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Chapitre 4 (26) : Soldier, poet, lover

Non.

Non, non, non, non, non.

Je devrais être heureux.

Je devrais être heureux de savoir enfin qui c'est. De savoir enfin qui a tué Alannah. Qui a mis fin à toutes nos chances de sortie rapide.

Je devrais être heureux d'envoyer... D'envoyer ce connard à l'échafaud.

Alors pourquoi...

Pourquoi j'ai aussi mal ?!?

Ce n'est pas possible, il y a forcément quelque chose. Forcément quelque chose... Quelque chose qui cloche. Ça ne peut pas être si facile, ça ne peut pas... Se finir comme ça...

Mais quel choix j'ai, de toute façon ?

Si ce n'est pas lui, c'est l'autre. C'est l'autre qui l'a tuée. Et lui non plus, je ne veux pas l'accuser.

Je ne veux accuser personne.

Putain, je ne veux accuser personne.

Je veux juste me rouler en boule dans un coin et pleurer jusqu'à en crever. Jusqu'à oublier que j'existe, oublier qu'Alannah est morte, que je sais qui l'a tuée, et que je vais voir cette personne disparaître devant moi, sous les coups de Monokuma qui me regarde avec délectation, qui se repaît de mon expression torturée, de toute ma souffrance.

...

Pourquoi...

Il faut que je me taise.

Si je me tais, rien ne se passera.

Si je me tais, ils ne comprendront pas.

Si je me tais, on restera dans ce procès jusqu'à la fin des temps, et je ne le verrai pas... Je ne le verrai pas mourir comme Alannah est morte.

... Je veux juste...

... Me...

... Taire...

« Eh les gars. Il y a un truc que je viens de remarquer. »

C'est Moanaura. C'est Moanaura qui vient de parler ; Son visage est blême. Elle a compris. Elle a compris ? Et elle, elle ne se tait pas, elle, elle va parler, elle va... Elle va...

Elle va le condamner...

...

Pourquoi ?

Ansgar se tourne vers elle, appuyée sur sa canne. Ses yeux se plissent devant la pâleur des joues de la Capitaine.

« Quelque chose ? Comme quoi ?

— Ben, euh... On est d'accord qu'Alannah était sur les épaules du meurtrier ? Qu'elle a pas pu... Être portée jusqu'aux pales ?

— Difficile à envisager, répond Ansgar, surtout s'il s'agit bien de maintenance. Porter à bout de bras quelqu'un est plus fatiguant que sur ses épaules. »

Moanaura déglutit.

« Dans ce cas... Je crois qu'il n'y a qu'une seule possibilité. »

... Elle sait.

Elle sait, et elle va le dire.

Je ne peux pas l'en empêcher.

Pourquoi je le ferais ? Il a tué Alannah. Il a tué Alannah. Il a tué Alannah.

Et il va mourir.

C'est terminé.

« Quand on calcule les hauteurs... Quand on calcule les hauteurs, énonce une Moanaura hésitante, on se rend compte qu'il faut... Une certaine taille combinée, pour que le cou d'Alannah arrive à l'hélicoptère. Même s'il a été... Coupé plutôt haut... »

Elle serre les dents. Regarde Ibrahim. Puis Emerens.

Le témoin et le meurtrier.

Et je sais dans quel ordre.

« Le souci... C'est qu'Emerens est beaucoup plus petit qu'Ibrahim, elle reprend, la voix tremblante. Et même s'il est grand... Il l'est pas assez... Le seul qui aurait pu accomplir ça, dont les tailles correspondent... »

Elle se tourne vers le concerné. Sur son visage, seulement de la souffrance. De l'incompréhension.

« C'est toi, pas vrai ? Ibrahim ? »

...

Voilà.

C'est dit.

Moanaura est arrivée à la même conclusion que moi. Et ensemble, nous regardons le coupable du meurtre debout devant sa tribune, raide comme un piquer, les dents serrées et les yeux baissés.

Ibrahim ne dit rien.

Il se contente de fermer les yeux. Doucement.

Et Emerens, de son côté, baisse la tête. Sans même me regarder.

Je déglutis.

Est-ce que c'est déjà la fin du procès ?

« ... C'est pas possible, murmure Nako d'une voix blanche. Pas toi. Pas toi, Ibrahim. Pitié, dis quelque chose, défends-toi... »

Toujours rien.

C'est à peine si la statue de pierre qu'est devenue Ibrahim Nassaoui, Ultime Soldat, ne frémit d'un doigt. Il est devant sa tribune, immobile, yeux fermés, tellement innocent et en même temps tellement coupable dans son silence et dans son immobilité.

C'est pas possible.

Pas comme ça.

Pas comme ça.

Défends-toi, Ibrahim, merde. Je sais pas, dis quelque chose. Dis quelque chose, que je puisse être furieux contre toi. Dis quelque chose, que je puisse t'accuser sans remords.

Ne reste pas là immobile sans rien dire.

Pitié.

Pitié...

« On est vraiment sûrs.... On est vraiment sûrs, je demande d'une voix tremblante, qu'il n'y a pas d'autre possibilité ? Que personne aurait pu... Porter Alannah suivant sa volonté assez haut avant de la décapiter ? »

Je veux juste... Même si ça implique... D'accuser Emerens...

Une preuve...

Juste une preuve...

Que ce procès n'est pas terminé.

Ibrahim relève la tête. Me regarde. Dans ses yeux, il n'y a que de la pitié.

Ne me regarde pas comme ça.

Ne me regarde pas comme ça, s'il te plaît.

« Peut-être, soupire Ansgar. Même si ce n'est pas vraiment la possibilité la plus probable. Comme on l'a dit tout à l'heure, c'est beaucoup plus compliqué de porter quelqu'un à bout de bras pendant une longue période de temps, et si Alannah aura voulu demander de l'aide, ce n'est pas l'option qu'elle choisirait. »

Je déglutis.

« Mais ça reste... Une possibilité...

— Je crois qu'il n'y a plus de possibilité qui tienne. »

C'est Sachiko. Dont la voix vient de claquer dans toute la salle de procès.

Elle ne sourit plus.

Même pas quand ses mains se portent à son sac, et que je la vois plonger le bras dedans. Avant d'en sortir quelque chose de mou et sombre et de le jeter au sol, alors qu'un bruit mouillé résonne sur le marbre du plancher.

« Ah, berk, lance Monokuma depuis sa tribune. Tu aurais pu t'abstenir de ramener du sang de victime plein la salle de procès, Kimura ! »

Mais personne ne l'écoute.

Parce que tout le monde, moi compris, a les yeux fixés sur ce que Sachiko vient de jeter au sol. À savoir, des vêtements pleins de sang, une veste kaki et un pantalon de treillis.

Des vêtements bien trop grands pour être ceux d'Emerens.

Des vêtements bien trop recouverts de sang pour être autre chose que ceux du meurtrier.

« Voilà, soupire Sachiko. Je crois que ça met fin au débat. Si Ibrahim était vraiment le témoin, il aurait clairement pas été autant aspergé. Vu qu'il aurait juste étranglé van Heel, moi je verrais des traces aux genoux et éventuellement aux mains, mais là... Là, on a l'impression qu'il a pris une douche de sang. »

Tout le monde regarde les vêtements.

Tout le monde regarde Ibrahim.

Ibrahim qui a toujours les yeux baissés, toujours cette immobilité de statue de pierre. De statue de cendres, même.

Ansgar, les yeux fixés sur les vêtements, pince les lèvres.

« Quand est-ce que tu es allée récupérer ça, Sachiko ? »

Elle soupire.

« Pendant que Thibault compilait les interrogatoires. J'avais un doute, du coup je suis retournée fouiller les alentours de l'entrepôt. J'ai trouvé ça dans un buisson. Sans beaucoup d'efforts pour le dissimuler, je précise.

— ... Et tu ne m'as rien dit ? »

Sachiko pince les lèvres devant ma question. Elle me regarde, trembler à ma tribune, les larmes aux yeux, devant un tas de vêtements ensanglantés, devant une preuve irréfutable, bien trop irréfutable, une preuve bien pire qu'une simple parole, une preuve bien trop accusatrice pour être contrée par quoi que ce soit, dirigée sur quoi que ce soit d'autre.

Elle ferme les yeux à son tour.

« Tu sais, Titi, il n'y a pas que van Heel qui savait très bien que tu ne le croirais pas. »

Emerens détourne les yeux.

Sachiko soupire.

Son sourire a disparu depuis bien longtemps. Au profit d'une expression attristée. Une expression d'une femme qui n'avait elle-même aucune envie de mettre fin à ce procès.

Et moi, je retiens mes larmes.

« ... C'est pas possible...

— Je suis vraiment désolé que ça se finisse comme ça, Thibault, lance une voix douce, trop douce de l'autre côté de la tribune. Mais c'est la vérité. »

Je relève les yeux. Regarde Ibrahim. Ibrahim qui vient de parler, Ibrahim qui ne me fixe qu'avec rien d'autre qu'un sourire triste, un sourire désolé. Ibrahim qui me regarde avec tant d'amour et de tristesse dans les yeux qu'un moment, j'ai juste envie de me jeter dans ses bras et de pleurer.

Ibrahim qui vient de m'avouer qu'il avait tué Alannah.

Comme ça.

Juste comme ça.

Et comme elle l'avait prédit... Comme Sachiko l'avait prédit, je n'arrive même pas à m'énerver.

Je ne peux que tendre la main devant moi. Une main tremblante.

Une main qui n'atteindra jamais Ibrahim.

« Pourquoi tu... Ne l'as pas dit plus tôt ? Lance Nako d'une voix tremblante. Pourquoi ne pas avoir juste... Avoué ? »

Ibrahim baisse la tête.

Son visage est grave.

« Monokuma n'aime pas les aveux. »

Cinq mots.

Cinq mots qui font exploser absolument tout ce qu'il me reste de cœur.

Monokuma n'aime pas les aveux.

Combien de fois j'ai pu voir passer cette phrase. Me demandant pourquoi, de toute façon, un meurtrier avouerait son crime, quelles qu'aient été ses raisons pour tuer, ou son désir de mourir.

Je ne pensais pas qu'elle allait s'appliquer à moi aujourd'hui.

Et pourtant, je suis face à quelqu'un qui dans ces derniers instants, ses instants de meurtrier, alors qu'il le voulait, n'a pas pu avouer.

« .... Pourquoi ? »

Ma question est dite sur un ton trop bas, un murmure, presque, un murmure entrecoupé de larmes. Qui traverse malgré tout la salle de procès en un écho tel que je vois les autres se crisper. Baisser les yeux dans une marque d'horrible douleur.

De quelle douleur il s'agit, au juste ?

Il pousse un profond soupir.

« Je pense que tu as déjà une petite idée, et rien de ce que je vais dire ne rendra mon acte moins abject. Mais si tu y tiens... Si tu y tiens, je vais t'expliquer. »

Il ferme les yeux. Un moment, je le vois recourbé devant moi, recouvert de sang comme s'il portait les vêtements du crime. Les yeux brillant de douleur, le sourire toujours là. Et puis, l'impression se dissipe.

Le meurtrier d'Alannah a disparu. Il n'y a plus qu'Ibrahim, l'homme que j'aime, devant moi.

« Tu le sais. Je voulais être sûr qu'il n'y avait aucun danger à sortir à neuf, sans savoir si parmi nous ne se cachait pas l'organisateur. J'ai insisté pour mener mon enquête, et je l'ai continuée, longtemps. Et tu as vu de mes notes que mes découvertes n'ont vraiment pas joué en ma faveur. »

Ses doigts se serrent sur sa tribune, doucement. Il regarde le sol, le sol ou ses vêtements ensanglantés, la preuve de son crime, répandent le sang d'Alannah sur le marbre de la salle de procès.

Ses notes. Ses notes d'enquête qu'il m'a transmises lui-même, qu'il a insisté pour que je les lise, pour que je les garde.

« J'ai découvert... Que l'organisateur disposait d'une énorme puissance de feu, il soupire, sans expression. Qu'il était forcément sur place, sa gestion des imprévus le prouvait. Que même s'il était caché ailleurs que parmi nous, sortir, en mettant fin à la Tuerie, le libèrerait. À partir de là, j'en ai déduit que cette personne... Était un danger. Un danger que rien n'empêchait de recommencer, ou même, puisque les Monokuma suivent un certain code d'honneur... De commettre des dégâts encore plus lourds dans le monde, voire dans la Fédération, si on l'avait accueilli. »

Nouveau profond soupir. Il jette un coup d'œil à Ansgar, qui le regarde fixement, le regard inquisiteur. Elle ne semble même pas l'accuser. Juste attendre la suite de son raisonnement.

Juste attendre... La suite de son histoire.

Le regard d'Ibrahim quitte Ansgar. Revient sur les vêtements. Puis, sur moi.

C'est le seul meurtrier, je remarque, qui me regarde.

Je ne sais pas quelle espèce d'ironie me fait penser ça.

Mais l'ironie fait mal.

« J'ai essayé de me dire... Qu'Ansgar pouvait très bien le détecter, il continue. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il pouvait quand même commettre de lourds dégâts en attendant. Ou qu'un traître, comme celui qui a permis aux Monokuma d'obtenir une vidéo de Teodora Kasjasdottir, pouvait empêcher l'investigation d'avoir lieu, lui laissant le champ libre pour faire beaucoup, beaucoup plus de mal aux gens que simplement à nous, dans un huis clos. »

Il sourit. De plus en plus tristement.

« Et j'avais beau faire, cette pensée a fini par me dévorer tout entier. »

... Et il a cédé, n'est-ce pas ?

Cédé au vide qui l'accueillait, qui nous accueille tous, nous pauvres génies, juste parce qu'il se disait que notre sortie ne risquait que de provoquer plus de mal dans le monde.

Il a cédé au Désespoir... Parce qu'il voulait nous protéger.

Protéger des gens.

Protéger un pays.

Un avenir.

Et le pire dans tout ça, c'est que même au milieu de son désespoir, même au milieu du vide, de la douleur qui doit le ronger, il est encore capable de nous regarder avec regret. Il est encore capable de nous regarder avec amour.

« J'ai tout essayé, il continue, toujours de cette voix triste qui me transperce le cœur à chaque mot qu'il prononce. J'ai essayé de vous convaincre de ralentir. De vous obliger à ralentir. Le temps que je puisse avoir une piste, quelque chose, n'importe quoi. Mais je ne trouvais rien. Et vous ne vouliez pas. Alannah, particulièrement, refusait de m'écouter. Alors, j'ai changé de méthode. Le vandalisme de l'hélico, il soupire, c'était moi. »

Ansgar grimace. Iel le regarde fixer ses vêtements avec des yeux de plus en plus vides.

« Sauf que comme vous le savez, je suis dégoûté de la violence. Je n'ai même pas réussi à donner... Plus de trois coups dans la carlingue avant de devoir me précipiter dehors pour vomir. En désespoir de cause, j'ai mis une clé à molette dans le moteur, dans l'espoir qu'Alannah le lance et qu'elle provoque des dégâts irréparables, des dégâts qui l'obligeraient à repartir du début. Sans succès. »

Je n'arrive même plus à faire quoi que ce soit d'autre que l'écouter. L'écouter, le fixer expliquer ses raisons, expliquer son crime alors qu'il n'y est même pas encore arrivé. Dans ma tête, les mots d'un Soldat assis sur une chaise résonnent, résonnent alors que son regard triste me fixe, moi, derrière un ordinateur, les traits tordus par la concentration, la concentration pour ne pas être en colère.

Quelques mots d'un homme à l'interrogatoire qui ne cachait même pas son désir de protection.

Bien sûr que je voulais sortir. Mais j'avais peur. Peur de la situation dans laquelle nous allions nous retrouver, dehors. Il y a encore trop d'inconnues... Et ça me terrifie, pour toi, pour vous, pour tous les gens de l'extérieur.

...

Pourquoi je n'ai rien vu ?

Pourquoi ?

Il a détruit l'hélico, ou du moins essayé. C'est lui qui a tenté, le plus, de nous convaincre de ralentir la construction, d'essayer de résoudre les mystères de notre Tuerie d'abord. Même après les vidéos... Alors qu'Emerens, lui, avait laissé tomber toute forme de prudence... Il continuait.

Et il continue. Maintenant. De parler. D'expliquer. D'expliquer pourquoi.

« Je n'arrivais à rien, il soupire. Et dans ma tête, une solution de plus en plus évidente se dessinait. Je ne pouvais même pas me suicider. Le pilotage automatique d'Alannah aurait rendu cet acte inutile, juste de la souffrance supplémentaire. Et pourtant, ô combien j'aurai préféré. »

L'entendre prononcer ce mot me donne encore plus envie de vomir. Il a fait bien pire, d'une certaine manière, pourtant, l'imaginer au sol, le cœur transpercé, ou empoisonné, mort, dénué de toute vie me déchire le cœur.

Même alors que j'ai devant moi le meurtrier d'Alannah, je ne peux pas me résoudre à le voir mort.

Meurtrier qui prend une profonde inspiration, et je sais ce qu'il s'apprête à confesser.

« Alors, au bout du compte, je m'y suis résolu. J'ai profité d'un moment ou Nako était partie pour tenter de convaincre Alannah, une dernière fois, de ne pas nous faire partir de suite. Mais elle ne voulait rien entendre. Alors... J'imagine que je me suis mis à guetter le bon moment. Qui est arrivé au moment où elle m'a demandé de la porter, pour voir comment les pales tournaient. »

Je me bouche les oreilles. Je ne veux pas l'écouter. Je ne veux pas l'écouter. Je ne veux pas l'écouter.

Je ne veux pas l'entendre me dire ce qu'il va me dire. Je ne veux pas qu'il le dise. Je ne veux pas. Je ne veux pas. Je ne veux pas.

Mais malgré tous mes efforts...

Malgré tous mes efforts, rien ne bloque les mots qui arrivent.

« J'ai avancé. D'un pas. Puis deux. Et elle est retombée morte dans mon dos. »

Les joues d'Ibrahim se tordent. Sous l'effet d'un profond dégoût.

Dégout de lui-même.

« Je l'ai tuée. Comme ça. »

Et voilà.

C'est comme ça que tout se termine.

C'est comme ça que j'ai perdu la femme que j'aimais, et que je vais perdre l'homme que j'aime. Parce qu'il l'a tuée pour tenter de nous protéger. Parce qu'il est tombé dans le Désespoir par peur pour nous. Par peur pour le monde.

Et que même maintenant, alors que j'aurais tellement aimé haïr quelqu'un qui refusait de voir le mal dans son crime... Il ne cache même pas le dégout que son acte lui inspire.

Il se déteste bien assez pour que je ne puisse pas le faire à sa place.

« ... Et Emerens dans tout ça ? Demande Nako d'une toute petite voix. Comment est-ce que... Comment est-ce que vous en êtes arrivés là ? »

Emerens pousse un profond soupir.

« J'avais peur. Très peur. Alors j'ai passé... Les trois derniers jours à chercher l'entrepôt d'Alannah, loin de la petite stalkeuse qui me collait aux basques. Je l'ai trouvé au bout de ces trois jours. Malheureusement, je l'ai trouvé... quelques secondes trop tard. »

Quelques secondes trop tard.

Il a vu le meurtre.

Il a vu le meurtre, et maintenant que le meurtrier se dénonce, il parle enfin, d'une voix toujours rauque, mais calme. La première fois qu'il enchaîne plus de trois mots depuis le début de ce procès, et c'est pour raconter comment il est tombé sur le meurtre.

Quelques secondes trop tard.

Ibrahim serre les dents.

« Il est arrivé. A peu près au moment où je faisais mon dernier pas. Il a tenté d'avertir Alannah, une seconde trop tard. Il a tout vu. Tout. »

Je le vois serrer les poings sur sa tribune. Sous le regard de tout le monde, il lève les yeux vers Emerens, Emerens qui n'a pas cessé de fixer le sol. Emerens qui relève les yeux à son tour, pour les plonger, vides, dans ceux d'Ibrahim, Désespérés.

« J'ai eu... Un moment d'égarement, soupire ce dernier. Je ne saurai expliquer comment mais... Quelque chose dans ce qu'il a dit m'a mis terriblement en colère. J'en suis arrivé à penser qu'au point où j'en étais... »

Il grimace.

« Je pouvais bien le tuer aussi. Comme une machine. »

Comme un soldat.

Comme un meurtrier.

Comme quelqu'un qui prononce ces mots avec une telle haine de lui-même que je ne sais même plus comment le prendre.

« Ce moment d'égarement n'a pas duré longtemps, il reprend. Juste assez pour que je lui fasse de sérieux dégâts à la gorge. Et puis, ma conscience m'a rattrapé, et je... Je l'ai laissé là. Je ne sais même pas pourquoi. Et je ne sais même pas pourquoi... Il ne m'a pas dénoncé dès qu'il en avait eu l'occasion. »

Emerens ferme les yeux.

« Je crois que j'avais bien assez à faire avec la certitude que j'avais encore échoué à empêcher quelque chose. »

Encore.

C'est vrai.

... Dans combien de meurtres Emerens s'est-il retrouvé, d'une manière ou d'une autre, impliqué ?

Trois ?

Trois de trop, sans doute, pour lui. Car il atteint sa limite, devant moi, alors qu'il évite soigneusement mon regard, les yeux vides et les doigts serrés sur sa tribune. Du sang plein les mains et des regrets plein les traits.

Ansgar, de son côté, se penche en avant, appuyée sur sa canne. Iel a les traits tirés. Iel aussi arrive à sa limite.

« ... Et donc, tu as tué Alannah. Pour nous empêcher de sortir. Pour empêcher l'organisateur de sortir. Et tu vas mourir pour... Pour ça ?

— Il n'y avait pas... Il n'y avait pas, renchérit Nako, en larmes, d'autres solutions ? D'autres solutions que de tuer cette enfant, une personne que tu appréciais en plus énormément ? »

Ibrahim pousse un profond soupir.

« Il y en avait. Peut-être. Des solutions auxquelles je n'avais pas pensé. Des solutions plus utiles, moins douloureuses, moins répugnantes, mais... »

Je le vois fermer les yeux. Une unique larme perle au coin de sa paupière.

« Il faut croire que je suis resté un tueur. Un tueur qui jusqu'à la fin de sa vie, réfléchira en tueur. »

... Qui jusqu'à la fin de sa vie...

Désormais si proche...

Si proche, alors que Monokuma se redresse sur sa tribune avec un grand sourire.

« Bon ! La séquence émotion est terminée, je peux sauter les votes vu l'aveu de notre cher ami qui n'aura au final pas résisté si longtemps que ça... On va pouvoir passer à l'exécution ? »

... L'exécution ?

Maintenant ?

... Maintenant ?

Non, non, pas maintenant, ce n'est pas possible, ce n'est pas possible, pas maintenant, pas maintenant, pas maintenant, pas...

Ibrahim a un léger sourire. Il se tourne vers Monokuma, le dos droit, dos à nous, dos à nous sept, les survivants. Il n'y a pas la moindre peur sur ses traits.

« Je suis prêt. Je te suis, Monokuma. »

... Non.

Non, pas maintenant, pas maintenant, pas encore, pas encore, non, non, non, je ne peux pas, je ne... Je...

Je ne peux pas m'empêcher...

De pleurer...

Même Monokuma... Même Monokuma est surpris par cette phrase, dite d'un ton si confiant. Mais la confiance disparaît vite. Il se contente d'ouvrir une trappe dans les profondeurs de la salle, avant de sauter au bas de sa tribune, de faire signe à Ibrahim.

« Dans ce cas, très cher, c'est par ici l'aller simple.

— Merci, Monokuma. »

Et il dit ça si sincèrement... Si sincèrement... Du ton de celui qui est vraiment heureux... D'aller face à sa propre mort.

Il se dirige vers la trappe, à pas lents, décidés. Avant de se tourner vers nous. Et de nous adresser un dernier sourire.

« Eh, ne soyez pas trop tristes. Je n'ai que ce que je mérite, n'est-ce pas ? Quand je serai mort, ça sera terminé. Vous pourrez avancer sans moi. Vous êtes presque au bout, vous savez ? Pas besoin de faire sortir quelqu'un capable de tuer de sang-froid.

— ... Ibrahim, lance Ansgar. Tout le monde ici n'a jamais eu que du respect pour toi. Ça ne changera pas, même avec ton Désespoir. »

Il sourit encore plus tristement.

« Vous ne devriez pas. »

Il fait un pas vers la trappe.

Se tourne vers moi.

Il est au bord, maintenant.

Et moi, je m'avance vers lui, comme si je traversais un rêve. Ou un cauchemar. À pas lents, les larmes aux yeux, la main tendue. Tendue vers un homme que je n'atteindrai plus jamais.

« Thibault, il sourit, je suis désolé de partir comme ça. Et plus encore après avoir tué Alannah. Tu n'es pas obligé de me pardonner. Ou de me trouver des raisons. Mais si je veux que tu fasses quelque chose... C'est essayer de survivre. Tu peux faire ça pour moi ? »

Je ne sais même pas si j'arrive à répondre. De quelque manière que ce soit. Mais il doit voir quelque chose dans mon regard, quelque chose de particulier, quelque chose qui attriste encore les traits de son visage.

Il sourit.

Je vois le coin de son œil briller.

Mais il ne pleure toujours pas.

« Bonne chance à toi. »

Il saute dans la trappe.

Et moi, je bondis en avant.

Avec l'énergie du Désespoir.

Avec un seul cri résonnant dans ma tête.

Je bondis en avant.

Et à mon tour, je tombe.

Un claquement retentit derrière moi.

Et puis, le noir.

(Alors. Premièrement, TW peloton d'exécution et mort en direct. ensuite, je vous conseille de mettre la petite musique que je vous file, elle est... Assez importante :D)

Je cligne des yeux.

J'ai atterri où ?

C'est mou, c'est chaud, c'est...

C'est un matelas, sans doute placé là pour accueillir les exécutés. Ce qui signifie que je ne me suis rien cassé, malgré une chute d'au moins dix mètres. Bon à savoir. Bon à savoir. Et avec moi, il devrait y avoir...

Je bondis sur mes pieds d'un seul coup.

Je suis tout seul.

Ibrahim a disparu.

Non, il est au loin, là-bas. Je le vois avancer, guidé par une procession de soldats sans visage. Les gens qui, je les reconnais dans un flash, avaient exécuté Aldéric sous les yeux de l'Artiste. Ces mêmes gens qui entourent désormais Ibrahim, le guident vers sa propre destinée funeste.

Personne ne le retient. Pourquoi ils le feraient ? Il avance, librement, vers le fond du couloir qui se dessine. Aucun lien ne l'entrave. Il va à sa mort avec le sourire. Comme à toute chose qu'il a commise.

Et moi, je cours.

Je cours, je cours, dans les couloirs. Quelques-uns de ces étranges gens me retiennent, m'empêchent d'avancer. Leur peau est froide, fantomatique, mais je m'en fous, je m'en fous, je veux juste qu'ils s'écartent, qu'ils s'écartent, qu'ils me laissent passer. Qu'ils me laissent rejoindre Ibrahim, là-devant, juste pour quelques instants.

Juste pour quelques instants...

Il continue d'avancer, jusqu'à une sorte de clairière souterraine. Un poteau y est dressé, unique, face à un mur ou s'alignent des fusils.

Je n'ai pas besoin d'être un Soldat pour comprendre.

Je n'ai pas besoin d'être un Soldat pour courir.

Cours, Thibault, cours.

Cours...

Le groupe arrive devant la clairière. Ibrahim se place devant, souriant, et tend les mains en arrière. Quelqu'un les lui lie, quelqu'un lui fait passer un bandeau autour des yeux. Les autres se dirigent vers le peloton. Prennent en mains leurs armes. Les chargent. Les lèvent.

J'atteins enfin la clairière. Quelques secondes trop tard.

Les fusils se pointent sur Ibrahim. Tous d'un même mouvement.

Je hurle.

On ne m'entend pas.

A la place, résonne dans la clairière cet ordre que je ne voulais surtout pas entendre, cet ordre qui me donne envie de m'arracher les yeux. Pour ne pas voir ce qui va se passer.

« Armez, en joue... »

... Feu.

Les balles qui sifflent.

Les bruits du vent.

L'impact.

Le sang qui coule.

De sa jambe, de son bras, une à son flanc, qui saignent doucement, pourtant, il est toujours debout, pourtant il est toujours souriant, les yeux derrière le bandeau que je ne peux qu'imaginer figés, alors que des bulles de sang se forment à ses lèvres, pourtant, il est toujours vivant.

Il est toujours vivant...

...

Cours, Thibault, cours.

Je bondis en avant. Je bondis en avant alors qu'ils tentent de recharger leurs fusils. Cette fois, personne ne m'arrête. Personne ne m'écarte. Ils se contentent de braquer leurs canons sur Ibrahim, comme une armée fantôme.

Une armée fantôme prête à gagner un nouveau membre.

De nouveau, j'entends l'ordre, sur une voix robotique.

Je ne l'écoute pas.

Je suis derrière le poteau, je m'acharne sur les nœuds, aux ongles, aux doigts, aux dents, tout ce que je peux, tout ce que je peux, pitié, arrêtez-vous, ne me le prenez pas, ne me le prenez pas, pas lui aussi. Il ne peut pas fuir comme ça.

Il ne peut pas m'abandonner comme ça.

Le nœud se desserre sous mes doigts.

J'entends un bruit de gâchette.

Et puis

Feu.

Et puis

La douleur.

Et puis

Mon bras qui me brûle.

Et puis

Le hurlement qui m'échappe.

Le cri d'Ibrahim, presque surpris, surpris de m'entendre. Surpris de sentir mes doigts s'affairer autour de la blessure. Alors que je sens un liquide chaud me couler le long du bras, alors que la douleur est insupportable, je continue.

De nouveau, l'ordre.

De nouveau, le feu.

De nouveau, les impacts.

Cette fois, enfin, la corde qui glisse entre mes doigts.










Et l'impact du corps d'Ibrahim par terre.












Je suis à son côté. Mon sang coule par terre, imbibe la terre, se mêle au sien, à celui de ses innombrables blessures, partout, sur les jambes, la tête, le torse, les bras. Mais il respire encore. Il respire encore. Des bulles de sang se forment au coin de sa bouche. Sa bouche qui sourit toujours.

Une balle a emporté son bandeau. Il a glissé de ses yeux, en même temps que la vie s'en échappe. Ses yeux qui ne voient plus rien, qui se perdent petit à petit dans le noir. Mais qui se tournent quand même vers moi, alors que je palpe ses blessures, son cœur, sa tête, en panique, la douleur m'empêchant de réfléchir.

Mais si j'avais pu réfléchir, qu'aurais-je fait, de toute façon ?

Ses yeux se plissent légèrement.

« Thibault... »

Ne parle pas. Ne parle pas, par pitié. Conserve tes forces. Juste pour quelques instants. Juste pour quelques instants. Ça va aller. Ça va aller. On va s'en tirer. On va s'en tirer...

Il sourit légèrement. Sa main se porte à ma joue, sa main pleine de son sang.

« Tu es là...

— Oui. Oui, je suis là. »

Je suis là. Alors accroche-toi. Accroche-toi juste encore un peu. Juste un tout petit peu...

Sa main se resserre sur ma joue.

Il sourit. Encore un peu plus. Je vois des larmes de plus en plus nombreuses perler à ses paupières, pourtant, il sourit toujours.

« Je n'aurais jamais pensé... Mourir avec quelqu'un. »

Tais-toi. Tais-toi.

S'il te plaît.

J'agrippe sa main comme si j'étais son dernier rempart à la vie, comme si je pouvais insuffler l'existence qu'il me reste en lui, guérir ses blessures et les prendre à sa place. Tout pour moi, rien pour Ibrahim. Je me fous pas mal de ce qu'il s'est passé. Alannah est morte. Ibrahim va mourir.

Et moi, je veux arrêter de souffrir comme ça.

Je veux juste

Que tout s'arrête.

Ibrahim sourit encore un peu. Dans ses yeux brille une dernière lueur pleine d'amour.

Sa bouche s'entrouvre.

Murmure quelques mots.

Il rit.

Les larmes s'échappent.

Sa tête retombe en arrière.

Sa main glisse de ma joue.

Et ses yeux s'éteignent.

Il n'y a plus que moi.

Moi et l'écho de ses dernières paroles.

« Vis bien. »














« Je t'aime. »

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