Chapitre 5 (8) : Destiny
Effectivement, quand je suis rentré dans ma chambre après quelques minutes de bug de cerveau, s'y trouvaient à la fois Emerens, d'ailleurs installé sur le lit en train de bouquiner, et l'ordinateur que j'ai si souvent vu entre les mains d'Alannah. Il porte quelques taches de rouge, que je dois me faire violence pour ne pas identifier, mais à part ça, il est comme neuf.
Comme si sa propriétaire n'était pas partie.
Je retiens une grimace avant de m'asseoir sur le lit, à côté d'Emerens. Ce dernier relève la tête en m'entendant et me désigne l'ordinateur d'Alannah d'un signe de tête.
« Ansgar a posé ça tout à l'heure, avec le code sur un post-it. Si jamais ça t'intéresse.
— Je sais, Sachiko me l'a dit. Elle disait que... Je voudrais peut-être le récupérer. »
Emerens soupire.
« C'est rare que je sois d'accord avec Kimura sur un point. »
Je ne peux m'empêcher de lui jeter un regard en coin, le temps de rentrer le code qu'Ansgar m'a laissé.
« Pourquoi vous vous détestez tant que ça, si vous avez tant de trucs en commun ?
— Ierk, marmonne Emerens. Thibs, je comprends que tu veuilles m'insulter, mais trouve autre chose, s'il te plaît. »
Ben voyons. Ça a beau rester à mon chevet avec elle pendant toute une semaine, ça fait toujours le gars dégoûté, hein. On se demande bien pourquoi.
Je ne peux m'empêcher de lui jeter un coup d'œil blasé.
« Sérieusement ? Six mois dans la tourmente et t'as toujours pas réussi à bien t'entendre avec elle ? à la limite un minimum de respect ?
— Je ne respecterai jamais quelqu'un qui m'a menacé de mort, il grommelle, et ce ne sont pas quelques malheureux évènements en pleine Tuerie qui changeront ça. Sans compter qu'elle n'a pas cessé de me taper sur les nerfs. Le jour où elle s'excusera pour sa manière de me traiter, on en reparlera. »
... Eh bah je suis pas dans la merde, moi.
Déjà que je suis un peu en train de me demander si mon cœur ne me pousse pas à faire une énorme connerie, mais en plus, les deux personnes qu'il me reste ne peuvent pas se sentir et ça n'est pas près de changer.
Paye ta situation de merde, putain. Ils font quoi, les polyamoureux experts, quand ça arrive ? Même en dehors d'une Tuerie, je crois que je prendrais tous les conseils.
Pas de chance que l'un des rares gars qui peuvent vraiment me conseiller soit juste à côté de moi.
Putain qu'est-ce que je fais...
« ... Emerens ?
— Hm ?
— Il se passerait quoi si je te disais potentiellement que, hem, elle me plaît et je chercherais potentiellement un truc en plus ? Simple hypothèse potentielle, qui, euh, n'a potentiellement pas beaucoup de chances d'arriver... »
... Je m'enfonce, pas vrai ?
Le regard d'Emerens vaut tous les mots.
La surprise sur son visage ne tarde d'ailleurs pas à faire place à une étincelle de pure raillerie.
« Potentiellement une hypothèse en l'air, hmm.
— Potentiellement rien d'autre qu'une idée comme ça. »
Il pouffe. Avant de hausser les épaules.
« Eh bien je te dirais potentiellement que je n'ai potentiellement rien à voir avec ça, mon amour, du moment que tu me demandes pas de la coller H24. C'aurait été potentiellement un problème si elle avait choisi de se mettre entre nous, mais puisque ce n'est, très étonnamment d'ailleurs, pas le cas... Je ne suis pas là pour te contrôler. Donc fonce, rien ne t'empêche.
— Ouais enfin. C'est juste une question comme ça. »
Nouveau petit rire. Et il se penche pour m'embrasser sur la joue.
« Eh bien dans ce cas je te dirais que mon avis n'a potentiellement aucune importance. Potentiellement. »
... Mais c'est pas vrai-
Je lève les yeux au ciel, au comble de l'agacement. Vraiment, Emerens ? Tu trouves que c'est le moment de te foutre de ma gueule comme ça ? Je te déteste si fort, mec, si fort.
« Sérieusement, mec ? t'en as d'autres des comme ça ?
— Potentiellement non, il pouffe, un léger sourire de troll aux lèvres. Tu veux que je te laisse tranquille pour que tu puisses potentiellement réfléchir et fouiller l'ordi d'Alannah ?
— ouais, ouais, c'est ça, dégage avant que je te jette un oreiller, je grogne. Et c'est que le début de ta punition. »
Il saute à bas de mon lit avant de me faire un clin d'œil.
« Oh, mais j'attends potentiellement ça avec impatience... »
... Très bien, mec, t'as intérêt à te casser vite fait, parce que si t'es encore là au bout du troisième oreiller que je te jette, je te jure sur tous mes ancêtres que tu rigoleras moins dans cinq minutes.
Heureusement pour son cul, la porte se referme avant que je puisse armer le deuxième oreiller. Ne laissant dans la chambre que moi, et l'ordi d'Alannah, qui ronronne doucement.
Je pousse un profond soupir avant de me pencher sur l'écran.
Temps de voir ce qu'elle nous a laissé.
Son bureau est un véritable fouillis. Un cauchemar pour TDAH qui cherche à trouver des trucs, j'ai envie de dire. Mais on dirait bien que de toute façon, je n'ai pas l'utilité de la majorité des fichiers. Ce sont pour la plupart ses projets, informatiques, modélisation et compagnie, dont je ne comprends pas le premier mot.
Oh, je trouve bien quelques plans que je peux déchiffrer, en tant que mathématicien. Mais je n'ai pas envie de m'y pencher. Parce que peut-être dans l'un de ces fichiers se trouve ce qu'il reste de l'hélicoptère qui aurait garanti notre survie.
Notre survie à tous les neuf.
Et maintenant... On sortira au mieux à cinq. Au pire... Je préfère ne pas y penser.
Mais ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus. Parce qu'il y a quelque chose, dans l'ordinateur d'Alannah, que je suis persuadé nous donnera au moins accès à une piste supplémentaire.
Je mets un peu de temps à le trouver, mais finalement s'affiche devant moi l'écran de contrôle de ses drones. Avec toutes les caméras qu'il me faut.
De quoi pousser mes recherches un peu plus loin, voire à l'extérieur du cercle deux, et...
... Comment ça, pas de signal ?!?
« C'est une blague ?!? Je ne peux m'empêcher de hurler. Putain, pourquoi ça marche pas !!!!
— Parce que nous ne sommes pas idiots au point de ne pas installer de brouilleur d'ondes étrangères, Laangbroëk... upupupupupu ! »
...
Je ne sais pas si je viens de mourir et d'atterrir en enfer, mais si ce n'est pas le cas, le saut que je viens de faire m'y enverrait sur l'instant.
Ça, ou ma tachycardie soudaine, que même le fait de voir l'ordi d'Alannah retomber de manière sécuritaire sur le mou du lit de m'aide pas à calmer.
Il faut dire, aussi, que voir Monokuma assis en face de soi avec un large sourire ravi et une sorte d'outil métallique bizarre en main, cela aurait de quoi faire peur à n'importe qui.
Il est là. Dans ma chambre, le seul espace sécuritaire que j'avais réussi à conserver, le seul endroit hors de son musée ou je me pensais loin de toutes ces histoires. Il est là, rentre dans mon intimité sans le moindre scrupule, et en a encore moins à briser ce faux sentiment de sécurité.
J'ai envie de vomir. Vraiment, vraiment envie de vomir.
Par pur réflexe, je me recroqueville contre ma tête de lit, mais visiblement il ne semble pas comprendre ma notion d'espace vital, puisqu'il s'avance vers moi.
« Pas de succès avec les drones, mon pauvre ?
— Que– qu'est-ce que– Qu'est-ce que tu fous ici ?!? »
Il ricane.
« Franchement, tu aurais pu me réserver un meilleur accueil. Mais pour répondre à ta question, eh bien, je devais justement venir vous chercher pour... Quelque chose, upupu. Et je n'ai pu m'empêcher de me sentir curieux en te voyant galérer... Et d'humeur généreuse. »
Nouveau rire. Mon corps entier se crispe.
« Franchement, tu pourrais me remercier. Parce que je suis très, très fâché.
— ... Quoi ?
— Oh, tu verras plus tard, mon mignon. Pour l'heure... »
Il fait un geste négligent de la main vers les ordinateurs.
« Tu voulais les drones, pour espionner tes petits camarades, peut-être ? C'est toujours les plus forts qui sombrent en premier dans la paranoïa, je vois, je vois... Mais au risque de te décevoir, tu ne trouveras pas grand-chose ici.
— Et pourquoi ?
— Parce que nous avons installé un brouilleur d'ondes étrangères, il sourit. Je ne veux pas d'interférence avec mes propres appareils, vois-tu. Oh, tu aurais sans doute plus de chance avec les caméras enregistreuses, mais......
— Mais Alannah ne les avait plus, même avant de mourir, je réponds, doucement, profitant de la longue pause qu'il me laisse. Donc je ne pense pas avoir plus de chance... »
Il sourit d'autant plus.
« C'est exact. Il se trouve que j'aime bien avoir le monopole des caméras, et avoir des drones enregistreurs la gênait autant que moi. Décision a donc été prise de les pirater pendant que vous vous réveilliez tranquillement sans savoir ce qui vous attendait, et elle en a pris le contrôle pendant le premier Chapitre.
— ... Et je ne pourrais pas reprendre ce contrôle, pas vrai ?
— Oh, tu peux toujours essayer. Si tu te sens à la hauteur d'arracher un trophée à la forteresse conçue par l'Ultime Impératrice, tu peux. »
... Je vois. Donc, ils avaient vraiment prévu leur coup depuis le début. Si l'Impératrice, réputée comme la meilleure pirate de leur organisation, s'en est mêlée, c'est assez clair que je n'en tirerai rien avec mes maigres compétences en informatique.
Mais ça ne répond pas à la majorité de mes questions.
« ... Qui c'est, elle ? »
Le sourire de Monokuma s'élargit.
« Tu aimerais bien le savoir, pas vrai ?
— Pourquoi tu poses des questions stupides comme ça alors que tu connais très bien la réponse ? »
... Ouch, c'est sorti tout seul. Et si le sourire de Monokuma ne s'était pas élargi, je crois bien que j'étais parti pour morfler pour cette simple phrase. Mais Monokuma ne semble pas en prendre ombrage. En tout cas, tout ce qu'il fait, c'est passer avec des gestes bien trop doux son espèce d'outil le long de ma joue, comme une caresse.
Une caresse que je sens m'érafler la peau alors qu'une goutte de sang roule le long du métal.
« C'est vrai, c'est vrai. Et puisque je suis sympa, je suis prêt à te donner des éléments de réponse. »
Son sourire n'a plus rien d'humain.
« Elle, c'est la personne que tu recherches si ardemment. Celle qui a tout contrôle sur cette Tuerie, sur les ordres qu'elle me donne, sur qui doit vivre ou mourir. Celle qui a décidé il y a de ça très longtemps ton destin, Thibault Laangbroëk. »
Un frisson m'envahit les entrailles.
A ma décharge, c'est compliqué de parler devant des informations aussi terrifiantes, plus encore prononcées sur la voix caressante de l'Ultime Artiste.
Ce dernier porte son outil à ses lèvres, avant d'y récupérer du bout de la langue la goutte de sang qui y était restée.
Son sourire ne le quitte plus.
« Mais je crois que j'ai donné suffisamment d'infos, mon cher protagoniste. J'étais venu vous chercher pour quelque chose de très, très important... Et je n'aimerais pas que vous soyez en retard. Alors un petit conseil... »
Il se redresse, descend de mon lit et me jette un regard que je ne peux m'empêcher de trouver avide.
« Je te conseille d'être dans le petit salon le plus proche du Musée quand j'y arriverai. Parce que je crois que tu n'as vraiment pas envie de savoir ce que je réserve aux retardataires. »
Non, en effet, je n'ai pas envie de savoir.
C'est bien pour ça qu'une fois l'Artiste dehors je me suis précipité vers ledit petit salon, sans porter la moindre attention même au Musée du Sommet de son Art. Ce qui est bien une première.
La peur donne des ailes, à ce qu'il paraît.
Et la peur semble avoir donné des ailes à tout le monde, parce qu'on est là, tous les sept. Emerens, assis dans un fauteuil, en train de se masser doucement la nuque, Seo-jun, qui tourne en rond comme une bête en cage, Moanaura, qui tire sur ses bandages. Nako, qui essaie de l'en empêcher. Ansgar, assise sur une chaise, bien droite malgré toutes ses blessures que je devine rien qu'avec les soins.
Et Sachiko. Recroquevillée dans un fauteuil.
De la poussière plein les mains.
...
Rien que ça, ça aurait dû me faire avoir un très, très mauvais pressentiment. Mais alors, voir l'Artiste arriver avec une trousse pleine d'outils dont je refuse de savoir à quoi ils servent, et un large sourire cruel sur le visage, si ça ne m'avait pas mis la puce à l'oreille sur quelque chose de grave...
Je ne pense pas être si con pour ne pas comprendre ce qu'il se passe.
Et de toute façon, au cas où je n'avais pas deviné, Monokuma semble prêt à nous faire un résumé. Sa trousse à outils prête sur la table.
« Alors. J'imagine que l'un ou l'une d'entre vous se doute de pourquoi je suis là, mais je ne suis pas méchant au point de ne pas faire un topo aux autres, alors... »
Il marque une pause, théâtrale, le temps de sortir de sa trousse un des étranges outils. Pointu, métallique, on dirait presque celui dont il s'est servi sur moi.
« Quelqu'un a eu la très, très mauvaise idée, il finit par dire, son sourire cruel toujours bien accroché aux lèvres, de détruire une de mes statues préférées. Et vous savez que je n'aime pas beaucoup qu'on porte atteinte à mes œuvres d'Art... et que cela mérite une punition à la hauteur du crime.
— Tu parles qu'il n'est pas content, grommelle Sachiko juste assez fort pour n'être entendue que de moi. Il a mis tellement de détails sur le cul de Veikko qu'il doit être déçu de ne pas pouvoir le mater. »
... heureusement pour elle que l'Artiste est tout à son petit numéro. Mais au cas où je n'avais pas compris, elle vient de m'apporter la dernière pierre pour ma théorie, et j'ai bien peur qu'elle se révèle douloureusement exacte.
Donc, elle n'y a pas tenu, finalement. Elle a détruit les Amants. Et autant je suis bien content de ne plus voir cette répugnante sculpture quelque part... Autant c'est clair que là, l'Artiste le laissera pas passer.
Et c'est pour ça qu'on est là.
Parce qu'il va nous punir.
Visiblement, les autres sont arrivés à la même conclusion que moi. Seo-jun est posté devant Ansgar, poings serrés, fixant Monokuma avec terreur de derrière son œil au beurre noir à peine estompé. Et Moanaura s'est mise à trembler, convulsivement, les doigts serrés sur ses bandages et les yeux pleins de larmes alors que Nako lui masse doucement le dos.
Même Sachiko ne semble plus si certaine de ses actes.
Honnêtement, le contraire m'aurait étonné.
L'Artiste n'a pas cessé de sourire.
« Alors, les enfants. Lequel d'entre vous a démoli ma belle statue ? »
Silence.
Personne ne se dénonce.
Personne ne dit le moindre mot.
Et Monokuma continue de sourire.
Il fait le tour d'entre nous, caresse les cheveux de Moanaura, l'épaule de Seo-jun, sans même les regarder alors que les deux se crispent. Jette un œil gourmand à Ansgar, qui ne le lâche pas du regard.
« Toujours personne ? Si ça continue, je vais devoir tous vous châtier... »
Ansgar se crispe.
Sachiko aussi.
Elle ouvre la bouche, la referme, une fois, deux fois.
Avant de prendre une profonde inspiration.
« c'est...
— C'est moi, Monokuma, la coupe une voix dans son élan. C'est moi qui ai démoli ta putain de statue. Qu'est-ce que tu attends, allez, punis-moi. »
Le silence revient.
Tout le monde s'est tourné, d'un même bloc, vers Emerens.
Qui est debout, les bras croisés, tournés vers Monokuma.
Il ne tremble même pas.
Monokuma, d'ailleurs, a un large sourire ravi.
« Tiens donc. La poupée blonde a décidé de s'acheter une conscience ?
— Disons plutôt que de voir la sale tronche de Lajunen me donnait envie de gerber, gronde Emerens d'un ton méprisant. Franchement, Monokuma, y'a de meilleurs sujets pour tes statues.
— Oh, je ne crois pas, non. Mais ça ne m'étonne pas de toi, philistin sans aucune sensibilité... »
... Alors ça, c'est fort de balancer ça au Romancier Ultime. Vraiment, vraiment très, très fort. Romancier Ultime qui a l'air de bien accuser le coup d'ailleurs, vu sa grimace. Néanmoins, il ne bouge pas d'un pouce, même alors que Sachiko le fixe, les yeux écarquillés.
« Sensibilité mon cul, je suis sûr que j'en ai plus que toi, il crache, méprisant. Allez, fais ton truc, qu'on en finisse, je sais que t'en meurs d'envie. »
... Moi, pas. Qu'est-ce qu'il lui prend ? Lui comme moi savons très bien qu'il n'est pas le coupable ! Et puis il doit se douter que c'est Sachiko, c'est la seule qui reste à avoir assez de force pour démolir une foutue statue, bon sang... Alors, pourquoi il fait ça ? Pourquoi, bordel de merde ?!?
Sauf que Monokuma est beaucoup moins pressé que ce que je pensais. Moi qui étais certain qu'il allait se jeter sur l'occasion, au contraire, il prend tout son temps pour sortir un de ses outils du démon de sa foutue trousse.
Le sang disparaît de mon visage à chaque seconde qui passe.
« Hmmm, non. Vois-tu, je trouve qu'il n'y a pas grand intérêt à punir les masochistes... »
Emerens grimace immédiatement. Il s'avance, visiblement prêt à frapper Monokuma, mais ce dernier l'arrête d'un geste de la main. Celle qui porte son outil.
« ... Et tu sais très bien comment ça se passe, pas vrai mon mignon ? Tu sais très bien quelle est la punition. »
Il s'avance.
Son sourire lui déchire le visage.
Il continue. Passe devant Emerens comme s'il n'était qu'une pauvre chose insignifiante.
Avant de s'arrêter.
Juste devant Ansgar.
L'Ultime Dictateurice ne le lâche pas des yeux.
Et le rire de l'Ultime Artiste brise le silence.
« Tu sais très bien, il dit d'un ton doucereux, que c'est au meneur d'assumer la responsabilité du groupe. »
Chacun de ses mots se détache dans un silence de mort.
Ansgar continue de le fixer. Avant de pousser un profond soupir et de commencer à retirer ses bandages.
Je retiens de justesse un hurlement.
Qu'est-ce que ça veut dire ?!?
« Fous lui la paix ! Hurle Seo-jun. Iel est pas responsable de tout le monde et tu le sais foutrement bien !
— T'as rien de mieux à faire que d'emmerder les gens qui n'ont rien fait ?!? renchérit une Moanaura au bord des larmes. Comme, je sais pas, reconstruire ta foutue statue !!! »
Sachiko bondit sur ses pieds, les yeux écarquillés. Elle a un couteau en main. Son couteau, celui qu'elle a levé contre Emerens. Mais ni elle ni lui n'ont le temps d'intervenir. Parce qu'Ansgar a levé une main, une main désormais vide de bandages. Et qu'iel nous fixe avec une profonde lassitude.
« Ca suffit. Il vaut mieux ça que vous souffriez tous, n'est-ce pas ?
— On peut pas... On peut pas laisser faire ça, Ansgar, gémit Nako alors que l'Artiste souriant s'empare de son bras dénudé. Tu peux pas prendre le coup à chaque fois qu'on fait un truc un peu borderline, c'est vraiment pas juste !
— Dégage de là, Monokuma, hurle Sachiko hors d'elle. Ou je te jure que tu vas le regretter ! »
Monokuma a un léger rire. Avant de se tourner vers elle, les doigts serrés sur le bras de l'Ultime Dictateurice, qui en ce moment même n'a plus rien d'une despote.
« Dans ce cas, tue-moi, Sachiko Kimura. Essaye. Et vis dans les conséquences de ton acte, joue ta vie et celles des gens que tu aimes sur une roue de la fortune ! »
Sachiko s'étrangle. Suivie par Emerens, blanc comme neige, Seo-jun, qui a l'air de se faire violence pour ne pas se jeter sur Monokuma, et Nako, qui pleure carrément dans les bras d'une Moanaura blême de rage et de frayeur.
Ils sont tous intervenus, d'une manière où d'une autre.
Comme si ils savaient très bien ce qui allait arriver.
Comme si ils étaient parfaitement conscients des conséquences.
Comme si ce n'était pas la première fois qu'Ansgar tendait le bras pour se faire battre.
...
Ils le savent très bien, pas vrai ?
D'où viennent les horribles cicatrices de son bras. Celles qui forment des motifs terrifiants dans leur étrange beauté, les arabesques, les scènes gravées à la pointe du burin sur la peau pâle de celuel qui avait promis de ne plus nous exposer au moindre danger.
Et moi, je ne savais pas.
Moi, je les vois pour la première fois alors que l'Artiste ramène la pointe plus près de la chair d'Ansgar.
Et tout ce que ça m'inspire, c'est une profonde envie de vomir.
« ... C'est comme ça tout le temps ? à chaque fois qu'on fait un truc mal, c'est... C'est Ansgar qui prend ? »
Sachiko fait la grimace. C'est l'Artiste qui me répond, avec un large sourire qui pour ce qu'il s'apprête à faire, est beaucoup trop content.
« Eh oui, mon grand. Ça s'appelle punir le leader pour les erreurs de ses ouailles. Tu es sans doute assez familier avec ce processus judiciaire bien particulier ? »
J'ai envie de hurler.
J'ai envie de pleurer.
Mais tout ce que j'arrive à faire, tout ce que mon corps me permet, c'est regarder, figé comme une statue, la pointe de l'outil creuser la chair et le bras d'Ansgar se crisper.
Son visage ne montre pas la moindre trace d'émotion alors que l'Artiste Ultime est en train de la charcuter.
Que se dessine sur les rares portions de son bras épargnées une scène bien trop semblable à la statue que Sachiko vient de détruire.
Je ne sais pas quel genre d'horreur nous attend, dans le dernier Chapitre de cette tuerie infernale.
Mais aujourd'hui, au milieu de ces gens que j'ai appris à aimer, je comprends la teneur de mon impuissance.
De ma destinée.
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