de manière beaucoup plus vague, presque évasive. La seule constante que j'ai, c'est que Monokuma n'a pas dû tomber dessus, puisque Louna explique sa volonté de lui laisser le contrôle.
Et ladite volonté avait un but.
Le tuer.
Le plan de Sachiko est décrit exactement comme il allait être réalisé plus tard. A une seule exception. Elle n'était pas censée empoisonner quoi que ce soit. Et Monokuma devait mourir seul. Sans organisateur.
Pour le cas de l'organisateur, même si Sachiko avait prévu de le tuer, le plan n'aurait pas pu être mis en œuvre. Parce qu'on serait tous sortis sans dommages. Parce que sans Monokuma, on aurait pu trouver sa propre clé, le passage vers le cercle un dans ce qui fut le Musée du Sommet de son Art, et tous se casser.
Donc, ce qu'elle voulait dire par...
« Pas tous, non. »
... C'était ça.
...
Ansgar n'aurait jamais dû mourir.
Sachiko n'aurait jamais dû mourir.
Nako n'aurait jamais dû mourir.
Et ce fiasco tenait à un coup de chance et un retard de plan.
Bordel de merde.
Et après, vous vous étonnez que je l'aie mauvaise, hein. Nan mais sans blague. Monokuma aurait pu mourir à ça, selon son plan, et à la place, qu'est-ce qu'on a ? Trois morts innocents de plus et un dernier procès sur les bras parce qu'il est encore en vie. Tout ça pour une erreur d'imprévu d'une idiote qui joue à Dieu et n'a pas anticipé les pertes.
Pas totalement.
Ce scénario me terrifie autant qu'il me pète les burnes. Mais je dois reconnaître que c'est, effectivement, une mine d'informations. Louna décrit la personnalité de chacun avec beaucoup de détails, pas besoin de tous les regarder pour savoir. Je n'ai pas eu à creuser plus que ça pour reconnaître l'attitude de chacun de mes quinze camarades.
J'ai préféré ne pas aller trop loin.
Je sais, je sais, c'est idiot, mais d'un autre côté, vous diriez quoi, vous, si vous aviez sous les yeux un livre qui raconte toute votre vie, évènements passés comme futurs ?
Du coup, à la place, j'essaie de me concentrer sur les nouvelles archives. Celles du Monodossier administrateur. Et là, évidemment, il y a beaucoup plus de trucs.
Les fiches de l'Ultime Observateur comme celles de l'Ultime Scénariste sont rangées dans un dossier à part. On y retrouve aussi les mêmes secrets d'Etat que ceux décrits par Ansgar dans son ordinateur, comme des trucs sur le Projet Renaissance ou les places fortes identifiées des Monokuma, et ma théorie a droit à son dossier pour elle toute seule.
Quant au reste des dossiers, on en retrouve un par participant. A savoir, seize en tout. Il y en a un sur Monokuma, aussi, mais ce dernier ne m'apprend rien de plus. Juste son nom, ses œuvres, et quand est-ce que ça a basculé exactement pour lui.
Trop sombre pour moi.
Du coup, c'est ce que je fais, depuis bien trois heures maintenant. J'épluche les dossiers, dans l'ordre des morts. J'essaie de voir si ça m'apprend quoi que ce soit de plus sur les autres, mais à part leur passé et leur propension au Désespoir, rien de nouveau sous le soleil.
Même ceux de Sachiko et Ansgar ne peuvent me dire quoi que ce soit de plus sur leurs existences.
Ce qui fait qu'il ne me reste... Eh bien, que les derniers dossiers. Moanaura. Seo-jun. Et Emerens.
Inutile de préciser que le stress m'empêche de me concentrer. Je ronge mes ongles depuis tout à l'heure. Presque sûr qu'il y a du sang dans ma bouche. Je ne veux pas savoir d'où il vient.
Je dois essayer de fixer mon esprit.
De n'assimiler que les informations utiles.
Je commence par cliquer sur le dossier de Moanaura. Devant moi, surtout des articles, provenant de journaux divers et variés. En français, pour la plupart. Aucun ne parle vraiment d'elles, pour le coup. Je vois juste des trucs sur... Eh bien, son bateau. Décrit par les Tahitiens comme le fléau du village, le bateau de Moanaura est notamment impliqué dans du pillage de touristes, de la contrebande, et autres destructions de propriétés souvent riches et appartenant à des blancs.
Quoi ? Vous connaissez Moanaura, non ? A ce stade, moi, en tout cas, je ne suis plus surpris de rien.
Pas énormément de mentions de la capitaine, par contre. Elle est insaisissable et impossible à reconnaître pour les autorités de son pays, et n'a jamais été capturée ou punie, pas même identifiée. Le fait que son identité civile ne soit pas la sienne doit beaucoup aider, tiens, ajouté à son talent pour la piraterie.
Les quelques gros titres se résument à « Le Pirate des Caraïbes a encore frappé » ou « Lutter contre un crime que l'on croyait oublié : Comment un simple voilier parvient à nous ramener dans le passé »
Dans son passé, rien de bien identifiable, aussi. C'est super vague, des fois, je vois mentionné un nom, mais rien de plus. Ses parents sont des gens sans histoires qui ont fait beaucoup de gosses, les gosses en question n'ont rien de particulier, elle est peut-être même la seule génie de la famille...
... Ce qui est étrange, surtout, c'est le manque d'informations des Monokuma sur elle. Parce que je veux bien, que ça échappe aux autorités. Mais les Monokuma ? Ceux qui l'ont traquée pour lui donner son titre ? Ceux qui lui ont envoyé Louna en personne ?
Vous êtes en train de me dire que ces gens-là n'ont même pas réussi à avoir une photo alors qu'ils ont obtenu des vidéos de ses proches ? Vraiment ?
Non, on va pas se mentir, c'est bizarre. Soit ce n'est pas nécessaire parce qu'il y a soi-disant tout ce qu'il faut dans le dossier... Soit ça ne l'est pas car Moanaura n'a pas besoin d'informations sur elle-même.
Dans tous les cas, c'est à creuser.
Il y a aussi... Les fiches de ses secrets, tiens. Celles qui parlent de ses compétences de piraterie, notamment, mais aussi celle qui avait révélé son nom. Dans plus de quinze langues, toutes parlées par au moins un Ultime. Mais le dossier de secrets est étonnamment vide.
Je prends des notes de mon côté, sur mon propre Monodossier. J'essaie de me retrouver depuis tout à l'heure, de construire mes petits scénars, tout ça tout ça, mais ce n'est pas très fructueux. C'est trop le bordel dans ma tête.
Du coup, pour essayer de mettre de l'ordre dans mon cerveau, je prends ces notes. Je les présenterai demain, au procès. Histoire qu'on puisse comprendre, une bonne fois pour toutes, ce qu'il se passe.
Parce que je suis persuadé que c'est au procès que tout va se débloquer.
Enfin bref. Rien de nouveau dans le Monodossier de Moanaura, donc... Je passe à celui de Seo-jun.
Qui est beaucoup plus rempli, pour le coup.
Lui, derrière les fiches de secrets que, du reste, je connaissais déjà, il y a ses bulletins de notes de toutes ses écoles, Hope's Peak comprise. Des bulletins de notes assez exceptionnels, je comprends mieux son Ultime. Des photos, aussi.
Plein, plein, plein de photos, de Seo-jun avec ce que je suppose être sa famille, avec ses amis des autres écoles, de l'élémentaire à Hope's Peak. Des photos avec certains de ses patrons, dont un qu'il embrasse devant une caméra en selfie, l'air de ne se préoccuper de rien d'autre au monde.
Je l'envierais presque.
Je n'en ai jamais été capable, moi.
Et puis, beaucoup, beaucoup, de photos avec Hope's Peak, aussi. Des photos de lui avec Kichiro, assis sur une table en train de lire un livre, écrivant des cours ou fixant la caméra que tient son garde du corps avec un profond agacement. D'autres, avec des élèves que je ne reconnais pas, mais qui m'ont l'air presque heureux.
Et les photos avec Emerens.
Surtout les photos avec Emerens.
Seo-jun en a visiblement pris un certain nombre. Des photos de pranks diverses et variées avec son ami qui rigole dans le fond, des sorties dans la jungle de Tokyo, des tas et des tas de selfies, des photos floutées et sans doute prises en scred, et des sourires, absolument partout.
Plus certaines photos ou ça se roule des pelles qui me paraissent avoir été prises de caméras de surveillance, mais ça, boooon, on va dire que je m'y attendais.
En tout cas, Seo-jun semble avoir pris plus de photos avec Emerens qu'avec même Kichiro, celui qu'il disait aimer vraiment très, très fort. Bon, on peut considérer que ça vient du caractère des deux zigotos, totalement aux antipodes, mais d'un autre côté... Y'a quelque chose de bizarre, là-dedans.
Non, je suis pas jaloux, je vois pas de quoi vous parlez– Bon. Okay. Moi aussi, j'aurais bien aimé avoir ces deux ans.
Mais j'imagine que si on se sort tous de là, j'aurai toute la vie devant nous.
Plus qu'à espérer s'en sortir...
... Tous ensemble.
Enfin, là, c'est plutôt mal barré. Faudrait pour ça que je puisse prouver que Louna a travaillé seule, et même si j'adorerais que ce soit le cas... Il y a trop de zones d'ombres pour ne pas au moins considérer un traître. Ou quelqu'un obligé de surveiller Monokuma pour elle, qui connaissait ses objectifs et était conscient de sa présence.
Et honnêtement... Entre Moanaura qui se souvenait un poil trop bien d'elle, Seo-jun qui parlait d'elle à Hope's Peak, et Emerens dont c'est la copine...
Je ne peux éliminer personne.
D'ailleurs, en parlant d'Emerens, il ne me reste plus que son dossier.
Celui de Seo-jun ne m'apprendra rien de plus, je crois. Y'a même pas de coupures de journal, sauf une, en coréen. Donc bon, essayez de lire un titre dans un alphabet que vous ne connaissez même pas. Et mis à part les photos, son dossier est aussi peu fourni que celui de Moanaura. Les secrets sont presque tous en coréen, et ceux que je peux lire sont déjà connus, comme l'amour incestueux de Kichiro.
Donc, encore des trucs très flous, mais pour une tout autre raison. Putain, c'est pas que ça me casse les burnes, mais si, ça me casse les burnes...
Mais du coup, Emerens.
Revenons au sujet principal.
Je clique sur son dossier, et le temps qu'il met à charger m'apprend que c'est le plus lourd. Derrière Seo-jun et toutes ses photos, ça m'étonne, tiens.
Enfin, je ne devrais pas être étonné au vu de la taille du dossier de secrets.
Le reste, c'est quasiment que des trucs que je sais déjà. Sa relation, dégueulasse, avec ses parents, et celle troublée avec le reste de sa famille. Son passage à Saint-Cyr, son émancipation, il y a des notes sur à peu près tout, même sur son cancer de l'os de quand il était gamin...
Eh bé putain, bien renseignés, les mecs.
C'est à se demander pourquoi tout le monde n'a pas eu droit à ce niveau de détail.
Ledit niveau de détail qui se prolonge avec sa carrière, le nombre de ses sorties, certains de ses titres... La totale, quoi. Puis, son arrivée à Hope's Peak, et un nombre incalculable de photos avec plein de gens. Jusqu'ici, tout va bien. Je savais déjà tout ça.
Mais ce qui me surprend surtout, c'est la taille de ce foutu dossier de fiches de secret.
Je m'installe plus confortablement sur le lit, essayant de ne pas m'arracher une grimace. Mon dos me fait mal. Je l'ai calé sur la canne d'Ansgar tout ce temps sans même m'en rendre compte, ça fait un peu chier mine de rien. Mais la concentration était trop forte.
Et le stress, aussi. Surtout maintenant que je clique sur ce foutu dossier.
J'ai encore le gout du sang dans ma bouche.
L'intérieur de ma joue doit être en charpie.
Mais je dois me concentrer.
Je dois me concentrer sur ce qui s'affiche sur l'écran.
Des dizaines et des dizaines de fiches s'alignent devant mes yeux. Dans différents langages, bien sûr, mais quand même, putain, il y en a plein...
La lecture de la première me rassure cependant beaucoup. Je l'ai déjà lue. C'est encore un de ses scandales.
Et il y en a plein des comme ça, je remarque. Des trucs bénins, sa relation avec l'Ultime Acteur X que Monokuma nous avait lue au tout début du... Du Chapitre 2... Et toutes les fiches ou presque sont du même acabit.
C'est vrai. Monokuma, à ce moment-là, s'était particulièrement acharné, et avait retrouvé tout ce qu'il pouvait sur Emerens pour je ne sais trop quelle raison. Faire monter la tension, sans doute. Malheureusement, ce n'est pas ça qui y a réussi. Parce qu'il y avait eu beaucoup plus grave.
Même si...
...
Attendez une minute.
C'est quoi, ça, ce truc intitulé « Tragédie de Saint-Cyr la Chaussée »–
Je clique dessus sans perdre de temps, tombant sur la fiche de secrets en néerlandais. Et écarquille les yeux.
Putain de ... Putain de merde c'est quoi ça ?!?
Mes doigts se crispent sur le Monodossier. Je n'arrive même pas à comprendre ce que je vois.Et de toute façon, je crois que je ne veux pas comprendre.
Je ne peux que regarder.
Derrière mes paupières qui tremblent.
Le secret commence avec des foutues photos. D'adolescents effondrés au sol. De sang qui coule. D'équipes d'hôpital qui se précipitent sur place.
Et la légende de ces photos, bordel de merde... « En proie à la tragédie, le célèbre établissement de Saint-Cyr aurait dû répondre de ses actes devant un tribunal. Seulement, les autorités du pays comme de l'établissement, devant l'ampleur de cet évènement, ont choisi de tout couvrir et de soumettre les survivants à un vœu de silence... Cela alors que les premiers cas de Désespoir se déclaraient et que seules les hautes instances savaient ce qu'il en était réellement... »
Je peine à croire ce que je lis, mais les mots ne cessent de se marquer derrière ma rétine.
Même derrière le brouillard.
Même derrière les larmes.
« L'événement gardé secret » ...
« Trois morts, près de cent cinquante blessés » ...
« Tous les élèves en besoin urgent de soins psychiatriques » ...
...
... « Le premier cas de Désespoir observé à grande échelle ».
Mes doigts tremblent.
Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il se passe, et en même temps, l'image est bien trop claire dans ma tête.
Le sang. Les cris. Les pleurs.
Quelque chose qui se résume en une seule constatation.
... Bordel.
Donc vous êtes en train de me dire. Là. Maintenant, tout de suite.
Que pendant que je me la coulais douce.
Pendant que je me faisais oublier dans mon village miteux...
Je n'arrive même pas à penser les mots. J'ai trop envie de vomir.
Pendant que j'étais bien tranquille chez moi... Emerens...
...
Se retrouvait en plein milieu d'un putain de suicide de masse ?!!?!?
La bile me monte aux lèvres.
Je ne voulais pas penser ces mots-là. Je crois que je n'arriverai même pas à les dire. Pas maintenant. Pas alors que les images sont aussi ancrées dans mon esprit, recouvertes de sang et de larmes.
Parce que c'est bien ce que ça décrit. Un suicide de masse. Des pauvres gosses qui auraient dû avoir mon âge qui se jetaient du toit, se surdosaient aux antidépresseurs, s'ouvraient les veines, les détails sont beaucoup trop présents pour que ce soit anodin. Les pompiers et les urgences appelés en masse sur place, réussissant à en sauver la plupart, mais obligés de les emmener en urgences psychiatriques ou de les rapatrier chez eux.
Et ensuite forcés, tout comme les foutues victimes, de ne pas en parler.
De faire comme si leur acte était isolé et pas la première manifestation du Désespoir jamais vue à grande échelle.
Bordel.
Et je m'étonnais qu'Emerens n'aille pas bien du tout.
Tu peux pas aller bien quand tu te retrouves là-dedans. Tu peux pas. Qu'il ait tenté ou simplement été spectateur impuissant, c'est le genre de choses qui te détruisent. Putain, rien que de le voir me fout la gerbe, alors, imaginez le vivre ?!?
... J'ai jamais eu autant envie de pleurer.
Tout ça pendant que je profitais de ma petite vie d'ado en me demandant pourquoi il avait cessé de m'écrire. Pourquoi je n'ai rien vu, bordel de merde ?
Je me sens minable.
Et le pire, dans l'histoire.
C'est que pour m'assurer de son innocence. De sa survie.
Je vais devoir le questionner là-dessus.
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