Chapitre 6 (2) : Hypotheses that can not be predicted
Monokuma n'a pas perdu de temps pour franchir la porte du Musée, nous faisant des grands gestes en guise d'exigence de le suivre. Devant les yeux des autres, qui se contentent de le fixer en serrant les poings, l'air de m'attendre.
Je ne compte pas les faire attendre plus longtemps.
Même si ça me soûle.
Je m'avance vers eux en traînant des pieds, et Emerens me tend ma valise et la canne en silence. Visiblement, il n'est toujours pas décidé à parler, le bougre.
Après, je le comprends. Ce qu'il s'est passé hier nous a tous choqués au plus profond de nos êtres. Celle-là, on ne l'oubliera pas comme ça.
Et je comprends totalement qu'aucun d'entre nous ne parle alors qu'on entre dans le Musée.
Un immense espace est ouvert en plein centre. La tête de Monokuma en dépasse, souriante, nous invitant à le suivre. Ce qu'on fait, en essayant d'ignorer du mieux qu'on peut le piédestal final désormais rempli du Musée.
...
Sale connard.
Sale connard, sale connard, sale connard.
Je te donnerai pas cette satisfaction.
Je te donnerai pas la satisfaction de pleurer devant les restes de mon amie et de la femme que j'aimais.
Je sais que t'attends que ça. Et très sincèrement, va bien te faire foutre.
Seo-jun a les poings serrés. La lèvre de Moanaura est en sang. Emerens tremble de tous ses membres. Mais aucun d'entre eux ne dit quoi que ce soit. Aucun d'entre eux ne réagit plus qu'il le faudrait alors que nous suivons l'Artiste dans son escalier en colimaçon, qui semble nous entraîner très loin dans les profondeurs de la cité.
C'est dans le silence qu'on ressort, finalement, dans une petite pièce au sol métallique.
Je peux voir les structures de soutien de la cité former les murs.
On est donc si profonds que ça ?
Je fixe du regard les murs, intrigué, alors que Monokuma écarte grand les bras.
« Bienvenue dans le cercle un, le centre, la destination finale ! Celui que vous attendiez tous depuis bientôt sept mois, celui qui vous donnera enfin accès à l'ascenseur qui vous rendra à la civilisation ! Alors, les enfants, c'est émouvant, hein ?
— Pas de coup fourré, grommelle Moanaura. Direct l'ascenseur. Tu nous l'as promis. Il n'y a aucune autre barrière, pas vrai ? »
Monokuma ricane.
« Aucune ! Vous vous trouvez en ce moment-même dans les profondeurs du cercle un, celui qui permet l'entretien de la structure de soutien de cette cité... Et l'entrée de l'ascenseur est au sommet de la tour centrale. Il va me falloir un peu de temps pour vous y guider, mais ça les vaut, ça les vaut ! Profitez-en pour apprécier le spectacle, parce que je crains que vous n'ayez que peu l'occasion de visiter ! »
... Tiens donc.
On n'a pas de tour du propriétaire, cette fois, hmmm ?
Entre ça et le fait que ce cercle donne l'accès à la structure de soutien de la cité, celle qu'on a visité au tout début de cette maudite histoire... Je commence à me dire qu'on n'est effectivement pas censés aller trop loin.
Intéressant.
Ce cercle n'est pas conçu pour nous.
Alors, pourquoi il existe ?
Après, je spécule peut-être un peu trop. Monokuma parle d'une tour centrale. Elle est peut-être simplement faite pour accueillir l'ascenseur et l'entretien. Et puis, cette horde de soldats à la peau grise dont on ne sait pas d'où ils viennent doit bien dormir quelque part, pas vrai.
Seo-jun et Emerens échangent un regard incertain. Avant de prendre la suite de Monokuma, qui nous entraîne dans un nouvel escalier en sifflotant. Moanaura, elle, me jette un coup d'œil. Sa lèvre saigne toujours.
« Eh, Thibault. On va sortir. C'est le feu, hein ?
— T'as pas l'air supra convaincue, Moanaura. »
Elle soupire, s'engage dans l'escalier.
« T'as remarqué, hein. Nan mais, cette fin me laisse un goût amer. On perd Nako... Ansgar et Sachiko... et au final on sort sans même avoir démasqué l'organisateur. Puis, je crois que je suis pas la seule. Tu fais la tronche depuis qu'on est là. Je t'aurais pensé plus réjoui. »
Je fais une grimace.
« Nan, moi aussi, ça me soûle. Le gars qui a fait ça s'en tire impunément alors que nous, on perd des êtres aimés et l'espoir de la Fédération. En plus, sans Ansgar, une guerre est à nos portes. C'est probablement le Chapitre le plus coûteux en pertes alors qu'on voulait faire en sorte que ce soit celui le mieux pris. Un peu chiant, nan ? »
Moanaura serre les poings sur son sabre. Ses yeux fixent les marches qu'elle gravit, une à une.
« ... Carrément. Mais je vois pas quoi faire d'autre. On a aucune info, et si même... Si même Sachiko a échoué... Je crois qu'on pourra pas faire mieux. »
Elle pince les lèvres. Fixe le dos de Monokuma qui s'est arrêté, de nouveau silencieuse. Avant de, finalement, relâcher son sabre. Et franchir la dernière marche de l'escalier.
Monokuma choisit l'instant où j'émerge de l'escalier pour se tourner vers nous.
« Nous voici au rez-de-chaussée ! Je vous laisse admirer les alentours, parce que non, vous ne verrez toujours pas ce qu'il y a derrière ces portes... »
... Ces portes, comme il dit, ce sont d'innombrables battants de métal qui s'alignent sur un mur. Tous sont surmontés d'un lecteur de code, sans doute liés au scan de Monodossier. Par pure curiosité, je m'approche de l'un d'entre eux, suivi par Emerens. L'un après l'autre, nous passons notre Monodossier sur le lecteur.
Une diode rouge s'allume dans les deux cas. Suivie par un rire de Monokuma.
« Qu'est-ce que j'ai dit ? Ces endroits nécessitent le plus haut niveau d'accès possible, même vous, vous ne pouvez pas y rentrer comme ça ! Le seul accès autre... Eh, vous l'avez déjà vu, upupupupupu. Dommage, j'aurais bien voulu voir ces installations ! »
... Même lui... Même lui, il ne sait pas...
Le plus haut niveau d'accès possible, hein. Quel niveau est plus haut que celui du maître de jeu ?
Le Monodossier de Sachiko pèse lourd dans ma main. Mais Monokuma ne me laisse pas le temps de le scanner. Il me prend par les épaules, avant de me traîner vers une autre des portes.
« Allez, c'est par ici, la visite ! La seule entrée de l'ascenseur est au point culminant de la tour, je te l'ai déjà dit ! »
... Lâche-moi.
Je te déteste.
Si je pouvais, tu te noierais dans ton sang dans un coin et personne ne te regretterait.
Mais je ne peux pas.
Je n'ai pas le cran de tuer. Ni l'envie. Ni les moyens.
Je ne peux que regarder aux alentours, alors qu'Emerens m'arrache à Monokuma d'un coup sec et un regard glacial, et que je me rende compte en cet instant que ses étreintes me manquaient terriblement.
Il cherche à s'éloigner de moi, alors que Monokuma reprend son ascension en rigolant, mais je le retiens. Mes poings serrés autour de sa manche.
« ... S'il te plaît. Reste. »
Ses yeux se plissent. Mais il ne lutte pas très longtemps. Son bras s'enroule autour de moi et que c'est épaule contre épaule que nous reprenons notre périple, suivis par Seo-jun silencieux et Moanaura pensive.
Mes doigts se serrent encore davantage sur sa veste.
« ... Pardon.
— T'inquiète, Thibs, il soupire, doucement. Je comprends. »
Il n'ajoute pas un mot de plus. Se contente de monter les marches. Pendant que moi, me laissant entraîner, je regarde autour de moi.
Encore des portes. Toutes verrouillées par un lecteur de carte. Pas une seule n'est ouverte par Monokuma, qui les ignore royalement. De temps à autre, je vois Moanaura qui les teste, mais elle non plus n'arrive pas à en ouvrir une seule.
Je me servirai bien du Monodossier de Sachiko, mais la présence d'Emerens à mon côté gauche m'en empêche, et le lâcher me ferait bien plus de mal que de ne pas tester cette théorie.
Un cercle qui n'est pas fait pour nous...
Le plus haut niveau d'accès...
...
...
...
Emerens me serre un peu l'épaule. C'est vrai que je lambine. Et je n'ai pas envie de lui donner d'excuse pour me lâcher.
« Désolé, je grommelle en accélérant. Trop de questions sans réponse.
— J'imagine, il répond sans me regarder. Mais au moins, nous n'avons plus l'obligation de répondre. »
...
...
Ça sent le coup fourré. Organisateur, Monokuma, ou quoi que ce soit d'autre, je le sens très mal. Le fait qu'on prenne tant de temps à rejoindre l'ascenseur... Tout ce que Monokuma nous montre... Le banquet d'hier lui-même... ça rallonge le temps qu'il nous reste à passer ici d'une manière que je n'apprécie pas.
Qu'est-ce qu'il cherche en prenant tant de temps ?
Alors qu'Emerens a raison. Nous n'avons plus l'obligation de répondre. Ni à lui, ni à personne.
Je me serre contre lui. Gravis les marches, une à une. Un pas. Une marche. Un pas. Une marche. Une nouvelle question.
...
...
« Ecoute, Thibs, soupire Emerens. Je voulais juste te dire... Je suis vraiment désolé. Pour Sachiko. »
Je serre les dents.
« Tiens. Tu l'appelles par son prénom, maintenant. »
Quelques secondes de silence s'écoulent. La main d'Emerens se referme sur mon épaule.
Il ne me regarde toujours pas.
« ... Je ne suis pas vraiment celui dont tu attends des condoléances, je sais. Je l'ai toujours détestée, et tout le monde ici le sait. Mais ce qu'elle a tenté de faire... C'était le plus beau coup de poker jamais vu, et le fait qu'elle ait failli y arriver la place bien plus haut que des gens comme Sukina Karasu ou Daisuke Nakano. Dans mon estime, je veux dire. Elle méritait beaucoup mieux qu'une fin pareille.
— On méritait tous mieux que ça, Emerens, je réplique, essayant de masquer l'aigreur de ma voix. Tous. »
Malheureusement, et au vu de la crispation de ses épaules, cela ne semble pas lui avoir échappé.
Il a un léger sourire.
« ......... Tu as raison. Tu as tout à fait raison. Et c'est triste à dire, mais cette connasse va vraiment me manquer. Alors bon. Je n'ai pas envie d'imaginer ce que c'est pour toi. Même si je peux très bien le voir. »
... Ah, nous revoilà dans les sujets qui fâchent. Je me doutais bien que ça allait arriver à un moment où un autre.
« ... Encore désolé.
— Ce n'est pas à toi que j'en veux, Thibs. C'est à moi. Quand on est aromantique et qu'on essaie de... Faire sa vie avec quelqu'un, on a droit à plusieurs trucs pas très sympathiques. Le syndrome de l'imposteur, pour commencer, et la terreur de ne pas suffire, celle d'être facilement remplaçable. Il faut beaucoup de confiance en soi et en l'autre pour surpasser ça. Et il semblerait que je n'ai pas eu assez confiance en toi. »
Il continue de ne pas me regarder.
Ça me rappelle bien trop douloureusement Ruben.
Mes poings se serrent.
« ... Arrête de tout ramener à toi. C'est moi qui ai merdé, point. Je voulais pas te sortir ça, mais je l'ai dit quand même. Mais ça change rien. Je t'aime, même platoniquement, espèce de grand abruti. Toi entre tous, je veux pas que tu meures. Et je suis vraiment content que tu aies survécu. »
Enfin, je le vois bouger.
Il tourne la tête vers moi.
Son sourire est déjà un peu plus joyeux que tout à l'heure. Mais la lumière dans ses yeux a totalement disparu.
Il est encore vivant. Mais lui comme moi ne sommes plus que les ombres de nous-mêmes. A nous réfugier dans tout ce qu'on peut pour survivre. Sans que rien ne fonctionne.
... Plus que tout autre chose, c'est ça qui me met en colère.
C'est ça qui m'énerve alors que je n'aurais jamais cru autant regretter son petit sourire en coin qui m'avait tant agacé.
Maintenant, c'est tout juste s'il revient sur ses lèvres alors qu'il me pince la joue de sa main libre.
« ... Merci, Thibs. Je te promets que... Je ferai de mon mieux pour que ça en vaille la peine. »
... Pour que ça en vaille la peine...
Je me colle à lui, le laisse me guider. Continue de fixer les alentours.
Encore des portes. Encore des endroits inaccessibles. Encore des couloirs où je ne peux rentrer.
Pas de lieux de vie. Pas d'endroit où nous aurions pu loger. Ce cercle ne nous appartient pas.
...
...
Des voix reviennent à ma mémoire.
L'organisateur est forcément sur place. Sa gestion des imprévus le prouve.
Le salopard qui a organisé tout ça est ici.
Je me demande à quoi ressemblent ces installations.
...
...
...
Enfin, Monokuma arrive devant une nouvelle porte. Une porte de fer, barrée d'une immense barre. Prête à être ouverte.
Ce n'est pas une porte d'ascenseur. Mais il n'y a plus d'escalier. Donc, notre ascension est terminée.
... c'est terminé ?
...
Monokuma sourit. Se tourne vers nous.
« Et voilà, les enfants ! On y est ! Derrière ces portes se trouve la salle de l'ascenseur, celle qui vous rendra à votre chère liberté ! Dès que j'aurais enlevé ces barres, vous pourrez enfin sortir... Les clés de l'ascenseur sont sur le mécanisme d'activation, upupu ! »
... Pas de coup fourré...
... On va sortir...
Sans savoir qui nous a enfermés là-dedans...
Sans que Monokuma ne paye...
Sans que je n'aie compris ne serait-ce que la moitié des mystères de cette Tuerie.
Je fais quelques pas en avant.
Me dégage de l'étreinte d'Emerens.
Monokuma retire la barre. Avant de poser ses mains sur les battants.
« Alors, les enfants ? Vous êtes prêts à sortir ? »
...
...
...
« ... Non. »
Ma voix a claqué dans toute la salle. Coupant net Seo-jun qui s'apprêtait à se précipiter dehors. Interrompant le mouvement presque joyeux de Moanaura qui était prête à le suivre. Brisant la carapace sans émotion d'Emerens.
Faisant hausser un sourcil stupéfait à Monokuma.
Qui me fixe, alors que je m'avance vers lui.
Je suis décidé.
« Non ? Demande Monokuma d'un ton même pas teinté de son habituelle cruauté. Tu refuses la liberté ? Et pourquoi ? »
Parce que je refuse l'idée qu'aucun d'entre vous salopards ne puisse s'en sortir sans payer.
Parce que Sachiko m'a transmis sa volonté avant de mourir.
Parce que celui qui a effacé le sourire sur le visage d'Emerens ne doit pas s'en sortir impunément.
Parce qu'Alannah et Ibrahim sont morts pour ce dénouement.
Parce que je sais que je peux y arriver.
Je chope les épaules de Monokuma.
Avant de serrer.
« J'exige un dernier procès. »
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