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Chapitre 5 (4) : End game

J'ai eu beaucoup de mal à m'endormir, cette nuit-là.

Ce n'est pas uniquement à cause du froid, ou à cause des lumières trop basses. Du stress, ou des perspectives bien noires. De la douleur de mon bras, toujours présente, lancinante.

C'est simplement que j'ai eu une très mauvaise surprise lorsque Sachiko et Emerens m'ont guidé jusqu'aux chambres qui nous ont été attribuées pour ce cercle.

Très mauvaise surprise de type j'ai failli avoir une crise d'angoisse.

Parce qu'on a pas eu beaucoup de choix. Pour accéder aux chambres, il nous a fallu traverser la dernière lubie de Monokuma. Le premier truc, selon Sachiko et Emerens, qu'il s'est empressé d'installer dans cet espace vide.

Une salle ronde, carrelée de noir et blanc. Immense. Menant à plusieurs ailes, sept, plus exactement, les seules pièces du cercle à être construite sur des murs transparents. Menant chacune à un assortiment de seize tribunes bien trop élégamment réparties pour son contenu.

Et au centre de la pièce, non loin de la porte des chambres, un podium de cinq plateaux. Dont quatre sont remplis.

Le Musée du Sommet de son Art. Déplacé exprès de la salle de procès pour nous couper la route, nous obliger à passer devant à chaque fois que l'on veut rejoindre les chambres, ou quitter les chambres. La poupée d'Aldéric, qui nous fixe bouche grande ouverte. Le crâne de Ruben et ses orbites vides accusatrices. La statue de cendres d'Ade et son regard désespéré.

Et le dernier ajout à la collection.

Un cœur de calcaire figé, où je peux encore discerner les impacts de balle.

Un cœur qui m'arrache le mien parce que je sais très bien à qui il appartient.

À qui il appartenait.

Alors oui, j'ai très mal dormi cette nuit-là, pour ma première nuit de retour dans le groupe des Ultimes. Et ce n'est pas seulement à cause de l'inconfort physique. C'est aussi, et surtout, parce que même les bras d'Emerens autour de moi n'ont pu, cette fois, empêcher la progression des cauchemars.

Et je les revois, encore et encore. Je vois Sparrow affalée sur ce carton, le dos grand ouvert et les poumons à côté d'elle. Je vois Aldéric et son œil suppliant alors que Monokuma recousait son image avec sa peau écorchée. Je vois Flor et ses yeux écarquillés, la pointe de l'épée dépassant de son ventre. Je vois Ruben qui me lance un dernier regard alors que le collier meurtrier se referme autour de sa trachée.

Je vois Ester parcourue de veines noires, étalée au sol les dents serrées. Je vois Houshang au pied des escaliers, étalé comme une poupée de chiffon abandonnée. Je vois Ade figée dans son dernier cri, le regard vrillé sur moi.

Je vois Alannah dont la tête roule au sol loin de son corps désarticulé.

Je vois la main d'Ibrahim retomber.

Même réveillé, je les vois encore. Je crois que je ne cesserai jamais de les voir.

Emerens est allongé à côté de moi. Ses yeux n'ont plus la moindre lueur. Pas même l'arrogance habituelle, celle que je détestais tant au début. Ou cette petite étincelle qui brille quand il me regarde.

Il tend la main vers moi. Doucement. Ses doigts effleurent ma joue.

« Cauchemar ? »

Je soupire.

« Ouais. J'y échapperai pas, pas vrai ? »

C'est une question rhétorique. Je ne m'attends pas à avoir une réponse. Du reste, je l'ai, la réponse. Mais Emerens se contente de secouer la tête, doucement. Ses doigts se collent à ma joue.

« Tout ce qu'on peut faire, c'est éviter que d'autres se rajoutent.

— Tu penses que c'est possible ?

— C'est bientôt fini.

— Bientôt. Pas encore. Qui ne verra pas la fin ? »

Emerens pousse un profond soupir. Fatigué.

« Thibs, mon amour. Je crois que tu ne sais pas compter. »

Je hausse un sourcil. Mais Emerens est de nouveau silencieux. Il se contente de me caresser encore un peu la joue avant de se relever et d'aller à notre armoire.

Je suis obligé de faire de même dans le silence le plus absolu.

Sortir du couloir qui regroupe nos chambres est un peu plus compliqué que ce à quoi je m'attendais. Emerens ne me quitte pas d'une semelle, évidemment, une ombre muette, sa main serrée dans la mienne. Mais ni lui ni moi n'allons bien loin. Et ce n'est pas seulement à cause de la présence de Nako, amaigrie, dans le couloir. De la gaze ensanglantée plein les mains et les lèvres pincées.

Emerens se stoppe en la voyant.

Je me contente de soupirer.

« Salut, Nako.

— Salut.

— Tu faisais quoi avec ça ? »

Elle grimace.

« Je changeais les bandages d'Ansgar et de Moanaura. Je pense qu'il va bien falloir que quelqu'un s'y colle, même si je ne suis pas médecin. »

Ses dents se serrent. Sans doute pense-t-elle, comme moi, qu'Ester aurait sans doute été bien plus efficace qu'elle pour s'occuper de blessures.

Emerens pousse un profond soupir.

« C'est vrai. Il va bien falloir que quelqu'un le fasse. Ça va devenir notre quotidien, maintenant.

— Fais-moi penser à contrôler tes bleus, d'ailleurs. Et, Thibault... Je vais sans doute devoir m'occuper de ton bras, de temps à autres. Pour que la blessure ne s'infecte pas. »

Je baisse les yeux vers ledit bras. Toujours en écharpe, avec la douleur que j'essaie d'oublier. J'y arrive de mieux en mieux, d'ailleurs. Sans doute parce qu'Emerens m'a aidé à m'habiller, ce matin, et que la caresse de ses doigts m'a fait oublier quelques instants que j'avais mal.

Est-ce que la blessure pourrait s'infecter et me tuer ? Qui serait responsable, dans ce cas ? Et est-ce que ça suffirait pour que les autres puissent passer au cercle suivant, et enfin s'en tirer vivants ?

Peut-être qu'il faudrait que je m'arrache ce bandage maintenant. Et les sutures. Et ce qu'il me reste de peau et de lymphe.

Une main se pose sur mon épaule. Mon ombre, toujours aussi silencieuse, qui déplace doucement ses doigts sur ma blessure. Il me regarde en silence, mais le message est plus clair que s'il avait parlé.

Ne fais pas ça.

...

Il y aura bien un moment où tu ne pourras plus m'en empêcher.

Mais pas maintenant. Maintenant, Nako se contente de me regarder avec compassion. Avant de jeter les bandages dans une poubelle non loin et poser une main sur mon bras en écharpe. Ses mains sont pleines de sang.

« On ferait mieux d'y aller, si vous voulez sortir des chambres. Ni Ansgar ni Moanaura ne sauront le faire, aujourd'hui, je crois, et j'ai envie d'un peu de compagnie. »

Emerens plisse les yeux.

« Je ne sais pas si on sera de très bonne compagnie, Nako.

— Ce n'est pas grave. Je préfère avoir quelqu'un à mes côtés, même silencieux et triste, que de devoir faire la cuisine toute seule dans ce maudit endroit, entourée par des fantômes de toute part. »

C'est un argument qui se vaut.

Je suis donc Nako vers le bout du couloir en silence, Emerens toujours collé à mon flanc et sa main dans la mienne, alors que notre guide nous emmène vers le Musée du Sommet de son Art sans dire le moindre mot de plus. Avant de marquer un temps d'arrêt devant la porte.

« ... Vous savez, j'aimerais autant qu'on s'attarde un peu. Si ça ne vous dérange pas. »

Je grimace. Ce n'est vraiment pas quelque chose que j'aurais imaginé entendre de Nako.

« Pourquoi ?

— Ces artefacts, comme les appelle Monokuma. Ce sont, d'une certaine manière... Les reliques de sacrifiés. Je ne veux pas faire comme lui et les élever au rang de saintetés... Mais je pense qu'ils méritent... Qu'on leur rende respect, un peu. Pour que leur mémoire ne soit pas bafouée plus longtemps dans ce musée. »

Elle a les doigts serrés sur la porte, et son regard est plus vide que jamais. Pourtant, elle ne tremble pas. Elle ne veut pas non plus faire semblant que rien ne s'est passé, que rien n'est là.

Les reliques de sept Tueries avant la nôtre. De l'Enfer aux Abysses. Et on a devant nous une salle remplie d'objets leur ayant appartenu.

« Sans moi, soupire Emerens. Sans offense, Nako. Mais vraiment, moins je vois ça mieux je me porte. Et tu te doutes que je dois faire attention à ma santé mentale, bien plus que vous. »

Nako hoche doucement la tête.

« Je sais, Emerens. Ne t'en fais pas. C'était une requête un peu égoïste, sans doute.

— C'est pas grave, Nako, j'interviens. Je peux rester, moi. »

Elle pince les lèvres.

« Tu es sûr ? Je ne veux pas t'imposer quoi que ce soit...

— On a déjà vu ces horreurs au musée, dans la rue aux mille secrets. Aux procès. Et puis, visiblement, on est condamnés à passer devant à chaque fois qu'on veut sortir du couloir des chambres, alors à moins de s'affamer, on y échappera pas. Autant que je m'y habitue maintenant, non ? »

Nako soupire.

« C'est toi qui vois, Thibault. Je ne t'oblige à rien. »

Je jette un coup d'œil à Emerens. Ce dernier a les traits tirés. Il ne m'adresse qu'un regard lorsque je soupire, finalement.

« Je te retrouve tout à l'heure.

— Ne t'en fais pas pour moi. J'ai vu pire. »

Mes yeux se plantent dans les siens.

« J'espère vraiment pas. »

Nako ouvre la porte.

Et nous y voilà, au cœur du musée des horreurs et de ses insoutenables reliques d'un passé, un passé qui est désormais notre présent.

Comme il l'avait dit, Emerens ne s'attarde pas. Il me lâche la main et se contente de se diriger, d'un pas vif, vers la porte de sortie opposée du musée. C'est tout juste s'il s'arrête, le temps d'une seconde, devant une vitrine plus grande que les autres, ou une veste ensanglantée trône devant une cible percée d'une flèche.

Inutile de me demander à qui elle appartient devant son regard hanté.

Emerens disparu, Nako pousse un profond soupir. Avant de se diriger vers une des salles, celle qui porte au-dessus du mur de verre le nom de Vacances du Désespoir.

Alors c'est ça, je me dis en franchissant à mon tour la porte, ce qu'ont vécu les seize participants à celle qui est souvent considérée comme la deuxième Tuerie du début. La Tuerie où a participé la femme de Kagari Goto, Neia Hirristel, si elle porte encore ce nom aujourd'hui.

La Tuerie où elle a été protagoniste.

Les lieux sont conçus pour rappeler des îlots. Je ne sais pas trop pour quel objectif, sans doute l'emplacement de la Tuerie était conçu comme ça. Neia n'en parle pas trop, de ce que je sais. Je pense que Wen Xiang nourrit bien assez la psychose du public. Sans vouloir vexer ni l'une, ni l'autre.

Nako est postée devant l'une des vitrines, ou un choker de cuir noir délicatement gravé de boucles et de motifs est posé négligemment autour d'un porte-collier. Il est usé, visiblement a été beaucoup porté, et en regardant de plus près, j'ai l'impression d'y voir des paillettes de rouille brune.

Je décide de ne pas regarder de trop près.

« Aloïs Sakai, soupire Nako. Sans doute un des Ultimes les plus connus, vu à quel point il a été controversé. Ultime Strip-Teaser, c'est rare, dans l'école.

— Mouais enfin, de ce que je sais, c'est pas le seul, je grommelle. Y'a pas un Ultime Acteur Porno ?

— Si. Mais Aloïs a été le premier. Et puisque tu parles de l'Ultime Acteur X... Je connais un peu Alexis, et je peux te dire que pour lui, Aloïs, c'était une inspiration. Et pas que pour lui, d'ailleurs. Il était souvent décrit comme quelqu'un de... profondément bon, malgré sa quantité de flirt. Quelqu'un dont on se voit sans mal tomber amoureux.

— Dont on se voyait.

— Sans doute. »

Elle soupire.

« Je ne sais pas ce qu'il est devenu, même si j'imagine que toi, vu à quel point tu as étudié les Tueries, si. Mais d'une certaine manière, quand on se sort de là, on est plus jamais le même. Regarde Wen Xiang. Elle n'est plus qu'un fantôme, un annonciateur de mauvaises nouvelles. Et elle le sait, elle en joue. Elle joue de cette image parce que c'est sa manière de se protéger. »

Quelques pas lui suffisent pour s'éloigner de la vitrine du choker. Doucement, elle passe ses doigts sur quelques autres de plus. Une queue de chat enroulée autour d'un présentoir. Un cache-œil rose usé par le temps et les malheurs. Des gants recouverts de sang. Une balle de pistolet qui semble prête à être tirée.

On continue de faire le tour du Musée comme ça. De temps en temps, un artefact attire mon attention, parce que je sais d'où il vient. L'un d'entre eux, une tablette usée, me semble prête à me répéter son dernier message, brisant le silence du musée. Un autre, un robot à l'effigie de Monokuma, me sourit comme s'il était celle lui ordonnant de maintenir une victime.

Nako fait le tour des vitrines sans bouger. De temps à autres, elle marmonne une prière dans le vent que personne ne reprend.

Je finis par me sentir un peu curieux. D'où viennent ces prières ? C'est du japonais, mais aucune correspondance avec des trucs que je connais, et surtout pas les chrétiennes.

« Eh, Nako, je lance. C'est quoi, ces prières ? »

Cette dernière a un sourire faible.

« Je suis accessionniste depuis que je suis petite. J'imagine que tu en as entendu parler, un peu ? Avec Taichi Okumura, l'Ultime Prêtre. »

Elle jette un œil à une autre tribune. Un couteau posé sur une sorte de tunique y trône, le sang semblant encore en goutter.

Un moment, je crois voir une silhouette s'emparer de ce couteau, prêt à me l'enfoncer au fond de la gorge, fendant mes vertèbres.

Je pousse un profond soupir.

« Ouais, un peu. Vite fait. Nouvelle religion, reconnue comme telle que très récemment, popularisée par Okumura au moment de son admission à Hope's Peak ?

— En effet. Je lui dois ma liberté de culte, en plus de la manière dont ma vie s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui. Mais je ne me suis pas convertie pendant les démarches de Taichi. J'étais déjà croyante bien avant.

— Y'a un truc en particulier qui a fait que ? »

Nako hausse les épaules.

« Je pense que c'est le fait que je me sais lesbienne depuis toute petite. Et qu'il n'y a qu'une seule croyance qui m'a vraiment donné le sentiment de m'accepter telle que j'étais, de reconnaître mon existence. »

Elle soupire.

« La vie des personnes comme nous au Japon n'était pas facile avant ça, tu sais. J'ai eu la chance de grandir dans une famille acceptante, mais sortir de mon cocon avec l'étiquette de lesbienne était très compliqué. Pour le travail, pour tous ceux qui nous prenaient encore pour des erreurs de la nature, ou ceux qui nous voyaient comme leur fantasme. Lorsque j'avais besoin de repos de tout ça, j'allais me réfugier dans le lieu de culte accessionniste le plus proche, et je priais à ma reconnaissance.

— ... Entre le fait qu'Hope's Peak est apparemment réputée pour être un nid à queers et Taichi, ça a dû pas mal aider.

— D'une certaine manière, mes prières ont été entendues, oui. J'ai pu m'assumer sans danger, me sentir protégée. J'ai rencontré Willy, et c'était sans doute le plus beau moment de ma vie. J'ai pu développer mon talent sans heurts. Mais le revers de la médaille...

— C'est que t'as atterri ici.

— Oui. »

Un sourire assez tremblant se dessine sur son visage alors qu'elle m'entraîne vers la porte en douceur.

« On en devrait pas trop s'attarder. C'est bien, de rendre hommage aux morts, mais Emerens n'est pas le seul dont la santé mentale est en danger.

— ... T'en as parlé au procès, je grimace alors que la porte de l'infâme musée se referme derrière nous. Emerens va si mal que ça ? »

Nako soupire.

« ... Je pense que tu l'as bien vu. Emerens est bourré de très mauvais mécanismes de protection, et il a dû te parler de toutes ses addictions. Nous, ses camarades, on en a été témoin, à Hope's Peak, de ses innombrables excès. Quand on cherche à creuser la surface, on comprend vite qu'il ne va pas bien.

— ... Je pensais pas que ça durait depuis avant la Tuerie. »

Nouveau soupir de la part de Nako.

« Thibault, j'ai vu la croix sur ton poignet gauche. De plus, je sors avec Willelmien van Heel, qui a passé un an à Saint-Cyr. Je pense que tu sais aussi bien que moi quel traumatisme peut entraîner cette école.

— Ouais enfin... Je m'en suis relevé, moi. »

Elle se tourne vers moi. Son regard est inquisiteur.

« Je ne crois pas, non. Et ça se voit. »

Elle fait quelques pas vers moi, alors que je me retrouve immobile, figé par la surprise. C'est à peine si j'arrive à avancer vers elle, ou la suivre du regard alors qu'elle tend les mains vers mon poignet qui dépasse de mon bras en écharpe.

Son doigt effleure, doucement, le rebord du gant.

« On ne se relève pas d'avoir été brisé comme un adulte quand on est un enfant. »

Je serre les dents.

« Sans offense, Nako, mais tu ne sais rien de Saint-Cyr. »

Elle relève les yeux vers moi.

« Je ne l'ai pas vécu, non. Mais je l'ai vu. Dans les yeux d'Emerens quand il est au bord de la nausée rien qu'à rentrer dans une classe. Dans les tremblements de Willy quand on évoque devant elle ses années collèges. Dans cette croix sur ton poignet, et le fait qu'aucun de vous trois n'aient vraiment voulu mentionner une seule fois ce traumatisme, même alors qu'on a vécu dans une réplique pendant près d'un mois. »

Ses doigts se referment sur mon poignet alors qu'elle me sourit, doucement.

« Tu sais, Thibault, tu ne peux pas prétendre tout le temps que tout va bien. »

...

Est-ce que je prétends vraiment que tout va bien ?

J'aimerais bien dire que c'est faux. Mais la vérité, c'est qu'à bien y réfléchir, je crois que Nako n'a pas tort. Le seul avec qui j'ai vraiment parlé, c'est Emerens. Les autres... Je n'ai jamais prononcé le moindre mot un peu sensible. J'ai toujours fait comme si.

Parce que c'était la seule solution.

Pour ne pas que les gens souffrent. Par ma faute.

Il faut toujours tout enfouir, parce que sinon les gens sont distraits. Il ne faut rien dire, parce que sinon les gens crient. Il faut cacher à quel point on souffre peu importe les conséquences. Pour le bien des autres.

N'est-ce pas ce que ce putain de collège pourri a cherché à m'enseigner ?

Le sourire de Nako se fait plus triste.

« On peut parler d'autre chose, si tu veux. Par exemple... Tu savais que j'avais réussi à récupérer mon ordi portable ? Il y a tous mes gros projets dedans, si ça t'intéresse... »

Je me jette bien volontiers sur l'opportunité.

« ... Ouais. Tu fais du jeu vidéo depuis longtemps ? »

Elle pouffe.

« Pas mal, oui. Depuis que j'ai dix ans, je dirais. Je suis une passionnée de code, et de jeux, alors quand je joue, j'avais tendance à faire du reverse-engineering. Et puis, des fois, j'essayais de recoder mes jeux préférés, mais en mieux. Tu sais, refaire un nouveau Pokémon, essayer de concevoir un tactical RPG, ce genre de chose ?

— Moi quand j'étais gosse, je résolvais des équations différentielles, je pouffe, toi et moi on est pas pareils, ma grande. »

Nako rigole.

« C'est ça, étale ton génie, on est tous très impressionnés. Mais blague à part, ça m'a mené à prendre plein de cours à ce sujet. Beaucoup d'aide de l'Accession, d'ailleurs, elle sourit, parce que tu sais, les femmes et le code... Mais au bout d'un moment, j'ai commencé à concevoir mes propres trucs. Et puis, j'ai proposé des concepts à des développeurs indés, j'ai commencé à corriger des trucs sur des forums pour ces mêmes développeurs indés... Et j'ai fini par me faire ma petite notoriété dans le monde des petits studios.

— Le grand pouvoir du génie, je rigole, un peu aigre. Et donc, découverte du game design, j'en conclus ?

— On va dire ça comme ça. D'une certaine manière, à force de prendre des commissions, je suis devenue pro en étant au collège. J'ai commencé à choisir mes projets, prendre du galon, tout ça. Me développer un style, aussi.

— Genre ?

— Je fais des jeux à histoire, surtout, pouffe Nako devant mon intérêt soudain. D'une certaine manière, je suis aussi beaucoup scénariste. Des RPG, des visual novel, des roguelite, du moment qu'il y a une trame et qu'elle est facilement suivable et captivante... Je te montrerai peut-être plus tard mon dernier projet, elle sourit. Et si on sort... Je pourrai peut-être même te faire jouer à des jeux en avant-première, t'en dis quoi ? »

Je ne peux m'empêcher de rire.

« Génial. J'ai toujours voulu être bêta-testeur.

— J'arrive pas à savoir si tu es ironique, mais tant pis, réplique Nako sur le même ton. Et puis, je suis sûre que le commentaire de l'Ultime Théoricien pourrait être utile. Tu t'y connais, en outils scénaristiques, pas vrai ? »

Alors là je suis soufflé.

... Pour une putain de fois.

Qu'on ne mentionne pas mon talent.

Pour ma courbe de croissance.

Je crois que c'est... Rafraichissant. D'entendre Nako s'intéresser à d'autres domaines que celui qui m'a valu mon titre. Ce qui m'a vraiment fait faire de la théorie, en fin de compte.

... Nan, vraiment, ça fait du bien.

Nako ne peut s'empêcher de rire devant mon air estomaqué.

« Eh bien alors ? Un souci, mon pauvre Thibault ? On ne pense pas être à la hauteur de mes petites œuvres personnelles ?

— ... C'est pas ça, je finis par marmonner au bout de quelques secondes. Juste, bah... ça fait du bien qu'on reconnaisse mon talent, un peu. La partie que j'aime, du moins. »

Elle sourit un peu plus.

« Sans vouloir nous trouver des excuses, dans une Tuerie, on se concentre plus facilement sur ce qui a un lien, bonhomme... Et c'est très dommage autant pour toi que pour nous. Mais qui sait, une fois que tout ça sera terminé...

— Sauf qu'on sait très bien comment ça va se finir, Nako. »

Je ne voulais pas être aussi cassant. Mais c'est sorti tout seul.

Je n'y arrive plus.

Je ne peux plus ignorer l'évidence qui me tend les bras.

Nako, dont le sourire a disparu, se contente de hausser les épaules.

« Oui, je sais. Bien sûr. Mais je... Je suis fatiguée. Fatiguée de douter, de m'énerver, d'espérer pour rien, de placer ma foi en quelque chose qui disparaît bien trop vite. Je crois que, même s'il ne me reste que très peu de temps à vivre... »

Elle marque une pause. Place une main toute douce sur mon épaule blessée.

« Je veux juste faire ce qui me rend heureuse. Pour, au moins, vivre mes derniers instants dans le bonheur. Tu comprends ce que je veux dire ? »

D'une certaine manière, ouais.

Mais d'un autre côté, plusieurs choses nous en empêchent. Moi, comme elle.

Les lieux où nous nous trouvons en ce moment.

Et la possibilité de plus en plus lourde que ce soient effectivement nos derniers instants.


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